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Le
populisme
est un concept politique qui se réfère généralement à une approche
politique qui conçoit la société comme divisée en deux entités qu'elle
oppose et qu'il nomme "le peuple" (désigné comme vertueux par définition)
et "l'élite" (déclinée sous différentes appelations, comme le "système",
l'"oligarchie", l'"établissement" (establishment), etc. et
corrompue par définition). Le populisme n'est pas une idéologie
en soi comme le socialisme ou le libéralisme.
C'est une manière de faire de la politique qui met l'accent sur la volonté
populaire et critique les institutions et les groupes perçus comme étant
éloignés des préoccupations des citoyens ordinaires. C'est un style
politique, une stratégie ou une
rhétorique
qui peut être utilisée par des mouvements de gauche comme de droite.
On parle souvent de populisme de gauche (qui critique l'élite économique
et financière) et de populisme de droite (qui met l'accent sur l'identité
nationale, l'immigration, et critique l'élite culturelle et politique).
Le populisme peut donc se combiner avec différentes idéologies. Il y
a des populismes et ils représentent un défi majeur pour les démocraties
contemporaines. Comprendre leurs racines, leurs différentes formes et
leurs évolutions est essentiel pour pouvoir y répondre efficacement.
L'enjeu est de revitaliser la démocratie
en la rendant plus inclusive, plus juste et plus à même de répondre
aux défis du XXIe siècle.
Caractérisation du populismeL'opposition "le peuple" vs. "l'élite".Le populisme procède par la désignation de cibles. L'une est perçue comme son "marché", le réceptacle de son action : c'est le "peuple". L'autre est désignée comme l'antagoniste par rapport auquel le "peuple" va pouvoir se définir. C'est "l'élite". Par delà les différentes expressions du populisme, le critère qui fonde en général cette opposition est l'éducation. Les populistes voient, à tort ou à raison, dans la frange la moins éduquée de la population, celle qui, pour cela, connaît une soffrance sur laquelle il va s'agir de capitaliser, celle aussi qui est la plus accessible à un discours émotionnel, et donc qu'il va être possible de capter en exploitant ce trait. "L'élite", la frange éduquée, dans la mesure où elle est supposée disposer des outils critiques capables de contrer le discours populiste, est la frange de la population de toute façon "perdue pour la cause", et qui peut donc être désignée sans dommage comme l'adversaire. Quelle que soit la cause qu'il prétend défendre (selon le "marché" qu'il vise, ce peut être aussi bien la dénonciation des injustices réelles, et la mobilisation des groupes marginalisés, que l'exclusion de ces mêmes groupes ("les étrangers") et l'exploitation de la souffrance sociale), relève de la manipulation des émotions afin de diviser la société, de propager des idées simplistes et dangereuses, et saper les institutions démocratiques (fondées sur des choix éclairés et non obscurcis par des émotions). Le
peuple.
L'élite.
L'appel direct
au peuple et la critique des institutions.
Critique
des institutions.
Le style et le
discours populiste.
Appel
aux émotions.
Langage
direct et familier.
Personnalisation
de la politique.
Histoire des populismesOrigines et premières manifestations du populisme au XIXe siècle.Le concept de populisme s'est précisé au XXe siècle, et parler de populisme dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui au XIXe siècle est anachronique. Il est plus juste de parler de proto-populismes ou de mouvements pré-populistes. Ces mouvements sont très diversifiés. Ils peuvent être d'inspiration agraire, ouvrière, nationaliste, religieuse, etc. Ils peuvent se situer à gauche ou à droite de l'échiquier politique (bien que la distinction gauche/droite soit moins claire qu'aujourd'hui, du moins hors de France). Les mouvements proto-populistes sont généralement fluides et évoluent dans le temps. Ils peuvent se transformer, se radicaliser ou disparaître. Les motivations des acteurs proto-populistes sont complexes et variées. Il ne s'agit pas uniquement de manipulation ou de démagogie. Il y a parfois une réelle sincérité et une authentique volonté de défendre les intérêts populaires, même si les méthodes et les solutions proposées peuvent être discutables. Le
contexte d'apparition du proto-populisme.
Exemples
de proto-populismes au XIXe
siècle.
En France, le général Boulanger, figure militaire populaire qui a émergé après la guerre franco-allemande de 1870, a incarné un mouvement politique hétéroclite qui critiquait la République parlementaire jugée corrompue et inefficace. Il appelait à un régime plus autoritaire et plébiscitaire, s'appuyant sur le mécontentement populaire face à la crise économique et à la défaite face à la Prusse. Le boulangisme mélangeait nationalisme revanchard, critique sociale et appel à un homme fort. Il est considéré comme un précurseur du populisme de droite. En Autriche, le mouvement de Georg von Schönerer et surtout le parti chrétien-social de Karl Lueger (fin du XIXe siècle) ont également été des mouvements qui préfigurent le populisme de droite moderne. Ils combinent un discours anti-libéral, anti-capitaliste (s'adressant aux petits commerçants et artisans menacés par l'industrialisation), et surtout anti-sémite. Ils exploitent les peurs et les rancoeurs, désignent les Juifs comme boucs émissaires et promettent de défendre les "petites gens" contre les "forces obscures" (finance juive, libéralisme cosmopolite). En Russie, le narodnikisme (populisme russe) dans les années 1860-1870, bien que différent dans ses objectifs et méthodes, peut être considéré comme une forme précoce de populisme. Les Narodniks, intellectuels et militants, idéalisaient la paysannerie russe et croyaient en la possibilité d'un développement socialiste spécifique à la Russie, basé sur la commune rurale, en évitant le modèle capitaliste occidental. Ils critiquaient l'aristocratie et la bureaucratie tsariste, et prônaient un rapprochement avec le peuple paysan. Bien que leur mouvement ait évolué et pris différentes formes, il reste un exemple marquant d'un proto-populisme agraire et intellectuel. On peut également trouver des éléments proto-populistes dans certains mouvements agraires en Europe de l'Est, dans des mouvements régionalistes qui se dressent contre le pouvoir central, ou dans les premières formes de mouvements ouvriers et socialistes, bien que ces derniers soient souvent plus structurés idéologiquement que les mouvements populistes typiques. Finalement, le terme de "populisme" apparaît aux États-Unis avec le Populist Movement (ou People's Party) dans les années 1890. Il s'agit d'un mouvement rural promoteur d'un populisme agraire et réformateur, mettant en avant explicitement le peuple "travailleur" contre les "élites corrompues". Il est issu principalement des agriculteurs du Sud et de l'Ouest, qui protestait contre les injustices économiques : la baisse des prix agricoles, les monopoles ferroviaires et bancaires, et le sentiment d'être négligés par les élites politiques et économiques de l'Est. Ils prônaient des réformes comme la nationalisation des chemins de fer, la création d'une banque centrale publique, et l'inflation monétaire (avec l'argent-métal). Populismes du
XXe siècle : diversification et transformations.
L'entre-deux-guerres est une période charnière. La Première Guerre mondiale, les crises économiques, les frustrations nationales et la montée des idéologies extrêmes créent un terreau fertile pour des formes de populisme plus agressives et autoritaires. Le fascisme italien de Mussolini et le nazisme allemand d'Hitler, bien que complexes et ne se réduisant pas uniquement au populisme, ont indéniablement intégré des éléments populistes dans leur rhétorique et leur stratégie politique. Ils se sont appuyés sur un appel au "peuple national" uni face à des ennemis internes (communistes, juifs, élites corrompues) et externes (puissances étrangères, complots internationaux). Ils ont mis en scène un culte du chef charismatique, incarnant la volonté populaire, et ont utilisé la démagogie et la propagande pour mobiliser les masses. Ces régimes ont démontré la capacité du populisme à se transformer en instrument de pouvoir totalitaire. En Autriche et dans d'autres pays, des mouvements proto-fascistes et nationalistes ont également émergé, utilisant des thématiques populistes similaires. L'après-guerre
et la "fin des idéologies" : un populisme plus discret et diversifié.
Cependant, le populisme
ne disparaît pas complètement. En Europe,
des mouvements plus marginaux, liés à des revendications régionalistes
ou à des contestations de l'ordre établi, persistent. On peut par exemple
observer en France, dans les années 1950, une forme de populisme incarnée
par le poujadisme, exprimant le mécontentement des petits commerçants
et artisans face à la modernisation économique. Des mouvements anti-impôt
ou anti-establishment émergent ponctuellement dans différents pays, reflétant
une méfiance persistante envers les élites politiques et économiques.
On peut aussi considérer certains aspects des mouvements étudiants et
contestataires des années 1960 et 1970 ( L'Amérique latine fait exception. Le populisme y connaît un essor majeur au milieu du XXe siècle, une période d'industrialisation et de montée des classes ouvrières urbaines. Des figures charismatiques comme Juan Perón en Argentine, Getúlio Vargas au Brésil, ou Lázaro Cárdenas au Mexique ont incarné ces populismes latino-américains. Ceux-ci se caractérisaient par un nationalisme économique fort et une volonté de souveraineté nationale, par une politique sociale active en faveur des travailleurs (augmentation des salaires, création de systèmes de protection sociale), par un style de leadership charismatique et un lien direct avec le peuple, souvent par-dessus les institutions traditionnelles, par une rhétorique anti-oligarchique dénonçant les élites traditionnelles et les intérêts étrangers, et aussi par leur caractère ambivalent, avec une amélioration des conditions de vie pour certains, mais aussi une potentiel autoritaire et la manipulation des masses. Le "nouveau populisme".
La fin du XXe siècle voit aussi l'émergence d'un populisme médiatique, tirant parti de la massification des médias de masse, notamment la télévision, puis internet. Des personnalités comme Silvio Berlusconi en Italie, avec son empire médiatique et son style direct et démagogique, incarnent ce type de populisme. Le populisme médiatique utilise les codes de la communication de masse, la simplification des messages, la personnalisation de la politique et la mise en scène du leader charismatique pour séduire l'opinion publique. Avec l'avènement d'internet et des réseaux sociaux, on assiste à une évolution vers un technopopulisme, qui utilise les outils numériques pour diffuser des messages populistes, mobiliser des communautés en ligne et contourner les médias traditionnels. Les
expressions du populisme de droite.
• Une focalisation sur l'identité nationale et la souveraineté. - Critique de la mondialisation, de l'immigration, de l'Union Européenne (en Europe), et un discours nationaliste mettant en avant la culture et les valeurs "authentiques" du peuple.Exemples : Le Front National/Rassemblement National en France, la Lega en Italie, le FPÖ en Autriche, le PVV aux Pays-Bas, l'AfD en Allemagne, le mouvement pro-Brexit au Royaume-Uni, le trumpisme aux États-Unis, etc. Les
expressions du populisme de gauche.
• Une focalisation sur la justice sociale et la lutte contre les inégalités. - Critique du néolibéralisme, des multinationales, des banques, et défense des classes populaires face aux "élites économiques".Exemples: Le chavisme au Venezuela, l'évomoralisme en Bolivie, le kirchnerisme en Argentine (formes plus anciennes, mais dont l'influence persiste), Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, La France Insoumise en France (formes plus récentes, avec des nuances). Populisme
pragmatique ou transversal.
Évolutions
et tendances récentes.
Les populistes ont
parfaitement intégré l'importance des réseaux sociaux pour diffuser
leurs messages, mobiliser leurs bases et attaquer leurs adversaires. La
désinformation et les "fake news" sont souvent utilisées comme armes
politiques ( Dans certains pays, l'arrivée au pouvoir de populistes a conduit à un affaiblissement des institutions démocratiques (justice, médias, contre-pouvoirs), à une remise en cause de l'état de droit et à des dérives autoritaires. Le discours populiste,
autrefois marginalisé, est devenu de plus en plus courant et accepté
dans l'espace public ( Face à la montée des populismes, on observe également des résistances et des contre-mouvements, notamment au sein de la société civile, des médias indépendants, et parfois même de la part de partis politiques traditionnels qui prennent conscience du danger populiste. |
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