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La civilisation romaine
La gens
Gens est le nom donné à Rome à un groupe social plus étendu que la famille; on l'a rapproché du genos athénien, le nom étant le même. Pour le genos, tel qu'il paraît à l'époque historique, c'était une division politique, une subdivision de la phratrie. 
Chaque phratrie en renfermait trente, et chaque genos comprenait à son tour trente familles (exactement trente pères de famille, andras). Le genos était une association unie par la célébration en commun du culte d'Apollon Patréos et de Zeus Erkeios. Chacun avait son président ou archonte, son trésorier, son prêtre, son autel, son lieu de réunion, ses revenus, sa liste, base de l'état civil. Ce groupement ne se conserva pas homogène; on trouve des gens du même genos dans plusieurs dèmes différents. Le nom du genos est emprunté souvent à un héros ou personnage mythique, patron ou ancêtre supposé; d'autres fois, à une profession; quelques-uns sont encore des noms de clans familiaux. Mais il est contraire aux textes de regarder le genos comme un groupe de parents, une famille élargie. Sur les origines de cette institution, ses rapports avec l'ancienne aristocratie, etc., règne une grande obscurité que d'innombrables dissertations n'ont pas dissipée. Il faut s'en tenir aux faits historiques et constater que c'était à Athènes une division politico-religieuse.

La gens romaine a un caractère tout différent; c'est une famille plus compréhensive que la famille agnatique ou consanguine de l'époque historique. Sa constitution et son origine ont donné lieu à des hypothèses variées; les deux principales sont celle de Niebuhr qui y voit une institution politique semblable au genos d'Athènes, et celle de la plupart des juristes et historiens qui par la suite l'ont regardée comme une famille agnatique élargie, un groupe de familles ayant un ancêtre masculin commun. Ces deux hypothèses sont en désaccord avec les textes. Ceux-ci constatent seulement que la gens comprend plusieurs familles différentes, que ses membres portent un nom qui leur est commun, le nom gentilis (auquel s'ajoute le nom de famille). Ils ne vont pas plus loin dans la définition de la gens et se gardent de parler d'une consanguinité, si vague soit-elle, entre les membres d'une gens. Le texte principal est celui de Cicéron, emprunté par lui au fameux jurisconsulte Scaevola : Gentiles sunt qui eodem, nominé sunt. Non est satis. Quorum majorurn nemo servitulem servivit. Abest etiam nunc. Qui capite non sunt deminuti. La seule définition est la communauté de nom; mais, comme celle-ci s'étendait aux affranchis, on précise qu'ils sont exclus. Enfin on mentionne le cas où, soit par adoption dans une autre famille, soit pour un autre motif, un membre serait sorti de la gens. La supposition la plus vraisemblable est que la gens serait un clan familial, une famille confuse, à l'intérieur de laquelle se serait développée (lorsque prévalut le système patriarcal?) la famille agnatique avec sa parenté masculine exclusive. Les deux coexistèrent quelque temps, d'autant que les institutions religieuses et politiques, vestiges de l'âge antérieur, perpétuaient les gentes au prix même de combinaisons factices; néanmoins celles-ci disparurent peu à peu, et il n'en est plus question après le commencement de l'époque impériale. Le sens du mot se perd et la gens se confond avec la famille, laquelle, admettant maintenant la parenté consanguine, établit un système descriptif de parentés très étendu. 

On est ainsi conduit à faire regarder la gens comme la forme primitive de la famille, une famille confuse non encore fondée sur la consanguinité, ce qui rend bien compte de la procédure de l'adoption. La gens, envisagée collectivement, a les droits et coutumes qui se transmirent ensuite aux familles; elle conserva ses droits, même lorsque fut développée l'agnation, qui la rejeta au second plan. A défaut de testament, d'héritiers directs ou d'agnats, elle hérite de ses membres, sans qu'on sache si la propriété ainsi acquise restait indivise ou était partagée. Les deux cas ont dû se produire successivement. Les membres d'une gens peuvent prendre la tutelle de leurs gentiles, fous ou prodigues, à défaut d'agnats. Ils ont une sépulture commune où chacun peut être enseveli; la gens peut collectivement prendre des résolutions qui lient tous ses membres; elle a ses moeurs ou usages imposés à tous; la gens Manlia, après l'exécution de Marcus Manlius Capitolinus, prohiba l'usage de son prénom de Marcus; la gens Claudia interdit celui de Lucius; la gens Fabia interdit le célibat et l'exposition des enfants. 

Un lien essentiel était la communauté de culte, l'existence de cultes, de cérémonies, de fêtes religieuses communes à tous les membres d'une gens, les sacra gentilicia. Ces cérémonies, ces sacrifices étaient célébrés au lieu de réunion de la gens. Comme pour toute la religion privée, les pontifes en surveillaient l'observance et présidaient à certaines fêtes annuelles. La conservation de ces cultes adressés à certains ancêtres plus ou moins mythiques, à des pénates, à des divinités, était un devoir impérieux pour tous les membres de la gens.

La primitive constitution romaine était fondée sur l'organisation des gentes. Les documents contemporains faisant défaut, les témoignages des auteurs, très postérieurs, doivent comporter des erreurs, des confusions, des interprétations inexactes adaptées à un état social plus récent. Le noyau de l'état romain aurait été un groupe de trois cents gentes, réparties en trois tribus; ceci nous rapproche de l'organisation athénienne; puis auraient été adjointes de nouvelles gentes, qualifiées de minores par opposition aux premières, majores. Il est aussi de temps à autre question de l'admission dans la cité de gentes venues du dehors (Claudia, Papiria, etc.). 

Soit par l'adoption, soit par d'autres combinaisons, il pouvait y avoir des familles plébéiennes dans une gens patricienne ou réciproquement; ainsi, dans la gens Cornelia, les familles patriciennes Scipio, Sylla, les familles plébéiennes Dolabella, Lentulus, Cethegus, Cinna; de même, dans la gens Junia, dans la gens Claudia, etc. On comprenait dans la gens, bien que la définition de Cicéron les mette de côté, toute la clientèle des personnages ou des familles principales, leurs affranchis, etc. C'est ainsi que s'explique, au début du Ve siècle av. J.-C., l'importance numérique de la gens Claudia évaluée à 5000 têtes, de la gens Fabia formant presque une petite cité, etc. On sait que l'usage se perpétua de donner aux clients, aux affranchis, le nom de leur patron. (GE).

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