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Scaramouche

Scaramouche, en italien Scaramuccio, escarmouche. - Personnage bouffon de la Commedia dell'arte. C'est une variété du matamore, à la lois querelleur et poltron. Son costume était tout noir, ce qui explique le vers de Molière :
Le ciel c'est habillé ce soir en Scaramouche.
D'après Riccoboni, ce costume était une imitalion de l'habit espagnol et montrait que le type était originaire de Naples, les Napolitains ayant sans doute voulu personnifier en lui, pour s'en moquer, la morgue et les rodomontades castillanes. Scaramouche est toujours, à l'en croire, marquis, prince ou seigneur de pays fantastiques. On suppose
qu'en effet il a été élevé aux frais du roi, c'est-à-dire en prison, et qu'il a passé les premières années de sa jeunesse à ramer sur les galères.
" C'est certainement, dit Maurice Sand, sur ces mêmes galères qu'il se retirera plus tard; car c'est le plus grand voleur qu'on ait jamais vu. "
Par une injure de la fortune adverse, Scaramouche se trouve continuellement le valet d'un mince seigneur ou d'un simple bourgeois. Il le sert naturellement fort mal et est le plus insupportable valet que les comédies aient exhibé.

Il a un compère avec lequel il s'entend très bien pour rosser les gens et vider leurs bouteilles c'stt Polichinelle. Après boire, on se querelle, comme de raison, et Scaramouche demeure blotti sous la table tant que le redoutable bâton de son compère siffle dans le vide. Quand Polichinelle est ivre et que le bâton est au repos, Scaramouche reparaît et conte ses incroyables amours au vieux sceptique impassible qui n'en entend pas un traître mot. Tout à coup, table, bouteilles et verres, tout vole en éclats : Polichinelle s'est lassé de ce bavardage, et Scaramouche de rentrer sous sa table, d'où il ne sort qu'à bon escient pour s'écrier :

"Peur! moi! peur! J'ai du courage beaucoup! Je n'entends pas courage de brebis, je dis courage de loup."
Tiberio Fiurelli, dit Scaramouche.
C'est un acteur de l'ancienne comédie italienne, Tiberio Fiurelli qui  introduisit en France, vers 1640, le personnage de Scaramouche, et Molière fut un des grands admirateurs de l'acteur et du type lui-même. 

Tiberio Fiurelli, dit Scaramouche est né à Naples en 1609, et mort à Paris en 1696, Il vint en France en l'année 1640, comme faisant partie d'une troupe d'acteurs appelés d'Italie pour amuser Louis XIV enfant. Fiurelli, ou plutôt Scaramouche, fut introduit par le roi lui-même auprès du petit dauphin, alors âgé de deux ans. II laissa tomber son manteau et parut dans le costume de son emploi, noir de la tête aux pieds, fit grogner le chien qu'il portait sous son bras, crier son perroquet et bourdonner sa guitare. Il entonna un couplet de son pays, dans lequel le chien et le perroquet, dressés pour la circonstance, firent leur partie avec un zèle peu commun. Ce concert inattendu, cet appareil burlesque, le sérieux du bouffon dont les énormes moustaches palpitaient sous un nez monumental et s'éparpillaient en broussailles sur une bouche fendue jusqu'aux oreilles, tout cela fit rire Louis XIII, qui ne riait guère. L'événement fit date, et le monarque s'attacha au comédien comme on s'attache à un singe qui, par ses gambades et ses grimaces, amuse et prête à l'hilarité. 

En revanche, ce qui avait fait rire le père fit pleurer l'enfant. Le futur roi-soleil, en dépit de l'étiquette, poussa des cris perçants à la vue de ce signor fantastique, de ses bêtes et de sa guitare. Comment faire? Sa Majesté riait de plus belle. La reine intervint. Mais Scaramouche lui dit que si Sa Majesté voulait lui permettre de prendre le petit prince dans ses bras, il se flattait de le calmer. La reine y consentit. Scaramouche fit alors des contorsions et des grimaces telles, que le dauphin, pour le coup, fit comme monsieur son père. Il se mit à rire, et de si bon coeur, qu'il s'oublia, ma foi! sur l'habit de l'excellent étranger. A partir de ce moment, Scaramouche eut ordre de se rendre chaque jour à la cour, pour y doubler l'emploi de nourrice et divertir par ses singeries celui qui devait être plus tard le monarque le plus solennel, le plus ennuyeux, le plus guindé de tous les monarques passés et futurs.

On dit pourtant que le dauphin, devenu Louis XIV, daigna sourire quand Scaramouche lui rappela cette petite scène de famille, d'où il était sorti emportant des marques très visibles de la satisfaction de l'enfant de France. Scaramouche fut toujours, on le pense bien, en bonne odeur à la cour. Cela devait être. Mais sa gloire ne se borne pas seulement à avoir bercé dans ses bras le fils de Louis XIII. "il fut le maître de Molière',  ajoute son épitaphe,répétée au bas de son portraits :

Cet illustre comédien 
De son art traça la carrière; 
Il fut le maître de Molière, 
Et la nature fut le sien.
Fiurelli passe pour l'inventeur même du personnage de Scaramouche; au moins est-il certain qu'il le naturalisa en France. II se montra sur les planches jusqu'à l'âge de quatre-vingt-trois ans, et de la Comédie-Italienne passa au théâtre de la Foire. Dans un âge aussi avancé, il avait encore tant d'agilité et de souplesse, que, dans quelques scènes pantomimes, il donnait sans effort un soufflet avec le pied. 

Cinq ans avant sa mort, il dit adieu à son art et, libre des occupations de son état, s'en créa un autre, dont on s'acquitte d'ordinaire assez difficilement à son âge. II devint amoureux d'une jeune personne qu'il épousa et qu'au bout de quelques mois il accusa d'infidélité. Il demanda qu'elle fût rasée et renfermée dans un couvent; mais il mourut avant la fin du procès, restant jusqu'au bout dans son rôle de Scaramouche, qui est d'être battu. 

Scaramouche s'éteignit, non dans les bras de sa femme, mais dans ceux de la religion, comptant quatre-vingt-huit  ans bien sonnés, et fut inhumé en grande pompe dans l'église de Saint-Eustache. Molière, moins bien traité, s'était vu, vingt ans
auparavant, refuser la sépulture. Mais les comédiens italiens, vantés pour leur dévotion, échappèrent toujours à l'anathème fulminé par les conciles contre les gens de théâtre et les histrions.

L'Histoire de Scaramouche.
Il existe une Histoire de Scaramouche, publiée en 1695 par le sieur Angelo Constantini, comédien ordinaire du roi dans sa troupe italienne, et dédiée à la duchesse d'Orléans, mère du Régent. Ce Constantini, plus connu sous le nom de Mezzetin, personnage qu'il a créé sur les dessins de Callot, a fait un petit roman du genre picaresque, composé de trente-neuf chapitres fort courts, où la biographie n'est pas traitée avec une exactitude très scrupuleuse. Scaramouche y apparaît doté d'un esprit fertile en ruses pour satisfaire trois passions qui parlent haut en lui la gourmandise, la maraude, l'avarice. Le tout pourrait être, à la rigueur, signé de Scarron. 

Scaramouche ermite.
L'ancien Théâtre Italien avait représenté en 1667 un Scaramouche ermite, où la verve de Fiurelli brillait de tout son éclat. On y voyait un moine escalader, la nuit, la fenêtre d'une femme et y apparaître ensuite de temps en temps en disant: Questo per mortificar la carne. Le roi lui-même s'étonnait qu'on laissât les Italiens pousser si loin les audaces de leur répertoire. Il dit au grand Condé :

"Je voudrais bien savoir pourquoi ces gens, qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière (Tartufe), ne disent rien de celle de Scaramouche. - La raison, sire, lui répondit le prince, c'est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs ne se soucient point, tandis que celle de Molière les joue eux-mêmes, et c'est ce qu'ils ne peuvent souffrir. "
Cette raison servira longtemps encore à l'explication de certains abus de dame censure. On a joué an 1711, à la foire Saint-Laurent, un Scaramouche pédant scrupuleux, en deux actes, par écriteaux (il était interdit alors aux comédiens de la foire de parler), retouché par Fuzelier. (PL).
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Dictionnaire Le monde des textes
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