| Giambattista Vico est un philosophe et historien italien, né à Naples en 1668, mort à Naples le 21 janvier 1743. Fils d'un libraire, il fit dans sa ville natale d'excellentes études, puis se mit à étudier la jurisprudence, mais dut, pour vivre, se placer comme précepteur auprès des neveux de l'évêque d'Ischia et passa neuf années dans cette situation au château de Vatolla. En 1697, parvint à se faire, au prix de mille obséquiosités, nommer professeur de rhétorique à l'Universitée de Naples. Pourtant cette chaire qu'il occupa près de quarante ans, n'était elle-même que d'un bien faible rapport. Il s'était d'ailleurs marié et ses cinq enfants, en même temps qu'ils faisaient son bonheur, car il les adorait, lui causaient, par leurs vices et leurs folies, toutes sortes de tourments. Aussi, lorsque enfin, en 1734, le roi Charles le nomma son historiographe, se trouvait-il plongé dans une profonde misère, réduit, dans les instants de loisir que lui laissaient les travaux gui allaient lui conquérir l'immortalité, à continuer de dongner chez lui, bien que sexagénaire, des leçons de latin mal rétribuées ou à faire métier de sa plume en célébrant les louanges de tontes sortes de gens dont il escomptait naïvement la reconnaissance, mais qui ne le payaient que de congratulations. Il est à remarquer, au surplus, que celui qu'on regarde aujourd'hui comme le créateur de la philosophie de l'histoire laissa tout d'abord un nom à peu près ignoré. Il n'eut même, pendant un long siècle, aucune inscription sur sa tombe. Ses contemporains l'estimaient comme philologue et comme jurisconsulte : ils ne virent pas en lui l'un des penseurs les plus originaux de la première moitié du XVIIIe siècle. L'ouvre de Vico tient tount entière dans ses Principi di une scienza nuova d'interno alla commune natura delle nazioni (Naples, 1725). Publiés alors qu'il approchait de la soixantaine et après trente années de laborieuses recherches et d'incessantes méditations, ils synthétisent en un corps de doctrine les opinions fort nombreuses et très diverses qu'il avait émises dans toute une série d'écrits antérieurs et qui, bien que se rapportant aux sujets en apparence les plus disparates, convergent toutes et invariablement vers les deux mêmes idées, qui absorbèrent sa vie, scientifigue et philosophique; déduire de l'ordre des faits les lois providentielles qui ont gouverne depuis le commencement du monde et qui doivent gouverner dans l'avenir le genre humain et résoudre le problème si ardu du principe de certitude, autrement dit, découvrir le critérium de la vérité. La « science nouvelle » comme Vico l'appelle, un peu orgueilleusement peut-être mais très légitimement, ne fut pas, en effet, chez lui, le résultat d'une conception a priori. La poésie et l'art oratoire l'avaient d'abord attiré. Il avait lu Platon pour y trouver des images poétiques, Cicéron pour y étudier les règles de la rhétorique, Tacite pour se pénétrer de son style; mais dans Platon, dans Cicéron, dans Tacite, il s'était trouvé ne prêter attention qu'aux théories philosophiques, et le savant, le philosophe, qui étaient au fond de lui, avaient triomphé sans trêve et presque à son insu du poète qu'il voulait être. Ce fut ainsi insensiblement, après s'être initié aux branches multiples des connaissances humaines et les avoir approfondies, après avoir accumulé dans sa mémoire des milliers et des milliers de faits et les y avoir classés, et tout en composant des discours, des vers, des inscriptions, des épitaphes, des panégyriques, qu'il projeta, frappé à la longue par les innombrables rapports qu'il saisissait entre ses divers sujets d'études, fondre ensemble, en un vaste système ayant la pure justice pour idéal, toutes les notions dont l'homme est le but, et de rapprocher, en les éclairant par une critique sévère, l'histoire des événements et telle des langues. Malheureusement, il ne sut pas se dégager des préjugés de la Renaissance, qui ramenait tout à l'Antiquité, et, pour lui, l'histoire de Rome, par exemple, forme un cycle complet où l'on doit trouver et où il trouve, ainsi qu'il I'établit par un parallélisme constant entre les Anciens et les Modernes, rappelant parfois les formes et la méthode de Machiavel, les lois mêmes qui régissent les civilisations actuelles. Ce sont ces mêmes lois, du reste, qui régiront les civilisations futures. L'histoire n'est, en effet, d'après Vico, qui voit dans la Providence la raison d'être suprême, mais qui, en même temps, lui trace d'étroites limites, qu'un éternel recommencement. Trois époques la composent : l'âge divin, qui est l'époque des dieux et des mythes; l'âge héroïque, qui est le règne des héros et de la barbarie; l'âge humain, qui est l'époque de la civilisation. Il n'est pas de peuples qui ne passent par ces trois époques, n'eussent-ils entre eux aucune communication, et la loi providentielle dont Sparte, Ahènes, Rome ne marquent que des manifestations partielles, a été et sera celle de toutes les autres nations. Vico va plus loin : s'il existait d'autres mondes dans l'espace, ce qui, se hâte-t-il, d'ajouter, est indubitablement faux, ils seraient, eux aussi, soumis à cette loi. Telle est, exposée en quelques lignes, la « science nouvelle ». Elle est entachée d'une erreur capitale : la théorie spécieuse du fatalisme, qui annule toute idée de progrès. Mais il n'en faut retenir que la méthode ainsi que la multitude d'aperçus, aussi profonds que nouveaux, qui se trouvent incidemment émis, et, à ce point de vue, Vico a conquis l'une des premières places parmi les philosophes modernes, devançant de près d'un siècle le scepticisme historique de l'Allemagne et les doutes de Niebuhr. D'ailleurs, le livre renferme, parmi toutes sortes d'innovations hardies, d'investigations lumineuses dans les diverses branches de la science et de solutions de problèmes le plus souvent très justes, un innombrable amas de considérations accessoires et de détails capricieux sur les religions, les langues, les poésies,les familles primitives, les sépultures, les géants, etc., qui lui communiquent sa physionomie si bizarre. On a aussi de Vico plusieurs poésies, insérées dans les recueils du temps, et il a écrit lui-même sa vie, qu'il a fait paraâtre en tête de la première édition de ses Principi. (S. T.).
| Pierre Girard, Giambattista Vico - Rationalité et politique : Une lecture de la Scienza nuova, PU Paris-Sorbonne, 2008. Editions anciennes - Ses oeuvres complètes ont été publiées à Milan, en 6 vol. in-8,1836-37. Michelet a le premier en France appelé l'attention sur cet homme remarquable : on lui doit une traduction de la Science nouvelle, sous le titre de Principes de la philosophie de l'histoire (1827), qu'il a fait suivre des oeuvres choisies de Vico, 2 vol. in-8, 1836. J. Ferrari a fort bien apprécié cet auteur dans son livre de Vico et l'Italie, Paris, 1840. | | |