.
-

Wiclef

Wycliffe ou Wiclef (John),. - Théologien né vers 1324, mort à Lutterworth (Angleterre) le 28 décembre 1384. On ne sait presque rien de ses origines. Il surgit brusquement de l'obscurité en 1366. Professeur au collège Balliol, à l'Université d'Oxford, il prend rapidement la première place parmi les savants du temps par la profondeur et la hardiesse de ses spéculations philosophiques. Continuateur de Bradwardine, l'avocat de la prédestination, disciple d'Occam, l'adversaire de la suprématie du pape, il était mince et chétif, affaibli par l'étude et l'ascétisme. Mais il était doué d'une énergie persistante et d'un orgueil incommensurable. Il avait un réel talent d'invective, maniait finement l'ironie, possédant sur le peuple une action incomparable et il sut profiter à merveille des mécontentements soulevés par l'avidité et les exactions du haut clergé, par les vexations des cours ecclésiastiques, par la dissolution des hauts prélats et la bassesse des frères mendiants, aussi bien que par l'immoralité des classes dirigeantes et la débauche de la cour, pour engager ses plans de réforme. 
-
Wiclef.
John Wiclef (ca. 1324 - 1384).

Dès 1370, il appuie le Parlement qui refuse de payer le tribut réclamé par le pape, et il approuve les mesures prises par le duc de Lancastre pour enlever aux évêques leurs bénéfices et pour lever des impôts sur les terres de l'Église. En 1376, il expose sa doctrine dans un traité célèbre, De Dominio divino, le royaume de Dieu. Dieu seul possède l'autorité dans le sens le plus élevé du mot; il en concède une part, sur diverses parties de son royaume, à des gouverneurs et non pas à un humain seulement, son vicaire sur la terre, le pape. Le pouvoir royal est donc aussi sacré que le pouvoir ecclésiastique. De plus, chaque chrétien individuellement recevait aussi de Dieu une part d'autorité : et tout en étant soumis au roi et au prêtre, il dépend directement de Dieu. Établissant ainsi des relations directes entre l'humain et Dieu, Wycliffe renversait tout l'échafaudage élevé par l'Église du Moyen âge qui prétendait que sa médiation était nécessaire entre l'humain et Dieu. 

Certaines conséquences de ces théories hardies frappèrent d'abord le clergé, notamment l'assujettissement à la couronne que Wycliffe entendait lui imposer pour les choses temporelles. Accusé d'hérésie, le réformateur fut traduit, en 1377, devant la cour ecclésiastique de Saint-Paul. Le duc de Lancastre voulut y paraître à ses côtés. La discussion dégénéra vite en violences furieuses. Lancastre menaçait Courtenay, l'évêque de Londres, de le traîner dans les rues par les cheveux, et les prélats faillirent assassiner Wycliffe délivré par l'intervention opportune de la populace de Londres. Les évêques obtinrent alors du pape des bulles sommant l'Université de l'arrêter et de le condamner. Wycliffe répondit par un pamphlet où il déclarait qu'aucun humain ne pouvait être excommunié par le pape s'il ne s'était déjà excommunié lui-même. Il ajoutait que les ecclésiastiques devaient être soumis aux tribunaux civils, ce qui lui valut l'appui de la Couronne. On le convoqua à la chapelle de Lambeth. Il y comparut, mais le roi ordonna de supprimer ce procès et, plus expéditif encore, le peuple de Londres envahit le tribunal et le dispersa. 
-

Les Wycliffites

Pour répandre sa doctrine, Wycliffe avait institué un ordre de prédicateurs pauvres, « les simples prêtres », qui, vêtus de longues robes rousses, prêchaient dans les campagnes. Grâce à leurs efforts, grâce à ceux de disciples de mentalité plus relevée, les partisans de Wycliffe abondèrent bientôt dans toutes les classes de la société. L'Église orthodoxe les baptisa du nom de « lollards » ( = les babilleurs?), nom qui avait été donné déjà à des sectes étrangères. Les principaux wycliffites furent Nicolas Herford, Repyngdon, William James, John Purvey, William Thorpe, J. Horn. L'Université d'Oxford fut le centre d'où « l'hérésie » rayonna partout. Écrasée à Oxford même par l'alliance de l'Église orthodoxe et de la Couronne, le wycliffisme ne cessa de fermenter dans les couches populaires. 

Les femmes elles-mêmes se mirent à prêcher en faveur de la nouvelle secte. Des nobles, le comte de Salisbury, sir John Oldcastre ouvrirent aux lollards leurs châteaux. On les persécuta, on les engloba dans la répression de la révolte des paysans, ils n'en devinrent que plus fanatiques, et, en 1395, ils dénonçaient dans une pétition au Parlement les richesses du clergé, déclaraient ne pas croire à la transsubstantiation, au sacerdoce des prêtres, au culte des images, etc. 

Henri IV agit terriblement à leur égard, autorisant les évêques à les arrêter sur une simple rumeur publique et à les condamner à la prison (1401), leur confiant l'exécution des « ordonnances des hérétiques », par lesquelles ils pouvaient livrer au bûcher tous les lollards qui refuseraient de se soumettre. Ils se révoltèrent en 1414, faillirent s'emparer de Londres. La répression se fit plus sanguinaire: lord Cobham, enchaîné, fut suspendu vivant au-dessus d'un feu qui brûlait lentement (1418). 

De hardiesse en hardiesse, John Wycliffe en vint à nier le dogme fondamental de la transsubstantiation (1381). Aux premiers moments, ses alliés les plus fidèles s'épouvantèrent de son audace. L'Université, où il avait eu jusque-là une influence dominante, le condamna, et cette condamnation fut lue publiquement. Jean de Gand, qui l'avait toujours soutenu, lui ordonna le silence. D'abord atterré, Wycliffe se ressaisit. Il fit une profession publique de ses doctrines, sans en rien retrancher, et il la termina par ces fières paroles : 

« Ma conviction est qu'à la fin la vérité triomphera ». 
Bien mieux, il en appela au peuple, et pour lui parler, il usa, dans ses traités, de la langue même qu'il parlait. Il créa ainsi la prose anglaise moderne. Après avoir attaqué et détruit par ses sarcastiques véhémences tout l'arsenal de la piété catholique : pardons, indulgences, absolutions, pèlerinages, culte des saints, il inaugura le grand mouvement de révolte qui devait, plus tard, établir la liberté religieuse, en déclarant que la Bible est la seule base de la foi et que tout humain instruit a le droit de l'étudier pour son propre compte. La doctrine nouvelle se répandit avec une telle rapidité que l'Église connut une véritable panique. Un concile réuni à Blackfriars (1382) jugea 24 propositions tirées des ouvrages de Wycliffe et les condamna. Cette condamnation ne fit qu'activer le prosélytisme des partisans de Wycliffe qu'un appelait les lollards et, lorsqu'ils eurent, été écrasés, grâce à l'énergie du primat Courtenay appuyé par la Couronne, on n'osa rien faire contre leur chef qui continuait à fustiger de ses ironies les hauts prélats. 
« Puisqu'ils ont fait un hérétique de Christ, il n'est pas difficile de faire passer de simples chrétiens comme tels. » 
Il pétitionna auprès du roi et du Parlement, demandant qu'on lui permit de prouver en toute liberté les doctrines qu'il avait avancées et qu'on lui accordât le droit de les enseigner. Expulsé d'Oxford (1383), il se retira à Lutterworth, où il travailla à cette traduction de la Bible comme sous le nom de Bible de Wycliffe, arme terrible qui devait, entre les mains de ses successeurs, porter un dernier coup à la hiérarchie ecclésiastique. Sommé par le pape de comparaître devant la curie, il répondit : 
« Je suis toujours heureux d'exposer ma foi à qui que ce soit et par-dessus tout à l'évêque de Rome, car je suis assuré que, si elle est orthodoxe, il la confirmera, que, si elle est erronée, il la redressera. Je suis certain aussi que, comme vicaire de Christ sur la terre, l'évêque de Rome est de tous les humains mortels celui qui est le plus attaché à la loi de l'évangile de Christ, car, parmi les disciples de Christ, la majorité ne dépend pas comme dans le monde du nombre des individus, mais de leur degré de perfection dans l'imitation de leur Maître. Or Christ, durant sa vie sur la terre, fut de tous les hommes le plus pauvre, refusant pour lui toute autorité séculière. Je déduis de ces prémisses et donne comme simple conseil que le pape devrait abandonner tout pouvoir temporel aux autorités civiles et engager son clergé à faire de même. » 
Ce furent là ses derniers sarcasmes. Épuisé de fatigue, ayant usé toutes ses énergies dans une lutte sans trêve, il fut frappé de paralysie pendant qu'il écoutait la messe dans son église de Lutterwortlt et s'éteignit doucement.  Les écrits du grand précurseur de la Réforme sont nombreux et importants. Citons : Trialogus; De otio et mendacitate; De officio pastoriali; De Christo et suo adversario antichristo; Tractatus de Ecclesia; etc. (R. S.).
-
Bible de Wycliffe.
Page de la Bible anglaise de Wycliffe.
.


Dictionnaire biographique
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.