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Araucana, épopée en langue espagnole, composée par don Alonzo d'Ercilla y Zuniga. Elle a pour sujet la guerre que les Espagnols, au temps de Philippe II, soutinrent contre les Araucans ou naturels du Chili révoltés. Ercilla prit part comme volontaire à cette lutte en 1554; il avait 29 ans. Il rencontra l'ennemi dans sept batailles, eut encore plus à souffrir de ses voyages dans les déserts et de l'incessante guerre d'escarmouches que faisaient les sauvages, et revint en Espagne après huit années de la plus dure existence. C'était l'époque où ce pays avait atteint l'apogée de sa puissance politique, et visait à la monarchie universelle : les esprits s'échauffaient dans la contemplation de tant de succès militaires, de tant de découvertes maritimes, et plus d'un rimeur, que séduisait l'exemple de l'Antiquité récemment tirée de ses ruines par les Italiens, brûla d'immortaliser dans ses vers la grandeur de sa patrie. 

L'enthousiasme patriotique a été la source principale de l'inspiration poétique d'Ercilla. Ses vers tiennent de sa profession une sorte de candeur militaire et de simplicité martiale qui en fait le plus grand charme. L'Araucana est en 37 chants écrits en stances de huit vers d'arte mayor. Elle se divise en trois sections : la première, de 15 chants, est consacrée aux débuts de la guerre d'Arauco, suivant l'ordre chronologique des faits, batailles, négociations, conspirations; etc. Rien de plus exact comme géographie, moeurs et coutumes du pays. Ercilla composa cette partie de son poème sur les lieux mêmes et sous sa tente de soldat. 

La deuxième partie est parsemée d'épisodes pleins d'intérêt et d'imagination, tels que l'apparition de Bellone, qui annonce au poète la bataille de Saint-Quentin, gagnée par Philippe II sur les Français en 1557; la description de la caverne de l'enchanteur Viton, où le poète voit la bataille de Lépante, gagnée longtemps après; la romanesque histoire de Tegualda au 21e chant, et de Galama, au 24e. Cette deuxième partie finit assez brusquement; mais elle présente un peu plus d'intérêt poétique. Elle ne fut imprimée qu'en 1578. La troisième partie, qui parut en 1590, est moins heureusement inspirée : il y a un long hors-d'oeuvre sur Didon, et une dissertation sur les prétentions de Philippe II à la couronne de Portugal; mais le poète termine par des plaintes pathétiques sur le malheur de sa condition et la ruine de ses espérances, annonçant le projet de consacrer le reste de ses jours à la pénitence et à la dévotion.


Alonso de Ercilla y Zuniga, l'auteur de l'Araucana,
dessin d'Edouard Garnier, d'après le portrait reproduit
par le catalogue de la bibliothèque de Salva,
publié en 1872.

L'Araucana doit être rangée parmi ces compositions de 2e ordre, où l'effort consacré à calquer un ou plusieurs modèles tue nécessairement l'inspiration. Que peut signifier, dans le poème d'un soldat de Philippe II sur la guerre des Araucans, l'intervention des divinités du paganisme? On a lieu de regretter aussi le défaut de variété, l'absence de plan, d'unité dans le dessein. Ercilla est plus heureux dans la peinture des combats auxquels il assista. II fait paraître beaucoup de feu dans la description des moeurs des sauvages et du caractère des chefs indiens qu'il a combattus principalement de Colocolo, le plus ancien des caciques. On lit aussi avec un vrai plaisir les nombreux passages où le poète laisse naïvement percer son caractère, ainsi que les sentiments d'honneur et de loyauté que n'altéra jamais en lui l'ingratitude du souverain à la gloire duquel il avait consacré son poème.

L'Araucana, laissée incomplète, fut achevée par Santistéban y Osorio, en 2 parties qui renferment 33 chants. Cette suite offre quelque intérêt dans les passages relatifs aux exploits d'Ercilla.

Une particularité de l'Araucana et de sa suite, c'est le silence complet gardé sur le chef de l'expédition, D. Garcia de Mendoza, malgré le mérite de ce capitaine. Cet oubli, justement attribué aux mauvais traitements qu'en reçut Ercilla, fut vengé par un poète chilien, nommé Pedro de Oña, dans un poème en 27 chants, publié en 1596 sous le titre d'Arauco domado. L'ouvrage est un panégyrique de G. de Mendoza, et l'on devine ce que peut être un poème composé par ordre. (E. Baret).



En bibliothèque - La meilleure édition ancienne de l'Araucana est celle de Sancha, Madrid, 1774, 2 vol. in-12. Une édition de la suite de l'Araucana a été publiée à Madrid, 1733, in-fol.; elle est accompagnée de l'Araucana.
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