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Alignements
de Carnac, en breton Querrec ou Kerrec, c. -à-d.
le lieu des pierres (Morbihan), sur une colline dominant la baie de Quiberon.
- Ces alignements Carnac se composent de longues lignes parallèles
de menhirs ou pierres levées, qui se
prolongent de l'Est à l'Ouest pendant environ 1500 m depuis la métairie
du Ménec jusque vers le château du Laz et le village de la
Trinité. Ils se divisent en trois groupes :
1° les alignements du Ménec
au nombre de 11, comprenant 1129 menhirs;
2° les 10 alignements de Kermario,
comptant 982 menhirs dont près de la moitié a été
acquise dès le XIXe siècle
par l'État pour les préserver de la destruction;
3° les 13 alignements de Kerlescan
comprenant 579 menhirs. Ils sont interrompus çà et là
par des tumulus dont le plus élevé est le mont Saint-Michel,
au Sud des alignements, haut de 20 m environ et long de 115 m à
la base sur son grand axe.
Les pierres de Carnac étaient encore
au nombre de 4 000 ou environ au XVIIIe
siècle; longtemps, une terreur superstitieuse
les a protégées contre la destruction, mais au siècle
suivant on en a détruit un grand nombre et, pour protéger
celles qui restent debout, il a fallu les classer parmi les monuments historiques
ou même en faire l'acquisition. Au XXe,
le tourisme aura été la principale menace qui aura pesé
sur les menhirs de Carnac, au point que leur accès à été
finalement limité.
Ces monuments devaient frapper de bonne
heure l'imagination populaire et ont en effet donné lieu à
diverses légendes; nous nous contenterons de rapporter ici celle
à laquelle ils doivent le nom que les paysans leur ont longtemps
donné : San Cornely Soudarded ( = soldats de saint Cornély).
Le saint,
poursuivi par une armée de païens, les aurait subitement métamorphosés
en pierre, au moment où, acculé au bord de la mer, il semblait
ne plus pouvoir leur échapper. Pour être moins naïves,
les explications de certains savants et chercheurs n'ont été
guère plus vraisemblables. Un ingénieur du XVIIIe
siècle, La Sauvagère, a soutenu l'opinion, acceptée
par Ogée, que ces alignements marquaient l'emplacement d'un camp
établi par César lors de sa campagne
contre les Vénètes.
«
Il est à croire, dit Ogée, que les Romains plantèrent
ainsi ces pierres debout pour mettre leurs tentes ou leurs baraques à
l'abri et les garantir par le moyen de cette muraille continue des coups
de vents violents qui règnent fréquemment sur ces côtes.-»
La plupart des celtomanes ont voulu y voir
des monuments du culte druidique
: l'un d'eux, Penhoet, imagina même qu'ils devaient être un
temple de l'«-ophiolatrie » ou
culte du serpent
dont ils rappelaient les replis sinueux, et appela tout l'ensemble un dracontium!
Plus près de nous, des auteurs ont voulu attribuer aux alignements
de Carnac, comme à d'autres constructions mégalithiques
(Stonehenge, par exemple), une signification
astronomique. Sans nier l'existence d'orientations en relation avec des
positions remarquables d'astres, et qui sont dans certains cas d'évidence
délibérées, mais que l'on rencontre d'ailleurs à
toutes les époques, on ne peut que se montrer très circonspect
devant ces théories ad hoc. La part d'arbitraire et l'anachronisme
des concepts dont elles se nourrissent est beaucoup trop importante. Ces
interprétations posent également des problèmes
méthodologiques : elles ne retiennent dans les faits que ceux qui
servent à conforter l'opinion que l'on s'est faite a priori, en
excluant tous les autres...
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Les
menhirs de Carnac.
Sans pousser plus loin l'énumération
des rêveries et des divagations que ces pierres ont suggéré
à l'imagination des uns et des autres, disons que l'on n'a pas encore
d'explication satisfaisante de leur origine. Plusieurs auteurs ont prétendu,
non sans vraisemblance, que ces menhirs devaient être associés
à des monuments funéraires, mais c'est une conjecture que
les fouilles faites à diverses reprises n'ont pas absolument vérifiées;
on a, il est vrai, fréquemment trouvé à leur base
des charbons, des pierres rougies par l'action du feu et des terres chargées
de phosphate de chaux, mais, outre qu'il n'est pas sûr qu'il faille
dater ces vestiges de la même époque que les menhirs, il se
pourrait aussi que ce soit là des vestiges des sacrifices faits
lors de la consécration des monuments.
Mortillet, l'un des premiers à avoir
vu dans tous ces mégalithes, des témoignages antérieurs
aux premières invasions celtiques et y voyait des monuments commémoratifs
« des espèces d'archives; chaque pierre rappelant un fait,
une personne ou une date ». On peut assurément considérer
que l'érection de tout monument est une manière « de
prendre date », mais peut-on être plus précis sur la
signification exacte des alignements de menhir? Tout ce que l'on en sait
peut se résumer en trois phrases : ces alignements appartiennent
certainement au Néolithique final ou au Bronze ancien, et participent
de la grande vague de constructions mégalithiques qu'on observe
à cette époque dans cette partie de l'Europe. Leur mise en
place a demandé tellement d'efforts et sur une période qui
a dû être nécessairement longue à l'échelle
humaine, que l'on peut en déduire qu'ils revêtaient une importance
considérable dans les conceptions, et le système de valeurs
des sociétés qui en sont à l'origine. De cela, il
suit que leur signification devait avoir un caractère religieux.
Terminons en notant que si les fouilles
faites au pied des menhirs de Carnac n'ont abouti qu'à des résultats
négatifs, il n'en est pas de même de celles qu'on a pratiquées
dans les tumulus épars au milieu et aux bords des alignements. Elles
ont démontré que tous étaient des amoncellements,
parfois considérables, de pierrailles, recouverts d'une chape de
vase marine et sous lesquels se trouvaient des dolmens. Tous ces dolmens
formaient des chambres sépulcrales, qui ont fourni, avec des ossements
inhumés et incinérés, un intéressant mobilier
funéraire composé de haches et outils divers de pierre (silex,
jade, serpentine, etc.), grains de colliers, poteries, etc. Les produits
de celles de ces fouilles qui furent faites au XIXe
siècle sous la direction de la Société polymathique
du Morbihan ont été conservés au musée de Vannes.
Chacun de ces tumulus ne recelait qu'une seule chambre sépulcrale,
en sorte que, pour le mont Saint-Michel-en-Carnac, par exemple, il est
établi qu'on avait accumulé environ 40 000 mètres
cubes de matériaux pour recouvrir une chambre funéraire de
moins de 3 mètres cubes de contenance. (A19). |
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