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Jocelyn, de Lamartine

Jocelyn est un poème de Lamartine (1836).  Il devait être la dernière partie d'une vaste épopée philosophique et symbolique dont la Chute d'un ange formait le début, et qui devait raconter les épreuves d'une âme chassée du ciel, ses souffrances à travers plusieurs existences et son retour vers Dieu, obtenu par la douleur et le sacrifice. 

Jocelyn est le journal et la confession d'un prêtre. Jocelyn est entré au séminaire afin de pouvoir abandonner à sa soeur sa part d'héritage et lui permettre d'épouser l'homme qu'elle aime. Les événements de 1793 l'obligent à se réfugier dans une grotte solitaire des Alpes. Un émigré, poursuivi par les soldats, meurt dans la montagne en confiant à Jocelyn son fils Laurence. Les deux jeunes gens vivent dans les bois, pleins de santé et de bonheur, attirés l'un vers l'autre par de vagues désirs. Enfin, Jocelyn découvre que Laurence est une femme, et une femme qui l'aime tendrement. Un jour, Jocelyn est appelé auprès de son évêque, prisonnier et mourant. Le vieillard lui confère les ordres, afin de pouvoir se confesser à lui. 

Une soeur de charité va annoncer à Laurence le sacrifice de Jocelyn. Deux années se passent. Jocelyn est devenu curé de Valneige. Après avoir longtemps souffert, il a conquis la paix du coeur. Laurence, pour s'étourdir, s'est jetée dans les plaisirs du monde. Quelques années après, elle vient mourir dans la montagne où elle a vécu heureuse, et c'est Jocelyn qui reçoit sa confession. L'amour, à la fois ardent et chaste, des deux jeunes gens, la grandeur du sacrifice chez Jocelyn, la sérénité où son âme arrive à la fin, !es descriptions de la nature amples et abondantes, quoique souvent un peu indécises, une pensée philosophique élevée côtoyant parfois une poésie intime et familière, des épisodes de toute beauté comme ceux des Laboureurs, de I'ordination de Jocelyn, des funérailles de Laurence, tels sont les principaux mérites de cette oeuvre. (NLI).
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Le labourage

« Laissant souffler ses boeufs, le jeune homme s'appuie Debout au tronc d'un chêne, et de sa main essuie
La sueur du sentier sur son front mâle et doux; 
La femme et les enfants tout petits, à genoux 
Devant les boeufs privés baissant leur corne à terre, 
Leur cassent des rejets de frêne et de fougère, 
Et jettent devant eux en verdoyants monceaux 
Les feuilles que leurs mains émondent des rameaux. 
Ils ruminent en paix, pendant que l'ombre obscure, 
Sous le soleil montant, se replie à mesure, 
Et laissant de la glèbe attiédir la froideur, 
Vient mourir et border les pieds du laboureur. 
Il rattache le joug, sous la forte courroie, 
Aux cornes qu'en pesant sa main robuste ploie : 
Les enfants vont cueillir des rameaux découpés, 
Des gouttes de rosée encore tout trempes; 
Au joug avec la feuille en verts festons les nouent,
Que sur leurs fronts voilés les fiers taureaux secouent 
Pour que leur flanc qui bat et leur poitrail poudreux
Portent sous le soleil un peu d'ombre avec eux;
Au joug de bois poli le timon s'équilibre,
Sous l'essieu gémissant le soc se dresse et vibre,
L'homme saisit le manche, et sous le coin tranchant 
Pour ouvrir le sillon le guide au bout du champ. 
La terre, qui se fend sous le soc qu'elle aiguise, 
En tronçons palpitants s'amoncelle et se brise,
Et, tout en s'entrouvrant, fume comme une chair
Qui se fend et palpite et fume sous le fer.
En deux monceaux poudreux les ailes la renversent 
Ses racines à nu, ses herbes se dispersent; 
Ses reptiles, ses vers, par le soc déterrés, 
Se tordent sur son sein en tronçons torturés; 
L'homme les foule aux pieds, et, secouant le manche, 
Enfonce plus avant le glaive qui les tranche;
Le timon plonge et tremble, et déchire ses doigts
La femme parle aux boeufs du geste et de la voix; 
Les animaux, courbés sur leur jarret qui plie, 
Pèsent de tout leur front sur le joug qui les lie;
Comme un coeur généreux leurs flancs battent d'ardeur.
Ils font bondir le sol jusqu'en sa profondeur,
L'homme presse le pas, la femme suit à peine.
Tous au bout du sillon arrivent hors d'haleine;
Ils s'arrêtent; le boeuf rumine, et les enfants
Chassent avec la main les mouches de ses flancs. »
 

(Lamartine, extrait de Jocelyn).
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