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La chorégraphie

Sous le nom de chorégraphie, on désigne aujourd'hui, avant tout, l'art de composer un ballet ou spectacle de danse et d'en régler ses figures et ses pas, mais le terme (du grec khoreia, danse, et graphô, j'écris), dans son sens premier, désigne aussi l'art d'écrire la danse, avec ses figures et ses pas, au moyen de signes conventionnels, comme on écrit la musique à l'aide de figures ou de caractères désignés par la dénomination des notes

Cette pratique est très ancienne. Les Égyptiens avaient imaginé, pour représenter les mouvements de la danse, des signes hiéroglyphiques. Les Romains avaient aussi des signes spéciaux pour indiquer les pas de leur saltation : mais cet art s'est complètement perdu pendant le Moyen âge, et les premières traces qu'on en retrouve existent dans Il Ballarino de Marco Fabritio Caroso (1581) qui indique les figures et les pas de danse à l'aide de rondes et de chiffres sur une portée de six lignes placée au-dessus de la portée musicale.

En France, le plus ancien ouvrage où l'on traite de chorégraphie fut publié en 1588, sous le titre d'Orchésographie, par un chanoine de Langres, Jehan Tabourot, qui prenait le nom anagrammatique de Thoinot-Arbeau. Cet ouvrage  contient un système d'écriture qui consiste à faire correspondre la description des pas avec la musique en mettant la portée verticalement et en écrivant horizontalement en langage ordinaire, à la hauteur de la note le pas à exécuter. Ce système, très simple, n'est plus applicable à la musique et à la danse modernes à cause des complications qu'elles nécessitent.

Le Nuove invenzioni di balli de Cesare Negri, ouvrage publié en 1604, part du même principe que celui de Caroso.

Puis le célèbre Beauchamp, maître de ballets de l'Opéra sous Louis XIV, inventa vers 1671 une méthode d'écriture qu'il appela chorégraphie. Un arrêt du Parlement consacra son brevet d'invention, mais il ne reste aucune notice, imprimée ou manuscrite, pour expliquer sa découverte.

On essaya ensuite d'un moyen de chorégraphie qui consistait à employer, pour marquer chaque temps, la première lettre du mot par lequel on désignait ce temps.
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Planche chorégraphique extraite du recueil de danses de Feuillet, 1704.
Planche chorégraphique extraite du Recueil de danses de Feuillet, 1704.

En 1713 parut la  Chorégraphie, ou l'Art d'écrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs de Feuillet et Dezais (ouvrage, qui était d'ailleurs une réimpression de celui publié en 1700, 1701, 1704, sous le seul nom de Feuillet). Leur système consistait à dresser un plan de la salle de danse.

« Le chemin ou la figure de ces danses était tracé, dit Noverre, les pas ensuite indiqués par des traits et des signes démonstratifs, ou de convention. La cadence ou la mesure était marquée par des petites barres posées transversalement qui divisaient et fixaient les temps; l'air sur lequel ces pas étaient composés se notait au-dessus de la page, de sorte que huit mesures de chorégraphie correspondaient à huit mesures de musique. »
Dans le système de Feuillet et Dezais, il y a des signes qui indiquent sur le papier la position des pieds : un petit cercle ou un point noir figure la place du talon, et une ligne qui en part marque la direction du pied sur le parquet. Les détails et la durée des pas sont indiqués par des lettres et des tirets. Ainsi, la lettre a, placée à la tête d'un pas, indique par sa forme la durée de ce pas : selon que la lettre est accolée d'une blanche ou à une noire, la durée du pas équivaut à une blanche ou à une noire de l'air sur lequel on danse; si c'est une croche, la lettre n'est tracée qu'à moitié, en forme de c. Le plié, Ie sauté, et autres agréments des pas, sont marqués par de petits tirets, et les tournoiements par des demi-cercles, quarts de cercle ou cercles entiers. Les mouvements des bras sont également indiqués d'avance.

Il serait trop long d'entrer dans le détail de tous ces signes. La planche ci-dessus, empruntée au livre de Feuillet et Dezais, peut donner une idée de ce genre d'écriture. Sans être aussi confus que veut bien le dire Saint-Léon, cela manque pourtant de clarté.

Rameau, dans son Maître à danser (1734),  indique en langage ordinaire
les mouvements à faire, mais de façon que la ligne formée par ces explications
dessine la figure suivante :
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Figure principale du menuet. - Extrait du Maître à danser, 1734, de Rameau.
Figure principale du menuet.
Extrait du Maître à danser, 1734, de Rameau. 

Rameau a fait paraître aussi un abrégé de la Nouvelle méthode de Chorégraphie (1725), d'ailleurs assez compliquée.

Noverre n'était pas partisan de la danse écrite :

« Cet art, du reste, dit-il, est très imparfait. Il n'indique exactement que l'action des pieds, et s'il nous désigne les mouvements des bras, il n'ordonne ni les positions ni les contours qu'ils doivent avoir; il ne nous montre encore ni les attitudes ni les oppositions de la tête, ni les situations différentes, nobles et aisées nécessaires dans cette partie, et je le regarde comme un art inutile, puisqu'il ne peut rien pour la perfection du nôtre. »
Noverre ajoutait que la difficulté de lire les partitions chorégraphiques était très grande-
« Un bon musicien lira deux cents mesures dans un instant; un excellent chorégraphe ne déchiffrera pas deux cents mesures de danse en deux heures. »
Noverre se montre donc catégoriquement hostile à ce système d'écriture. Il avait, sans doute, d'excellentes raisons de penser ainsi.

Magny publia son ouvrage Principes de la Chorégraphie en 1765. Élève de Feuillet, Magny ne prétend pas avoir inventé son système : 
« Il s'est appliqué, dit-il, à perfectionner son art, créant de nouveaux signes quand ils étaient nécessaires pour expliquer des choses nouvelles. » 
Son écriture ne diffère pas sensiblement de celle de Feuillet et de Dezais. On peut seulement y remarquer plus de soin dans la composition du chemin à suivre, en un mot de la figure.

Malpied, dans son Traité sur l'art de la danse, donne aussi une nouvelle méthode de chorégraphie. Les signes changent, mais le principe reste le même.

En 1852, Saint-Léon crée, sous le nom de sténochorégraphie, un procédé nouveau d'écrire les figures de la danse.

« Ma sténochorégraphie, dit-il dans sa préface, diffère essentiellement de tous les essais du même-genre, en ce qu'elle indique non seulement l'ensemble des pas, mais surtout en ce qu'elle donne au danseur, initié à la connaissance des signes sténochorégraphiques, la faculté de reproduire au premier coup d'oeil et pour ainsi dire machinalement tous les temps pliés, relevés, sauts sur une ou deux jambes, retombés, développés, etc., enfin tous les mouvements qui réunis forment un pas, et de donner à chacun de ces mouvements leur durée exacte par la valeur de la note musicale à laquelle ils correspondent. J'ai voulu faciliter la lecture de la sténochorégraphie en me servant de beaucoup des signes usités en musique et en leur conservant, appliqués à la danse, la même signification. Tout maître de ballet et même tout danseur devant, dans ma pensée, savoir la musique, l'emploi des signes déjà connus d'eux simplifiera nécessairement cent lecture. »
Pour sténochorégraphier la danse, Saint-Léon se sert de cinq lignes donnant par leurs intervalles quatre plans, d'une sixième ligne placée au-dessus des cinq autres et détachée des plans : c'est la ligne des épaules. Sur les lignes sont placés les mouvements à exécuter à terre, entre les lignes les mouvements en l'air. Chaque mouvement est indiqué au-dessus de la note de la mesure à laquelle il correspond : 
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Planche extraite de la Sténochorégraphie de A. de Saint-Léon, 1852.
Planche extraite de la Sténochorégraphie de A. de Saint-Léon, 1852.

Par la suite l'avis de Noverre a prévalu : on a compris l'inutilité des efforts tentés pour écrire les figures de danse. Le maître de ballet indique le pas à faire; il en donne lui-même l'exemple et les danseurs et danseuses répètent le pas après lui. (F. de Ménil / B.).



En bibliothèque - Noverre, lettres sur les arts imitateurs et sur la danse en particulier, Paris, 1807, 2 vol. in-8°.
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