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Histoire des sciences
Les sciences arabes au Moyen Âge
Comme beaucoup d'autres aspects de la civilisation arabo-musulmanes, les sciences sont nées de la rencontre de l'Orient et de l'Occident. Les intermédiaires entre la Grèce antique et les Arabes étaient des chrétiens dont la langue était le syriaque, une langue sémitique à bien des égards similaire à l'arabe mais contenant beaucoup de vocabulaire grec, donc un véhicule approprié de transmission du monde hellénistique au monde islamique. Sous les califes abbassides, Bagdad est devenue le centre de la science en grande partie grâce  aux chrétiens agissant comme traducteurs du grec vers le syriaque et l'arabe à la célèbre Bayt al-hikma, "Maison de la Sagesse",  établie par le calife al-Ma'mun (833) et dirigé par Hunayn ibn Ishâq (873), un chrétien nestorien et médecin qui avait étudié à la célèbre université chrétienne de Gondishapur dans le sud-ouest de l'Iran. 

De façon générale, la science dans le monde arabo-musulman a transcendé les différences culturelles et religieuses. Maïmonide (mort en 1204), bien que le plus grand philosophe juif et aussi un médecin distingué, fut l'élève de philosophes musulmans distingués. Plus tard en Égypte, il fut nommé médecin du calife.

La grande famille mongole des Timourides a beaucoup contribué aux arts et aux sciences dans le monde arabo-musulman, comme en témoigne l'art exquis de l'horoscope d'Iskandar Sultan (mort en 1414). Son cousin, Ulugh Beg, (mort en 1449) établit son célèbre observatoire à Samarcande et composa les tables astronomiques qui portent son nom tandis que Mansour, (mort après 1422) l'anatomiste iranien, consacra son ouvrage anatomique Tashrîh-i Mansûrî à un autre prince timouride, Sultan Diyâ al-Dîin Amîr-zâda Pîr Muhammad Bahadur Khan (décédé après 1409). Ces dessins attribués à l'ancienne Alexandrie reflètent la convergence de la médecine hellénistique avec la médecine islamique et sa divergence à nouveau entre l'est et l'ouest. De nombreux sujets choisis pour illustrer la science arabo-musulmane sont liés à l'art de guérir.

Au cours des XIIe et XIIIe siècles, les contacts de l'Europe avec le monde arabo-musulman se sont intensifiés, notamment à la suite des croisades, et l'intérêt s'est éveillé pour la science arabo-musulmane et l'enseignement hellénistique qu'elle a préservé. De nombreuses œuvres ont été traduites de l'arabe et introduites en Occident, ce qui a entraîné un été intellectuel d'influence islamique dans l'Europe médiévale. Dans ce travail de traduction de l'arabe vers le latin, les Juifs espagnols qui parlaient couramment l'arabe étaient les intermédiaires naturels. L'avènement de l'imprimerie et l'invention des caractères mobiles au XVe siècle ont donné un nouvel élan à l'étude des écrits des scientifiques venus d'Orient à la fois en traduction et dans leur langue originale.

Physique et astronomie.
Les Arabo-musulmans ne négligèrent pas la physique. Alhazen, au XIe siècle, composa un Traité d'optique en sept livres, dans lequel les lois de la réflexion et de la réfraction de la lumière se trouvent formulées. C'est par un effet de la réfraction atmosphérique, dit Alhazen, que nous apercevons les astres, quelques instants avant leur lever, lorsqu'ils sont encore au-dessous de l'horizon; et quelques instants après leur coucher, lorsqu'ils sont déjà sous l'horizon. C'est aussi par un effet de la réfraction que la lumière, en se décomposant dans les nuages, produit les teintes brillantes et variées que l'on remarque surtout le matin et le soir.

Les Arabes ont beaucoup écrit sur la physique, et surtout sur l'astronomie, mais la plupart de leurs traités spéciaux furent détruits lorsque les plus riches bibliothèques furent livrées aux flammes, soit en Orient, dans le temps des croisades et pendant les révolutions qui renversèrent la domination arabe, soit en Espagne, pendant la guerre d'extermination qui éclata entre les chrétiens et les Maures. 

Thabit-ben-Korrah, originaire de la Mésopotamie,  écrivit sur l'astronomie. Qazwini (Zacharia ben-Mohammed-ben-Mahmud Abou Yahya Qazwini), qui écrivit aussi sur l'astronomie, fut en fait un savant universel. Il était né à Qazwin, ou Casbin, en Perse. Il vivait au XIIIe siècle. On a de lui un ouvrage intitulé : Description de l'univers et de ses habitants. Qazwini écrivit sur l'astronomie, sur la géographie, sur l'histoire naturelle. Il ne se proposait rien moins que d'embrasser l'ensemble des connaissances. Pour effleurer seulement les diverses branches des connaissances humaine, au point où elles étaient parvenues de son temps, il avait eu à lire, compulser, extraire des milliers de volumes, et, à recueillir une quantité innombrable de faits. Il se livra à ce travail immense de lecture, imitant en cela Pline, le naturaliste romain, ce qui le fit surnommer le Pline des Orientaux. Dans son traité des Merveilles des créatures, il traite d'abord de l'astronomie, et reproduit les Chronologica et astronomica elementa du Persan Alfragan. Dans la section suivante, il décrit les trois règnes de la nature. Ou trouve dans cet ouvrage des notions et des faits sur les animaux, sur les plantes et sur les minéraux, qui confirment la haute estime dont a joui Qazwini dans le monde savant. Dans un chapitre, il traite des divers phénomènes atmosphériques, des météores, des aérolithes, des pluies de crapauds ou de grenouilles, etc.

Il a existé, dans la science du passé, plus de choses qu'on ne croit. Un savant moderne, Delambre, qu'on ne saurait accuser d'être trop prévenu en faveur de l'ancienne civilisation, va jusqu'à dire que, d'après divers passages des livres arabes, on pourrait croire, non sans fondement, que les Arabes ont connu le moyen de mesurer le temps par les oscillations du pendule.

Les Arabes avaient composé des traités sur les diverses parties de la physique. Un auteur arabe du Xe siècle, Salmana, avait écrit sur la météorologie, et a laissé un traité manuscrit sur la Grêle sphéroïde ou sphérique.

En parcourant la longue liste des ouvrages arabes, on y lit les titres d'un grand nombre de traités d'astronomie et de tables astronomiques. 

Géographie.
Au nombre des connaissances dont les Arabes ont agrandi le domaine, il faut compter la géographie. Leurs généraux de construire des observatoires et de faire une description exacte des pays nouvellement conquis.

Les Arabes songèrent aussi, de bonne heure, à étendre leur commerce et à se mettre en relation avec tous les peuples. Ils entreprirent pour cela de grands voyages dans les diverses parties du monde. Ils allèrent, dès le VIIIe siècle en Chine, où, de l'an 704 à l'an 715, un calife envoya des ambassadeurs. Au Xe siècle, Maçoudi, fit une description des principales régions du globe, dans un ouvrage auquel il donna le titre singulier de Prairies d'or et mines de pierres précieuses

Vers le milieu du XIIe siècle, le chérif Al-Edrisi, qui habitait la Sicile, composa ses Récréations géographiques. Cet ouvrage. avait pour objet l'explication d'un globe en argent, pesant 800 marcs, que Roger, roi de Sicile, avait fait construire pour représenter la Terre.

Au XIIIe siècle, Qazwini, que nous aurons bientôt l'occasion de citer comme naturaliste, ne pouvait évidemment composer son grand ouvrage sur la Description de l'univers et l'histoire de ses habitants sans faire, en même temps, un véritable traité de géographie.

Dans le même siècle, Abdalla-Tif écrivit sa Relation de l'Égypte, ouvrage dans lequel on trouve une foule de remarques exactes et curieuses sur les productions de l'Égypte.

Au XIVe siècle, un prince syrien, Abulféda, homme très savant, écrivit sur les diverses parties des connaissances humaines. Les plus célèbres de ses ouvrages sont une Histoire du genre humain, depuis la création supposée du monde jusqu'au XIVe siècle de notre ère, et une géographie ayant pour titre : Livre de la vraie situation des pays. L'auteur commence son livre par un exposé du système géographique des Orientaux. Il traite ensuite de la description topographique et statistique des contrées et des villes. Il donne la longitude et la latitude des lieux principaux, etc.

Dans le même siècle, Ibn-Batouta, voyageur célèbre, part de Tanger, lieu de sa naissance, et parcourt successivement l'Égypte, la Syrie, l'Arabie, la Tartarie, la Perse, l'Inde et la Chine. De retour en Afrique, il traversa l'Atlas et arriva à Tombouctou, ville longtemps cherchée par les modernes, et retrouvée au XIXe siècle par Caillié.

Chimie et alchimie
La chimie est une des sciences que les Arabes ont cultivées avec le plus de suite et de succès. On peut dire qu'ils en sont les créateurs. Geber est le premier chimiste vraiment digne de ce nom, par ses travaux, ses découvertes et ses écrits.

Ce sont les Arabes qui ont les premiers écrit des traités, des mémoires scientifiques sur les composés chimiques. C'est donc aux Arabes qu'il faut rapporter historiquement l'origine de cette science. L'alchimie et la chimie se confondaient dans ces premiers temps, dans ces premières tentatives faites pour rechercher la nature intime des corps. Geber est le premier auteur qui ait laissé des écrits sur l'alchimie ou sur la chimie; on peut donc regarder historiquement, les Arabes comme les créateurs de cette science.

Sciences naturelles. Pharmacologie.
En botanique, les Arabes ont largement puisé dans Théophraste et Dioscoride. Ils ont pourtant ajouté deux mille espèce de plantes à celles que Dioscoride avait décrites. La botanique était étudiée chez eux au point de vue de ses applications à la médecine et à l'agriculture. L'oeuvre Dioscoride a été traduite en arabe à Bagdad en 854, à Cordoue en 951 et à nouveau en syriaque par l'écrivain et historien chrétien Bar Hebraeus au XIIIe siècle, influençant ainsi toute la pratique de la médecine chez les peuples islamiques. 

On doit aux Arabes l'usage de la rhubarbe, de la poudre de tamarin, du cassia, de la manne, des feuilles de séné, du mirobolan et du camphre. Comme ils préféraient beaucoup le sucre au miel, en usage chez les anciens, ils composaient avec cette substance des sirops, des juleps, des électuaires, etc.

C'est encore aux Arabes que nous devons la connaissance des aromates.

On doit aux Arabes la connaissance de plusieurs plantes de la Perse, de l'Inde et de la Chine, qui étaient absolument inconnues aux anciens naturalistes grecs et latins.

Parmi les plus savants botanistes arabes, on cite particulièrement Alfarabi, sous lequel Avicenne avait complété ses études. Alfarabi écrivit sur diverses parties des connaissances humaines, et on a de lui, sur la botanique, un ouvrage manuscrit. Dans cet ouvrage, l'auteur semble dire que les plantes respirent par l'écorce et par les feuilles.

Avicenne, Averroès, Sérapion, Mesué, El-Biruni, Abulcasis, etc., cultivèrent la botanique avec quelque succès. Mais, de tous les botanistes arabes, celui qu'on regarda comme le plus savant et le plus profond, c'est Ben-Beithar.

Ce Ben-Beithar, Africain d'origine, regardé, au XIIIe siècle, comme le plus profond et le plus savant botaniste, avait beaucoup voyagé en Asie et en Afrique. Au Caire, le sultan Saladin l'avait comblé de faveurs. Il jouissait d'ailleurs d'une immense réputation. Pour marquer le degré éminent auquel il s'était élevé dans la connaissance des plantes, on lui avait donné la qualification d'Aschab, c'est-à-dire l'herboriste, le botaniste par excellence.

Ben-Beithar composa une Histoire générale des végétaux rangés alphabétiquement. Dans cet ouvrage, il traite avec détail de quelques espèces dont Pline et Dioscoride n'ont pas parlé, et il suit une méthode différente de celles qui étaient alors en usage. Il traite aussi, dans un autre ouvrage, des propriétés médicinales des plantes et des animaux. 

El-Demiri (Kemaledin-Abulbaca-Mohammed-ben-Issa), qui vivait au XIVe siècle composa une Histoire des animaux, ouvrage qui fut traduit en plusieurs langues de l'Asie. Il y décrivit plus de neuf cents espèces animales. Thabit-ben-Korrah, déjà nommé, composa aussi un ouvrage sur l'anatomie des oiseaux. El-Madchriti, de Madrid, composa un ouvrage sur la génération des animaux.

Sérapion, né à Damas, était médecin. On le compte au nombre des naturalistes, parce qu'une grande partie de ses oeuvres est consacrée à la description des végétaux. Il vivait au Xe siècle. Il composa, sur les sciences médicales, un ouvrage d'une remarquable érudition dans lequel on trouve un résumé de tout ce que les Grecs et les Arabes avaient écrit avant lui sur cette matière.

La pharmacologie était en grand honneur chez les Arabes. Le gouvernement en surveillait l'exercice avec un grand soin. Cette science a eu aussi un écho important dans l'Europe latine. (Même à l'époque moderne, l'éminent médecin William Osler (1849-1919) a fait remarquer que "la lourde main de l'Arabe" est perceptible dans l'énorme quantité de pharmacopées actuelles). 

Médecine.
En médecine, l'école arabo-musulmane compte bien des noms célèbres. Un médecin de Bagdad, Abdalla-Tif, se distingua, au XIIIe siècle, par l'exactitude avec laquelle il décrivit les animaux et les plantes de l'Egypte. Il eut la gloire de rectifier, dans l'ostéologie humaine, quelques erreurs de Galien.

Arrêtés par le Coran, qui enseigne aux vrais croyants qu'ils seront jugés après leur mort, et que, pendant leur jugement, ils devront se tenir debout en présence de leurs juges, les Arabes ne purent se livrer à l'étude de l'anatomie humaine. Disséquer un cadavre eût été un horrible sacrilège. Ils ne purent observer que les corps humains mutilés qui leur étaient offerts par le hasard. C'est ainsi qui Abdalla-Tif, ayant trouvé un squelette rejeté de son sépulcre par un éboulement, fut mis à même de corriger, comme nous venons de le dire, quelques erreurs de Galien.

Les médecins arabes, en général, se bornèrent à copier l'anatomie de l'homme dans les Grecs et dans les Latins. Ne pouvant disséquer des animaux sans enfreindre les lois de l'islam, ils se livrèrent à l'étude de l'anatomie et de la physiologie animales. On attribue à Mesué un traité d'anatomie comparée; et à El -Kindi, qui composa, dit-on, plus de deux cents ouvrages, un traité de physiologie humaine.

C'est ici qu'il faut citer aussi les noms de Rhazès, d'Avicenne ou d'Ibn Butlân :

Rhazès (925), un musulman de la ville iranienne de Rayy, dans son grand compendium médical cite les écrits de Perzoes le moine envoyé par Anûshirwan (né vers 579) en Inde pour collecter des médicaments. 

• Avicenne (1037), né près de Bokhârâ au Turkestan, philosophe, homme d'État et médecin a réuni toutes les connaissances médicales de son temps dans son K.al-Qânûn. Ce travail a été étudié par des étudiants en médecine à l'est et à l'ouest jusqu'à la fin de la période médiévale.

 • Ibn Butlân (mort en 1066), prêtre et médecin nestorien, écrivit des ouvrages médicaux et théologiques et organisa des hôpitaux à Alep et à Bagdad.

On pourrait aussi noter les contributions d'Averroès et d'Abulcasis et mentionner également Alî ben-'Îssâ (mort vers 1010), médecin et secrétaire du Catholicos Johannes, qui a changé son allégeance de l'église nestorienne à l'église grecque, tandis qu'Ibn-Jazla (mort en 1100) également un médecin converti du christianisme à l'islam.

Médecine vétérinaire.
Bien que la dissection d'êtres humains soit interdite aux médecins arabo-musulmans, ceux-ci ont poursuivi l'approche analogique des Grecs en matière d'anatomie, réalisant d'importantes avancées concernant l'œil, le foie et le cœur : ces avancées provenaient presque entièrement d'études sur les animaux. Les Arabes ont toujours été de grands amoureux du cheval. L'ouvrage du début du XIVe siècle, Kita-b al-Nâsirî, composé par Abû Bakr ibn Badr al-Dîn Ibn al-Mundhir al-Baytar, vétérinaire du sultan mammelouk, est inégalé en médecine équine tant en Europe qu'en Orient avant le XVIIIe siècle. De nombreux auteurs ont aussi écrit sur la médecine aviaire. 

Géologie.
Qazwini admet une opinion qu'on avait déjà exprimée avant lui, savoir, que les tremblements de terre, les sources, les mines sont produits par des substances gazeuses, aériformes, qui s'agitent sans cesse dans le sein du globe, comme dans un immense laboratoire. Pour soutenir cette opinion, il entre dans des considérations géologiques d'une grande portée. Il parlé du déplacement des mers, comme s'il connaissait déjà quelques-uns des phénomènes qui ont fait varier la configuration des continents en des temps reculés.

Voici une allégorie ingénieuse tirée de l'ouvrage de Qazwini :

" Un jour, dit Rhidhz (un djinn), je passais par une ville fort ancienne. - Savez-vous dans quel temps fut fondée cette ville! demandai-je à un de ses habitants. - Oh! nous ne savons depuis quand elle existe, et nos ancêtres l'ont ignoré comme nous.

Mille ans après, en passant dans le même lieu, je cherchai vainement la ville que j'y avais autrefois remarquée; la place qui elle avait occupée s'était couverte de végétaux, et j'y aperçus un paysan qui ramassait de l'herbe. - Savez-vous, lui demandai-je, comment a été détruite la ville qui existait anciennement ici dans le lieu où vous êtes? - Quelle question me faites-vous là! Cette terre a été toujours telle que nous la voyons en ce moment.

Mille ans après, passant de nouveau par le même lieu, j'y vis un immense lac, une mer, et, sur le rivage, une compagnie de pêcheurs auxquels je demandai depuis quand la mer s'étendait jusque-là. Ils répondirent : - Un homme tel que vous devrait-il faire une pareille question! Ce lieu a toujours été ce qu'il est."

On ne peut douter, d'après cela, que les Arabes n'aient-eu quelque idée des changements qui se sont effectués, et qui s'efectuent perpétuellement à la surface ou dans le sein du globe terrestre. (L. Figuier).
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