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Les royaumes Mossi
Les Mossi forment une population de la boucle du Niger qui parlent une langue nigéro-congolaise du groupe de l'Afrique de l'Ouest. Vivant traditonnellement de l'agriculture et de l'élevage, ils ont historiquement joué aussi un important rôle commercial, en voyageant et en colportant à travers tous les pays de la boucle du Niger leurs produits : bandes de coton tissées dans le pays, cuivre travaillé, noix de cola, etc. A partir du XIIIe siècle, les Mossi ont constitués deux États, ou plutôt deux fédérations d'États, dans la partie centrale de la boucle du Niger, là où la densité de la population semble avoir toujours été considérable et où elle dépasse, de nos jours, celle de toutes les autres régions du Soudan. Le premier de ses royaumes, dont le souverain résidait à Ouagadougou et dont les  territoire s'inscrivait en gros dans les frontières de l'actuel Burkina Faso, fut fondé vers 1220 par un aventurier nommé Oubri; l'autre, qui eut successivement plusieurs capitales, dont, en dernier lieu, Ouahigouya (Ouadiougué), ne fut constitué définitivement que vers 1170 (?) par un nommé Ya, en souvenir de qui il fut appelé Yatenga (la terre de Ya). 

Le fait que les monarques des deux royaumes portent le même titre (morho-naba ou morho-naaba, c'est-à-dire «-chef du pays des Mossi ») et que la population principale et dominante de l'un et de l'autre est composée de Mossi les a souvent fait confondre ensemble; cependant ces deux États ont toujours été distincts et indépendants l'un de l'autre. Chacun d'eux mit un certain temps à se former et à atteindre son plein développement, mais il semble établi que, vers le début du XIVe siècle, ils avaient à peu près la même étendue territoriale et la même organisation que celle qui sera la leur jusqu'à l'époque coloniale. Chacun est constitué par plusieurs royaumes dont l'un exerce l'hégémonie sur les autres et chaque royaume est divisé en un certain nombre de provinces à la tête de chacune desquelles est placé un gouverneur; ce dernier réside tantôt dans sa province et tantôt à la cour du roi ou naba (naaba). 

Le roi du Yatanga demeure au XIXe siècle, à Ouahigouya; les autres chefs résident à Toukhé, Kindi, Alasko, Kalanka, et Kalseka. Pour ce qui concerne le royaume de Ouagadougou, la tradition veut que le pays soit divisé en 333 petits États autonomes à la tête de chacun desquels se trouvant un chef qu'on appelle aussi naba (naaba). Tous les nabas prétendent sortir de la même famille. Le premier roi de la dynastie aurait eu en effet 333 enfants entre lesquels il partagea, à son lit de mort, son royaume. L'aîné eut pour sa part Ouagadougou, la ville central, et garda une sorte de suzeraineté, au moins nominale, sur ses nombreux frères. 

En pratique le royaume de Ouagadougou ne compte, à la veille de l'époque coloniale, que quatre royaumes vassaux, en plus du royaume dépendant directement de l'empereur ou morho-naba. Ce dernier royaume comprend cinq provinces, dont les gouverneurs font en même temps partie du conseil impérial, l'un en qualité d'intendant, le second comme chef des eunuques, le troisième comme maître de l'infanterie, le quatrième comme maître de la cavalerie et le cinquième en qualité de gardien des sépultures royales.  Ce conseil est complété par onze ministres ou grands dignitaires : le grand-maître de l'armée, le commandant de la garde impériale, le grand-prêtre de la religion locale, le maître des rites, le chef des serviteurs, l'adjoint de celui-ci, le chef des musiciens, le chef des bouchers, le chef des palefreniers, le percepteur des taxes et enfin le syndic des musulmans. Chacune de ces charges, comme celle de gouverneur, est héréditaire dans une famille donnée. Chaque gouverneur de province a, comme le morho-naba et comme les naba vassaux, sa cour de dignitaires et de ministres. 

Cette organisation, qui fonctionnera encore à l'époque contemporaine à Ouagadougou et au Yatenga, ressemble étrangement à celle qui, d'après ce qu'ont rapporté les auteurs arabes et les écrivains de Tombouctou, existait à Ghâna, à Diâra, à Gao (empire Songhaï) et au Manding (Mali), ainsi qu'à celle que l'on a pu observer à Coumassie, à Abomey, dans certains États de l'Afrique sub-équatoriale et à celle que l'on peut étudier dans quelques petits royaurnes du Sénégal, le Djolof principalement, et d'ailleurs. Il semble qu'elle constitue le type, peut-être plus perfectionné en pays Mossi qu'autre part, de tous les États, grands ou petits, qui se sont développés à travers toute l'Afrique noire depuis la plus haute antiquité. 

Contrairement aux empires de Ghâna, du Songhaï et du Manding (Mali), les États mossi ne se distinguèrent pas par des conquêtes territoriales étendues. Pourtant, celui du Yatenga affirma sa puissance à plus d'une reprise : en 1333, l'année qui suivit, la mort de l'empereur du Mali Gongo-Moussa, le morho-naba du Yatenga faisait irruption à Tombouctou et mettait cette ville à sac; l'un de ses successeurs faisait en 1477 des incursions dans le Macina et le Bagana et allait piller Oualata en 1480. Plus tard, les Mossi résistèrent victorieusement aux askia songhaï de Gao, puis aux pachas de Tombouctou, inquiétèrent les souverains du Mali et les rois bambara de Ségou. Mais leurs expéditions lointaines ne furent que des coups de main éphémères, non suivis d'annexion. Quant au royaume de Ouagadougou, dont les frontières étaient peu exposées aux incursions des grandes puissances régionale, il a bénéficié de la protection du Yatenga et a connu une histoire plutôt tranquille. Une histoire, qui comme celle du Yatenga, s'est donc déroulée presque toute à l'intérieur de frontières jamais violées sérieusement. L'occupation française elle-même respecta l'intégrité de ces deux États, du moins formellement, se contentant d'imposer  une sorte de protectorat auxquels, affaiblis par des conflits internes (guerre civile, au Yatenga), furent contraints de se soumette en 1895 le roi du Yatenga, Naba Baogo, et celui de Ouagadougou, Naba Ouobgo. A l'époque coloniale ces royaumes feront partie de l'Afrique Occidentale française au sein du territoire de la Haute-Volta (le futur Burkina Faso).

Les empires mossi sont curieux a un autre titre encore; ils ont très longtemps constitué un rempart inexpugnable contre l'extension de l'islam, qui n'a eu sur eux qu'une faible emprise, à partir du XVIIIe siècle. Quoique comptant parmi leurs sujets un certain nombre de musulmans, tous étrangers du reste, et ayant créé pour ces musulmans un ministère spécial auprès du morho-naba, les sont restés profondément attachés à la vieille religion locale, qui est une forme de monothéisme, dont le Dieu, Naaba Wende, est le légitimateur du pouvoir dont le roi est dépositaire. (Delafosse).

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