| Pierre-Sylvain Régis est un philosophe français, né près d'Agen en 1632, mort en 1707. Il fit les plus brillantes études chez les jésuites de Cahors. Venu à Paris pour s'y préparer au doctorat théologique, il fut séduit par la philosophie de Descartes que Rohault enseignait alors dans des conférences publiques. Il consacra dès lors toute sa vie à répandre et à défendre la « philosophie nouvelle ». D'abord chargé d'une véritable mission dans le Midi, il enseigne à Toulouse en 1663, puis à Aigues-Mortes, enfin à Montpellier en 1671. De retour à Paris, il y continua les conférences de Rohault jusqu'au jour ou il fut enveloppé dans la persécution cartésienne et reçut de l'archevêque de Paris l'ordre de renoncer à cette prédication publique. Dès lors, c'est par le livre qu'il poursuivit son apostolat. Il publia, non sans de grandes difficultés, un Système de philosophie contenant la logique, la métaphysique, la physique et la morale (Paris, 1690, 3 vol. in-4). Dans les années suivantes, il dirige la défense cartésienne contre les attaques de Huet et de ses amis : Réponse au livre qui a pour titre : Censura philosophiae cartesianae (Paris, 1691, in-12); Réponse aux réflexions critiques de M. Duhamel sur le système cartésien de M. Régis (Paris, 1692, in-12). Dans le Journal des savants (années 1693 et 1694), il soutient une polémique très vive contre Malebranche. Enfin il publia un dernier grand ouvrage : Usage de la, raison et de la foi, on l'accord de la raison et de la foi (Paris, 1704, in-4), suivi d'une Réfutation de l'opinion de Spinoza touchant l'existence et la nature de Dieu. Il fut élu membre de l'Académie des sciences en même temps que Malebranche, en 1699; quand il mourut, il jouissait depuis longtemps de la plus grande célébrité. L'oeuvre de Régis a surtout été d'enseignement et de polémique, et il n'a jamais prétendu fonder un système original. Il a voulu seulement lutter, d'une part, contre les adversaires du cartésianisme, d'autre part, contre les cartésiens dissidents. Pourtant ce disciple si fidèle et si convaincu fut amené, principalement par sa lutte contre Malebranche, à modifier la doctrine du maître dans le sens de l'empirisme. Signalons quelques-unes de ses théories les plus importantes. Son Système de philosophie portait comme épigraphe : De omnibus quae fiunt, salvis quae sunt Dei et Caesaris; comme Descartes lui-même, il n'exceptait donc de son étude que la religion et la politique. Plus tard, contraint par le succès même du cartésianisme et les polémiques engagées, il dut préciser cette idée dans son Accord de la raison et de la foi. Il leur assigne, comme dit Fontenelle, « des objets et des emplois si séparés qu'elles ne peuvent plus avoir [...] aucune occasion de se brouiller ». La raison a son ordre et la foi a le sien, et comme aucune contradiction réelle n'est possible entre elles, il faut les tenir distinctes sans vouloir les appuyer l'une sur l'autre. Hostile aux tentatives pour rationaliser la foi, Régis ne creuse pas jusqu'aux conciliations profondes tentées par Malebranche et Leibniz; il se contente de maintenir une distinction qui parait très purement cartésienne. Dans les controverses sur l'origine des idées, Régis prend parti contre les idées innées : toutes nos connaissances viennent des sens, et les idées dites innées ne diffèrent des idées adventices que par leur « présence continue » dans l'esprit, étant impliquées dans toutes nos connaissances expérimentales et particulières. L'innéité véritable se ramène ainsi à la simplicité et à la généralité. La théorie si profonde des « vérités éternelles » disparaît complètement de son cartésianisme simplifié. C'est surtout sur la question des rapports de la pensée et de l'étendue que Régis s'est éloigné de Descartes. Pour lui, l'âme n'est pas l'objet d'une connaissance plus aisée et plus certaine que le corps, car, de même que tout phénomène spirituel prouve l'existence de la pensée, de même la conception de tout mode corporel implique l'existence de l'étendue. Au lieu donc d'admettre, comme Descartes et la plupart de ses disciples, une sorte de subordination de l'étendue à la pensée, Régis insiste fortement sur l'égale réalité des deux substances. En somme, cartésien timide et circonspect, fortement attaché au dualisme, effrayé surtout des tendances idéalistes de Malebranche et se rejetant par réaction vers l'empirisme, Régis semble n'avoir pas eu une claire vue des difficultés que soulevait la métaphysique de Descartes et qui ont déterminé l'évolution du système. Il a fidèlement exposé et défendu la doctrine du maître, sans peut-être en saisir profondément l'esprit. (G. Beauvalon). | |