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La religion
Aperçu
L'émotion religieuse et les formes de la religion.
Méthode de la science des religions.
Les définitions de la religion.
Les formes primitives de l'émotion religieuse.
Les formes primitives des dieux.
Le culte.
La magie.
La notion du sacré et de l'impur.
Évolution du sacrifice et de la prière.
L'animisme et le culte des morts.
Les mythes.
La métaphysique religieuse et le symbolisme.
Le sacerdoce
La religion et la morale.
Classification des religions.
Avenir de la religion.
Le sacerdoce. 
Toute religion pleinement constituée implique un culte officiel et public; elle intéresse le groupe tout entier, clan, tribu, cité ou nation; elle est chose sociale autant qu'affaire individuelle. Ce n'est pas seulement l'intérêt matériel et spirituel de chaque individu ou de chaque famille qui est en cause dans les relations avec les dieux, c'est l'intérêt collectif du corps social, La conséquence inévitable, c'est que la célébration des rites doit appartenir. en toute société qui a conquis quelque cohérence et quelque stabilité, à un homme investi de pouvoirs publics, à un homme qui incarne dans sa personne la communauté tout entière et qui a qualité pour accomplir les cérémonies au nom de tous; c'est, en un mot, que toute religion implique l'existence d'un sacerdoce, toute religion du moins où des rites ont subsisté. Le rôle du prêtre sera d'autant plus important que le caractère de la religion sera plus ritualiste, que les pratiques sacrificielles et les cérémonies connexes y tiendront une plus large place : dans une religion purement spiritualiste d'où tout. rite sacramentaire aurait disparu, le prêtre disparaîtrait pour faire place au prophète, à l'inspiré, au docteur. Dans le ministre protestant, l'imam ou le mufti musulman, c'est à peine s'il existe quelque chose du véritable caractère sacerdotal.

Ce qui distingue le prêtre du sorcier dans les religions antiques et celles des non civilisés, ce n'est pas la nature des pratiques auxquelles ils ont l'un et l'autre recours, des cérémonies qu'ils célèbrent - elles sont dans bien des cas identiques - ce sont leurs relations avec le corps social: le sorcier est un homme privé, le prêtre un homme public. Le sorcier, c'est un homme qui a en lui une puissance magique particulière et qui sait les gestes qu'il convient de faire et les paroles qu'il faut prononcer pour contraindre à sa volonté les dieux ou les esprits, on s'adresse à lui quand on veut obtenir d'eux une faveur particulière et personnelle; le prêtre incarne la communauté tout entière devant l'autel du dieu et accomplit les rites qui doivent, lui procurer des avantages collectifs.

A l'origine, les frontières de la société religieuse et celles de la société civile sont identiques: dans la famille, le prêtre naturel, c'est le père (même là le plus souvent où la descendance n'est reconnue qu'en ligne maternelle), le culte qu'il célèbre au foyer est d'ordinaire, mais non pas toujours, un culte ancestral; dans le clan ou la tribu, c'est le chef; dans la cité ou la nation, c'est le roi ou le magistrat suprême. Lorsque la vie sociale devient plus complexe et la tâche du souverain plus lourde et plus difficile, il délègue d'ordinaire ses pouvoirs à un prêtre ou à un collège de prêtres, mais presque toujours il est certains sacrifices que seul il a le privilège d'accomplir. Même en des sociétés très barbares, et sur les confins de la sauvagerie, il existe des prêtres : c'est que les rites sont très compliqués, très minutieux, et exigent, pour être célébrés comme il convient, un long apprentissage auquel les chefs ne pouvaient se soumettre, c'est parfois aussi qu'ils nécessitent que l'officiant soit entouré, comme d'une barrière protectrice, de tout un réseau d'interdictions légales, qui mettraient un chef de guerre hors d'état de s'acquitter de ses devoirs. Mais il convient d'ajouter qu'en toutes les cérémonies, les vieillards, les anciens de la tribu, le chef surtout, ont une place importante et jouent un rôle essentiel.

Néanmoins, avec la constitution du sacerdoce commence la séparation de la société civile et de la société religieuse, qu'accentue la formation de ces confréries magiques ou mystiques, dont les membres sont unis, non plus par un lien de parenté naturelle or par l'obéissance à un même chef et l'habitat d'un même territoire, mais par la participation aux mêmes mystères, l'adhésion aux mêmes règles cérémonielles, la mise en commun des mêmes espérances. Ces confréries sont l'ébauche des Églises; elles ont dans les thiases et les autres associations religieuses de la Grèce d'exacts parallèles. Mais c'est surtout l'avènement des religions éthiques, telles que le Judaïsme svnagogal; le bouddhisme, le christianisme et l'islam, qui a donné à la notion d'Église toute sa valeur et sa portée : l'Église, c.-à-d. la communauté des fidèles, est devenue, l'instrument essentiel de la piété, l'organe même de la vie religieuse. La fin principale d'une Église peut être ou l'édification mutuelle et l'adoration collective, ou la célébration des rites; dans le premier cas, son organisation n'implique pas l'existence d'un sacerdoce, et, à vrai dire, eu sens précis du mot, les rabbins juifs et les ministres protestants ne sont pas des prêtres; dans le second, elle est l'exact parallèle de l'État antique, elle est un être religieux collectif qui ne communique avec son protecteur divin que par l'intermédiaire du personnage sacré qui l'incarne, puisque seul il a la puissance de célébrer valablement au nom de tous le sacrifice.

Il faut noter que jusqu'à la constitution des religions éthiques et universalistes, les cultes privés ont subsisté à côté des cultes publics, et que les fonctions imparties aux prêtres sont demeurées essentiellement et presque exclusivement des fonctions sociales. Lorsque se sont formées les Églises, elles ont fait de leurs prêtres les intermédiaires exclusifs entre la divinité et les fidèles; il a donc fallu qui ils deviennent les ministres des cultes privés comme du culte public, et les cérémonies célébrées en leurs temples ont cumulé les fonctions qui incombaient aux rites domestiques et familiaux, aux pratiques magiques, aux cérémonies d'édification accomplies par les membres des confréries sacrées. La conséquence, c'est que leur caractère social s'est obscurci quelque peu et que le salut individuel de chacun des membres de la congrégation a fini par apparaître comme la fin essentielle de la vie religieuse collective. (L. Marillier, ca. 1900).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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