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Moréas

Jean Moréas, de son vrai nom Papadiamantopoulos , est un écrivain français (descendant d'un des héros de Missolonghi), né à Athènes le 15 avril 1856. Il vint en France à seize ans, en 1872, mais n'y séjourna pas et voyagea en Italie, en Allemagne et en Grèce; il ne se fixa définitivement à Paris qu'en 1877. II vécut d'abord assez isolé, commençant ses études de droit et fréquentant peu les écrivains; ce n'est qu'en 1882 qu'on le trouve mêlé au mouvement de la jeune littérature dont il devait à plusieurs reprises préciser les aspirations : il fut un des premiers qui connurent Verlaine à son retour d'Angleterre et vécut dans une étroite intimité littéraire avec Goudeau, Ch. Morice, Barrès, Taillade, qui devaient bientôt constituer le groupe des symbolistes.

Les premiers vers de Moréas parurent dans des revues de jeunes : Lutèce, la Revue Indépendante (la première Revue Indépendante, publiée par Chevrier, sous la direction de Félix Fénéon), la Revue Contemporaine (de Remâcle). En 1884, il publia son premier volume les Syrtes. C'est à leur occasion que l'on commença à désigner l'école poétique que Moréas avait groupée sous le nom de « symboliste ». Paul Bourde publia dans le Temps du 6 août 1885 le premier article étudié qui s'en soit occupé; Moréas lui répondit dans le XIXe Siècle du 11 août 1888. On appelait généralement alors les jeunes poètes nouveaux du nom de « décadents », qui avait fait fortune à la suite d'une parodie ironique de Gabriel Vaucaire et Henri Beauclair : « les Déliquescences, par Adoré Floupette, poète décadent (Byzance, 1885, Léon Vané, éd.) »; il s'était même fondé un journal, le Décadent, rédigé par Anatole Baju. Mais l'école décadente ne fut qu'une plaisanterie faite au public et aux critiques par les jeunes lettrés de cette période; l'école qui correspond au mouvement littéraire de cette époque est l'école symboliste, que Moréas et ses amis inventèrent de toutes pièces : ils fondèrent un journal, le Symboliste, qui n'eut d'ailleurs que quatre numéros. Le symbolisme fut fondé après l'apparition des Cantilènes (1886), le second volume de Moréas, qui publia dans le Figaro, le 18 septembre 1886, le manifeste de l'école. Anatole France l'examina avec une ironie courtoise dans le Temps du 26 septembre 1886, et Moréas lui répondit dans le Figaro du 27 septembre.

Moréas et ses amis se proposaient de rejeter les règles de la vieille prosodie, se débarrassant de la césure, repoussant l'alternance systématique des rimes féminines et des rimes masculines, se permettant l'hiatus, rimant richement quand il leur plaisait, et d'autres fois se contentant de la simple assonance; ils faisaient des vers plus longs que l'alexandrin, laissant le syntaxe s'y jouer librement. 

Quant à l'esprit même du symbolisme, le mot même est assez clair, et les vers des deux maîtres de la poésie qu'on a appelée décadente (Paul Verlaine), et de la poésie symboliste (Stéphane Mallarmé), en présentent des modèles achevés. En 1886, Moréas publia deux livres en prose en collaboration avec Paul Adam : le Thé chez Miranda et les Demoiselles Goubert; quelques contes en prose parurent ensuite dans la seconde Revue Indépendante (dirigée par Dujardin). Cependant les lettrés prenaient goût peu à peu aux vers de Moréas et, quand il publia en 1890 son Pèlerin passionné, celui-ci obtint un grand succès et fut suivi d'une véritable manifestation littéraire. Deux articles très sympathiques d'Anatole France dans le Temps, et de Maurice Barrès dans le Figaro, furent suivis de l'organisation d'un banquet (février 1891), auquel assistèrent les doyens de la poésie française entourés de toute la jeunesse lettrée, offert à Jean Moréas comme chef de l'école symboliste. Banville, qui devait présider, se trouvait déjà trop malade pour y assister et fut remplacé par Stéphane Mallarmé.

Cependant ce triomphe de l'école symboliste fut suivi d'un rapide déclin, Moréas ayant conçu déjà l'idée d'une autre école poétique, fondée sur le principe de la tradition gréco-latine. Anatole France a défini son idéal en disant que, « nourri de nos vieux romans de chevalerie, il semble ne vouloir connaître les dieux de la Grèce antique que sous les formes affinées qu'ils prirent sur les bords de la Seine et de la Loire, au temps où brillait la Pléiade ». 

L'école nouvelle fondée par Moréas s'appelle l'école romane : elle comprend les poètes Maurice du Plessys, Raymond de la Tailhède, Ernest Raynaud, Hugues Rebell, Lionel des Rieux et le critique Charles Maurras. Le manifeste parut dans une lettre de Moréas au Figaro (septembre 1894), suivi d'un article peu courtois d'Henry Fouquier, et d'une réponse du poète. En 1892, ce dernier fit paraître une nouvelle édition du Pèlerin passionné, contenant 700 vers nouveaux pour le rendre plus conforme à ses nouvelles idées poétiques. En 1894 parut Eriphile

Dans ses dernières oeuvres, le poète a abandonné la plupart des nouveautés de rythmes et des archaïsmes qui lui avaient été reprochés : l'école romane, dont les membres acceptent la discipline la plus sévère, ne publiant aucun vers sans l'assentiment de leur chef, est devenue classique. (Ph. Berthelot).

Jean Moréas est une figure très intéressante de la renaissance poétique, qui a suivi le déclin du romantisme et du naturalisme; comme on l'a dit, ce poète grammairien possède un goût très sûr;

« il a la faculté d'éliminer tout ce qui est vulgaire, pâteux, dissonant, et d'ordonner des . mots métalliques et colorés, des images brèves et intéressantes, avec la sûreté d'un sauvage assemblant les pierres de ses colliers de danse » (Barrès). 
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