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L'architecture au Portugal
Les plus anciennes constructions que l'on trouve au Portugal offrent une grande ressemblance avec les monuments mégalithiques de la France. Ce sont : les Antas, espèces de cromlechs qu'on trouve, par exemple, entre Pegões et Vendas-Novas et près d'Arrayolos; les Castros ou Crastes, enceintes circulaires de pierres dont il y a un grand nombre dans le pays de Tras-os-Montes, et qu'on a regardées à tort comme des restes de châteaux bâtis par les chrétiens pour se défendre contre l'invasion des Maures; les Mamoas ou Modorras, élévations circulaires de terre, indiquant les tombes de quelques chefs. Le plus célèbre et l'un des plus connus et des plus visités, malgré sa position élevée et les chemins dangereux qui y conduisent, c'est le dolmen ou allée couverte de Cintra. Du haut de ce monument considérable on jouit d'une vue magnifique sur l'Océan.

Après les monuments mégalithiques, les plus anciens monuments du Portugal sont ceux que les Romains ont érigés dans ce pays. A Lisbonne (Olisilipo, Félicitas Julia), on voit des restes d'un amphithéâtre; à Cintra (Chretina), des bains romains sont encore de nos jours appelés par les habitants la citerne des Maures, la fontaine des Maures. Cette construction, comme le temple d'Evora, date certainement de la belle époque romaine. Ce temple était dédié, dit-on, à Diane, ce qui ne prouve absolument rien, car chaque fois qu'un archéologue est embarrassé pour désigner l'attribution d'un temple, il le dédie à Diane. A Evora (Ebora), il y avait aussi un aqueduc romain; mais il a été reconstruit en grande partie sinon totalement sous le règne de Jean III (1521-1557), qui établit  l'inquisition au Portugal en 1536, et y fit venir les jésuites en 1540, qu'il combla de riches dotations et auxquels il donna une très grande influence. 

Dans la même ville d'Evora, il existe aussi une tour carrée dite de Sertorius; à Coïmbra (Conimbriga), ainsi qu'à Porto ou Oporto (Portus Calle) et à Castello-Branco (Castrum Album), il existe des restes bien ruinés de fortifications; à Braga (Bracara Augusta), il y a de nombreuses ruines romaines parmi lesquelles nous mentionnerons plus particulièrement celles d'un amphithéâtre, d'un aqueduc et d'un édifice qui passe pour un ancien temple; enfin, à Ponte da Lima, on voit encore sur leurs anciennes bases des colonnes itinériques ou Milliaires. Tels sont les principaux restes des monuments romains dans ce pays. Les édifices de la troisième période comprennent ceux dits wisigothiques et mauresques. Les monuments de style gothique sont fort rares au Portugal, parce qu'ils ont été détruits par les Arabes, les Maures ou Sarrasins; quant aux édifices que ceux-ci ont épargnés, ils les ont transformés pour leurs usages.

La cathédrale de Coïmbra remonte bien à l'époque des Wisigoths; les murailles extérieures de cet édifice, qui rappellent par leur aspect celles d'une forteresse, attestent d'une façon indiscutable cette origine gothique; le caractère primitif du monument a été entièrement respecté, parce que les Maures l'avaient converti en mosquée. Sont encore considérés avec juste raison comme monuments goths, à Porto, l'église SanMartinho (la Cedofeita, la bientôt faite), qui a été fondée en 556, c'est-à-dire vers la fin de la période gothique.

Parmi les monuments d'architecture que nous nommerons de transition, c'est-à-dire produits par la collaboration des Wisigoths et des Maures, nous mentionnerons le château de Freira, une sorte d'alcazar mauresque; le château de Pombal, avec sa chapelle dite des Templiers, dont les chapiteaux romans ainsi que les voûtes de même style accusent une assez haute antiquité et caractérisent l'époque gothique, tandis que des arcs en fer à cheval témoignent des transformations que les Maures ont fait subir à cette petite église; le château d'Alcobaça; celui de Cham, à trente-huit kilomètres environ de Porto, dont certains détails architectoniques accusent parfaitement l'origine romane. Ce château de Cham, dénommé aussi Honte de muro, a souvent été considéré, à cause de cette double dénomination, comme deux édifices distincts par quelques archéologues.

Enfin, nous arrivons aux monuments de la période moderne, lesquels monuments présentent, au point de vue de l'histoire de l'art architectural, un intérêt beaucoup plus considérable que les monuments des périodes antérieures. Les édifices de cette période appartiennent au style ogival et au style de la renaissance; ce sont sans contredit les plus beaux que possède le Portugal. Cette troisième période commence avec l'avènement du comte Henri, descendant des ducs de Bourgogne. C'est sous ce prince que furent fondées les cathédrales de Viseu, de Porto, de Braga, et le palais de Guimavaës, dont il subsiste encore aujourd'hui des vestiges. Le fils de Henri, Alphonse Ier, fonda au XIIe siècle (1148) l'abbaye d'Alcobaça, située à soixante kilomètres de Lisbonne. Elle eut pour premier abbé Ranulphe, un disciple de saint Bernard. Le roi avait demandé à ce saint un mestre das obras (un architecte), un imagier (sculpteur), un charpentier, un tailleur de pierre et un maçon. Pendant longtemps le monastère avait conservé dans son réfectoire une faïence peinte qui montrait l'arrivée de ces cinq artistes, costumés en moines de l'ordre de Saint-Bernard. Cette abbaye était habitée par trois cents moines environ; son église, remarquable, était du style ogival du XIIIe siècle; l'abside était formée au moyen de huit chapelles qui renfermaient des tombeaux, entre autres ceux de Sanchez ler, d'Alphonse II et d'Alphonse III, de don Pedro et d'Inès de Castro.

C'est également Alphonse qui fonda le couvent de Santa-Cruz de Coïmbra, et c'est là qu'il fut enterré. Don Diniz Ier fonda aussi de nombreux édifices, entre autres l'église et le monastère de Sainte-Marie d'Odivellas, dont l'architecte fut Alphonse Martins. Jean Ier, en commémoration de sa victoire à Aljubarota, fonda le superbe couvent de Bathala, qui est sans contredit le plus beau monument de cette période; il présente une harmonie parfaite dans ses proportions, son ornementation est des plus délicates et d'un goût fin et recherché, enfin l'exécution du travail est d'une perfection rare.

Les autres monuments du Portugal érigés ou restaurés en grande partie sous le règne, du roi Emmanuel sont  : le monastère de Belem, celui de Notre-Dame da Pena, celui de Mato, celui das Berlengas, la maison de la confrérie de la Miséricorde, le couvent de l'ordre du Christ à Thomar; les monastères de Notre-Dame da Serra, de Sainte-Claire à Estremos, celui de Saint-François, de l'Observance, de Saint-Antoine, du Bois-de-Sapins (Penheiro); les monastères de l'Annonciation de Saint-Benoît à Porto, de Sainte-Claire, de Saint-Antoine à Serpa, la cathédrale d'Ebras, les églises de Sovrenisa, de Saint-Antoine à Lisbonne, et celle de Saint-Guiam dans la même ville; les hôpitaux de Coïmbra, Monte-Moro Velho (le vieux) de Beja, le monastère de Monte-Moro Novo, le château d'Alfayetes, la tour et le fort de Saint-Vincent dite tour de Belem, etc., enfin des monuments en dehors du Portugal dans les colonies et les possessions portugaises.
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Le palais des ducs de Bragance ( XVe siècle), près de Guimarães (Braga).
Photo : © Angel Latorre, 2008.

Un des monuments les plus remarquables du commencement du XVIe siècle est l'église de Belem, dont nous avons vu une représentation à l'exposition universelle de 1878, section portugaise. Notre confrère et collègue de la société des architectes J. da Silva, architecte portugais, a donné une remarquable étude sur ce monument. Les trois monuments les plus importants de l'époque moderne sont : le palais royal de Cintra, et le palais et l'église de Mafra. Le palais de Mafra, situé à vingt-six kilomètres de Lisbonne, est l'oeuvre d'un Portugais, Jean-Frédéric Ludovic; on y employa pendant plus de douze ans, de 1711 à 1723, de vingt à vingt-cinq mille ouvriers.

Après avoir dit que le roi Jean V fit construire, pour accomplir un voeu, le somptueux couvent et palais de Mafra, le chevalier da Silva ajoute L'oeuvre de Ludovic exerça aussi son influence sur l'architecture dans notre pays dans le courant du XVIIIe siècle. L'architecture de la renaissance eut, comme toutes les créations humaines, son époque de prospérité et de décadence. Parmi ceux qui s'élevèrent au zénith de leur gloire à cette époque, on cite Bramante, Peruzzi, Sangallo, Michel-Ange, Vignole et Palladio. La mort de Michel-Ange et l'achèvement de la coupole de SaintPierre à Rome sont les bornes qui marquent sa décadence, dont la responsabilité est attribuée à trois architectes italiens très-distingués : Bernini, Borromini et Pozzo, surtout aux premiers, à cause des fantaisies qu'ils eurent et des libertés qu'ils prirent.

Ce furent sans contredit les oeuvres de ces artistes qui servirent d'étude à l'architecte portugais qui construisit l'édifice de Mafra; mais, tout en se faisant partisan de leur style, il modifia l'excès de leurs libertés... C'est donc de ce style modifié que sortit le palais de Mafra, et les critiques devront convenir que, malgré sa signification morale, le titre de grand architecte est justement dû à son auteur, abstraction faite d'ailleurs du pays où ce monument fut élevé. Et parvenant ainsi à tracer un palais modelé pour ainsi dire sur les moeurs, les croyances et les aspirations du souverain et de la nation, il créa un type d'architecture nationale, non pas beau, mais régulier, noble et majestueux, type qui sert de chronique et de portrait de tout le long règne du roi D. Jean V. Dans la grandeur et la majesté du temple se trouve consigné l'esprit religieux de l'époque, religieux principalement dans les formes extérieures ; c'est pourquoi il y prodigua tout le luxe des ornements. Dans les proportions colossales de tout l'édifice et dans la projection hardie de sa superbe coupole, il symbolisa l'élévation de la pensée gouvernative en plusieurs matières du bien public, élévation qui se manifesta non pas dans cette institution d'une vanité fastueuse, mais bien plutôt par l'impulsion puissante qu'il donna à toutes les améliorations matérielles, et quelques-unes morales, du pays.

L'entrée de cette église est un portique d'ordre ionique à fronton; ce portail est flanqué de deux tours hautes de 68 mètres; le dôme qui s'élève au milieu de l'église est une imitation, assez pauvre du reste, de Saint-Pierre à Rome. Quant à la décoration intérieure de l'église, elle est d'un luxe inouï, c'est celle du style jésuite; on voit partout des colonnes, des niches, des statues, des bas-reliefs, des peintures, de la dorure, des mosaïques, etc. 

Les bâtiments du couvent ne renferment pas moins de 875 pièces, environ 300 cellules et plus de 5000 portes ou fenêtres. L'ensemble du palais de Mafra forme un carré régulier de 248 mètres de côté. La façade principale est divisée en trois corps de bâtiment distincts; au centre se trouve l'église, dans l'aile nord la résidence du roi, dans l'aile sud celle de la reine. Dans le palais du roi, on peut voir deux salles magnifiques : l'une sert de galerie pour les tableaux des peintres portugais de l'école moderne ; l'autre est la salle du baise-main, décorée de magnifiques fresques. (E. Bosc).

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