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Chant liturgique

Chant liturgique. - Nom général de toutes les formes de chant faisant partie intégrante de la liturgie, dans les différents cultes, par opposition au terme « musique religieuse », qui désigne des oeuvres surajoutées aux offices et qui leur servent d'ornement, sans leur appartenir absolument. 

Les religions organisées en un culte public et régulier possèdent en général une liturgie et un chant liturgique, soit unique et universel, soit spécial à une secte ou à une contrée. Le culte juif ne possède plus de monuments du chant synagogal, maintes fois mentionné dans les livres saints. Les plus anciennes mélodies notées ne remontent pas au delà du XVIe s., et quelques-unes de celles que les fidèles apprécient et tiennent pour vénérables ont été composées au XIXe s., comme, par exemple, le Halel, qui est de Halévy. 

Les cultes chrétiens de l'Orient eurent dès les premiers siècles un chant hérité en partie de celui des Juifs et dont on étudie les vestiges chez les Coptes, les Arméniens, les communautés grecques et dans les livres byzantins qui sont parvenus jusqu'à nous. Les chrétiens d'Occident ont connu la diversité du chant ambrosien, du chant mozarabe, du plain-chant, du chant gallican, avant de s'unir dans la pratique du chant grégorien restauré. 

Le Chant ambrosien, institué, dit-on dans l'église de Milan par saint Ambroise, à la fin du IVe s., est toujours employé dans la liturgie particulière de ce diocèse. 

Le nom de mozarabe fut donné au chant des Espagnols catholiques qui vécurent au Moyen âge sous la domination des Musulmans. Ceux-ci leur avaient laissé à Tolède six églises où ils célébraient le culte selon des rites particuliers, abolis par l'adoption de la liturgie romaine, au XIe s. Le chant mozarabe possédait une notation neumatique spéciale et des formes mélodiques compliquées. On célèbre encore (?) quelques offices de ce rite à la capilla mosarabica de la cathédrale de Tolède. 

Le Chant grégorien, qui est proprement celui de l'Église romaine, est appelé ainsi en l'honneur de saint Grégoire le Grand, Pape de 590 à 604, auquel il dut son organisation. Saint Grégoire fonda la Scola cantorum, où le chant liturgique était enseigné et cultivé, et il rédigea ou fit rédiger le recueil des antiennes et répons nécessaires au culte, que l'on a improprement appelé l'Antiphonaire de saint Grégoire et dont l'authenticité,  un moment attaquée, a été établie. 

Une première révision et augmentation en fut faite sous Martin Ier. Au VIIIe s., Adrien Ier et Charlemagne s'étant mis d'accord pour établir l'unité du chant dans la chrétienté, des chantres munis de copies des livres romains furent envoyés à Metz, Soissons et Saint-Gall pour en répandre l'enseignement. Du fait même de leur talent ou de celui de leurs élèves, le répertoire initial fut rapidement accru. De nouveaux types mélodiques, les versets ornés, les séquences, les proses, les tropes, s'ajoutèrent aux antiennes, aux répons, si bien que, dès le IXe s., une révision parut nécessaire; il fallut diviser en plusieurs livres le trop grand nombre des pièces et les répartir entre l'Antiphonaire, le Responsorial, le Prosaire, dit aussi Séquentiaire, et le Tropaire, dont l'usage fut de peu de durée. 

A peu de temps de là commença l'habitude de se servir de mélodies antérieures pour chanter de nouvelles paroles. On eut des timbres grégoriens, comme existaient des timbres de chansons, et cette coutume ne put que nuire à l'unité, désirée. Un coup plus néfaste fut porté au chant grégorien par la révision de Pie V. Confiée à Palestrina. en 1577, elle ne fut pas opérée par  ce maître, mais par ses fils ou ses élèves en un sens inspiré par les études des humanistes et, qui méconnaissait le caractère propre aux mélodies du Moyen âge. Les éditions publiées par Guidetti (1582) préparèrent la « rupture violente » des traditions, qui fut consommée par le Graduel médicéen (1614). 

Raccourci dans ses périodes, dépouillé de son ornementation, alourdi par une notation en grosses notes égales, le chant grégorien devenait le plain-chant, ainsi nommé, par opposition au chant figuré, parce que sa notation, sa structure, son allure étaient essentiellement planes, ou égales. Ce mouvement destructif fut précipité, aux XVIIe et XVIIIe s., par des éditions multipliées, individuelles ou diocésaines, en désaccord les unes avec les autres et où se glissaient, avec les variantes propres aux divers ordres monastiques ou aux liturgies locales, des compositions nouvelles d'où surgissaient le chant gallican et le plain-chant musical. De tout cela résultait un état d'anarchie auquel il apparut dans le XIXe s. que l'on devait porter remède. 

Tandis que l'édition dite de Malines (1848) s'appuyait encore uniquement sur l'édition médicéenne, la commission réunie par les archevêques de Reims et de Cambrai (1849) préparait sur la base de l'Antiphonaire manuscrit de Montpellier l'édition « rémo-cambraisienne », qui était un acheminement vers la reproduction directe des sources. Cependant les éditeurs Pustet, de Ratisbonne, lançaient peu après, comme spéculation commerciale, une édition encore une fois calquée sur les livres médicéens et pour laquelle ils réussissaient à obtenir un privilège d'une durée de trente ans (1870), dont l'effet « paralysa » les études musico-liturgiques.

En 1882, le Congrès de chant religieux tenu à Arezzo inscrivit parmi ses voeux la recherche des véritables sources de l'art grégorien. Déjà Dom Pothier et les Bénédictins de la Congrégation de France avaient entrepris ces recherches et réuni les matériaux du Liber Gradualis (1883) que suivirent d'autres publications et, à partir de 1889, celle de la Paléographie musicale, admirable recueil de fac-similés photographiques accompagnés de commentaires et de notices. C'est d'après ces travaux que fut rédigée, sur l'ordre de Pie X, l'édition vaticane, imprimée à Rome en 1905 et années suivantes, avec licence de reproduction pour tous les éditeurs agréés par le Saint-Siège. 

La notation adoptée par les Bénédictins et par les imprimeurs modernes de chant grégorien s'inspire directement de celle qui était usitée à la fin du Moyen âge et qui se modelait sur le style des mélodies; elle se compose de figures de notes pleines, carrées, plus légères que celles du plain-chant et au besoin agglomérées en groupes qui correspondent aux anciennes ligatures. 

La portée est de quatre lignes. On emploie les clefs d'ut et de fa, que l'on place, selon l'ambitus mélodique, de manière à éviter le recours à des lignes additionnelles. Le chant grégorien se meut dans le système modal des huit modes ecclésiastiques, qui repousse toute harmonie. Son rythme, libre des liens symétriques de la mesure, s'appuie sur les lois de l'accentuation des paroles.

L'analyse grammaticale décide du classement de certaines pièces, dont les unes sont dites prosaïques, d'autres, métriques, et d'autres enfin, rejetées dans une catégorie mélangée, sont appelées lyriques. Musicalement, les innombrables pièces du répertoire grégorien sont divisées en récitatifs psalmodiques, ou psalmodies, où se rangent les formules élémentaires d'une récitation sur une seule note, ou corde, précédée et suivie de courts membres de phrase, marquant Ies divisions du texte; hymnes, dans lesquelles les inflexions du chant obéissent aux combinaisons régulières du mètre poétique et en formes libres, comprenant les antiennes, les introïts, les répons-graduels, les communions, etc., ornés de mélismes ou vocalises, d'où s'est développé l'art de la variation mélodique.

La beauté du chant grégorien est vivement sentie par tous ceux qui l'écoutent sans prévention et dans le lieu auquel il est destiné. Sa place n'est pas au concert, bien qu'il y ait été parfois transporté et applaudi. Son interprétation demande des voix flexibles et une articulation sans dureté comme sans mollesse. A l'instar des maîtres de la musique vocale polyphonique, plus d'un compositeur moderne a su y découvrir un élément d'inspiration personnelle. Celui que l'on pourrait appeler le plus populaire de tous les thèmes liturgiques, le Dies irae, a paru dans plusieurs ouvrages profanes et notamment dans la Symphonie fantastique de Berlioz (1828). V. d'Indy a confié, dans Fervaal (1897), à un choeur invisible la mélodie du Pange lingua et a formé la mélodie Je suis celui qui rêve, de L'Étranger (1903), des notes de l'antienne Ubi caritas et amor

De tous temps les organistes, par obligation et par, goût, ont traité en pièces instrumentales des motifs de même origine. Pour ne citer que quelques exemples, on rappellera que les thèmes du Te Deum et du Lauda Sion servent de sujets principaux à la Symphonie antique, pour orgue, de Widor, et que l'une des meilleures compositions de Guilmant est son Offertoire sur quatre thèmes grégoriens. 

Les Églises schismatiques, en se séparant de Rome, ont organisé chacune leur liturgie musicale. Dès l'établissement de l'Église d'Angleterre, le chant y fut constitué, par une adaptation de la psalmodie romaine, effectuée par John Marbeck et publiée sous le titre de Book of common prayer, noted (1550). Cet arrangement se maintint jusqu'à la Révolution, après laquelle une version nou. velle fut rédigée sur la même base par John Clifford (1664). Les variantes introduites depuis lors n'ont pas détruit les liens héréditaires qui rattachent le chant anglican au chant romain. Ils furent resserrés au XIXe s. par le mouvement « ritualiste » à la suite duquel plusieurs ministres vinrent étudier en France le chant grégorien chez les Bénédictins et publièrent des livres à l'usage de l'Église d'Angleterre, dans lesquels, des paroles anglaises étaient adaptées aux propres mélodies grégoriennes. 

En Allemagne, Luther s'était occupé à partir de 1523 de dresser pour le culte protestant un répertoire liturgique imité du chant romain et qu'il essaya, dans sa Messe allemande, d'associer à des pièces de caractère populaire, les Chorals. Ceux-ci formèrent bientôt l'aliment principal des diverses confessions protestantes, sans constituer d'ensemble uniforme et régulier, chaque communauté ou tout au moins chaque circonscription ayant ses livres spéciaux. 

L'Église russe orthodoxe possède des chants liturgiques dont les plus anciens manuscrits, notés en neumes particuliers à ce pays, datent du XIIe et du XIIIe s. Les dessins mélodiques y sont très simples, et l'on y constate une prédominance marquée de récitatifs ou de thèmes oscillant sur un petit nombre de notes. Les choeurs justement vantés de la chapelle impériale exécutaient un répertoire formé au XIXe s.  (Michel Brenet).

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Dictionnaire Musiques et danses
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