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L'abbaye de Lérins

Abbaye de Lérins. - Cette abbaye fut fondée par saint Honorat, dans l'île qui porte encore son nom. Honorat, d'origine gallo-romaine, attiré par l'exaltation monachique de l'Orient chrétien, s'embarqua avec son frère Venant (Venantius) à Marseille pour la Grèce. Venant mourut à Méthone; Honorat revint en Gaule, après avoir traversé l'Italie, et s'arrêta chez Léonce, évêque de Fréjus. La tradition lui assigne pour demeure la grotte de Sainte-Baume, sur le cap Roux. Là, il choisit, aux premières années du IVe siècle, sans que l'on puisse préciser la date, la plus petite des îles de Lérins, inhabitée alors, pour y mener, avec les compagnons qui s'étaient rapidement groupés autour de lui, la vie cénobitique. Ils construisirent une église et un monastère, dont Honorat resta le chef, jusqu'à ce que les Arlésiens l'appellent au siège épiscopal de leur ville en 426. Il mourut le 14 avril 429. Ses reliques furent transportées d'Arles à Lérins en 1391.
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Les îles de Lérins dans l'histoire

Les îles de Lérins étaient célèbres dès l'Antiquité. Saint-Honorat, que les anciens appelaient Lerina, Lerinus ou Planasia, reçut probablement les premiers colons étrangers. On y trouvait une ville phénicienne (Berconum ou Verconum) et quelques villages. Lerona, appelée plus tard Sainte-Marguerite, possédait également quelques colons et un fort avec un temple dédié au dieu Lero. 

Dès les premiers siècles du christianisme les deux îles devinrent des centres importants de vie monastique. Dans l'une fut fondée l'abbaye Sainte-Marguerite, d'où elle a tiré son nom moderne; dans l'autre, saint Honorat établit, dit-on, en 375, un couvent (l'abbaye dont il est question ici).

Dès 725, les îles ne cessèrent d'être la proie des pirates sarrasins, des Vikings, des Génois et plus tard des Barbaresques. Andrea Doria les prit en 1536; les Espagnols s'en emparèrent à leur tour en 1635; ils en furent chassés par le comte d'Elbeuf et le cardinal de Sourdis en mai 1637. Elles tombèrent, le 31 décembre 1746, entre les mains des Anglo-Autrichiens qui en furent expulsés en juin 1747 par le chevalier de Belle-Isle. Dans le fort actuel de Sainte-Marguerite, qui date de Richelieu, ont été enfermés le comte Antoine-Hercule Mattioli, à l'origine de la légende du Masque de Fer, et, en 1873, le maréchal Bazaine, qui parvint bientôt à s'échapper. (J. Marchand).

L'action exercée au Moyen âgepar l'abbaye de Lérins sur la christianisation de la Provence et d'autres parties de la Gaule, ressort du fait que les personnages les plus marquants de ce mouvement religieux ont presque tous passé par le monastère, comme les saints Eucher, Vincent, Salvien, Loup, Hilaire, Maxime, Fauste, Césaire et d'autres. Dans les tempêtes du VIe siècle, la discipline de l'abbaye de Lérins se relâche et sa puissance diminue. Le moine Aygulfe, du monastère de Fleury-sur- Loire, pensa réformer Lérins en soumettant ses moines à la règle de Saint-Benoît; il lui en coûta la vie. Après un court réveil du temps de Charlemagne, une nouvelle décadence menaça de ruiner Lérins. Alors Benoît VII (974-983) remit la direction de l'abbaye à la congrégation de Cluny qui inspirait à ce moment la politique ecclésiastique. Ce fut le commencement d'une nouvelle période pour Lérins. 

Au XIe siècle, particulièrement sous les abbés Amaury, Albert Ier et II, de grands privilèges furent obtenus en même temps que des donations importantes. L'opulence régna bientôt à Lérins comme à Cluny; au XIVe siècle, les moines de Lérins réclamaient le titre de domini en guise de l'appellation de fratres. Puis les papes d'Avignon commencèrent à prélever leur droit sur les ressources de l'abbaye sans réussir à l'appauvrir. 

Depuis le VIe siècle, Lérins avait été rattachée au diocèse d'Antibes, dont la résidence épiscopale fut transférée à Grasse en 1244. Une troisième et dernière période commence pour le monastère de Lérins vers 1515. Depuis la fin du siècle précédent, l'abbaye était devenue la proie d'abbés commendataires. L'un d'entre eux, Auguste de Grimaldi, renonça aux pouvoirs, mais non aux revenus de sa dignité, en affiliant le monastère aux bénédictins, connus plus tard sous le nom de bénédictins du Mont-Cassin. C'est alors que Denys Faucher d'Arles tenta de créer à Lérins un centre d'études humanistes. Mais, comme Grimaldi, en qualité de seigneur de Monaco, tenait pour Charles-Quint contre François Ier, le monastère de Lérins fut pillé par le connétable de Bourbon en 1524, et donné en commende par François Ier au cardinal de Bourbon d'abord, puis à Jean du Bellay; au siècle suivant, Mazarin la posséda. Finalement, l'évêque de Grasse parvint, à force d'intrigues, à s'assurer la disposition de l'abbaye (1732) qui fut ensuite (1752) transférée à l'évêque de Digne. En 1788, elle fut sécularisée et, en 1791, vendue aux enchères pour 37000 livres. L'église fut rendue au culte en 1859 et desservie par des religieux de Saint-Pierre à Marseille. (F.-H. K.).

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Dictionnaire Villes et monuments
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