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Mesure

Mesure, n. f. - Division du morceau ou du thème musical en sections d'égale durée, séparées, dans la notation, par la barre de mesure et contenant chacune un même nombre de temps, exprimés en notes et silences dont les valeurs s'équilibrent en un total égal. La mesure a établi son règne dans la musique moderne parce qu'elle est commode pour l'exécution à plusieurs parties; elle rend aisément compréhensibles les rythmes réguliers; elle entrave, au contraire, la liberté d'interprétation des rythmes libres. L'appliquer aux oeuvres d'une époque antérieure à l'adoption de la symétrie des périodes et à la rigidité des temps battus est souvent une erreur préjudiciable à leur interprétation. Frescobaldi recommande aux exécutants de ses Toccate (1614) de ne pas s'assujettir à une mesure stricte, mais d'agir, à l'orgue, à la manière des chanteurs de madrigaux, qui modifient le mouvement d'après leur sentiment et le sens des paroles. 

On classe aujourd'hui communément les mesures en deux catégories, dites simples et composées. Les mesures simples, dans la notation moderne, sont celles dont l'unité de temps est représentée par une valeur de note simple, ronde, blanche, noire, etc. Les mesures composées sont celles dont l'unité de temps s'exprime par une valeur pointée, c'est-à-dire augmentée de la moitié de sa durée, ronde pointée, blanche pointée, noire pointée, etc. On indique la mesure régulatrice du morceau par un chiffre de fraction placé en tête de la portée initiale, après la clef et l'armure, et dont le dénominateur désigne la valeur choisie pour unité de temps, et le numérateur, le nombre de temps, ou de répétitions de la valeur choisie, dans l'intérieur de chaque mesure. Les chiffres usuels sont :

Mesures simples : binaires, battues à deux temps, 2/1, 2/2 ou ¢, dite alla breve, 2/4, 2/8; battues à 4 temps, 4/1, 4/2, 4/4 ou C, 4/8; ternaires : 3/1, 3/2, 3/4, 3/8.

Mesures composées : binaires, battues , à deux temps : 6/2, 6/4, 6/8, 6/16; battues à 4 temps : 12/4, 12/8, 12/16; ternaires : 9/2, 9/4, 9/8, 9/16.

Les subdivisions exceptionnelles de ces mêmes mesures et les mesures irrégulières à 5/2, 5/4, 5/8, 7/2, 7/4, 7/8, et leurs multiples, portent à une cinquantaine le nombre des combinaisons dont on peut recueillir des exemples chez les musiciens modernes. Cette multiplicité répond à une double nécessité artistique, qui est d'indiquer à la fois la base symétrique du partage de la phrase musicale, et le caractère qu'elle comporte et qui doit lui être conservé. Il n'est pas du tout indifférent qu'un morceau soit noté sous le chiffre 6/4 et avec les valeurs correspondantes, ou sous le chiffre 6/8. Par l'emploi raisonné de ces diverses mesures, les maîtres indiquaient à l'exécutant non seulement le partage des durées, mais encore leur degré relatif de vitesse, aujourd'hui spécifié par les locutions italiennes : adagio, andante, allegro, etc., ou par leurs équivalents dans les différentes langues. On ne saurait approuver les trop fortes réductions de valeurs imposées. aux oeuvres anciennes dans certaines éditions modernes, qui, non contentes de leur infliger le joug des barres de mesure et, sous prétexte d'en mieux représenter la vivacité d'allure, traduisent en croches et doubles croches leurs notes blanches et donnent ainsi aux pièces vocales de Josquin Després ou de Dufay l'apparence de morceaux  plus récents de musique instrumentale. Des erreurs semblables se commettent parfois même dans les éditions des classiques, et Combarieu a pu faire, remarquer celle qui consiste à noter le rondo alla Turca, dit Marche turque, de Mozart, sous le chiffre 2/4 au lieu du 4/4, ou C, qui suppose 4 temps égaux.

Les mesures irrégulières sont fréquentes dans le chant populaire et ne s'y présentent, à vrai dire, que dans les notations recueillies, par des musiciens qui obéissent à la nécessité moderne du chiffre de mesure, pour transcrire des mélodies d'allure rythmique libre. C'est ainsi qu'une mélodie religieuse finlandaise est notée par J. Krohn sous le chiffre 5/2, afin de marquer le prolongement de la voix sur les deux dernières notes de chaque groupe.

Des morceaux à 5/4 se remarquent dans La Dame blanche, de Boïeldieu (1825), Mireille, de Charles Gounod (1864), le 2e Trio de Saint-Saëns, le 2e Quatuor et la Sonate pour piano, de V. d'Indy, La Mer, de Gilson (1892). On a signalé un fragment à 5/8 dans Orlando, de Haendel (1733). Bordes a publié sous ce chiffre un Caprice pour le piano. La mesure à 7/4 a été employée par Liszt dans sa Dante-Symphonie (1855), par Witkowski dans sa Symphonie en ré mineur

Pour constituer réellement une mesure à 5 ou à 7 temps, il faut que nulle césure ne vienne diviser le contenu de cette mesure en groupes alternés de 3 + 2 ou de 4 + 3 temps. Cette condition n'est pas toujours réalisée. Une succession rapprochée de chiffres différents se remarque parfois en des oeuvres que leurs auteurs ont conçues dans un dessein d'entière liberté rythmique; c'est ainsi que V. d'lndy, choisissant la double croche, représentée par le chiffre 16, pour unité de temps, a enchaîné l'une à l'autre les mesures 14/16, 8/16, 12/16, 8/16, 10/16, 14/16, 8/16, et pour noter l'introduction au n° 2 de son Poème des montagnes, pour le piano (1882). Des superpositions de rythmes ou de mouvements nécessitent aussi quelquefois l'indication simultanée, dans deux ou plusieurs parties harmoniques, de chiffres de mesure différents, dont l'exécutant, s'il s'agit d'un morceau de piano, ou le chef d'orchestre, concilient l'opposition réelle ou figurée. On en peut citer comme exemples la scène du bal de Don Giovanni, de Mozart (1787) où trois petits orchestres font entendre en même temps une « danse allemande » à 3/8, une gavotte à 2/4 et un menuet à 3/4; chaque mesure de la danse allemande correspond à un temps du menuet, et deux mesures de celui-ci forment l'équivalent de 3 mesures de l'air de gavotte.

L'absence de tout chiffre de mesure était, aux XVIIe et XVIIIe s. une indication du caractère en apparence inprovisé que l'on attribuait souvent au prélude instrumental. La même abstention a été pratiquée, avec une intention pédagogique, par E. Conus, dans les études qu'il a publiées sous le titre de Problèmes de rythmes (Michel Brenet).

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Dictionnaire Musiques et danses
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