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Rue du Caire, à Paris (IIe'arrondissement). - Cette rue, qui relie la rue d'Aboukir au boulevard Sébastopol, avait été ouverte sur l'emplacement du couvent des Filles-Dieu. Elle est le débouché de la rue de Damiette et de la rue des Forges, qui circonscrivent un espace qui correspondait, au Moyen âge au coeur de la principale cour des Miracles de Paris.
« Ce nom, dit Jaillot, étoit commun à tous les endroits où se retiroient autrefois les gueux, les mendiants, les vagabonds, les gens sans aveu, et celui-ci étoit des plus considérables. »

« La cour des Miracles, ajoute Sauval, consiste en une place d'une grandeur très considérable et en un très-grand cul-de-sac puant, boueux, irrégulier, qui n'est point pavé. Autrefois il confinoit aux dernières extrémités de Paris; à présent il est situé dans l'un des quartiers des plus mal bâtis, des plus sales et des plus reculés de la ville, entre la rue Montorgueil, le couvent des Filles-Dieu et la rue Neuve-Saint-Sauveur, comme dans un autre monde. Pour y venir, il se faut souvent égarer dans de petites rues vilaines, puantes, détournées; pour y entrer, il faut descendre une assez longue pente, tortue, raboteuse, inégale. J'y ai vu une maison de boue à moitié enterrée, toute chancelante de vieillesse et de pourriture, qui n'a pas quatre toises en carré, et où logent néanmoins plus de cinquante ménages chargés d'une infinité de petits enfants légitimes, naturels ou dérobés. On m'a assuré que dans ce petit logis et dans les autres habitoient plus de cinq cents grosses familles entassées les unes sur les autres. Quelque grande que soit cette cour, elle l'étoit autrefois beaucoup davantage; de toutes parts elle étoit environnée de logis bas, enfoncés, obscurs, difformes, faits de terre et de boue, et tous pleins de mauvais pauvres. On s'y nourrissoit de brigandages, on s'y engraissoit dans l'oisiveté, dans la gourmandise et dans toutes sortes de vices et de crimes. Là chacun mangeoit le soir ce qu'avec bien de la peine et souvent avec bien des coups il avoit gagné tout le jour; car on y appeloit gagner ce qu'ailleurs on appelle dérober. Chacun y vivoit dans une grande licence; personne n'y avoit ni foy ni loi; on n'y connaissoit ni baptême, ni mariage, ni sacrement. Il est vray qu'en apparence ils sembloient reconnoître un Dieu; et, pour cet effet, au bout de leur cour, ils avoient dressé dans une grande niche une image de Dieu le père qu'ils avaient volée dans quelque église, et où, tous les jours, ils venoient adresser leurs prières. »

En 1656, Louis XIV dispersa ces troupes de mendiants, soit en les renvoyant dans leurs provinces, soit en les enfermant dans les hôpitaux.
« Depuis ce temps, dit Jaillot, ces sortes d'asiles, où la mauvaise foi, la dissolution et tous les crimes habitoient, ne sont occupés que par des artisans et de pauvres familles qui n'ont point à rougir de leur infortune. »
Dans la cour des Miracles a demeuré le révolutionnaire Hébert.
« Pour s'étourdir sur ses remords et ses calomnies, disait Desmoulins, il avait besoin de se procurer une ivresse plus forte que celle du vin et de lécher sans cesse le sang au pied de la guillotine. » 
Robespierre l'envoya à l'échafaud le 4 germinal an II. (Th. Lavallée).
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Rue du Caire, à Paris.
La rue du Caire.
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Dictionnaire Villes et monuments
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