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La religion aztèque
Les sacrifices humains et les fêtes
Aperçu Les temples, le clergé Les sacrifices et les fêtes
Sacrifices humains. 
On ignore quel genre de sacrifices les Toltèques offraient à leurs dieux; quant aux Chichimèques, ils restèrent longtemps sans temples, ne présentant aux objets de leur culte, le soleil et la lune, que des fleurs, des fruits et de l'encens. Aucun des peuples de l'Anahuac, du reste, n'eut l'idée d'égorger par dévotion des êtres humains, avant que les Aztèques eussent exporté cette tragique pratique.

Chez ceux-ci, les sacrifices, selon le dieu dont on célébrait la fête, variaient tant pour le nombre des victimes que par la façon dont on les tuait. Le plus souvent, on ouvrait la poitrine des malheureux désignés pour mourir; mais d'autres étaient brûlés, noyés, écorchés, condamnés à périr de faim dans les grottes où l'on enterrait les morts. D'autres, en petit nombre, succombaient dans les duels que les Espagnols nommèrent  combats de gladiateurs. En général, c'était dans les temples que se commettaient les atrocités que nous aurons à raconter, car tous possédaient un autel destiné à ces meurtres religieux. Celui du temple de Mexico, nommé techcatl, était un bloc de jaspe vert, convexe dans sa partie supérieure; il mesurait un mètre de haut, autant de large et un et demi de long.

Les prêtres ordinaires des sacrifices étaient au nombre de six, qui tous possédaient leur charge par héritage. Le premier d'entre eux se nommait Topilizin; mais, à l'heure où il accomplissait ses terribles fonctions, il prenait le nom du dieu auquel il sacrifiait. En outre, il endossait un vêtement rouge, rappelant la forme d'un scapulaire, et garni de franges de coton. Sur sa tête, se balançait un panache de plumes vertes et jaunes; à ses oreilles étaient suspendues des émeraudes, et à sa lèvre inférieure une plume ou un tentetl de couleur bleue. Les autres sacrificateurs s'affublaient de robes blanches bordées de noir. Leurs cheveux flottaient libres, hérissés, et ils se ceignaient le front de bandelettes ornées de rondelles de papyrus de diverses couleurs. Tout leur corps était peint en noir, saut le tour de leurs bouches, qu'ils barbouillaient de blanc.

Ces bourreaux, une fois en possession de la victime, la portaient nue jusqu'au grand autel (techcatl), sur lequel ils l'étendaient après avoir indiqué aux assistants la divinité à laquelle on allait offrir le sacrifice, afin qu'ils l'adorassent. Quatre des prêtres maintenaient alors le malheureux patient par les jambes et les bras, tandis qu'un autre, à l'aide d'un instrument de pierre ou de bois taillé en forme de fer à cheval et représentant parfois un serpent recourbé, l'empêchait de remuer la tête. La pierre de l'autel étant convexe, le corps se trouvait arqué, la poitrine et le ventre saillaient, et la victime ne pouvait opposer aucune résistance. Le Topiltzin s'approchait alors et, avec un couteau de jaspe ou de calcédoine, conformément au rite, il ouvrait la poitrine du prisonnier, lui arrachait le coeur, offrait ce trophée palpitant au soleil, puis le jetait ensuite au pied de l'idole pour le brûler et contempler sa cendre avec vénération. Si l'effigieu du dieu était grande et creuse, on lui plaçait le coeur tout sanglant dans la bouche à l'aide d'une cuiller d'or, et on lui enduisait les lèvres de sang. Lorsque le patient était un prisonnier de guerre, on lui coupait la tête afin de la conserver pour le Tzompantli, puis on précipitait son corps sur l'assise inférieure du temple. Là, l'officier ou le soldat qui l'avait capturé s'emparait de cette proie, l'emportait, la faisait cuire et la servait à ses amis dans un banquet. On mangeait seulement les jambes, les cuisses et les bras. Quant au tronc, il était réduit en cendres ou jeté en pâture aux fauves de la ménagerie royale. 
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Tzompantli.
Les crânes d'un tzompantli. Les os pariétaux étaient transpercés pour pouvoir y passer
la tige de bois qui les supportait. Illustration de l'Historia de las Indias de Diego Duran. .

Les Otomis coupaient la victime par quartiers et vendaient ces débris au marché. Chez les Zapotèques, on sacrifiait des hommes aux dieux, des femmes aux déesses et des enfants aux divinités inférieures.

Nous venons de décrire le mode le plus ordinaire des sacrifices; mais on y apportait des raffinements encore plus barbares. Ainsi, à la fête de Téotéoïnan, la femme qui représentait cette déesse était décapitée, tandis qu'une autre femme la portait sur ses épaules. A la fête dite de l'arrivée des dieux, les victimes étaient brûlées. Lors de l'une des fêtes de Tlaloc, on noyait deux enfants de chaque sexe; dans une autre, on achetait deux enfants de six à sept ans, puis, supplice affreux, on enfermait ces innocents dans une grotte où on les laissait mourir de frayeur ou de faim.

Combats de « gladiateurs ».
Le sacrifice dit des gladiateurs était très honorable, mais les prisonniers célèbres par leur valeur y avaient seuls droit. Il existait, près du temple des grandes villes, une vaste place au milieu de laquelle se dressait un terre-plein de forme ronde, haut de 8 pieds, et sur lequel était posée une pierre semblable à une meule de moulin. Sur cette pierre, nommée temalacatl, on plaçait le prisonnier armé d'un bouclier et d'une courte épée, puis on l'attachait par un pied. Un officier ou un soldat, parfaitement équipé, montait alors sur la pierre pour combattre avec le prisonnier. On peut s'imaginer les efforts désespérés de ce malheureux pour éviter la mort, et ceux de son adversaire pour ne pas perdre sa réputation militaire devant ses compatriotes assemblés. Si le prisonnier était vaincu, un sacrificateur accourait et, mort ou vif, le portait sur la pierre des sacrifices pour lui ouvrir la poitrine et lui arracher le coeur. Le vainqueur, applaudi par la foule, était récompensé par un insigne militaire. Si, au contraire, le captif triomphait non seulement de cet antagoniste, mais de six autres, on lui rendait la liberté, ses armes, et il retournait glorieux dans son pays. Le Conquérant anonyme, qui fournit ce détail, raconte que, dans une bataille que livrèrent les Cholultèques à leurs voisins les Huexotzincos, le principal seigneur de Cholula se lança si avant dans la mêlée que, séparé des siens, il fut fait prisonnier. Placé sur le temalacatl, il vainquit les sept combattants qui lui furent opposés. Les Huexotzincos, redoutant le mal que pourrait leur causer un si vaillant ennemi, s'ils le laissaient libre, lui donnèrent la mort, action qui les couvrit d'infamie aux yeux des peuples voisins.

Dans ces combats, il faut bien le dire, le prisonnier échappait rarement à la mort, car lorsqu'il résistait avec trop de courage on lui opposait un soldat qui, accoutumé à manier ses armes de la main gauche, le déroutait et avait promptement raison de lui. Aussi, pour échapper aux angoisses d'une lutte qu'ils savaient d'avance être inutile, nombre de prisonniers refusaient de se défendre, et présentaient leurs poitrines aux sacrificateurs. Les combats de gladiateurs, on le devine, attiraient toujours la foule et la passionnaient. Des repas et des danses terminaient d'ordinaire ces sanglantes journées.
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Gladiateurs aztèques.
Gladiateurs aztèques. Codex Tovar.

Nombre des victimes annuellement sacrifiées.
Touchant le nombre des victimes annuellement sacrifiées dans l'Anahuac, les historiens sont d'opinions très diverses. Néanmoins, sans trop s'éloigner de la vérité, on peut l'évaluer à vingt mille. Du reste, le nombre des sacrifices dépendait de celui des prisonniers faits à la guerre; dans les combats, les soldats mexicains se préoccupaient bien moins de tuer leurs ennemis que de les prendre vivants.

Offrandes.
Le plus souvent, les victimes étaient affublées des vêtements et des insignes de la divinité à laquelle on devait les offrir. Une escorte de soldats les promenait ainsi parées dans la ville, et recueillait des aumônes pour le temple. Si le prisonnier s'échappait, on immolait à sa place le chef de l'escorte.

Outre des hommes, les Mexicains sacrifiaient aussi des animaux. Ils offraient des perdrix et des faucons à Huitzilopochtli; des lièvres, des lapins et des renards à Mixcoatl. Chaque matin, un certain nombre de prêtres, tenant à la main une perdrix, épiaient le lever du soleil. A peine apparu, l'astre était salué par les sons de bruyants instruments de musique, et les perdrix, aussitôt décapitées, lui étaient offertes.

Les plantes, les pierres fines, l'encens servaient aussi d'offrandes. On présentait à Tlaloc et à Coatlicue les premières fleurs, à Centeotl les premiers épis de maïs. Les offrandes de comestibles étaient assez considérables pour suffire à la nourriture des prêtres, car chaque matin les autels étaient encombrés par les fidèles de mets brûlants, afin que leur vapeur, montant jusqu'aux narines des dieux, allât nourrir les dieux qu'elles représentaient.

Toutefois, l'offrande la plus fréquente était celle de l'encens, et chaque demeure possédait un encensoir. Les Aztèques encensaient les idoles, les prêtres, les quatre points cardinaux, les pères de famille, les juges dans les tribunaux, surtout lorsqu'ils se disposaient à prononcer une sentence. C'était là, on le comprend, un hommage rendu aux puissants plutôt qu'un acte religieux.

Les cruautés et les croyances des Aztèques furent imitées non seulement par toutes les populations qu'ils soumirent, mais aussi par leurs voisins, qui pourtant les pratiquaient moins fréquemment. Les Tlaxcaltèques, dans une de leurs fêtes, attachaient un prisonnier à une haute croix et le tuaient à coups de flèche; parfois, la croix était basse et l'on massacrait la victime à coups de bâton.
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Rutuels aztèques ; sacrifice humain, auto-mutilations.
Rituels aztèques sanglants :  sacrifice humain (le coeur de la victime est consacré à une divinité); 
en bas, auto-mutilations de la langue et de l'oreille. Codex Tudela.

Fêtes périodiques

Fête du feu. 
La grande fête de la « rénovation du feu » commençait le dernier jour du siècle, qui se composait de cinquante-deux ans. Le soir venu, on éteignait le feu dans les temples, dans les maisons, puis on brisait tous les ustensiles de terre, se préparant ainsi à la fin du monde. A dater de cet instant, chacun vivait avec le terrible doute de savoir s'il avait vu le jour pour la dernière fois, si le soleil se lèverait le lendemain, s'il laisserait le ciel perdu dans les ténèbres. Tout l'empire était en proie à cette anxiété, et, posté sur les tours des temples, sur le toit des maisons, on se tenait silencieux, les regards tournés vers les sommets où devaient s'allumer d'immenses bûchers, si les dieux se montraient cléments.

A une heure marquée, les prêtres, revêtus des ornements du dieu qu'ils servaient, chargés; en outre, d'une de ses images, se dirigeaient, suivis d'une multitude à la fois fiévreuse et consternée, vers le mont Huitzachtla, distant de Mexico de deux kilomètres environ. Ils avançaient en mesurant leurs pas sur la marche des étoiles, de façon à n'arriver près de la montagne qu'un peu avant minuit. L'un d'eux, appartenant au faubourg de Capulco, possédait le privilège de produire le feu nouveau; aussi marchait-il pourvu d'un instrument composé de deux morceaux de bois sec emboîtés, instrument nommé tletaxoni. L'heure solennelle arrivée, ce prêtre s'approchait d'une victime de noble origine, dont on venait d'arracher le coeur, posait son briquet sur la blessure, et imprimait à l'une de ses branches un rapide mouvement de rotation. Bientôt des étincelles jaillissaient, et un immense cri de joie s'échappait de toutes les poitrines, car la vue des étincelles annonçait que le jour reparaîtrait, que le Soleil éclairerait encore la terre pendant cinquante-deux ans.

Aussitôt le feu produit, on incendiait un immense bûcher sur lequel on jetait la victime sacrifiée. Une activité extraordinaire succédait alors à l'abattement des dernières heures. Chacun se hâtait d'enflammer la torche dont il s'était pourvu, puis de regagner sa demeure. Des courriers, portant le feu sacré, s'éloignaient dans toutes les directions, allumaient le flambeau de ceux qui les attendaient sur les routes, et ceux-ci rendaient le même service aux personnes qu'ils rencontraient à leur tour. C'étaient, dans toutes les directions, des courses affolées et partout s'allumaient des torches et des bûchers. Ce feu nouveau, communiqué de proche en proche, allait ranimer les foyers jusqu'aux confins de l'empire.

Pendant ce temps, les prêtres retournaient au grand temple, disposaient un brasier devant l'autel de Huitzilopochtli, brasier auquel tous les habitants de la ville venaient allumer des branches de pins. On riait, on chantait, on se félicitait, on avait cinquante-deux ans de plus à vivre! Aussi, les treize jours complémentaires du siècle, jours destinés à remettre d'accord l'année solaire et l'année civile, étaient-ils employés à réparer les édifices, à blanchir les maisons, à renouveler les meubles, les vêtements afin que tout fût neuf, ou du moins en eût l'apparence, le jour où le nouveau siècle commencerait. Ce jour-là, des illuminations, des danses, des banquets venaient consoler des heures amères que l'on avait passées, et de nombreuses victimes couvraient de leur sang les degrés des temples.

Notons, comme une singulière pratique, que, dans la dernière nuit du siècle, les femmes en état de grossesse étaient enfermées par leurs maris dans les greniers, et qu'on leur couvrait le visage de feuilles d'agave. Par ce soin, on voulait éviter qu'elles fussent transformées en fauves. On couvrait aussi d'un masque le visage des enfants, et on les empêchait à tout prix de s'endormir, dans la crainte qu'ils fussent métamorphosés en souris.

Pénitences.
Les sacrifices que les habitants de Cuauhtitlan offraient tous les quatre ans au dieu du feu étaient célèbres. Le jour terrible arrivé, ils plantaient six grands arbres au pied de l'autel, tuaient deux femmes, leur arrachaient la peau et leur retiraient les os des cuisses. Le jour suivant, deux prêtres se paraient de ces dépouilles.

Portant les os à la main, ils descendaient à pas lents les degrés du temple, poussant des cris aigus auxquels le peuple répondait : 

« Voici que nos dieux approchent. » 
Parvenus à la dernière assise, les prêtres, tandis que les tambours résonnaient, étaient parés d'ailes en papier, puis on leur plaçait dans la bouche une perdrix sans tête. Ils commençaient alors une danse qui ne se terminait qu'à la nuit, durant laquelle le peuple égorgeait parfois jusqu'à huit mille perdrix. Ces cérémonies terminées, les prêtres suspendaient six prisonniers au sommet des arbres, et ces malheureux devenaient le but de milliers de flèches. Ces prisonniers morts, les prêtres détachaient leurs cadavres, les laissaient choir, puis leur arrachaient le coeur. Les restes de ces victimes, de même que les corps des perdrix, se partageaient entre les prêtres et les nobles, et formaient un des plats du banquet qui terminait la fête.

Du reste, les peuples de l'Anahuac se traitaient eux-mêmes avec une cruelle rudesse; accoutumés dès leur enfance à voir verser le sang, ils répandaient le leur avec profusion. Les pénitences qu'ils s'imposaient, soit pour l'expiation d'une faute, soit pour se préparer à célébrer la fête de leurs dieux, font frémir. Ils martyrisaient leur chair comme si elle eût été insensible, dit Clavigero, et versaient leur sang comme un liquide superflu.

Quelques prêtres se saignaient journellement. A l'aide d'épines d'agave, ils se perçaient les lèvres, la langue, les bras et les mollets. Dans les blessures produites par ces piqûres, ils introduisaient des tiges de bambou dont ils augmentaient peu à peu la taille. Le sang de ces blessures était recueilli sur les feuilles d'une espèce de palmier, et l'on plantait les épines sur des boules de foin que l'on exposait dans le temple. Ceux qui se livraient à ces macérations se baignaient dans un bassin nommé Ezapan, parce que ses eaux étaient toujours teintes de sang.

Les jeûnes étaient fréquents chez les Aztèques; ils s'abstenaient alors de boissons fermentées, de viande, et ne mangeaient qu'une fois dans les vingt-quatre heures. Parmi ces jeûnes, il en était d'obligatoires pour le peuple, comme celui des cinq jours qui précédaient la fête de Tezcatlipoca, et celui de la fête du soleil. A ces époques, le roi se retirait dans le temple pour se saigner, selon l'usage national.

D'autres jeûnes étaient particuliers, comme celui des propriétaires des victimes, la veille du jour où celles-ci devaient être immolées. Les maîtres des prisonniers de guerre que l'on sacrifiait à Xipe jeûnaient pendant quarante jours. Les nobles, de même que le roi, avaient dans le temple des appartements spéciaux pour faire pénitence, et, certains jours de fête, tous les employés publics devaient, après leur travail, passer la nuit dans une de ces retraites.

Dans le temple principal de Teotihuacan, habitaient quatre prêtres célèbres par l'austérité de leur vie. Vêtus comme les pauvres gens, ils se nourrissaient d'un pain de maïs de deux onces, et leur boisson se composait d'une tasse d'atolli, sorte de bouillie de maïs encore en usage aujourd'hui. Chaque nuit, deux d'entre eux veillaient, chantaient des hymnes, encensaient les statues sacrées et versaient un peu de leur sang sur les autels. Ils menaient cette vie de jeûne pendant quatre ans, sans autre répit qu'un jour de fête qui revenait tous les mois, et durant lequel ils pouvaient manger ce qui leur plaisait. La veille d'une cérémonie religieuse, ils se perforaient les oreilles à l'aide d'épines d'agave, et introduisaient des morceaux de bambou dans la blessure. Si l'un d'eux mourait, un postulant prenait sa place. Enfin, le temps de la pénitence écoulé, quatre nouveaux prêtres recommençaient aussitôt la même vie. La renommée de ces ascètes était si grande que les rois eux-mêmes les respectaient. Mais malheur à celui d'entre eux qui manquait à ses devoirs : on le tuait à coups de bâton; son corps était brûlé, et l'on jetait ses cendres au vent.

Dans les calamités publiques, le grand prêtre de Mexico se condamnait à un jeûne extraordinaire. Il se retirait au fond d'un bois, dans une cabane de verdure dont on renouvelait les rameaux à mesure qu'ils se flétrissaient. Privé de toute communication avec ses semblables, sans autre aliment que du maïs cru et de l'eau, il passait là une année en prière, répandant de temps à autre son sang.

Fête de Texcatlipoca. 
Une des quatre grandes fêtes aztèques était celle de Tezcatlipoca. Dix jours avant sa date, un prêtre, paré des vêtements du dieu, sortait du temple, un bouquet à la main, soufflant dans un flageolet de terre cuite moulée, qui rendait des sons aigus. Après avoir salué les quatre points cardinaux, en commençant par le levant, le prêtre soufflait avec plus de violence dans son instrument, puis il ramassait un peu de terre qu'il se mettait dans la bouche et l'avalait. Chacun s'agenouillait en entendant les sons de la flûte, et, pleins de terreur, ceux qui avaient commis un crime priaient le dieu de leur pardonner leur faute, de ne pas permettre qu'elle fût découverte, et leur zèle, leur trouble, les trahissaient. En même temps, les soldats demandaient force et valeur pour combattre victorieusement l'ennemi et faire de nombreux prisonniers. A une heure donnée, tout le peuple répétait l'action d'avaler de la terre et implorait la protection des dieux.

Les sons du flageolet se faisaient entendre chaque jour, jusqu'à l'heure où commençait enfin la fête. La veille, les nobles portaient à l'idole un nouvel habillement, dont les prêtres la revêtaient aussitôt; l'ancien, placé dans un coffret, était conservé comme une relique. Outre ce vêtement neuf, on parait le dieu d'insignes d'or, d'argent et de plumes, et l'on soulevait les draperies qui Le jour de la fête, non seulement les esclaves recouvraient momentanément leur liberté; mais, dans la crainte de déplaire au dieu, leurs maîtres s'abstenaient de les maltraiter, même en parole. Le soleil levé, le peuple s'assemblait sur l'assise inférieure du temple. Plusieurs prêtres, peints en noir, vêtus de la même façon que l'idole, la portaient sur une litière. Les jeunes gens des deux sexes lui entouraient le cou d'une longue corde garnie de grains de mais grillés, puis enfilés et formant une guirlande. Cette guirlande, symbole de la sécheresse, si redoutée des Mexicains, se nommait Toxcatl, nom qui devint celui du mois durant lequel la fête se célébrait.

Portant de ces chapelets à la main et autour du cou, les jeunes gens et les nobles marchaient en procession autour du temple, dont le pavé était semé de fleurs et d'herbes odoriférantes. On replaçait alors la statue sur l'autel, puis on lui offrait de l'or, des joyaux, des fleurs, des plumes, des animaux et des comestibles préparés par les femmes ou les jeunes filles qui, par suite de voeux, remplissaient, ce jour-là, l'office de servantes du dieu. Les jeunes filles, guidées par un prêtre vêtu d'une façon bizarre, portaient les vivres que les jeunes gens distribuaient. Enfin, on procédait au sacrifice de la victime qui représentait le dieu Tezcatlipoca, victime choisie parmi les prisonniers les plus jeunes et les plus remarquables par leurs qualités physiques. Désigné pour mourir une année à l'avance, ce jeune homme, à dater de ce jour, portait les mêmes vêtements que l'idole. Il parcourait la ville à son gré, mais toujours escorté de gardes, et on l'adorait comme l'image de la divinité suprême. Vingt jours avant la fête, on mariait ce malheureux à quatre jeunes filles et, durant les cinq derniers jours, on lui procurait tous les plaisirs possibles.

Le matin de la fête, on le conduisait au temple en grande pompe, et, un instant avant d'y arriver, il adressait ses adieux à ses femmes. Il accompagnait la statue dans la procession que nous venons de décrire; puis, l'heure du sacrifice venue, on l'étendait devant l'autel, où le grand prêtre, avec des façons respectueuses, lui ouvrait la poitrine et lui arrachait le coeur. Son cadavre n'était pas jeté du haut des degrés comme celui des autres victimes, mais porté jusqu'au temple et décapité. Le crâne se plaçait dans le Tzompantli, où se conservaient tous ceux des malheureux qui l'avaient précédé. Ses bras et ses cuisses, cuits et condimentés, figuraient sur la table des nobles.

Après le sacrifice, les séminaristes et les prêtres se livraient à la danse jusqu'au coucher du Soleil, et les jeunes filles portaient à l'idole des fruits ornés de crânes et du pain de maïs pétri avec du miel. Ce pain et ces fruits, placés devant l'autel, servaient de prix aux jeunes gens qui sortaient victorieux d'une course entreprise sur les escaliers du temple. Du reste, ce n'était pas là leur seule récompense, on les parait de riches vêtements, et ils étaient acclamés par les prêtres et par le peuple. La fête se terminait par la mise en liberté des séminaristes des deux sexes en âge de se marier. Ceux qui restaient au séminaire accablaient alors leurs anciens compagnons de railleries outrageantes et les criblaient de flèches de jonc, leur reprochant d'abandonner le service des dieux pour les plaisirs du mariage. Les prêtres permettaient ces excès comme un soulagement à l'effervescence naturelle à la jeunesse.

Fête de Huitzilopochtli.
Dans le cours du même mois, on célébrait la première fête de Huitzilopochtli, dont les prêtres fabriquaient d'abord une statue de la taille d'un homme. Ils figuraient les os par du bois d'acacia, et simulaient les chairs à l'aide d'une pâte composée des semences dont ils faisaient usage dans leur cuisine, semences broyées et mêlées de sang. Aussitôt achevée, la statue était revêtue d'habits en étoffe de coton ou de fil d'agave, et couverte d'un manteau de plumes. On lui posait sur la tête un parasol de papier orné de plumes, surmonté d'un couteau de silex ensanglanté, et on lui plaçait une plaque d'or sur la poitrine. Tous les vêtements de l'image étaient semés de dessins représentant des os et diverses parties du corps humain, soit pour rendre hommage au pouvoir du dieu dans les batailles, soit pour rappeler la terrible vengeance tirée par lui de ceux qui avaient conspiré contre l'honneur et la vie de sa mère.

La statue, posée ensuite sur une litière soutenue par quatre serpents en bois, était portée, de l'endroit où elle avait été fabriquée jusqu'à l'autel, par les quatre officiers les plus renommés de l'armée. Des jeunes gens, formant un cercle à l'aide de flèches que les uns tenaient par la pointe et les autres par la baguette, précédaient la litière, chargés d'une sorte de pancarte sur laquelle étaient représentées les actions glorieuses du dieu, actions que l'on célébrait en même temps par des hymnes.

Le jour de la fête, on décapitait le matin nombre de perdrix, dont on jetait les corps au pied de l'autel. Le premier qui sacrifiait un de ces oiseaux était le roi, bientôt imité par les prêtres et le peuple. Tout ce gibier garnissait ensuite la table royale et celle des prêtres. Les fidèles, armés d'encensoirs en terre, brûlaient des parfums en l'honneur du dieu, et recueillaient les braises dans un foyer nommé Tlexictli.

Après cette cérémonie, qui valait à la fête le nom d' « Encensement de Huitzilopochtli-», les jeunes filles et les prêtres dansaient. Les premières se peignaient le visage, ornaient leurs bras de plumes, se couronnaient de chapelets de maïs et portaient à la main des bambous surmontés de banderoles en coton ou en papier. Les prêtres, le visage noirci, le front couvert de rondelles de papyrus, les lèvres enduites de miel, étaient armés d'un sceptre terminé par un globe de plumes surmonté d'une fleur. Sur le bord du foyer où brûlait le feu sacré, deux hommes, chargés d'une cage en sapin, dansaient, tandis que les prêtres s'appuyaient sur leurs sceptres, cérémonies qui avaient toutes une signification. Dans un lieu séparé, les courtisans et les officiers se livraient également à la danse; mais les musiciens, au lieu d'occuper le centre du bal, se postaient de façon qu'on entendît le son des instruments sans voir ceux qui en jouaient.

Une année avant la fête, en même temps que la victime destinée à Tezcatlipoca, on choisissait celle qui devait être offerte à Huitzilopochtli. Cette nouvelle victime était désignée sous le nom d'Ixteocale (savant seigneur du ciel). Les deux captifs se promenaient ensemble; toutefois, on n'adorait pas le représentant de Huitzilopochtli. Le jour du sacrifice, la victime était vêtue d'un habit de papier peint et on la couronnait d'une sorte de mitre fabriquée de plumes d'aigle. Sur l'épaule, on lui plaçait un filet et un sac, et, avec cette charge, elle prenait part aux danses. La coutume permettait à ce malheureux de fixer lui-même l'heure de son supplice. Aussi, une fois résolu à mourir, il se présentait aux sacrificateurs qui, au lieu de l'étendre sur l'autel, lui arrachaient le coeur en le soutenant sur leurs bras. Leur tâche accomplie, ils reprenaient leurs danses jusqu'à la nuit, ne s'interrompant que pour encenser a statue du dieu. C'est dans cette fête que les prêtres pratiquaient une incision sur le ventre, la poitrine et les poignets des enfants nés une année auparavant; cette opération les consacrait au dieu protecteur de la nation, et c'est elle qui a dû faire croire que la circoncision se pratiquait chez les Aztèques. Cependant, Torquemada affirme qu'elle faisait partie des coutumes totonaques.

Chaque dieu avait donc ses fêtes, toujours terminées par des sacrifices humains, et le temps devait à peine suffire aux Aztèques pour accomplir les devoirs réclamés par leur religion. Selon toute probabilité, en dehors des fêtes de Tlaloc, de Quetzacoatl, de Tezcatlipoca et de Huitzilopochtli, chacun n'était tenu de manifester son zèle que pour le dieu protecteur de sa caste ou de son métier.

Cérémonies diverses

Autour de la naissance.
Lorsqu'une Mexicaine se sentait enceinte, elle communiquait cette nouvelle à ses proches. La famille se réunissait aussitôt pour féliciter la future mère et faire choix de la matrone qui aurait à l'assister. « L'heure mortelle » arrivée, si la patiente venait à succomber, on la parait de ses vêtements les plus luxueux; puis, après le coucher du soleil, son mari l'emportait sur ses épaules, escorté par nombre de matrones armées d'épées et de boucliers. Il s'agissait de défendre le corps de la défunte contre les entreprises des soldats novices, auxquels une étrange superstition faisait croire que l'un des doigts d'une femme morte dans l'enfantement était un talisman qui rendait invincible. Cette mutilation évitée, on déposait le corps sous les degrés du temple des déesses Cihuapilli (femmes célestes). Assisté de ses amis, le mari devait veiller pendant quatre jours encore sur la chère dépouille, menacée alors par les sorciers.

Dans les cas ordinaires, la sage-femme lavait le nouveau-né et lui disait : « Reçois cette eau, car ta mère est la déesse Chalchiutlicue. Ce bain effacera les souillures qui viennent de tes pères, nettoiera ton coeur et te donnera une bonne vie. » S'adressant ensuite à la déesse, elle lui demandait de l'exaucer. Prenant alors de l'eau avec la main droite et soufflant dessus, elle en humectait la bouche, la tête, la poitrine de l'enfant, et le baignait en disant  : « Que le dieu invisible descende sur cette eau, qu'il efface tous tes péchés, et qu'il te garde contre la mauvaise fortune. Gracieuse créature, les dieux Ométeuctli et Omécihuatl t'ont créée dans le lieu le plus élevé du ciel, pour t'envoyer sur la terre; mais sache que la vie est triste, douloureuse, pleine de misère, de maux, et que tu ne pourras manger qu'en travaillant. Que les dieux t'aident dans les nombreuses adversités qui t'attendent! » Après ce discours, elle félicitait le père, la mère et les parents.

Le bain terminé, on consultait les devins sur la bonne ou la mauvaise fortune réservée à l'enfant. On tenait alors compte du signe qui marquait le jour de sa naissance, de celui qui dominait dans la période écoulée depuis treize ans. Si l'enfant était né à minuit, on comparait le jour précédent et le suivant. Leurs observations achevées, les devins pronostiquaient le sort futur du nouveau-né. Si le jour passait pour néfaste, on rejetait à cinq jours plus tard le second bain de l'enfant.

Le second bain avait plus d'importance que le premier; on y conviait ses parents, ses amis et nombre d'enfants. Si le père était riche, il donnait un banquet et faisait don d'un habit à chaque convive. S'il était soldat, il fabriquait un vêtement, un arc et quatre flèches à la taille du nouveau-né; et, s'il était laboureur ou artisan, de petits outils pareils à ceux dont il se servait dans son métier. Mêmes soins pour les filles, auxquelles on préparait de petits fuseaux. On allumait nombre de lumières, puis la sage-femme promenait l'enfant dans la cour de l'habitation, le posait sur un amas de feuilles, près d'un bassin, et répétait les paroles déjà rapportées. Lui frottant tous les membres, elle ajoutait : « Où es-tu mauvaise fortune? Sors du corps de cet enfant. » Elle l'élevait alors au-dessus de sa tête, et l'offrait aux dieux, les priant de lui donner toutes les vertus. Elle invoquait ensuite la déesse des eaux, puis le soleil et la terre. « Toi, soleil, père de tous les vivants, disait-elle, et toi, terre, notre mère, acceptez cet enfant, protégez-le comme s'il était votre fils. S'il doit être soldat, qu'il meure à la guerre, en défendant l'honneur des dieux, afin qu'il puisse jouir dans le ciel des délices réservées aux braves qui sacrifient leur vie pour une si bonne cause. »

On plaçait alors entre les petites mains de l'enfant l'imitation en miniature des armes qu'il devait porter, ou des outils dont il devait faire usage, et l'on invoquait le dieu tutélaire de la profession à laquelle il était destiné. Les armes étaient ensuite enfouies dans un champ où l'on supposait que l'enfant pourrait combattre dans l'avenir. S'il s'agissait d'une fille, le petit fuseau s'enterrait dans la demeure même, sous le métatl ou pierre à broyer le maïs. D'après Boturini, le néophyte, ce jour-là, devait être passé quatre fois au-dessus d'une flamme.

Avant de placer les outils dans les mains du nouveau-né, la sage-femme engageait les enfants amenés pour la cérémonie à donner un nom à leur petit compagnon, et ceux-ci prononçaient le nom que le père leur avait indiqué d'avance. On habillait alors le poupon, puis on le déposait sur un lit en priant Xoalticitl, déesse des berceaux, de le réchauffer sur son sein, et Xoalteuctli, dieu de la nuit, de l'endormir.

Le nom donné à l'enfant s'empruntait parfois aux signes astronomiques du jour de sa naissance, coutume presque constante chez les Mixtèques. Ainsi, on le nommait Macuilcoatl, c'est-à-dire cinquième serpent, ou Omécali, seconde maison. Parfois encore on profitait d'une des circonstances remarquables de sa venue au monde pour le désigner, comme il arriva pour un des quatre chefs qui régissaient la république de Tlaxcala lors du débarquement des Espagnols. Ce chef se nommait Citlapoca (= Etoile fumante), parce qu'il était né lors de l'apparition d'une comète.

Le garçon qui naissait le jour de la rénovation du feu prenait le nom de Molpilli, et la fille celui de Xiuhnénetl, noms qui rappelaient les particularités de cette fête. On donnait encore des noms d'animaux aux garçons et des noms de fleurs aux filles, selon les rêves du père ou les conseils des devins. D'ordinaire, l'enfant ne recevait qu'un nom; toutefois, les garçons pouvaient en acquérir un second par leurs prouesses, leurs qualités ou leurs défauts; ce fut le cas de Montezuma Ier, dit Ilhuicamina (celui qui lance des flèches vers le ciel ou l''homme colérique).

La cérémonie du bain terminée, un banquet avait lieu. On buvait un peu plus que de coutume, mais sans aller jusqu'à l'ivresse. On laissait les lumières se consumer, et, durant les quatre jours qui séparaient le second bain du premier, on prenait soin que le feu ne s'éteignit pas, accident qui eût été de mauvais augure. Un nouveau banquet réunissait les convives à l'époque du sevrage de l'enfant, c'est-à-dire vers sa troisième année. La circoncision n'existait pas chez les Aztèques, bien qu'elle paraisse avoir été une coutume des Totonaques.

Notons que, sociables au plus haut degré, d'une urbanité qui ne s'est pas encore effacée de leurs moeurs, les Aztèques aimaient les fêtes et les banquets. Dans ces réunions, la place de chaque invité était marquée selon son rang, son mérite ou son âge. Les repas, admirablement ordonnés, surprirent les Espagnols par le luxe des plats, du service et du linge, par une observation sévère des convenances et par des raffinements de propreté.

Autour du mariage.
Dans les mariages, les lois de la pudeur étaient sévèrement respectées, et les unions entre proches parents prohibées, excepté entre beau-frère et belle-soeur. Les pères décidaient du mariage, qui ne se concluait jamais sans leur consentement. Lorsqu'un jeune homme atteignait l'âge de vingt ou vingt-deux ans, une jeune fille celui de dix-sept ou dix-huit, les parents cherchaient à les assortir et interrogeaient les devins. Après avoir consulté les jours de naissance des deux jeunes gens, les augures annonçaient si l'union souhaitée serait heureuse ou malheureuse. Si le pronostic se montrait favorable, la jeune fille était demandée à son père par des « solliciteuses » choisies parmi les parentes les plus respectables du jeune homme. Ces ambassadrices faisaient leur première visite vers le milieu de la nuit, portaient des cadeaux au père et à la mère, puis les suppliaient de leur accorder la main de leur fille. La première demande était infailliblement repoussée, quels que fussent les avantages de l'union projetée et le désir des parents de la conclure. Ceux-ci, pour la forme, manifestaient une vive répugnance à se séparer de leur enfant. Après plusieurs jours, les solliciteuses revenaient à la charge, appuyant leur nouvelle instance de prières et de raisons plausibles, énumérant les biens du jeune homme, s'informant de ceux de la jeune fille. Les parents, cette fois, déclaraient ne pouvoir se décider avant d'avoir consulté leur fille et leurs proches. Les solliciteuses se retiraient pour ne plus revenir, le père de la fiancée restant chargé de transmettre une réponse.
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Une mariage aztèque.
Un mariage aztèque.

Si celle-ci était favorable, on fixait la date du mariage. Le père et la mère de la jeune fille, après l'avoir exhortée à la fidélité, à l'obéissance envers son mari, et après l'avoir engagée à se bien conduire par respect pour sa propre famille, la menaient chez son beau-père avec accompagnement de musique. Le futur et ses parents, précédés de quatre femmes portant des torches enflammées, recevaient la future épouse à la porte de leur demeure. Les fiancés s'encensaient mutuellement, puis le jeune homme, prenant l'accordée par la main, l'introduisait dans la salle où le mariage devait se célébrer. Tous deux s'asseyaient sur une natte neuve, placée au milieu de la pièce, près du feu préparé pour la cérémonie. Alors un prêtre attachait un pan du manteau de la jeune fille à celui du jeune homme, et en cela consistait essentiellement le contrat de mariage. L'épouse faisait ensuite sept fois le tour du foyer; de retour près de la natte, elle offrait, en compagnie de son mari, de l'encens aux dieux, puis tous deux se présentaient de menus cadeaux.

Suivait un banquet; les mariés mangeaient sur leur natte, se portant réciproquement les mets à la bouche. Lorsque les convives, assis à part, commençaient à s'échauffer par l'effet de leurs libations, ils allaient danser dans la cour de la maison. Les époux demeuraient quatre jours dans le même lieu, ne sortant que vers le milieu de la nuit pour aller encenser les effigies représentant les divinités et leur offrir des comestibles. Ces quatre jours, ils les passaient à jeûner et à prier. Leur couche se composait de deux nattes neuves couvertes de morceaux d'étoffes, ayant à leur centre une plume, un fragment de peau de tigre et une pierre fine nommée chalchihuitl. Aux quatre coins, on posait des bambous et des épines d'agave, afin qu'ils se tirassent du sang des oreilles et de la langue en l'honneur des dieux. Les prêtres se chargeaient de la confection du lit; mais on ignore la signification des joyaux, des plumes et des bambous dont ils le garnissaient. Enfin, le mariage était consommé. Les époux revêtaient alors un costume neuf dont ils se faisaient don, puis l'épouse se parait la tête de plumes blanches et les pieds de plumes rouges. La fête se terminait par le cadeau d'un vêtement présenté par la famille à chaque convive; on portait ensuite au temple les nattes, les étoffes, les bambous et les comestibles, comme hommage aux dieux. Un morceau de charbon ou des cendres, trouvés dans la chambre nuptiale, étaient considérés comme de mauvais augure, tandis que la découverte d'un grain de maïs passait pour un signe de félicité.

Ces usages, suivis dans tout l'Empire aztèque, se modifiaient sur quelques points dans les contrées voisines. A Ichcatlan, le jeune homme qui voulait se marier se présentait aux prêtres. Ceux-ci le conduisaient dans le temple, devant les idoles, lui coupaient quelques cheveux, et, le montrant au peuple, ils criaient : « Cet homme veut se marier-». On lui faisait ensuite descendre les degrés du sanctuaire, et la première femme libre qu'il rencontrait devenait son épouse, comme si elle lui eût été destinée par les dieux. Naturellement, les jeunes filles qui ne voulaient pas du postulant pour mari se gardaient ce jour-là de s'approcher du temple. Pour la célébration de l'union, on suivait l'usage des Mexicains.

La polygamie était permise chez les Aztèques; aussi les rois et les nobles possédaient-ils un grand nombre de femmes. Toutefois, la première seule semble avoir eu droit aux cérémonies nuptiales.

Autour de la mort.
Lorsqu'un Aztèque mourait, après avoir pris soin de lui fermer les yeux, on appelait les maîtres des cérémonies mortuaires, gens très honorés. Après avoir découpé nombre de morceaux de papyrus, ces fonctionnaires en couvraient le corps du défunt, puis lui versaient un vase d'eau sur la tête. Ils l'habillaient ensuite d'une façon conforme à sa condition, à sa fortune ou aux circonstances de sa mort. S'il s'agissait d'un militaire, on le parait comme la statue de Huitzilipochtli; comme celle de Xacateuctli, s'il était marchand. Celui qui mourait noyé était habillé comme Tlaloc, et l'on revêtait ceux qui succombaient aux suites de l'ivresse des insignes de Tezcatzoncatl, dieu du vin.

On plaçait près du mort un vase rempli d'une eau destinée à l'abreuver dans son voyage pour l'autre monde, et on le munissait de fragments de papyrus en lui expliquant l'usage qu'il en devait faire. « Avec celui-ci, disait un des maîtres de cérémonie, tu passeras sans danger entre les deux montagnes qui se battent; avec cet autre, tu chemineras sans obstacle sur la route défendue par le grand serpent, et, avec ce troisième, tu franchiras sans encombre le domaine du grand crocodile Xochitonatl. » Le quatrième papyrus était un sauf-conduit pour traverser les sept déserts; le cinquième servait pour les huit collines et le sixième pour se défendre contre la bise, car on croyait que le mort aurait à passer par un lieu où régnait un vent si violent qu'il soulevait les pierres, et si aigu qu'il coupait comme un couteau. Pour la même raison, on brûlait les vêtements et les armes du funèbre voyageur afin que la chaleur produite par cette combustion le préservât du froid de ce terrible vent.

Une des principales cérémonies consistait à tuer un téchichi, une race de chien domestique aujourd'hui perdue - afin qu'il accompagnât le mort dans son voyage. On entourait le cou de l'animal d'une corde pour qu'il pût traverser la profonde rivière des Neuf-Eaux. Le téchichi était enterré ou brûlé en même temps que son propriétaire, selon le genre de mort de ce dernier.

Tandis que les maîtres de cérémonie incendiaient le bûcher sur lequel ils avaient placé le défunt, les prêtres entonnaient un hymne funèbre. Le cadavre brûlé, on recueillait ses cendres dans un vase de terre au fond duquel on plaçait un joyau d'une valeur proportionnée à la fortune du défunt et destiné à lui servir de coeur dans les régions qu'il allait habiter. Le vase s'enterrait dans une fosse profonde, que pendant quatre jours on recouvrait d'offrandes de pain et de vin, coutume à laquelle n'ont pas renoncé les Aztèques modernes.

C'étaient là les rites funèbres des gens de basse condition. D'après Gomara, lorsque le roi tombait malade, on couvrait de masques le visage des représentations Huitzilipochtli et Tezcatlipoca, masques que l'on n'enlevait qu'à la guérison ou à la mort du patient. Aussitôt le roi expiré, on publiait la nouvelle avec grand apparat, et l'on prévenait tous les nobles du royaume afin qu'ils vinssent assister aux funérailles.

En attendant, on couchait le cadavre royal sur des nattes de grand prix, et ses domestiques montaient la garde autour de lui. Le quatrième ou le cinquième jour, quand les nobles, vêtus d'habits de gala, étaient rassemblés ainsi que les esclaves qui devaient assister à la cérémonie, on habillait le mort d'une quinzaine de vêtements de coton teints de différentes couleurs, on l'ornait de joyaux d'or, d'argent et de pierres fines; on lui suspendait une émeraude à la lèvre inférieure pour lui servir de coeur, on lui cachait le visage sous un masque, puis on le parait des insignes du dieu dans le temple duquel ses cendres allaient être déposées. En outre, on coupait une partie de sa chevelure, que l'on réunissait à des boucles qu'on lui avait enlevées dans sa jeunesse. Ces reliques étaient enfermées dans un coffret au-dessus duquel on plaçait son buste en pierre ou en bois afin de perpétuer sa mémoire. On tuait ensuite l'esclave qui avait coutume de l'assister dans ses, dévotions, afin que ce malheureux pût continuer son service dans l'autre monde.

On emportait le cadavre, qu'escortaient les parents et la noblesse. Les femmes du défunt figuraient dans le cortège, remplissant l'air de leurs lamentations. Les nobles portaient un grand étendard de papyrus, les armes du mort et les insignes de la royauté. Les prêtres chantaient, mais sans accompagnement d'instruments.

Le premier gradin du temple atteint, les grands prêtres et leurs acolytes venaient recevoir le corps et le déposaient sur un bûcher composé de bois résineux et couvert d'encens. Tandis que le royal cadavre se consumait, on immolait nombre de ses esclaves, plus ceux qu'offraient les nobles pour cette solennité. On sacrifiait aussi quelques-uns des êtres difformes que le roi entretenait dans son palais, afin qu'ils allassent divertir leur maître dans l'autre monde, en compagnie de plusieurs de ses femmes. Le chiffre des victimes variait selon l'importance des funérailles; d'après les calculs les mieux établis, il n'était guère éloigné de deux cents, y compris le téchichi, sans lequel le mort n'eût pu sortir des tortueux sentiers qui conduisaient à l'autre monde.

Le jour suivant, on recueillait les cendres et les dents du défunt, puis l'émeraude qu'on lui avait suspendue à la lèvre, et ces reliques allaient rejoindre ses cheveux dans le coffret qui devenait un cercueil. Pendant quatre jours on portait sur la tombe des offrandes de comestibles; le cinquième, on sacrifiait encore quelques esclaves, cérémonie qui se répétait le vingtième, le soixantième et le quatre-vingtième jour. A dater de cet instant, on n'offrait plus au mort, et cela l'année suivante, que des lapins, des papillons, des perdrix ou d'autres oiseaux; puis du pain, du vin, de l'encens, des fleurs et des bambous remplis de matières aromatiques. Cet anniversaire se célébrait pendant quatre ans. En général, on brûlait les cadavres et l'on n'enterrait que les gens qui se noyaient ou mouraient d'hydropisie.

Les Aztèques n'avaient pas de cimetières proprement dits; ils enfouissaient les cendres des morts près d'un temple, dans les champs ou sur les montagnes au sommet desquelles ils avaient coutume d'offrir des sacrifices. Les cendres des rois et des nobles, nous l'avons vu, se déposaient dans les tours dont les temples étaient surmontés.
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Sacrifice d'un esclave à la mort d'un noble aztèque.
Sacrifice d'un esclave (à droite) 
après la mort d'un noble aztèque (à gauche).
Codex Tudela.

Dans les manuscrits mexicains, le mort est toujours représenté ficelé, empaqueté, les jambes ramenées devant le tronc, les genoux sous le menton. D'après le Conquérant anonyme, le corps que l'on enterrait se déposait dans une fosse profonde; on asseyait le cadavre sur une chaise basse, avec les outils de sa profession. Le militaire était enterré avec un bouclier et une épée, les femmes avec un fuseau, un balai et des vases culinaires; les gens riches avec leurs bijoux et de l'or. Aussi, les Espagnols s'occupèrent-ils de bonne heure à fouiller les tombeaux, d'où ils retirèrent de grandes richesses.

Les Chichimèques, à l'origine, enterrèrent leurs morts dans les grottes; puis, lorsqu'ils se civilisèrent, ils adoptèrent les cérémonies des Alcolhuas, à peu près semblables à celles des Aztèques.

Les Mixtèques ne conservèrent qu'en partie les anciens usages des Chichimèques. Lorsqu'un de leurs chefs tombait malade, on faisait des prières publiques, et l'on offrait aux dieux des ex-voto et des sacrifices. Si le patient guérissait, on célébrait son rétablissement par des fêtes; s'il mourait, on continuait à parler de lui comme s'il eût été vivant. On plaçait devant son cadavre un de ses esclaves revêtu de ses habits, on couvrait le visage de ce malheureux d'un masque et, pendant un jour, on lui rendait les mêmes hommages que l'on avait coutume de rendre au défunt. A minuit, quatre chefs s'emparaient du corps pour l'enterrer dans une forêt ou dans une grotte, de préférence dans une de celles qui passaient pour être une des portes du paradis. Au retour, on sacrifiait l'esclave qui avait, tenu la place de son maître, et on l'enterrait, avec les insignes de son éphémère autorité. 

Chaque année, à l'époque de la naissance du défunt, on célébrait sa fête, mais on ne parlait jamais de sa mort. Les Zapotèques embaumaient le corps du chef de leur nation, coutume qui paraît avoir été aussi en usage parmi les Chichimèques. (L. Biart).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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