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Les Hindous vénèrent sous le nom de Lingam ou Linga l'organe générateur de Shiva, troisième déité de la trimourti indienne. Ce symbole revêt un sens allégorique, et rappelle, dans le principe, la force reproductrice de la nature, la source de la génération de tous les êtres vivants. Au reste, ce Lingam offre une analogie incontestable avec le Priape des Romains, Ie Phallus des Egyptiens. - Rangée de lingam, à Pashupatinath (Népal). Le plus souvent même le Lingam offre l'image des organes mâle et femelle réunis ensemble. On raconte de diverses manières l'origine de ce culte. Les uns disent que Shiva ayant un jour enlevé à des brahmanes plusieurs belles femmes avec lesquelles ils vivaient, ces religieux maudirent l'instrument de la passion du dieu, qui en perdit l'usage. Shiva déclara alors qu'il exaucerait les humains qui honoreraient cette image. D'autres disent qu'un jour ce dieu étant renfermé avec Dourga, sa femme, un dévot personnage vint lui rendre visite. Voyant que la porte lui était refusée, il s'emporta en invectives contre Shiva. Celui-ci l'entendit, il lui en fit des reproches. Le saint lui témoigna un grand regret de sa faute, et voulut, en réparation du préjudice qu'il lui avait causé , que tous ceux qui adoreraient Shiva sous la figure du Lingam fussent plus favorisés que ceux qui le vénéreraient sous la figure humaine, ce qui lui fut accordé. D'autres enfin font remonter plus haut l'histoire et la transportent dans le séjour même des dieux. Voici ce que nous lisons dans l'ouvrage de l'abbé Dubois, un orientaliste du XIXe siècle : « Brahmâ, Vishnou et Vasishta, accompagnés d'un nombreux cortège d'illustres pénitents allèrent un jour au Kailâsa (paradis de Shiva), pour rendre visite à ce dieu. Ils le surprirent usant avec sa femme des prérogatives du mariage. Sans être déconcerté par la présence de personnages aussi éminents, il ne témoigna aucune honte de paraître en cet état à leurs regards, et continua de se livrer à la fougue de ses sens. Ce dieu effronté avait à la vérité la tête fortement échauffée par les liqueurs enivrantes qu'il avait bues, et sa raison; égarée par la passion et l'ivresse, ne lui permettait plus d'apprécier l'indécence de sa conduite. A cette vue, quelques-uns des dieux, et surtout Vishnou, se prirent à rire; cependant la plupart, outrés d'indignation et de colère, chargèrent le cynique Shiva, d'injures et de malédictions. « Non, lui dirent-ils, tu n'es qu'un' démon; tu es pire même qu'un démon, tu en portes la figure et en as toute la malice. L'amitié que nous avions pour toi nous avait conduits ici pour te faire une visite, et tu ne rougis point de nous rendre spectateurs de ta brutale sensualité. Maudit sois-tu! qu'aucune, personne vertueuse n'ait désormais de liaison avec toi! que tous ceux qui te fréquenteront soient regardés comme des insensés, et bannis de la société des honnêtes gens! »Après avoir prononcé ces anathèmes, les dieux et les pénitents se retirèrent tout couverts de confusion. - Cependant Shiva, reprenant un peu l'usage de son jugement , demanda à ses gardes quelles personnes étaient venues le visiter. Ils ne lui laissèrent rien ignorer de ce qui avait eu lieu, et lui retracèrent l'indignation que ses illustres amis avaient fait éclater, avant leur départ. Le récit de ses gardes fut un coup de tonnerre pour Shiva et pour Dourga, sa femme; ils en moururent l'un et l'autre de douleur, dans la posture même où ils avaient été surpris par les dieux et les pénitents. Shiva, voulut que cette action, qui, en le couvrant de honte, avait occasionné sa mort, fût célébrée parmi les humainss. « Ma honte, dit-il, m'a fait mourir; mais aussi elle m'a donné une nouvelle vie et une nouvelle forme, qui est celle du Lingam. - Vous démons mes sujets, regardez-le comme un autre moi-même. - Oui , Le Lingam, c'est moi; et je veux que les hommes lui offrent désormais leurs sacrifices et leurs adorations. Ceux qui m'honoreront sous cette forme du Lingam obtiendront infailliblement l'objet de leurs voeux et une place dans le Kailâsa. Je suis l'être suprême; mon Lingam l'est aussi; lui rendre les honneurs, dus à la divinité est un acte du plus grand mérite. Le mangousier est de tous les arbres celui que j'aime le plus; si l'on veut obtenir mes faveurs, on doit m'en offrir les feuilles, les fleurs et les fruits. - Écoutez encore, démons mes sujets : ceux qui jeûneront le 14e de la lune du mois magha, à l'honneur de mon Lingam, et qui, la nuit suivante lui offriront le puja, et lui présenteront des feuilles de mangousier, s'assureront-une place dans le kailasa.Le culte du Lingam, assez, méprisé des Vaishnavas, adorateurs de Vishnou, est au contraire regardé par les Shaivas, ou Shivaïtes (adorateurs de Shiva), comme la plus haute expression religieuse. Il y en a même parmi ces derniers, les Lingayits, qui rejettent toute distinction de caste, soutenant que le Lingam rend tous les humains égaux; un paria même qui a embrassé ce culte n'est pas à leurs yeux inférieur à un brahmane. Là où se trouve le Lingam, disent-ils, là aussi se trouve le trône de la divinité, sans distinction de rang ou de personnes; et l'humble chaumière du paria où est ce signe sacré est bien au-dessus du palais somptueux où il n'est pas. » La figure du Lingam se compose d'un piédestal supportant un bassin du milieu duquel s'élève une colonne ronde au sommet. Le piédestal c'est Brahma; le bassin est, Vishnou, le stèle et Shiva, ou le Lingam proprement dit. On adore le Lingam en embrassant le pied de l'idole, ou bien on la touchant avec un pied, et en répandant sur elle du sang qu'on se tire des yeux à l'aide d'une lancette et en récitant certaines prières. et, à droite, dans le sanctuaire de Pashupatinath. On comptait autrefois en Inde douze grands Lingam, répandus dans différentes contrées du sous-continent. C'étaient des stèles de pierre de quatre ou cinq, coudées de baut; Wilson désigne les lieux ou ils étaient honorés, dans son Sketch of the religious sects of the Hindus. On raconte que le Lingam de Shiva était si long, qu'il lui atteignait le front, ce qui lui rendait impossible tout commerce charnel; il fut obligé de le couper en douze parties qui donnèrent l'être à toutes les créatures vivantes; C'est d'après cette idée qu'on a déifié ces parties comme le principe de la vie des humains et des autres animaux. Ces douze Lingams étaient regardés comme la substance même de Shiva; c'est pourquoi on cite de lui cette parole : «Je suis présent partout, mais je suis principalement sous douze formes ou en douze places. »Plusieurs de ces Lingam ont été détruits par les conquérants musulmans. Les Lingayits portent la figure au cou, au bras; ou suspendue à leur cordon sacré. Les femmes elles-mêmes, qui, d'un autre côté, lui rendent souvent hommage dans des chapelles particulières, s'en parent comme d'un ornement, et quelquesfois aussi en vue d'obtenir la fécondité. Dans le Kanara et dans plusieurs autres contrées de l'Inde; il arrive encore que l'on rencontre par les rues et par les chemins des religieux shivaïtes, dans un état absolu de nudité; des femmes de la même secte s'aprochent d'eux et touchent ou baisent avec respect leur membre sacré, considérant accomplir ainsi un acte méritoire. Par une cruelle ironie, ces sectateurs de Shiva sont voués à la chasteté la plus rigide et malheur à celui qui enfreindrait ses serments; leur violation entraînerait la peine de mort. La figure du Lingam est partout dans les temples, sur Ies places publiques, sur les grandes routes, dans les maisons privées, dans les lieux les plus fréquentés. Une lampe brûle continuellement, devant le symbole de Shiva; et on lui offre des sacrifices de fleurs et de fruits. (A. Bertrand). |
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