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Collin d'Harleville

Jean-François Collin d'Harleville est un auteur dramatique français, né à Mévoisins, près de Maintenon (Eure-et-Loir), le 30 mai 1755, mort à Paris le 24 février 1806. On trouve dans ses pièces une versification facile, des sentiments aimables et honnêtes, des détails charmants, mais peu de génie et de force comique. Collin d'Harleville était du caractère le plus aimable; il fut fort lié avec Picard et Andrieux

Il était le huitième enfant de Martin Collin, qui, après avoir été quelque temps avocat au bailliage de Chartres, vivait retiré à Mévoisins, y exploitant ses quelques arpents de terre. Du canton où se trouvait située la propriété paternelle, il prit le nom d'Harleville qu'il ajouta à celui de sa famille. 

Après avoir appris à lire et à écrire à l'école des frères de la doctrine chrétienne de Chartres, il obtint une bourse au collège de Lisieux, grâce à la protection du châtelain de Maintenon, le maréchal de Noailles, et y fit de brillantes études. Il dut ensuite, pour complaire à sa famille, entrer chez un procureur au parlement de Paris. Il y écrivit sa première oeuvre, Infortunes d'un clerc au Parlement.

 « Cette petite folie, dit-il, est à peu près le seul fruit que j'aie retiré de quatre ou cinq ans de cléricature. »
Vers la même époque, il composa l'Inconstant, comédie en un acte et en prose, qu'il destinait à l'Ambigu. En 1778, un soir, il la lut à ses amis. L'un d'eux, Desalles, se chargea de la porter à l'acteur Préville, qui, après en avoir entendu la lecture, fit engager l'auteur à mettre sa comédie en trois actes, puis, à la récrire en vers, en y ajoutant deux actes. L'Inconstant, composé avec soin, fut reçu à la Comédie-Française en 1770; l'auteur devait en attendre six ans la représentation. 
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L'Inconstant

« Inconstant! oh, voilà votre mot ordinaire!
Eh! c'est pour ne pas être inconstant, au contraire, 
Qu'on me voit sur mes pas revenir tout exprès : 
J'aime bien mieux changer auparavant qu'après.
C'est que je fus trompé, c'est qu'il faut souvent l'être, 
C'est qu'il est maint état qu'on ne peut bien connaître,
A moins que par soi-même on ne l'ait exercé 
Ce n'est qu'après l'essai qu'on est désabusé. 
J'aurais pu me trouver dans cette circonstance, 
Sans être pour cela coupable d'inconstance. 
Je goûte d'un état; j'y suis mal et j'en sors; 
Rien de plus naturel. Quoi! Faudrait-il alors
Végéter sans désirs, sans nulle inquiétude 
Et, stupide jouet de la sotte habitude, 
Garder par indolence un état ennuyeux,
N'être heureux qu'à demi quand on peut être mieux? 
Vous mettez à ceci beaucoup trop d'importance. 
M'allez-vous quereller pour un peu d'inconstance? 
A tout le genre humain dites-en donc autant. 
A le bien prendre, enfin, tout homme est inconstant, 
Un peu plus, un peu moins, et j'en sais bien la cause 
C'est que l'esprit humain tient à si peu de chose! 
Un rien le fait tourner d'un et d'autre côté. 
On veut fixer en vain cette mobilité 
Vains efforts! il échappe, il faut qu'il se promène; 
Ce défaut est celui de la nature humaine. 
La constance n'est point la vertu d'un mortel; 
Et, pour être constant, il faut être éternel. 
D'ailleurs, quand on y songe, il serait bien étrange 
Qu'il fût seul immobile : autour de lui tout change
La terre se dépouille, et bientôt reverdit,
La lune tous les mois s'accroît et s'arrondit...
Que dis-je? en moins d'un jour tour à tour on essuie 
Et le froid et le chaud, et le vent et la pluie.
Tout passe, tout finit, tout s'efface; en un mot,
Tout change : changeons donc, puisque c'est notre lot. »
 

(J.-F. Collin d'Harleville, l'Inconstant, acte I, scène X).

Son père, mécontent de le voir sans emploi, lui ayant coupé les vivres, il capitula, sous la condition que ses dettes seraient payées intégralement, et revint à Chartres exercer la profession d'avocat. Cependant, en dépit des promesses faites à ses parents, il venait de temps en temps à Paris pour intéresser Molé à sa pièce. Il la faisait remettre à d'Alembert, qui s'excusait, à Diderot, qui consentait à la lire et en portait ce jugement-

« Une pelure d'oignon brodée de paillettes d'or et d'argent. » 
Molé, qui devait jouer le principal rôle, se montrait médiocrement satisfait. Enfin, grâce à l'appui de Mme Campan, du célèbre orateur Gerbier, de Mme Vestris intervenant auprès du dite de Duras, gentilhomme de la Chambre, l'Inconstant fut joué sur le théâtre de la Cour (mars 1784), puis deux ans plus tard, et de nouveau travaillé et retouché jusqu'au dernier moment, à la Comédie-Francaise (14 janvier 1786). Elle réussit :
« Depuis quarante ans que je fréquente le théâtre, déclarait Palissot, je n'ai pas vu de début d'auteur fait pour donner de plus grandes espérances. » 
Collin d'Harleville, désormais hors d'embarras, encouragé par le succès, se mit immédiatement à écrire une nouvelle pièce. L'Optimiste, comédie en cinq actes et en vers, dont le type lui avait été fourni par son père, représentée le 22 février 1788, établit tout à fait sa réputation. Il donna ensuite : M. de Crac dans son petit castel (1791), amusante peinture du Gascon, et le Vieux Célibataire (1793), qui reste son chef-d'oeuvre. Ces quatre comédies constituent, avec les Châteaux en Espagne, ses meilleurs titres littéraires. 

On a encore de lui, outre un grand nombre de poésies, les pièces suivantes : Malice pour Malice, trois actes en vers (1793); Rose et Picard, ou la Suite de l'Optimiste, un acte en vers (1797); les Moeurs du Jour ou l'Ecole des Jeunes Femmes, cinq actes en vers (1804); la Querelle des deux Frères ou la Famille Bretonne, comédie en trois actes et en vers (1808), dont le manuscrit, vendu par une servante dans un lot de papiers de rebut, fut retrouvé chez un épicier par un ami de l'auteur, l'architecte Godde. C'est par ses soins désintéressés et gâce à ses démarches que la pièce fut représentée à l'Odéon. Un prologue d'Andrieux raconta au public comment et par quel hasard elle avait été découverte et conservée.

Collin d'Harleville, lorsqu'on créa l'Institut national, fut un des premiers membres élus. Il a publié dans les mémoires de ce corps (t. IV), deux notices historiques, l'un sur la Vie et les ouvrages d'Antoine Leblanc, l'autre sur la Vie et les ouvrages de Demoustier, et un Dialogue sur la Comédie.

Les principales éditions de ses oeuvres sont : Théâtre et poésies fugitives de J..-F. Collin-d'Harleville (Paris, 1805, 4 vol. in-8, édit. revue par l'auteur; Paris, 1821, 4 vol. in-18 avec une notice par Ourry; Paris, 1822, 4 vol. in-8, avec une notice d'Andrieux ; Paris, 1828, éd. Delongchamps, avec notice par Doublet de Boisthibault); Chefs-d'oeuvre dramatiques (Paris, 1822, 2 vol. in-8); Théâtre, suivi de pièces fugitives, avec une introduction par Louis Moland (Paris, 1876, in-42); Theâtre, précédé d'une notice biographique par Edouard Thierry, et illustré de 4 gravures coloriées (1881, in-12). (G. Vinot).

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Dictionnaire biographique
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