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La Femme de trente ans, d'Honoré de Balzac

La Femme de trente ans est un  roman d'Honoré de Balzac, qui, dans la Comédie Humaine, est rangé dans les série des Scènes de la vie privée

Julie d'Aiglemont, femme rêveuse, délicate, qui a voulu l'amour dans le mariage, souffre du dissentiment profond, irréparable, qui s'est révélé dès les premiers jours entre elle et son mari, officier de l'Empire, brillant, léger, inconsciemment brutal. Elle prend d'ailleurs sur lui un ascendant qui l'humilie elle-même, dans ses aspirations profondes : elle aurait voulu admirer son mari, et se laisser guider par lui, - et c'est elle qui fait sa carrière, ménage sa fortune sous la Restauration, le protège avec une compassion où il entre du mépris.

Là-dessus elle tombe malade, elle se consume, - et elle rencontre une âme soeur en la personne de lord Grenville, lequel, atteint du même mal de poitrine, est guéri, se fait, avec l'assentiment du mari, le médecin servant de cette jolie mélancolique, l'aime, la guérit, - et meurt.

Ici se placent Souffrances inconnues, qui coûtèrent à Balzac « quatre mois de travaux » - quarante pages dont il n'a pas écrit « deux phrases par jour. C'est un horrible cri, sans éclat de style, sans prétention au drame. Il y a trop de pensées et trop de drames pour qu'on puisse les mettre dehors. Mais c'est à faire frémir; tout cela est vrai. Jamais je n'ai été tant remué par une oeuvre. C'est plus que La Grenadière, plus que La Femme abandonnée. »  (voir lettre à Mme Hanska, 26 août 1834).
Retirée dans un château en Beauce, Mme d'Aiglemont veut mourir; mais la mort ne la prend pas. Et ce qui survit au désespoir qui a défloré son âme, c'est l'avidité du bonheur coûte que coûte, c'est le goût corrupteur de la joie à tout prix, ce sont les calculs de l'égoïsme sensuel. Elle ne sera jamais ce qu'elle aurait dû être; mais elle sera autre chose, il faut qu'elle recommence la vie en abandonnant son idéal. La douleur n'est pas viable chez elle au delà d'un certain degré. Sa seconde vie sera une déchéance.
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La Comédie humaine : Julie d'Aiglemont.
"Quel beau spectacle! dit Julie" (La Femme de trente ans).

Elle rentre donc dans le monde; elle aime un jeune diplomate, Charles de Vandenesse (frère de Félix, voir Le Lys dans la Vallée) ; elle a de lui deux enfants. L'expiation est terrible l'un d'eux se noie, poussé dans la Bièvre par sa soeur, enfant légitime de M. d'Aiglemont, et qui, instinctivement, hait d'une haine farouche ce demi-frère. Cette même fille, l'aînée, la criminelle, s'enfuit plus tard avec un mystérieux aventurier traqué par la justice, mène avec le capitaine parisien une existence de hors-la-loi, et meurt dans la misère, sous les yeux de Mme d'Aiglemont. Enfin, à cinquante ans, ayant marié sa seconde fille et s'étant presque dépouillée pour qu'elle soit heureuse, elle la voit s'éprendre à son tour d'un coupable amour pour le propre fils de Charles de Vandenesse ; elle la supplie de s'arrêter ; elle se tait, quand sa fille lui révèle qu'elle n'ignore rien de son passé. Et elle meurt du coup. Un fin toute conventionnelle, qui ne suffit pas pour faire goûter ce roman, dont on suit difficilement l'intrigue embrouillée et invraisemblable.

"La femme de trente ans, dit Sainte-Beuve, n'est pas une créature tout à fait imprévue. Depuis qu'il existe une société civilisée, la femme de cet âge y a tenu une grande place, la première peut-être. Dans ce XVIIIe siècle qui a eu le temps de tout raffiner, il se donna à la cour, au mardi gras de 1763, un bal qu'on appela le bal des mères; la jeunesse, à proprement parler, fut spectatrice, et il n'y eut que les femmes de trente ans qui dansèrent. On fit, à ce sujet, une jolie chanson dont voici le refrain :
Belles qui formez des projets,
Trente ans est pour vous le bel âge,
Vous n'en avez pas moins d'attraits,
Vous en connaissez mieux l'usage;
C'est le vrai moment d'être heureux,
On plaît autant, on aime mieux.
Enfants de quinze nus
Laissez danser vos mamans !"
On voit comment le XVIIIe siècle prenait encore légèrement cette réhabilitation en , forme qui ne dura qu'une soirée. Mais le XIXe siecle devait renchérir, et la théorie de la femme de trente ans, avec tous ses avantages, ses supériorités et ses perfections définitive, ne date que de ce siècle. Balzac en est l'inventeur, et c'est là une de ses découvertes les plus réelles dans l'ordre du roman intime. La clef de son immense succès était donc tout entière dans ce premier petit chef-d'oeuvre. Les femmes lui passèrent ensuite bien des choses et le crurent, en toute rencontre, sur parole, pour avoir, une première fois, si bien deviné."
Cette oeuvre a été faite de pièces et de morceaux assez discordants, très inégaux de valeur; dans l'édition de 1834 (Préface), Balzac répondait à ceux qui demandaient si l'héroïne du Rendez-Vous, de La Femme de trente ans, du Doigt de Dieu, des Deux Rencontres et de L'Expiation, n'était pas le même personnage : 
« Le personnage qui traverse [ces tableaux] n'est pas une figure, c'est une pensée... [L'ambition de l'auteur] est de communiquer à l'âme le vague d'une rêverie, où les femmes puissent réveiller quelques-unes des vives impressions qu'elles ont conservées, de ranimer les souvenirs épars dans la vie, pour en faire surgir quelques enseignements. » 
Et il aurait tant bien que mal réalisé cette oeuvre riche de résonances intérieures, s'il avait eu le temps de supprimer l'épisode des Deux Rencontres, « mélodrame indigne de lui », assure-t-il à Mme Hanska en mars 1843, histoire de forban qui rappelle la manière la moins heureuse des romans maritimes d'Eugène Sue.

Ce que Balzac étudie, et ce qui fait la durable beauté de cette oeuvre, c'est la perversité à la longue développée dans un coeur de femme par une trop grande douleur incomprise, et par l'acharnement du malheur. (NLI/ Joachim Merlant).

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