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La philosophie espagnole

Philosophie romaine et wisigothique

L'Espagne, l'ancienne Hispanie, a été une province romaine importante (IIe siècle av. JC - Ve siècle ap. JC). La romanisation a apporté la culture et la philosophie romaines. C'est durant cette période que l'Espagne a connu son apogée philosophique antique. Les penseurs romains comme Sénèque, né à Cordoue, stoïcien, ont marqué l'histoire par leurs réflexions sur la morale, la vertu et la vie bonne. On retrouve aussi la marque de ce stoïcisme chez Lucain (neveu de Sénèque) et Martial, deux poètes romains nés en Epagne.

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, les Wisigoths ont établi un royaume en Espagne (Ve - VIIIe siècles ap. JC) . La philosophie antique continue d'influencer la pensée, notamment à travers le christianisme et les auteurs latins. La figure importante de cette période, à cheval sur l'Antiquité tardive et le Moyen Âge, est Isidore de Séville.

Sénèque.
Sénèque le Jeune (vers 4 av. JC. - 65 ap. JC) est l'un des stoïciens romains les plus importants. Ses écrits, notamment ses lettres et ses tragédies, ont eu un impact immense sur la pensée occidentale. Son stoïcisme met l'accent sur la vertu, la raison, le contrôle des émotions et l'acceptation du destin.

Isidore de Séville.
Isidore de Séville (VIe-VIIe siècles) a cherché à intégrer la sagesse antique dans un cadre chrétien. Son Å“uvre encyclopédique, les Étymologies, a compilé et transmis le savoir antique et chrétien et influencé toute la pensée médiévale, même au-delà de l'Espagne. 

L'Âge d'or d'al-Andalus (VIIIe-XIIIe siècles).

Après la conquête musulmane de l'Espagne en 711, al-Andalus devint un centre de culture et de philosophie. Les savants de al-Andalus ont joué un rôle important dans la traduction des textes grecs, notamment de la philosophie d'Aristote, de Platon, et d'autres penseurs grecs. Ces traductions ont été réalisées en arabe et ont ensuite été traduites en hébreu et en latin. Les penseurs ont ainsi pu fusionner des éléments de la philosophie musulmane, grecque, juive et chrétienne dans leurs oeuvres. Les thèmes comme la nature de l'existence, la métaphysique, l'éthique, la psychologie et la logique étaient abordés avec diverses approches interculturelles. 

Philosophie arabe.
Avempace.
Avempace (Ibn Bajjah, 1095-1138), natif de Saragosse, est connu pour ses commentaires sur Aristote et pour son peuvre philosophique originale, notamment Le Régime du solitaire (Tadbīr al-Mutawaḥḥid). Il aorde des thèmes comme la perfection humaine, l'intellect agent et la vie contemplative. Son influence se retrouve chez Averroès et plus tard chez des penseurs juifs comme Maïmonide ou chrétiens comme Thomas d'Aquin

Abubacer.
Abubacer (Ibn Tufayl, mort vers 1185), originaire de Guadix. Il est surtout célèbre pour son roman philosophique Hayy ibn YaqẓÄn (Le Vivant, fils de l'Éveillé). Ce récit allégorique explore la découverte de la philosophie et de la religion par un homme élevé seul sur une île déserte, à travers l'observation de la nature et la raison. Il aborde des thèmes comme la connaissance innée, la nature de Dieu et la compatibilité entre philosophie et révélation.

Averroès.
Né à Cordoue, Averroès (Ibn Rushd, 1126-1198) est l'un des plus grands philosophes d'al-Andalus. Averroès défendait l'harmonie entre la foi et la raison. Il cherchait à comprendre Aristote de manière la plus fidèle et rigoureuse possible, en se basant sur les textes originaux. Les traductions latines des commentaires de son oeuvre ont été fondamentales pour le développement de la scolastique au XIIIe siècle, notamment à travers le courant de l'averroïsme latin (notamment à l'Université de Paris). Des penseurs comme Siger de Brabant ont été fortement influencés par ses idées.

Anselm Turmeda.
Anselm Turmeda (Abdallah al-Tarjuman al-Mayurqi, ca. 1355 - ca. 1430), écrivain et théologien majorquin. Il est exceptionnel parmi ces philosophes car il s'est converti à l'Islam et a vécu dans le monde musulman. Après sa conversion, Turmeda devint un critique du christianisme et écrivit des ouvrages polémiques en arabe contre la doctrine chrétienne. Cependant, il a également exprimé des critiques envers certaines pratiques et interprétations de l'Islam. Tuhfat al-arib fi al-radd 'ala ahl al-salib (Le Présent à l'érudit pour réfuter les gens de la croix) est son oeuvre la plus connue, une critique du christianisme et une défense de l'Islam. Il y utilise des arguments théologiques et rationnels. La Dispute de l'Âne (Tuhfat al-faqir) est une œuvre satirique et populaire sous forme de conte allégorique, où un âne discute de religion et de morale. Cette œuvre est plus accessible et critique les travers des deux religions.

Philosophie juive.
Avicebron.
Avicebron (Ibn Gabirol, vers 1021-1058) a développé une forme de néoplatonisme et une métaphysique de la volonté divine.Son Å“uvre philosophique principale, Fons Vitae (La Source de Vie), écrite en arabe et traduite en latin, a exercé une influence importante sur la scolastique. 

Bahya ibn Paquda.
Bahya ibn Paquda (XIe siècle), auteur des Devoirs du Cour (en arabe, Al-Hidayah ila Fara'id al-Qulub), une oeuvre majeure de philosophie morale et religieuse juive. Il met l'accent sur l'intériorité, la piété et la relation personnelle avec Dieu.

Judah Halevi.
Judah Halevi (vers 1075-1141), dans son oeuvre philosophique principale, Le Kuzari (ou Le Livre de la défense de la religion méprisée), il défend le judaïsme contre la philosophie grecque et les autres religions. Il mett en avant l'importance de la révélation et l'expérience religieuse.

Maïmonide.
Maïmonide (Moses ben Maimon, Rambam, 1135-1204),  né à Cordoue, il a cherché à concilier la foi juive avec la philosophie aristotélicienne dans son oeuvre majeure Le Guide des Égarés   (en arabe, DalÄlat al-ḤÄ'irÄ«n), écrite en arabe et traduite en hébreu et en latin.

La philosophie chrétienne médiévale

La philosophie chrétienne médiévale se développe en Espagne dans le contexte de la Reconquista et de la consolidation des royaumes chrétiens. L'École de Tolède (XIIe-XIIIe siècles) a été un centre de traduction et de transmission du savoir grec et arabe vers le latin. Bien que pas strictement philosophique en elle-même, elle a rendu accessible les oeuvres d'Aristote, d'Avicenne et d'Averroès, qui ont été fondamentales pour la philosophie scolastique. Enrichie par les traductions et les commentaires des philosophes arabes et juifs qui ont permis de redécouvrir Aristote et d'autres penseurs antiques, la philosophie espagnole chrétienne médiévale un caractère plus cosmopolite et ouvert qu'ailleurs en Europe. L'influence des universités, comme celle de Salamanque, devient centrale  pour diffuser les idées scolastiques à partir du XIIIe siècle, plus tardivement, donc, qu'en France ou en Angleterre où elle s'est constituée. Comme dans toute la philosophie médiévale, la question du rapport entre la foi et la raison est centrale. Les philosophes espagnols, à l'image de leurs contemporains européens, ont cherché à harmoniser la philosophie aristotélicienne avec la doctrine chrétienne.

Raymond Lulle.
Raymond Lulle (Ramon Llull, 1232-1316), philosophe et théologien majorquin, est surtout célèbre pour son Art ( (Ars Magna, Ars Generalis, etc.), un système logique et combinatoire complexe conçu pour démontrer la vérité de la foi chrétienne et convertir les non-chrétiens par la raison. Il pensait que la vérité divine pouvait être découverte et communiquée de manière universelle grâce à une méthode logique. Cet Art utilisait des figures géométriques, des lettres et des combinaisons pour représenter des concepts et des attributs divins. Bien que basé sur la raison, l'Art de Lulle était profondément ancré dans sa foi mystique. Il cherchait une union intellectuelle et spirituelle avec Dieu. Son Art est vu par certains comme un précurseur de la logique formelle, de la combinatoire et même de concepts qui anticipent l'informatique. 

Arnaud de Villeneuve.
Arnaud de Villeneuve (Arnau de Vilanova, ca. 1235 - 1311), né à Valence, est surtout renommé pour ses contributions à la médecine. Il fut professeur à l'université de Montpellier, un centre médical majeur. Il a écrit des traités médicaux importants sur des sujets variés comme la diététique, la pharmacologie, la chirurgie et les maladies. Mais vers la fin de sa vie, il s'intéressa à la théologie et développa des idées prophétiques et millénaristes, ce qui le mit parfois en conflit avec les autorités ecclésiastiques.

Raymond de Sebonde.
Raymond de Sebonde (Raimundo Sabunde, ca. 1385- 1436 siècles), philosophe et théologien (probablement d'origine catalane ou aragonaise) est l'auteur d'une Theologia Naturalis, sive Liber creaturarum (Théologie Naturelle ou Livre des créatures), qui est une tentative systématique de démontrer l'existence de Dieu et les vérités de la foi chrétienne par la raison naturelle, en observant le monde créé et la nature humaine. Sebonde argumente que la création est un "livre" ouvert à tous, dans lequel Dieu se manifeste et peut être connu par l'étude de la nature et de l'homme. Il place l'homme au centre de sa théologie naturelle, considérant l'homme comme un microcosme reflétant l'ordre divin. L'ouvrage a été traduit en français par  Montaigne, qui  écrivit sa célèbre Apologie de Raymond Sebond dans ses Essais.

La pensée du Siècle d'Or espagnol

La philosophie espagnole commence, dès le XVe siècle, à s'épanouir dans un contexte de renouveau intellectuel. Cela débouche sur le Siècle d'Or espagnol (XVIe-XVIIe siècles), une période de grande effervescence culturelle et intellectuelle, marquée par la Renaissance et le début de l'époque moderne. L'humanisme arrive en Espagne et met à l'honneur l'étude des textes classiques, la dignité humaine et l'importance de l'éducation. L'humanisme espagnol du Siècle d'Or est souvent caractérisé par une forte dimension religieuse et une tentative d'intégrer les valeurs humanistes dans un cadre chrétien. La scolastique reste une force importante, notamment avec la Seconde scolastique, qui cherche à renouveler la pensée scolastique face aux défis de la Réforme et de la modernité (découvertes géographiques, émergence des États-nations). 

Les mystiques espagnols.
Sainte Thérèse d'Avila et Saint Jean de la Croix ont produit des oeuvres profondes sur l'union mystique avec Dieu.

Juan Luis Vives.
Juan Luis Vives (1493-1540) est un philosophe humaniste influencé par Érasme. Il a écrit sur l'éducation, la psychologie et la morale, et a critiqué la scolastique tardive. Il est considéré comme un précurseur de la psychologie moderne et de l'empirisme.

Juan de Mariana.
Juan de Mariana (1536-1624), théologien et historien, est notamment l'auteur de l'ouvrage De rege et regis institutione, où il  a développé des idées sur la souveraineté royale et la responsabilité politique des monarques. 

Baltasar Gracián.
Baltasar Gracián (1601-1658), écrivain et philosophe baroque, est connu pour L'Homme de Cour, un traité sur l'éthique et la politique dans la société mondaine.

L'Ecole de Salamanque.
Pendant cette période, l'École de Salamanque joue un rôle crucial dans le développement des théories du droit naturel et du droit international, notamment en lien avec la colonisation des Amériques.

Francisco de Vitoria.
Francisco de Vitoria (1483-1546), fondateur de l'École de Salamanque, a développé dans Les Lois des Royaumes des Indes  des théories importantes sur le droit international, le droit des peuples indigènes et la justice dans la guerre. Ses travaux ont eu une influence majeure sur le développement du droit international moderne. 

Domingo de Soto.
Domingo de Soto (1460-1534), théologien et philosophe dominicain de l'École de Salamanque, a écrit des commentaires sur les oeuvres d'Aristote. Il a également développé des idées sur l'économie politique et l'éthique. Il a contribué à la théorie quantitative de la monnaie et à l'analyse économique.

Luis de León.
Luis de León (1527-1591), poète mystique et théologien, a marqué la littérature et la réflexion philosophique espagnoles.

Luis de Molina.
Le théologien Luis de Molina (1535-1600) est célèbre pour sa théorie de la liberté humaine et de la prédestination divine, connue sous le nom de "compatibilisme libéral". Sa théologie a eu une influence considérable sur la philosophie morale.

Suarez.
Francisco Suárez (1548-1617), l'un des plus grands philosophes de la Seconde scolastique, a contribué à la métaphysique, à la théologie et au droit naturel. Il est souvent vu comme un précurseur du rationalisme moderne.  Son oeuvre métaphysique et juridique a eu une influence immense en Europe et en Amérique latine.

Déclin et transition (fin XVIIe siècle).
À la fin du XVIIe siècle, la philosophie espagnole souffre d'un certain isolement par rapport à l'Europe. Cependant, des penseurs comme Suárez continuent d'influencer les débats philosophiques.

La Ilustración ou les Lumières espagnoles au XVIIIe siècle

Le XVIIIe siècle commence avec l'accession des Bourbon au trône d'Espagne (1700) après la Guerre de Succession d'Espagne. Sous Philippe V et ses successeurs, des réformes administratives, économiques et éducatives sont introduites dans le cadre du despotisme éclairé. 

L'Ilustración espagnole, le siècle des Lumières, est arrivée plus tardivement et avec des spécificités par rapport à d'autres pays européens. Les idées des Lumières (raison, progrès, liberté, tolérance) rencontrent des résistances de la part des institutions traditionnelles (Église, noblesse). A cause de cela, si certaines idées déistes et sensualistes des Lumières se sont diffusées, c'est avec moins d'impact qu'en France ou en Angleterre. Le mouvement, moins radical que dans d'autres pays,  s'est souvent concentré sur des réformes pratiques dans l'éducation, l'économie et l'administration, plutôt que sur des révolutions philosophiques. Quelques figures marquantes :

Feijoo.
Benito Jerónimo Feijoo (1676-1764) , moine bénédictin et essayiste, est l'un des premiers à introduire les idées des Lumières en Espagne. Ses oeuvres, comme Théâtre critique universel ou ses Cartas eruditas y curiosas critiquent les superstitions et les préjugés de son temps et prônent la raison et l'empirisme.

Jovellanos.
Gaspar Melchor de Jovellanos (1744-1811) est un philosophe, juriste et homme politique. C'est une figure clé des Lumières espagnoles. Il défend des réformes économiques et éducatives et s'intéresse aux droits humains

Mayans.
Gregorio Mayans (1699-1781), humaniste et érudit,  met l'accent sur la rigueur scientifique et philologique, et il critique les excès de la scolastique.

Capmany.
Antonio de Capmany (1742-1813), écrivain, historien et critique des moeurs a promu les idées des Lumières et a critiqué les aspects négatifs de la société espagnole.

Le XIXe siècle

Le début du XIXe siècle : révolutions, libéralisme et romantisme (1800-1850).
L'invasion napoléonienne (1808) et la guerre d'indépendance espagnole (1808-1814) provoquent un bouleversement politique et culturel. La Constitution libérale de Cadix (1812) reflète les aspirations progressistes de certains penseurs espagnols. Après la restauration monarchique en 1814, l'Espagne oscille entre périodes absolutistes et libérales, ce qui influence la philosophie.

L'Église catholique joue un rôle central dans la société espagnole, ce qui freine parfois l'acceptation des idées philosophiques modernes. Les philosophes français, anglais et allemands (Voltaire, Rousseau, Kant) commencent à influencer les penseurs espagnols, mais leur réception est souvent modérée par un souci de préserver l'orthodoxie religieuse.

Le début du XIXe siècle voit l'émergence de penseurs libéraux et progressistes inspirés par la Révolution française et les idées des Lumières (Villanueva, Florez Estrada).  À partir des années 1830, le romantisme influence la pensée espagnole, avec un accent sur la nation, la religion et l'identité culturelle (Martínez de la Rosa, Balmes). Les phislosophes de ce temps se signalent ainsi par la défense de la liberté individuelle et des droits politiques dans un contexte de tensions entre absolutisme et libéralisme., des réflexions sur l'identité nationale et la place de la religion dans la modernité, et une réaction contre l'individualisme des Lumières, avec une attention portée aux communautés et aux traditions.

Villanueva.
Joaquín Lorenzo Villanueva (1757-1837) est un dDéfenseur des droits humains. Il soutient la liberté religieuse et politique.

Flórez Estrada.
Ãlvaro Flórez Estrada (1766-1853), économiste et philosophe libéral, critique le féodalisme et prône la propriété privée comme moteur de progrès.

Martínez de la Rosa.
Francisco Martínez de la Rosa (1787-1862) est un philosophe et homme politique romantique. Il défend une vision libérale modérée tout en valorisant la tradition.

Balmes.
Jaime Balmes (1810-1848) est le philosophe le plus important de cette période. Il cherche à concilier foi et raison. Dans El Criterio, il propose une méthode philosophique pragmatique et défend le rôle de la religion dans la société.

La seconde moitié du XIXe siècle (1850-1900)
La seconde moitié du XIXe siècle en Espagne est marquée par des bouleversements politiques : les guerres carlistes, les révolutions, et la tentative de modernisation de l'État. La philosophie espagnole reste influencée par les traditions scolastiques, mais elle commence à intégrer des courants européens, notamment le positivisme et l'idéalisme allemand, notament avec le Krausisme qui devient une influence majeure. Des courants philosophiques critiquent le Krausisme et le positivisme, notamment le néo-thomisme (renaissance de la philosophie de Thomas d'Aquin) et le spiritualisme.

Sanz del Río.
Julián Sanz del Río (1814-1869) est le principal introducteur du krausisme en Espagne. Il est une figure centrale de la modernisation intellectuelle du pays. 

Giner de los Ríos.
Francisco Giner de los Ríos (1839-1915), disciple de Sanz del Río, a joué un rôle déterminant dans la modernisation de l'éducation en Espagne en éténat le fondateur de la Institución Libre de Enseñanza (1876), une institution pédagogique inspirée par le Krausisme et qui promeut une éducation laïque, scientifique et progressiste.

Salmerón.
Nicolás Salmerón (1838-1908) est l'un des principaux philosophes espagnols a intégrer l'approche positiviste dans ses réflexions sur la science et la politique.

Castelar. 
Emilio Castelar (1832-1899), orateur, homme politique et philosophe positiviste, a défendu la République et les idées progressistes.

Menéndez Pelayo.
Marcelino Menéndez Pelayo (1856-1912) est un historien de la pensée espagnole et critique du Krausisme et du positivisme. Il a défendu la tradition catholique et la philosophie espagnole classique.

Les Générations de 1898 et de 1914. 
La défaite de l'Espagne face aux États-Unis en 1898 (perte de Cuba, Porto Rico et des Philippines) provoque une crise identitaire et intellectuelle. La Generación del 98  rassemble des écrivains et des penseurs  qui s'interrogent sur le déclin de l'Espagne et cherchent à redéfinir son rôle dans le monde. La Generación del 14  est moins tournée vers le passé et mettant l'accent sur la science, la raison et l'éducation et prône l'ouverture à la modernité européenne. 

Unamuno.
Miguel de Unamuno (1864-1936), un des penseurs les plus importants de la Génération de 98, aborde des thèmes comme la foi, le doute et l'immortalité.  Son existentialisme personnel et angoissé aborde des thèmes comme la foi, le doute, la mort, l'immortalité et l'"intrahistoire" espagnole. Son oeuvre Le Sentiment tragique de la vie (1912) est un classique de la philosophie existentielle religieuse.

Machado.
Antonio Machado (1875-1939), bien que principalement poète, Machado exprime des réflexions philosophiques sur le temps, l'identité et l'histoire.

Ortega y Gasset.
José Ortega y Gasset (1883-1955), figure majeure de la Génération de 14,  est un philosophe central du XXe siècle. Dans La Révolte des masses (1930), il analyse les effets de la modernité et de la montée de la société de masse. Son concept de ratiovitalisme cherche à unir raison et vie et sera approfondi par Manuel García Morente (1886-1942).

La période de la Guerre civile et du Franquisme (1930-1975).
La Seconde République espagnole (1931-1939) est une période de grandes réformes sociales et politiques, mais elle est suivie par une guerre civile (1936-1939). La dictature franquiste (1939-1975) impose un régime autoritaire et catholique, limitant la liberté d'expression philosophique. Pendant la guerre civile, de nombreux intellectuels prennent position, souvent en faveur de la République. Sous le franquisme, les idées progressistes et libérales sont réprimées, mais une philosophie de résistance et de critique se développe, souvent de manière clandestine ou indirecte. L'héritage d'Ortega y Gasset continue d'influencer la pensée philosophique, notamment chez les exilés

Gaos.
José Gaos (1900-1969), philosophe exilé au Mexique après la guerre civile, développe une réflexion sur l'exil et l'identité.

Menendez Pidal.
Ramón Menéndez Pidal (1869-1968) , linguiste et penseur, questionne les racines culturelles et historiques de l'Espagne.

Zubiri.
Xavier Zubiri (1898-1983)  est un élève d'Ortega y Gasset, influencé par la phénoménologie et la philosophie de la nature. Il développe une pensée originale autour de l'ontologie et de la métaphysique. Dans des oeeuvres comme Inteligencia sentiente, il étudie la relation entre la raison, la perception et la réalité et développe une philosophie de la réalité complexe et novatrice.

Zambrano.
María Zambrano (1904-1991), philosophe exilée après la guerre civile, élabore une profonde pensée poétique et existentielle, centrée sur des thèmes comme l'exil, la mémoire, et le rôle de l'art et de la religion. Ses oeuvres, comme El hombre y lo divino,  la placent parmi les figures majeures du XXe siècle.

Aranguren.
José Luis López Aranguren (1909-1996) est un philosophe éthicien,  représentant de l'existentialisme chrétien. Il critique le conservatisme franquiste tout en abordant des thèmes sociaux et politiques, ainsi que les.thèmes de la morale, de la liberté et de l'engagement.

Histoire de la philosophie espagnole depuis 1975

La transition démocratique (1975- années 1980)
La mort de Franco en 1975 et la transition démocratique marquent une période de libéralisation politique et culturelle. Les universités espagnoles, désormais plus libres, deviennent des lieux de débats intellectuels. L'Espagne s'ouvre davantage aux courants philosophiques européens et internationaux, notamment l'existentialisme, la phénoménologie, le structuralisme et la philosophie analytique.  La philosophie espagnole s'enrichit aussi en intégrant des perspectives variées, allant du marxisme au pragmatisme.

Savater.
Fernando Savater (né en 1947) popularise des thèmes éthiques et politiques dans des oeuvres accessibles comme Éthique à l'usage de mon fils. Il réfléchit aux bases éthiques et politiques d'une société démocratique et défend un humanisme rationaliste et engagé.

Muguerza.
Javier Muguerza (1936-2019)  joue un rôle clé dans l'introduction de la philosophie analytique et des débats sur la méthodologie philosophique en Espagne.

La philosophie contemporaine (des années 1990 à nos jours).
L'intégration de l'Espagne dans l'Union européenne (1986) renforce son ouverture culturelle et intellectuelle. La mondialisation, les avancées technologiques, et les défis environnementaux influencent les débats philosophiques. La philosophie espagnole se diversifie, avec des penseurs contribuant à des champs variés comme l'éthique, l'esthétique, la politique et la philosophie des sciences. Les domaines de prédilection des philosophes espagnols contemporains peuvent se ranger sous quatre chapitres principaux : 

• Éthique et philosophie politique. -  Les droits humains, la démocratie, et la justice sociale. La bioéthique et les dilemmes contemporains en matière de médecine et de technologie.

• Philosophie de la mémoire. - Avec de débats sur la mémoire historique, en lien avec la guerre civile et le franquisme.

• Philosophie des sciences et technologie. - Réflexions sur l'intelligence artificielle, la société numérique, et les impacts technologiques.

• Défis écologiques. - Philosophie environnementale et réflexion sur le changement climatique.

Quelques philosophes espagnols contemporains.
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• Emilio Lledó (né en 1927), philosophe et essayiste, a abordé des questions liées à la philosophie du langage, à l'éducation et à la pensée antique.

• Javier Sádaba (né en 1940), philosophe et éthicien, s'est concentré sur la philosophie morale et éthique. Il a écrit sur des sujets tels que l'éthique médicale et la bioéthique.

 â€¢ Antonio Escohotado (né en 1941), philosophe et sociologue, a abordé des questions liées à la drogue, la liberté individuelle et la politique. Son Historia general de las drogas est une étude exhaustive de l'histoire des drogues.

• Victoria Camps (née en 1941), philosophe morale et politique, a écrit sur l'éthique, la bioéthique, la démocratie et les droits humains. Elle a également été impliquée dans des débats publics sur la société espagnole contemporaine.

• Manuel Reyes Mate (né en 1942), philosophe et essayiste,  a travaillé sur des questions de mémoire, de violence, et de droits humains. Son oeuvre porte sur la philosophie politique.

• Celia Amorós (née en 1944), philosophe, a joué un rôle majeur dans le développement de la philosophie féministe en Espagne. Ses travaux portent sur le genre, la féminité et le féminisme.

• José Ortega Cano (né en 1943), philosophe et sociologue, a travaillé sur la théorie sociale, la philosophie de l'éducation et les questions éthiques. Il a également été impliqué dans la promotion des droits humains.

• Adela Cortina (née en 1947) , philosophe éthicienne, a contribué à la philosophie morale et politique. Elle a travaillé sur des questions d'éthique appliquée, éthique économique et sociale, de justice sociale et de droits humains. Voix importante dans le débat éthique en Espagne.

• Daniel Innerarity (né en 1959), philosophe et sociologue, a travaillé sur la démocratie, la mondialisation et la gouvernance. Ses travaux ont analysé la complexité de la société contemporaine.

 â€¢ Jordi Pigem (né en 1960), philosophe, écrivain et conférencier, a étudé des thèmes tels que la spiritualité, l'écologie et la philosophie orientale. Il a écrit sur la nécessité de repenser notre relation à la nature et à la technologie.

• Javier Gomá Lanzón (né en 1965), philosophe et essayiste, a écrit sur des sujets variés, allant de la culture et de l'éducation à la philosophie politique. Sa Tetralogía de la ejemplarida et sa Filosofía mundana ont suscité une attention particulière.

• Manuel Cruz (né en 1951) travaille sur la mémoire historique, l'identité et la philosophie de l'histoire.

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Dictionnaire Idées et méthodes
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