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Les Plaideurs, de Racine

Les Plaideurs est une comédie en trois actes et en vers, de Racine (Comédie-Française, 1668). La comédie des Plaideurs est la plus spirituelle critique des moeurs et du langage du palais au XVIIe siècle; elle est digne de Molière pour le comique des caractères, et Molière même n'a peut-être pas fait une seule pièce qui renferme un plus grand nombre de ces vers qui se gravent dans la mémoire. 
Chicaneau, la comtesse de Pimbêche, Petit-Jean, Perrin-Dandin sont demeurés des types. Racine a pris un peu partout pour composer sa pièce; il a imité dans certains endroits les Guêpes d'Aristophane, qui ont à peu près la même donnée; dans d'autres, il s'est inspiré d'aventures contemporaines. Ainsi, il paraît que la comtesse de Pimbêche n'est autre que la comtesse de Crissé, plaideuse de profession, à qui le parlement interdit d'intenter aucun procès sans l'avis écrit de deux avocats désignés d'office. Racine put l'entendre faire ses doléances chez le greffier Boileau, qu'elle prit pour confident, ou bien Boileau Despréaux lui raconta l'affaire. 

A la première représentation, l'actrice qui jouait ce rôle portait une robe couleur de rose sèche et un masque sur l'oreille, ce qui était l'ajustement ordinaire de la comtesse de Crissé. D'autres traits plaisants lui ont été fournis par des avocats ou des magistrats. Louis Racine dit que ce fut un conseiller, M. de Brilhac, qui indiqua à son père tous les termes de procédure et les moyens de les mettre en oeuvre; Dufresny passe, en outre, pour avoir fourni quelquess vers heureux et quelques traits spirituels, ce qui a fait dire que c'était lui qui avait fait les vers. A ce compte, il ne resterait rien à Racine, car l'idée dramatique des Plaideurs est peu de chose, et il la doit d'ailleurs à Aristophane pour une partie et à Rabelais pour l'autre. Ce petit travail de marqueterie, ces emprunts faits à droite et à gauche et délicatement ajustés de manière à faire un ensemble original étaient de mode au XVIIe siècle, et l'on ne peut s'en plaindre quand le résultat, comme dans les Plaideurs, est une pièce amusante, d'un vrai comique. On voit, d'ailleurs, au style dont elle est écrite, qu' elle est bien d'une seule main et que les divers morceaux dont elle a été formée sont fondus ensemble avec le plus grand art. 

L'intrigue est nulle en quelque sorte. Léandre, fils de Perrin-Dandin, aime Isabelle, fille de Chicaneau, plaideur obstiné; il pénètre sous le déguisement d'un homme de loi dans le domicile de ce dernier et obtient par surprise son consentement à son union avec sa fille, en lui faisant signer un contrat de mariage au lieu d'un exploit. 

Tout l'intérêt de la pièce est dans les détails et le comique des personnages. Le type de Perrin-Dandin, ce juge obstiné qui s'érige en tribunal et veut connaître solennellement des moindres affaires, les doléances de la comtesse de Pimbêche, empêchée de plaider et s'en plaignant à Chicaneau, Chicaneau lui-même, cette excellente physionomie de vieux procureur, le plaidoyer de Petit-Jean, l'incident d'audience des petits chiens, tout est de cette gaieté qui provoque le rire.

"Les Plaideurs, dit La Harpe, sont remarquables en ce que la pièce n'est qu'une farce et qu'elle est écrite d'un bout à l'autre du style de la bonne comédie. D'ailleurs, elle manque absolument d'intrigue et d'intérêt, et ne se soutient que par la gaieté des détails et le comique des personnages. Mais aussi jamais on n'a prodigué avec plus d'aisance et de goût la sel de la plaisanterie; presque tous les vers sont des traits; et tous sont si naturels et si gais, que la plupart sont devenus proverbes. "
. (PL).
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