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La civilisation romaine
L'esclavage à Rome et dans l'Empire
Aperçu
Aspects économique et sociaux
Sortir de l'esclavage
Les Romains étant, par excellence, un peuple militaire, c'est chez eux que l'esclavage atteignit le plus ample développement.  A l'origine, les esclaves étaient peu nombreux et participaient à la vie familiale. L'esclavage se développa avec l'accroissement de la richesse, des besoins et des prises de guerre. Il y eut aussi un commerce d'esclaves, dont les prix variaient suivant les talents du sujet. On distinguait les esclaves urbains et les esclaves ruraux. La condition des premiers était, en général, et malgré la cruauté de quelques maîtres, bien préférable. Les esclaves ruraux, enrégimentés durement sur les grandes propriétés, enchaînés deux à deux, étaient bien plus misérables. Être envoyé aux champs était un châtiment redouté. 

La société de l'Empire est tout entière fondée sur l'institution de l'esclavage. Nulle part, à notre connaissance, elle n'a pris une telle prépondérance; nulle part, sauf dans quelques colonies de l'Amérique tropicale, la proportion du chiffre des esclaves à celui des hommes libres ne fut aussi élevée. Ce fut la conséquence des guerres de conquête, grâce auxquelles une cité des bords du Tibre finit par subjuguer tous les pays riverains de la Méditerranée. Dans les premiers temps, l'esclavage n'eut pas à Rome cette importance. Il existait sans doute, d'autant que, lorsque Rome apparaît à l'histoire, elle était imbue de civilisation hellénique, mais il ne comprenait qu'une faible minorité des travailleurs. La condition des classes inférieures, plébéiens et clients, est encore très au-dessus de celle des esclaves et même des serfs. C'est la politique d'assimilation pratiquée dès les premiers siècles par la république romaine, qui fut une cause primordiale de sa fortune. Si, au lieu d'assimiler les vaincus, de leur laisser leurs institutions et d'établir cette savante gradation de droits en haut desquels était le droit de cité romaine, les conquérants eussent réduit en servitude leurs ennemis, leur essor se serait vite arrêté. Ce n'est que plus tard, après la conquête du monde grec, lorsque l'antique simplicité a disparu et que la civilisation urbaine l'emporte dans la société romaine que l'esclavage y prend une immense extension.

A l'époque royale et dans les premiers siècles de la République, les patriciens, les grands sont les propriétaires ruraux; ils résident aux champs, cultivent eux-mêmes leurs terres et en dirigent l'exploitation. Le peuple est surtout formé de cultivateurs, dont chacun possède ce qu'il lui faut pour nourrir sa famille. Où serait sur ces fonds la place d'un esclave? La plupart n'en ont pas ou bien n'en ont qu'un seul. Regulus, au cours de la première Guerre punique, demande à être relevé du commandement de l'armée d'Afrique parce que, son esclave étant mort, le serviteur à gages qu'on a loué s'est enfui avec les instruments, de sorte que sa famille est dans la gêne. L'état de guerre perpétuelle, les ravages des ennemis qui touchaient à la campagne romaine, réduisaient trop souvent le pauvre à emprunter pour vivre; incapable de payer des intérêts usuraires et de rembourser le capital, il était dépossédé de son champ et même réduit en esclavage comme débiteur insolvable. Au Ve et au IVe siècle av. J.-C., on se querelle perpétuellement à ce sujet, et c'est le grand grief des plébéiens contre les patriciens, des pauvres contre les riches. On contient cette évolution, et, par les fondations des colonies, on reconstitue sans cesse la petite propriété sur la grande, qui progresse sans cesse; on trouve dans ces temps autant de colons et d'ouvriers à gages que d'esclaves. Dans la ville, les métiers sont exercés par des travailleurs libres groupés en corporations. Les Romains ne songent pas à organiser, comme les Athéniens, des ateliers d'esclaves. Le service domestique est très simple, jusqu'au IIIe et même au IIe siècle av. J.-C. ; les moeurs sont encore patriarcales; on se sert soi-même; les riches ont quelques esclaves pour les aider; quant à leur suite, la foule de leurs clients y suffit. L'Etat a aussi quelques esclaves comme serviteurs des magistrats, mais généralement les emplois, même les plus minces, sont confiés à des hommes libres. 

On ne saurait évaluer exactement leur nombre. Les grandes familles possédaient des centaines d'esclaves, certains spécialisés dans tous les services, même médecins ou pédagogues, ou produisant dans des ateliers au profit du maître. Le plus petit bourgeois en avait au moins un. Un texte de Denys d'Halicarnasse a été utilisé par Dureau de La Malle pour évaluer le nombre et la proportion relative des esclaves dans l'Etat romain au Ve siècle. Cet historien dit qu'en 476 les citoyens en âge de porter les armes étaient au nombre de 110.000; pour les femmes, les enfants, les esclaves, les étrangers pratiquant les métiers, c'était un nombre au moins tripe de celui des citoyens. Cette dernière estimation est approximative et, à notre avis, on n'en peut rien conclure. Dureau de La Malle admet le chiffre de 440.000 pour la population totale; 140.000 combattants supposent environ 195.000 personnes du sexe masculin, et, dit-il, 390.000 pour l'ensemble des citoyens romains et de leurs familles; il resterait 50.000 personnes pour les étrangers, affranchis et esclaves; il admet qu'il y aurait eu à peu près 17.186 esclaves. La méthode employée par l'économiste ne nous inspire aucune confiance, et ses conclusions n'ont que la valeur d'hypothèses arbitraires; mais il n'y a rien que de raisonnable à supposer que les esclaves ne constituaient pas au Ve siècle avant l'ère chrétienne plus d'un vingtième de la population totale. Leur nombre ne va pas cesser de s'accroître malgré les affranchissements; l'usure y précipitera bien des débiteurs insolvables; des milliers de prisonniers de guerre viendront s'y ajouter, puis les habitants de cités et de pays, qui seront vendus en masse par centaines de mille. Au IIe siècle av. J.-C., l'esclavage s'étend sans mesure et s'organise définitivement, devenant la base sur laquelle repose la société.

Il y eut plusieurs révoltes d'esclaves, notamment en Sicile, puis dans l'Italie péninsulaire, où la plus célèbre fut celle conduite par Spartacus. Dans les guerres civiles qui suivirent on  arma fréquemment des esclaves, et, de part et d'autre, on eut recours aux gladiateurs. Octave fit monter sur ses flottes jusqu'à 20.000 esclaves. Sextus Pompée avait en traitant avec les triumvirs imposé à ceux-ci une clause assurant la liberté à tous les anciens esclaves qui avaient combattu sous lui. Mais, quand il eut succombé, Octave fit rechercher tous ces anciens esclaves qui furent ramenés à leurs maîtres ou mis à mort quand on ne les réclamait pas. Les esclaves travaillent pour leur propre compte, formant des bandes de brigands. Sous Tibère une véritable révolte éclate dans l'Italie méridionale; une autre à Préneste sous Néron. On retrouve des esclaves dans les guerres civiles qui désolent l'empire romain. Mais à partir du Ier siècle, plus de guerre servile ni de grande conspiration d'esclave; c'est que la condition de ceux-ci s'améliorait par les transformations que subit alors l'esclavage.

Le temps apporta bien des adoucissements à la condition de l'esclave. Certains étaient privilégiés. On leur confiait la direction d'une exploitation rurale, d'un atelier, la conduite d'un navire de commerce. Alors, et bien qu'ils n'eussent que la jouissance de ce qu'ils gagnaient, ils pouvaient s'enrichir, avaient eux-mêmes des esclaves. 

On ne sortait de l'esclavage que par la mort ou l'affranchissement, soit que celui-ci fût
concédé spontanément, soit qu'il fût obtenu par le rachat au moyen du pécule accumulé jalousement à cet effet. Ni les philosophes, ni le christianisme ne songeaient à cette révolution qu'eût été la suppression de l'esclavage, mais les idées propagées par les uns et les autres améliora-t-elle, au moins, la condition des esclaves au fil du temps. L'affranchissement fut progessivement favirisé. Mais, si l'esclavage s'élimina ainsi peu à peu, ce fut plutôt sous l'action de l'évolution économique.

L'affranchissement ne dénouait pas tout lien entre le patron et son ancien esclave : le premier lui devait protection, le second devait se soumettre à sa juridiction, lui prêter aide et assistance, même aux dépens de sa bourse. En droit public, l'affranchi n'égalait pas l'homme de naissance libre, car il n'avait pas le jus honorum. On distingua aussi, jusqu'à Justinien, plusieurs classes d'affranchis dont les déditices étaient les moins favorisés. Les fils d'affranchis, d'une manière générale, étaient traités comme ingénus. Nombre de citoyens étaient donc d'origine étrangère. Parmi les affranchis aussi se rencontrait la figure du nouveau riche, si vigoureusement dessinée par Pétrone dans le personnage de Trimalcion. (A.-M. B.).

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