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La musique / Le passé des arts |
jusqu'en 1900 |
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La musique
est un des arts les plus anciens, parce que son moyen d'expression, le
son, a été donné à tous les humains, et que
tout sentiment vif cherche à se manifester par des sons. Tous les
essais que les Hébreux, les Chinois,
les Indiens et autres peuples anciens ont
pu faire n'ont rien de commun avec l'art actuel. Chez les Grecs
la musique fut en quelque sorte partie intégrante de la religion
par les hymnes de toute sorte consacrées
à tous les dieux et à toutes les fêtes,
par les airs que les instruments exécutaient
pendant les processions et les sacrifices.
Elle fut aussi de toutes les cérémonies publiques. Les Argiens
allaient au combat au son des flûtes,
les Crétois au son de la cithare, presque tous en entonnant le Péan
ou tout autre chant de guerre. Quand Épaminondas
fit construire Messène, des musiciens, au dire de Pausanias,
excitèrent l'ardeur des travailleurs en exécutant des airs
de Pronomos. Dans les jeux publics, il y avait des luttes
de chant et d'instruments, et la musique s'associait à la poésie
pour célébrer les vainqueurs. Il y avait, pour les oeuvres
scéniques, une sorte de déclamation musicale, et la voix
de l'acteur était doublée et soutenue par la fête;
ces oeuvres étaient entremêlées de choeurs.
Les oracles, les lois mêmes furent primitivement chantées en public. Ne pas savoir chanter était une honte. La musique avait si bien pénétré dans les habitudes et les moeurs, qu'il existait des nomes, c. -à-d. de certains genres consacrés de chansons, pour toutes les professions et toutes les circonstances de la vie. Liée aux mathématiques par les proportions de ses consonnances, à la métrique, à la danse et à la mimique (Pantomime) par le rythme, elle était un élément nécessaire de l'éducation, à laquelle elle donnait son nom même, mousikh. Ce mot indiquait toutes les attributions des Muses. Suivant Platon, Ie nombre et l'harmonie, s'insinuant de bonne heure dans l'âme, y font entrer en même temps la grâce et le beau, et Aristide Quintilien dit que la musique donne à l'âme les moeurs par l'harmonie au corps l'élégance par le rythme. Les légendaires Amphion, élevant les murs de Thèbes aux sons de sa lyre, et Orphée, adoucissant les bêtes féroces, étaient l'image du pouvoir de la musique sur la Grèce encore barbare; quand Platon déclarait que la musique était nécessaire quiconque voulait gouverner l'État, il pensait à la puissance de cet art pour le maintien des moeurs publiques dans la Grèce civilisée. Malheureusement nous ne pouvons nous faire
une idée de la musique grecque que
par les écrivains théoriciens; et il est assez difficile
de comprendre ces écrivains, si l'on n'oublie pas le sens attaché
par les modernes à un certain nombre de mots, tels que mode, ton,
harmonie, diatonique chromatique enharmonique, entendus tout autrement
par les Anciens. Les fragments de chants qui
ont été recueillis sont peu nombreux, très courts,
et à peu près insignifiants. Ils ont été publiés
par Bottrigari et Galilei en 1581, puis dans l'édition d'Aratus,
qui parut à Oxford en 1672, enfin par
Burette dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, 1re série,
t. V. Le christianisme a pris pour ses
chants quelques-unes des mélodies
païennes, qu'il est aujourd'hui impossible de distinguer; tout le
reste a péri avec les sociétés antiques. Le vieux
système musical et la notation ayant été changés
au Moyen âge,
les manuscrits de la musique ancienne parurent n'avoir plus aucun sens;
on les laissa se perdre, ou bien les copistes les grattèrent pour
employer le même parchemin à la transcription d'autres oeuvres.
Les Romains
n'ont pas été un peuple artiste. Longtemps ils ne connurent
de la musique que ce qui leur avait été
enseigné par les Étrusques, et l'on ne peut supposer une
grande valeur au chant des frères Arvals,
ou celui des prêtres Saliens qui dansaient
en frappant sur des boucliers. Servius Tullius
créa deux centuries de joueurs de cor et de trompette.
On employa les flûtes dans les cérémonies funèbres,
puisque les Douze-Tables en fixent
le nombre à huit, De bonne heure les musiciens grecs et asiatiques
affluèrent à Rome, mais lorsque
déjà la musique grecque était
en décadence : ils figurèrent par bandes considérables
dans les spectacles publics. Ainsi, à la première naumachie,
qui eut lieu sur le lac Fucin, Jules César
produisit 11000 chanteurs et instrumentistes. A la suite d'un meurtre commis
au théâtre, Tibère
chassa de Rome tous les musiciens; mais ils furent rappelés par
Caligula. Néron
eut 5000 musiciens attachés à sa maison. La pompe des exécutions
musicales pouvait être grandiose et la sonorité puissante,
mais il est douteux que l'art y trouvât son compte.
Un Animal musicien sur un bas-relief de l'église Saint-Ours, à Loches (XIIe s.). © Photo : Serge. Jodra, 2013. L'enfantement de la musique moderne a été laborieux et long. Au VIe siècle, le pape Grégoire le Grand forme de l'ancienne mélopée des Grecs le plain-chant, ou chant ecclésiastique. Puis, l'harmonie commence à naître : elle se manifeste d'abord dans de faible essais appelés déchant, et, s'améliorant per à peu, elle arrive au contre-point. Les premières combinaisons de l'harmonie ne suffirent pas longtemps pour rompre l'uniformité de la musique, qui en était toujours à l'ordre unitonique. En établissant l'échelle musicale diatonique, Gui d'Arezzo opéra une nouvelle révolution, et bientôt, par l'adoption de la mesure, on distingua la musique plane et la musique mesurée. Au XVe, et au XVIe siècle, apparaissent les premiers véritables compositeurs, originaires, pour la plupart, de la Flandre ou de la France du Nord : Guillaume Dufay, un des créateurs de la fugue, Joachim Desprez, Arcadelt, Roland de Lassus, Goudimel, Gilles Binchois, Villaert, Jannequin, musiciens savants, virtuoses du contrepoint, parfois au détriment de la mélodie proprement dite. Quelques-uns vont passer en Italie, où ils menaceront un instant de troubler les traditions de la musique religieuse, en prenant librement pour thèmes de leurs compositions sacrées les motifs parfois licencieux de chansons populaires, où toute la science du musicien ne réussit pas à sauver l'irrévérence de la gageure. En 1560, le concile de Trente veut interdire à la musique l'accès de l'Eglise, et il faudra tout le génie de Palestrina, fait autant de piété que de science, pour sauver la musique religieuse en lui rendant son caractère véritable de simplicité grandiose, et en créant pour elle un style sévère et sobre, dont les grands maîtres n'ont jamais tenté depuis de s'écarter. En même temps que la musique sacrée, l'art profane, représenté par les menestrels, les trouvères, les Minnesinger (Clemens non papa, Hans Sachs, etc.), s'était développé depuis Adam de La Halle, dans des formes déjà arrêtées : le canzone, la ballade, la villanelle, le jeu-parti, et surtout le madrigal, d'où paraît sortir, vers le milieu du XVIe siècle, l'opéra moderne. Un nom domine cette transformation : c'est celui de l'Italien Monteverdi. A Monteverdi est dû, par l'emploi des dissonances doubles et triples, des accords diminués et altérés, un système d'harmonie plus varié et plus libre que le contrepoint, et par là même infiniment plus propre à exprimer les mouvements de la passion dramatique. Il est à noter que cette transformation de l'harmonie coïncide d'une part avec la disparition du système compliqué des muances, et d'autre part avec l'introduction dans l'orchestre d'éléments nouveaux : la famille des violons, perfectionnés par les grands luthiers : les Amati, les Stradivarius, les Guarnerius, etc.; la viola di braccia, la viola di gamba, prototypes de l'alto et du violoncelle, la trompette marine, l'épinette, qui deviendra le clavecin, etc. Après Monteverdi, le XVIIe et le XVIIIe siècle, seront, en Italie et en France, comme l'âge d'or de la musique dramatique et de la musique de chambre. Il suffit de citer, en Italie, les noms de Scarlatti, Vinci, Galilée, Porpora, Durante, Marcello, Leu, Pergolèse, Guglielmi, Piccini, Sacchini, Salieri, etc., et, en France, ceux de Cambort, Lulli, Campra, Destouches, Charpentier, Rameau, Gluck; enfin les créateurs de l'opéra-comique français Philidor, Grétry, Monsigny, Gossec, Dalayrac, etc. Nous atteignons ici presque au début du XIXe siècle; mais, dès lors, l'étroite affinité qu'il était possible de constater entre les différents groupes de musiciens disparaît, tandis que s'accentuent entre divers pays des tendances parfois contradictoires, chaque nation tendant à posséder son école. Cette opposition des systèmes se manifeste déjà dès la fin du XVIIIe siècle, dans la querelle célèbre de Gluck et de Piccini. C'est à l'étude particulière des beaux-arts qui est faite pour chaque pays que nous devons renvoyer, en nous contentant d'indiquer brièvement ici les caractères généraux de chacune des grandes écoles allemande, italienne et française. L'école allemande, d'abord nettement classique, de 1780 à 1830, est caractérisée par son vif souci de la forme, dont elle a hérité des anciens contrepointistes, par la profondeur et le sérieux de son inspiration, enfin par le soin qu'elle donne à la partie orchestrale. Un peu gênée à la scène, elle triomphe dans la musique dechambre, dans la symphonie. Il suffit de citer les noms de Bach, le grand maître de la fugue, Haendel, Haydn, Mozart, Beethoven, Hummel, etc. Après 1830, elle subit profondément l'influence romantique, montrant plus de liberté dans l'harmonie et dans l'emploi de l'orchestre, affirmant une inspiration plus mélancolique, parfois douloureuse et tourmentée, avec Weber, Mendelssohn, Schubert, Chopin, Schumann, Liszt, etc. L'oeuvre de Richard Wagner, qui peut être discutée en certaines de ses tendances, résume, toute la science de l'harmonie et de l'orchestration modernes, qui souvent prennent ici le pas sur la partie vocale. L'école italienne, au contraire,
qui fut surtout heureuse au théâtre dans l'opéra bouffe
et dans l'opéra mi-sérieux, est
restée, depuis Piccini, l'école de la mélodie et du
bel-canto; l'orchestre s'efface devant la voix; la virtuosité prime
quelquefois l'émotion. Il faut citer les noms de Paesiello, de Cimarosa,
de Salieri, de Clementi, de Paer, de Spontini,
de Pergolèse, de Carafa, de Mercadante,
de Bellini, et ceux, surtout, de Rossini
et de Verdi.
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