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Michel Bakounine
est un révolutionnaire russe, né en 1814, mort à Berne
le 13 juin 1876 (ou le 1er juillet 1876
selon d'autres sources). Fils d'un riche propriétaire de Torjok (gouvernement
de Tver )
Bakounine fut élevé à l'école des Cadets, à Saint-Pétersbourg; il
fut nommé enseigne dans l'artillerie de la garde impériale, mais il ne
tarda pas à prendre un congé et se rendit à Berlin, où il étudia la
philosophie (1844). Il publia à cette époque
dans les Annales allemandes, sous le pseudonyme de Jules Elysard,
une dissertation philosophique qui fut fort remarquée. Il vint ensuite
à Paris, connut George Sand et Proudhon,
se lia avec les principaux chefs de l'émigration polonaise, se rendit
de là à Zurich, et prit une part très active aux travaux des associations
socialistes. Le gouvernement russe ne tarda
pas à être instruit des agissements de Bakounine, et celui-ci reçut
l'ordre de rentrer immédiatement à Saint-Pétersbourg. Il refusa d'obéir
et ses propriétés furent confisquées.
Bakounine revint alors à Paris et il entra,
comme rédacteur, au journal la Réforme, sous la direction de Flocon.
En 1847, il prononça un discours dans lequel il excitait les patriotes
polonais à , unir leurs efforts à ceux des révolutionnaires russes, pour
se débarrasser du tsar, et émanciper à la fois la Pologne et la Moscovie.
L'effet produit par ce discours fut tel que l'ambassadeur russe, Ã Paris,
réclama l'expulsion de Bakounine du territoire français. Bakounine se
réfugia à Bruxelles. Sen influence est encore demeurée très sensible
à Bruxelles, à Liège, à Verviers, et dans toute la vallée de la Vesdre.
En 1848, une fois la République proclamée,
Bakounine revint à Paris. Eut-il réellement
une mission, sinon officielle, tout au moins officieuse du gouvernement
républicain, pour aller tenter une agitation démocratique en Autriche
et en Allemagne.? N'agit-il au contraire que poussé par l'ardeur de son
tempérament ? On ne le sait pas exactement. Toujours est-il qu'il se rendit
à Prague, à Berlin,
à Dresde, et que des troubles ne tardèrent pas à éclater dans ces villes.
Arrêté à Chemnitz ,
Bakounine fut transféré à Koenigstein, jugé et condamné à mort (1849).
Sa peine fut commuée en celle des travaux forcés à perpétuité. Mais
l'Autriche le réclama. On se hâta de lui livrer; il fut jugé à Prague,
et, de nouveau, condamné à mort. Sa peine fut commuée derechef en celle
de la détention perpétuelle. Mais la Russie le réclama à son tour.
L'Autriche le livra et il fut, une fois encore, condamné à mort.
Il fut enfermé, à Saint-Pétersbourg,
dans la forteresse de Petropavlovsk et y resta huit ans. Alexandre Il commua
sa peine en un exil perpétuel en Sibérie .
Il y arriva en 1857. Il parvint à s'évader, gagna le Japon ,
puis l'Amérique et, en 1861, il arrivait en Angleterre. Il écrivit d'abord
dans le «Kolokol», la Cloche, que rédigeaient Herzen et
Ogarev. En 1863, lors de l'insurrection polonaise, il voulut se rendre
en Lituanie ,
pour soulever les paysans, mais il ne put dépasser Malmö (Suède).
Installé en Suisse, Bakounine prit une
part plus active que jamais au mouvement socialiste. Ses tendances le poussèrent
vers le parti révolutionnaire le plus avancé, et on peut dire qu'il est
le véritable initiateur, le réel fondateur du mouvement et du parti anarchiste.
C'était (1867) la grande époque de propagande de l'Association internationale
des travailleurs. Bakounine y entra, avec l'intention bien arrêtée de
la diriger dans le sens de ses idées communistes libertaires. C'est lui
sans doute le persan - nage dont parle Emile Zola
dans son roman de Germinal, le maître du nihiliste Souvarine, celui
qui voudrait "broyer entre ses mains la civilisation moderne." Membre
de l'association intitulée : Ligue de la paix et de la liberté, dont
il ne devait pas tarder à démissionner, la trouvant trop rétrograde,
il se rendit au congrès convoqué par cette association à Berne, en 1868.
Il n'eut pour lui qu'un peu plus du tiers des délégués (30 délégués
contre 80. Parmi ces 30 se trouvaient MM. Jaclard, Elisée
Reclus, Favelli, etc.).
La minorité se réunit à Genève et y
forma l'Alliance de la Démocratie socialiste. Ce fut aussi à cette époque
que Bakounine organisa la curieuse secte des Frères internationaux, qui,
au nombre de cent, constituèrent une véritable police révolutionnaire
internationale. L'Alliance devint section de l'Internationale, en 1869,
après avoir été repoussée en 1868, par les conseils fédéraux de Paris
et de Bruxelles. Elle se fit représenter au congrès de Bâle (1869).
Voici le passage le plus caractéristique
de la déclarationprogramme de l'Alliance de la Démocratie socialiste
:
" L'Alliance
se déclare athée; elle veut l'abolition entière des classes et l'égalisation
politique, économique et sociale des deux sexes. Elle, veut que la terre,
les instruments de travail, comme tout autre capital, devenant la propriété
de la société collective tout entière, ne puissent être utilisés que
par les travailleurs, c'est-Ã -dire par les associations industrielles
et agricoles. Tous les états politiques, autoritaires, actuellement existant,
devront disparaître devant l'union universelle des associations libres."
Vint l'année 1870 et la guerre franco-allemande.
L'empire tombé, la République faite, Bakounine et ses amis tentèrent
à Lyon un mouvement communiste qui échoua. Après la guerre et la Commune
les querelles reprirent plus vives que jamais, au sein de l'Internationale
et une scission violente se fit, au congrès de la Haye, entre les partisans
de Karl Marx et ceux de Bakounine (29 septembre
1872.) Ce fut l'origine de la Fédération Jurassienne, à laquelle il
faut faire remonter l'initiative du mouvement anarchiste en France. Brisé
par toute une vie de lutte, de propagande, de fatigues, Bakounine se retira
à Lugano en 1873.
Les principaux ouvrages de Bakounine sont
: l'Empire knouto-germanique et lnternatianale; Paroles adressées
aux étudiants russes; les Principes de la Révolution; le Catéchisme
révolutionnaire ; la Théologie politique de Mazzini;
les Lettres à un Français; Dieu et l'État. Ce dernier ouvrage, publié
après la mort du révolutionnaire russe (1882), est: précédé d'une
préface signée de Elisée Reclus et Carlo Cafiero. Ce n'est d'ailleurs
là que la moindre partie de l'oeuvre de Bakounine ; il faudrait chercher
sa pensée entière dans ses nombreuses brochures écrites en français,
en russe, en italien, et plus encore dans les multiples et longues lettres,
véritables rapports qui atteignaient parfois la proportion de volumes,
adressées à ses nombreux correspondants révolutionnaires. (A.
Crié).
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A.Dunois
et R.Berthier, Michel Bakounine, Libertaires, 2007. |
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