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Les arts premiers
[Page à actualiser, à corriger et à compléter]. Si l'on veut surprendre dans l'histoire la première manifestation de l'art, il faut remonter aux origines même de l'humanité. On voit que l'art est aussi naturel à l'Humain que l'instinct de conservation; en même temps qu'il travaille à la satisfaction de ses besoins ou à sa défense, il crée un art; il est ornemaniste avant d'être potier; « industriel par besoin, il se révèle artiste par instinct », a-t-on dit. C'est ainsi que le goût de la toilette a précédé les habits et que les Humains ont cherché à se parer de colifichets avant d'éprouver le besoin de se vêtir. On a trouvé, dans les grottes ornées du Paléolithique, de grandioses exemples d'un art, antérieur de plusieurs millénaires aux plus vieilles statues de l'Egypte, contemporain d'une époque où dans les forêts du midi de la France vivait le Mammouth, et dans ses prairies les Aurochs et les Rennes.

Les cavernes de la Dordogne, celles de la Vienne, de la Haute-Garonne, de l'Ariège, de la Charente, des Pyrénées, celles de Pont-à-Lesse et de Goyet en Belgique, celle de Creswel en Angleterre, etc., ont révélé un grand nombre de dessins gravés avec un morceau de silex sur la pierre, l'os ou l'ivoire et représentant, quelquefois avec une étonnante fidélité, des animaux et des humains, des scènes de chasse, des Mammifères, plus rarement des Oiseaux ("pingouins" de la grotte Cosquer, par exemple), des Poissons, des Reptiles, des Végétaux, et aussi des manches d'armes, des propulseurs, ou des bâtons de commandement sculptés et gravés. Quelques-uns de ces dessins (celui, par exemple du Renne au pâturage de la caverne de Thayngen) sont d'une habileté qui confond l'imagination. Entre l'artiste magdalenien qui entaillait sur un morceau de défense l'image du Mammouth et les Phidias ou les Raphaël, il y a peut-être une différence de degré ou d'époque, mais non pas de nature.

Les représentations d'animaux sont toujours supérieures à celles des humains; et, fait curieux à noter, sauf de place en place où se développe un art naturaliste, elles disparaissent presque complètement dans la période de la pierre polie et pendant l'âge du bronze, où l'ornementation consiste uniquement en différentes combinaisons de lignes droites et courbes et en dessins géométriques. John Lubbock y voyait la preuve d'une différence de culture dans la population de l'Europe occidentale à ces différentes époques. 

C'est ainsi qu'aujourd'hui, écrivait-il, « les Esquimaux [Inuit] sont assez bons dessinateurs, tandis que les Polynésiens, beaucoup plus avancés sous d'autres rapports, et fort habiles pour leurs parures et l'ornementation de leurs armes, ne savent dessiner ni les animaux ni les plantes. Leurs tatouages, par exemple, et les modèles de leurs armes sont, comme les ornements de l'âge du bronze, empruntés presque tous à la géométrie. Les représentations d'animaux et de plantes ne manquent pas, il est vrai, absolument; mais toutes les fois qu'ils les essaient, soit en dessins, soit en sculptures, elles sont toujours grossières et grotesques. C'est tout le contraire chez les Esquimaux; nous ne trouvons chez eux aucune de ces gracieuses viroles, aucun de ces dessins géométriques qui caractérisent la Polynésie, mais leurs armes sont souvent couvertes de figures d'animaux et de scènes de chasse ».
Il est impossible de tirer de ces monuments des époques préhistoriques ou des peuples dits premiers (c'est-à-dire qui ont conservé dans leur culture des caractères archaïques prédominants), d'autre conclusion que celle-ci : il existe chez tous les humains une forme de sensibilité particulière, que d'aucuns ont appelé l'instinct graphique; et cette forme de sensibilité définitivement constatée, contient en germe la série de tous les développements futurs. L'art sera dès lors une des manifestations spontanées de l'activité intellectuelle de l'humanité, une langue dans laquelle elle traduira, à mesure qu'elle deviendra plus capable d'analyser et de généraliser, ses aspirations inconscientes et ses croyances positives et qui exprimera, avec une merveilleuse souplesse et une incomparable intensité, les degrés variables de toutes les civilisations, virtuellement tous les états possibles de la sensibilité humaine. 

L'histoire de l'art montre comment, dans chaque culture, le germe primitif s'est développé et a atteint pour chacune d'elles son plus complet épanouissement; et c'est seulement à partir de l'apparition de l'histoire proprement dite que l'on peut suivre les étapes de ce développement et discerner, dans la production des oeuvres d'art à travers leur infinie variété, l'action de constantes.

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