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Facteur

Facteur, n. m. - Celui qui fait, qui fabriqué des instruments de musique. C'est sous la forme faiseur que le nom de cette profession apparaît au Moyen âge. Les plus anciennes mentions nominatives de facteurs français remontent à 1292 et 1297 et concernent Henry aux Vièles, faiseur de vièles à Paris, d'une part, et,. d'autre part, Henry l'Escot (l'Écossais), Guillaume d'Amiens et Roger l'Anglais, faiseurs de trompes, rattachés à la corporation parisienne des forcetiers ou fabricants d'objets en fer et en cuivre. A Rouen, les facteurs, sans doute peu nombreux, s'affiliaient à la Confrérie des « joueurs et faiseurs d'instruments de musique », dont les statuts furent confirmés par Charles VII en 1454. 

Après la promulgation de l'édit de 1597, qui obligeait tous les marchands et artisans non encore établis en jurande à payer au Trésor royal « la finance à laquelle ils seroient pour ce taxés », les faiseurs habitant Paris s'organisèrent en corporation et obtinrent de Henri IV des « lettres de création du métier de faiseur d'instruments de musique en maîtrise » (1599); la durée de l'apprentissage était fixée à six ans, après lesquels l'obligation de se faire recevoir maître par deux jurés comportait l'exécution du « chef-d'oeuvre »; nul maître ne pouvait prendre à la fois plus d'un apprenti, ni ouvrir plus d'une boutique; le colportage était interdit; l'importation d'articles étrangers était soumise à la déclaration. 

Ces statuts, à peu près semblables à ceux des autres corporations d'arts et métiers, furent confirmés en 1679. Dans le texte d'un arrêt du Parlement, de 1692, les deux dénominations de facteurs d'orgues et faiseurs de hautbois, flûtes, etc., sont soigneusement séparées. En 1731, un document officiel admet sur le même pied le mot luthier, répandu chez les musiciens depuis le temps de la grande vogue du luth et peu à peu étendu non seulement aux faiseurs d'instruments à cordes, mais aux fabricants de flûtes, etc. 

De nos jours, le vocable faiseur est abandonné; on appelle facteur celui qui s'est spécialisé dans la fabrication des orgues, des pianos, des harpes et des instruments à vent; le mot luthier est réservé aux fabricants d'instruments à cordes à manche, avec ou sans archet

La corporation des « maîtres luthiers, facteurs et faiseurs d'instruments » de Paris subsista jusqu'à l'édit de Versailles (1776), non sans avoir à se défendre contre les corporations rivales des boisseliers, des tabletiers, des peintres, etc., qui arguaient de leurs privilèges pour mettre opposition à l'emploi de certains bois ou métaux et à la décoration des instruments. La fabrication des instruments de cuivre restait réservée aux chaudronniers; il n'appartenait qu'aux orfèvres de faire des trompettes d'argent. La réorganisation des corporations en 44 communautés, qui suivit l'édit de suppression, rangea, sous le seul nom de luthiers, tous les facteurs d'instruments dans la même catégorie que les tabletiers et les éventaillistes. L'abolition et l'interdiction des groupements corporatifs et la liberté des métiers furent proclamées en 1791 par l'Assemblée nationale. A cette époque, le nombre des facteurs exerçant à Paris, avec le titre de maîtres, était de 56, en diminution de plus de moitié sur le chiffre de 120, atteint en 1783. 

A mesure que se développait, au XIXe s., cette branche de l'industrie française, l'isolement de ses représentants et le manque d'entente sur les questions les plus essentielles à sa prospérité firent désirer la reconstitution d'un organisme professionnel qui offrît les avantages du groupement corporatif sans retomber dans la tyrannie méticuleuse et tracassière des anciennes communautés. Une Société des fabricants de pianos fut fondée en 1853 sous la présidence de Camille Pleyel et prit un peu plus tard, le titre de Société syndicale des fabricants de pianos et autres instruments de musique. Après diverses alternatives de scission, création d'un groupement dissident et finalement fusion des deux associations rivales, la Chambre syndicale des instruments de musique s'organisa sous le régime de la loi de 1884. Elle  élit pour président G. Lyon, directeur de la maison Pleyel. A l'époque de l'Exposition universelle de 1900, elle comptait 88 membres. Une Chambre syndicale des pianos et orgues, fondée en 1899 par des facteurs et marchands secondaires, pour soutenir les intérêts du commerce de détail, comptait à la même époque 37 membres. 

L'ancienne organisation corporative, en mettant obstacle, à la création de vastes ateliers, permettait au contraire une certaine extension par groupements familiaux; parmi la multitude des noms de facteurs que mentionnent les documents historiques ou dont, quelques productions subsistent, figurent en effet ceux de pères, fils, frères, ayant exercé simultanément ou successivement la même profession. Cette tradition, conforme aux conditions mêmes d'existence des entreprises industrielles et commerciales, s'est maintenue longtemps en tous pays.

On rappellera-ici les noms des Ruckers, d'Anvers, facteur de clavecins aux XVIe et XVIIe s., et ceux des Cliquot, des Dallery, des Serassi, des Silbermann, des Callinet, des Isnard et des Cavaillé (orgues), des Blanchet, des Érard, des Broadwood, des Pleyel, des Ibach, des Steinway (pianos), des Cousineau, des Naderman (harpes), des Hotteterre, des Lot, des Triebert, des Sax (instruments à vent), etc. (Michel Brenet).

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Dictionnaire Musiques et danses
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