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La littérature persane
jusqu'en 1900
Ce qu'on appellera ici la littérature persane rassemble au fil du temps des textes écrits en plusieurs langues (seulement une partie de celles parlées sur le plateau iranien, et qui ont aussi produit une littérature). Le perse ancien est représenté par les inscriptions des rois achéménides. L'Avesta et les Gathas représentent tout ce qui nous est parvenu de la littérature zende; les fragments de l'Avesta que l'on possède ne remontent pas au delà du IVe siècle de notre ère; les Gathas ou hymnes, écrits dans un dialecte particulier, sont plus anciens. La littérature en langue pehlvie comprend les traductions des livres de l'Avesta; le Nirangistan; le Boundahichn, recueil de traditions; l'Arta Viraf Nâmak, description du ciel et de l'enfer, et plusieurs autres livres religieux. Lors de la conquête arabe en Iran, la culture proprement iranienne resta plongée dans une torpeur dont elle mit plus de deux siècles à se dégager. Les Arabes avaient imposé à l'Iran, avec leur religion, leur langue et leur écriture. Il fallut que les dynasties locales rendissent à la Perse une partie de son indépendance, pour que la langue persane (fârsî et dialectes) reprit le dessus et fût admise même dans les écrits administratifs; mais elle conserva, en l'adaptant, le système d'écriture arabe. Cette littérature entra alors dans son âge classique.

Litterature ancienne.
L'Avesta.
On désigne sous le nom d'Avesta l'ensemble des textes mazdéens (Les religions de l'Iran ancien), autrement dits les " livres sacrés des anciens Perses », attribués à Zoroastre et actuellement entre les mains des Parsis de Bombay et des Guèbres d'Iran.

L'Avesta, tel qu'il nous est parvenu, représente les débris du Grand Avesta primitif, dont on attribue la destruction partielle à Alexandre, qui aurait commandé une traduction grecque des ouvrages traitant de la médecine et de l'astrologie, et fait livrer aux flammes tous les autres. La tradition parsie nous apprend qu'il se composait primitivement de 21 nasks ou parties, dont on possédait encore les débris au temps des Sassanides, au moment de la dernière revision des textes. Le nombre et les noms de ces nasks nous sont parvenus, d'abord, dans le Rivâyat de Dastur Barzu Qiyâm-Uddin (XVIIe siècle). De ces 21 nasks, nous n'en possédons qu'un seul complet, le Vendidad. Les autres textes que nous avons, Yasna, Vispered, Khordaitrvesta sont ceux que les Parsis ont emportés avec eux dans leur exode de Perse, et leur caractère est purement liturgique ; c'est là tout ce qui subsiste du vaste ensemble de la législation religieuse et du rituel du mazdéisme. 

• Le Vendidad se partage en 22 fargards ou divisions; son caractère est civil et religieux; mais il traite aussi de questions cosmogoniques. Il est rédigé le plus souvent sous forme de colloques entre Ormazd et Zoroastre.

• Le Yasna (ou Yaçna) se divise en 70 chapitres appelés hâs; l'ensemble de ces 70 hâs dépasse en étendue les 22 fargards du Vendidad. C'est à proprement parler le livre du sacrifice. Les hâs XXVIII à LII comprennent les gâthâs, qui représentent la plus pure doctrine zoroastrienne, et qui sont la formule d'un enseignement de beaucoup antérieur à celui des autres écrits du mazdéisme ancien; ils sont rédigés dans une langue qui, pour l'antiquité, l'emporte sur l'idiome du reste de l'Avesta. Les gâthâs sont d'ailleurs soumises à une métrique régulière qui offre les plus sérieuses difficultés. Leur importance dans la religion mazdéenne est considérable, et leur récitation est ordonnée dans les plus augustes circonstances de la vie du fidèle.

• Le Vispered est essentiellement liturgique; moins long que le Vendidad et le Yasna, il se divise en 37 chapitres auxquels on donne le nom de kardés. C'est une sorte d'appendice au livre du Yasna.

• Quant au Khorda Avesta, on y trouve les yasthts ou hymnes en l'honneur des divinités bienfaisantes, un certain nombre de prières telles que le Kusti-i-nirang, les cinq nyâyishs au soleil, à Mithra, à la lune, à l'eau, au feu; les cinq gâhs dédiés aux génies présidant aux différentes parties du jour et de la nuit; les afringâns, prières accompagnées de bénédictions qui se récitent en certaines circonstances; le Siroza, etc.

• On donne le nom de Vendidad Sadé, c'est-à-dire pur, sans mélange, à un recueil des différents morceaux du Vendidad, du Vispered et du Yasna disposés non plus par chapitres d'ordre déterminé, niais selon les besoins de la pratique liturgique. On a éliminé, dans cette rédaction, toutes les gloses étrangères qui embarrassaient le texte.

La plupart des manuscrits de l'Avesta parvenus jusqu'à nos jours datent du XIIIe siècle; ils portent une suscription indiquant le nom de l'auteur, la ville où ils ont été écrits, et l'année d'après l'ère de Yezdedjerd (Les calendriers du Moyen-Orient) ou en samvat indien. Ils ne sont pas tous rédigés en zend; beaucoup le sont en pehlvi, en sanscrit, en gujarati et en persan. Ces traductions remontent à différentes époques; on se servit du pehlvi sous les Sassanides. Quant aux traductions faites en Inde, sanscrites ou gujaraties, elles proviennent des besoins nouveaux qui s'étaient introduits dans la communauté. Les traductions sanscrites datent du XIIe et du XIIIe siècle, lorsque l'étude du pehlvi fut négligée chez les Parsis de l'Inde. Vers le XVe siècle, l'usage du sanscrit avant été abandonné par les Dastours, on employa le dialecte local, le gujarati, pour traduire les versions pehlvies. Ces traductions gujaraties sont très nombreuses et ont abouti, en 1842-1843, à la grande traduction gujaratie du Vendidad, du Yasna et du Vispered, publiée à Bombay sous les auspices de la Société asiatique et connue sous le nom de la traduction des Dastours ou de Framji Aspandiarji. Les traductions persanes sont également intéressantes à consulter.

Les Ghâta.
Les Gâthâ ( = chants) sont des textes métriques rédigés dans un dialecte particulier, différant légèrement de la langue de l'Avesta, et sont donnés comme l'expression mètre des paroles de Zarathustra. Les Gâthâ représenteraient la primitive et simple religion mazdéenne, tandis que les textes plus récents donnent l'impression d'une religion accommodée à l'esprit populaire; ils auraient été rédigés sous une forme métrique pour servir à la transmission orale de la tradition.

Littérature persane classique.
La littérature persane moderne commence avec avec Roûdakî (859- 941), dont les Samanides (Les dynasties musulmanes) s'étaient déclarés les protecteurs. Ce n'est pas que la Perse n'ait produit des poètes dès, qu'il s'éleva sur son sol des dynasties tendant à se rendre indépendantes du califat abbaside, mais les oeuvres de ses prédécésseurs sont inconnues ou représentées par quelques vers isolés, épars dans les Tezkiré ou biographies de poètes et dans les Farhrangs ou dictionnaires.

Cest ainsi que l'on cite un distique du vieux grammairien Abou-Haft Hakîm-i Soghdi de Samarcande,qui vivait au Ier siècle de l'hégire, Hanzala de Badghis et Mahmoud-i Varràq (= le papetier) de Hérat, contemporains des Saffarides, Hakim Firouz Machriqi et Abou-Saliki du Gourgân, sous le règne d'Amr ben Léïth de la même dynastie (vers 900); Abou Choukour de Balkh, auteur de quatrains (roubâ'i) et de rimes redoublées (methnévi), et Aboul-Hasan Chéhid de la même ville, le poète pessimiste, qui, d'après certains auteurs, fut le premier a réunir sous le titre de divan ses poésies éparses. Avec Roûdakî, le premier des poètes classiques, qui était aveugle, la poésie échappe de plus en plus à l'imitation de la poésie arabe pratiquée couramment par les beaux esprits du Khoraçan et de la Transoxiane. Les souvenirs légendaires de l'ancien Iran commencent à fournir la base d'une épopée nationale avec Daqiqi (ou Dakiki), de Toûs, qui tenta la rédaction d'un Châh-Nâmè ou Livre des Rois et vivait également sous les Samanides; Pindar de Réï, mort vers 1040, écrivit des poésies en persan, en arabe et dans le dialecte de sa ville natale, ce que fit également Bâbâ Tâhir Uryàn, qui vivait probablement à la même époque.

Le sultan ghaznévide Mahmoud réunit à sa cour une pléiade de poètes, dont le plus célèbre est Firdousi de Toûs, auteur du Chah-Nâmè ( = Livre des Rois), immense poème d'environ 60.000 vers, qui condense les légendes et mythes de l'ancienne Perse et les souvenirs historiques de la période des Sassanides, le tout versé dans le moule d'un brillant poème épique. Le Mélik-ouch-Choarâ ( = Roi des poètes), à cette même cour, était Onçori de Balkh (mort en 1040 ou 1049), le type du poète de cour, dont les poésies de longue haleine sont consacrées à la gloire de son protecteur; à coté de lui brillaient encore Farrukhî du Seistan, qui passa de la cour de l'émir de Balkh à celle de Ghazni, et se rendit célèbre par un poème sur la cérémonie de la marque des chevaux au fer chaud, et Asdjadi de Merv, ou peut-être d'Hérat, dont on n'a plus que quelques odes et quatrains. Il faut compter, parmi les poètes de ce temps, et comme imitateur de la manière d'Onçori, Minoûtchihri de Dameghan, surnommé Chast-guellé (= L'homme aux 60 troupeaux), qui commença sa carrière auprès de l'émir Minûtchihr, prince du Ghilân et du Mazandéran, dont il a pris le nom en guise de takhallouç ou surnom poétique, et la continua à la cour de Mahmoud et de ses successeurs. Asadî, né à Toûs, et qui fut le maître de Firdousi, survécut à son élève et mourut entre 1030 et 1041, et fut le premier à composer des munâzara ou controverses poétiques, dont cinq ont été conservées.

L'histoire et l'épopée.
Le succès du Châh-Nâmè qui, dans le développement majestueux d'une épopée, faisait revivre tous les souvenirs mythiques et légendaires, dont la culture populaire s'était nourrie pendant de longs siècles et qui répondaient à l'espérance, encore vaine à cette époque, de voir l'Iran rétablir son indépendance, provoqua éclosion d'une littérature épique, dont les plus anciens exemples sont le Garchâsp-Nâmè ( = Livre de Garchâsp), poème consacré au récit des hauts faits d'un ancêtre du héros Rustèm, dont la famille était originaire du Séîstan, et attribué pendant longtemps à Asadi de Toûs, le maître de Firdousi; l'auteur est plus vraisemblablement Ali ben Abmed Asadî, fils du vieil Asadî, et connu par le plus ancien dictionnaire persan qui existe; et le Chahriyâr-Nâmè ( = Livre de Chabriyâr) de Moukhtâri de Ghazni, mort en 1149 ou 1159, dont on ne connaît qu'un court fragment dans un manuscrit du British Museum. La légende d'Alexandre a fourni trois Iskander-Nâmè, dus à la plume de Nizhâmi (1203), d'Emir Khosrau (1300) et de Djâmi (mort en 1492). Il se forma aussi un cycle de légendes à l'occasion des tragédies qui marquèrent la fin d'Ali, le gendre de Mahomet, et de ses deux fils Hassan et Hosséin; les poèmes épiques qui en sortirent marquent les étapes du développement du chiisme, depuis le Khaver-Nâmè d'Ibn-Husâm de Khoûsaf, dans le Khoraçan (1427), qui raconte les combats d'Ali contre Kobâd, roi de Khâverân, contre les païens, les dragons et les démons, jusqu'au poème de Farigh, dédié à Châh-Abbâs le Grand et au Hamla-ï Haïdari ( = Ll'attaque du lion) de Rafi-Khan Bâdhil (mort en 1711). 

L'histoire contemporaine de chaque siècle a donné le Zafar-Nâmè ( = Livre des victoires) de Hamdullah Mustaufi, embrassant la période de Mahomet à 1334 le Câhinchâh-Nâmè d'Ahmad Tebrizi, chronique rimée de Gengis Khan et de ses successeurs jusqu'en 1338; le Futoûh es-Salâtin ( = Conquêtes des sultans) de Khâdjeh Abd-ul-Mélik Içàmi, dédié à Ala-ed-Din Hasan, premier souverain du Dekkan de la dynastie bahmanide; le Timour-Nâmè ( = livre de Tamerlan) d'Abdullah Hâtifi, neveu du poète Djâmi, mort en 1521; le Châh-Nâmè-i Ismail de Qâsimi, histoire poétique de Châh-Ismaïl, fondateur de la dynastie des Çafavis (1534); le Châh-Nâmè de Kémàli de Sebzvar, consacré à la gloire de Châh-Abbâs le Grand.

L'Inde des grands Mogols a aussi continué à enrichir la littérature épique par le Nisbet-Namè-ï Chahriyâri (= La généalogie princière) de Husséïn Ali-Châh Foursi (1607), consacré à la dynastie des Qoutb-Châh de Golconde; le Zafar-nâmè-î Chahdjehàni de Hadji Mohammed Djan Qoudsi (mort en 1646); le Châhinchâh-Nâmè d'Abou-Talib Kalîm (mort en 1652); le Padichah-Nâmè de Mîr Mohammed Yahya Kâchi (mort en 1653), poèmes consacrés à Châh-Djéhan (1628-1658); le Kâr-Nâmè d'Irfan, qui traite des hauts faits d'Ali-Mardân-Châh, généralissime du même souverain; l'Achoûb-i-Hindoustân de Bihichti (1659). Nâdir-Châh vit ses conquêtes dans l'Inde racontées en vers par Ichrat, dans le Châh-Nâmè-î Nâdiri (1749); le même poète écrivit plus tard un Châh-Nâmè-î Ahmedi, biographie du prince afghan Ahmed Dourrâni; Feth-Ali-Châh se vit loué par Fath-Ali-Khan Kâchi, surnommé Çabà (mort en 1822), dans un dernier Châhinchâh-Nâmè de 33.000 vers.

La poésie romantique.
La poésie romantique, l'histoire des amours de personnages inventés ou travestis trouve déjà son modèle dans un autre ouvrage de Firdoûsi, Yoûssouf o Zuléikha (Zalîkha, femme de Putiphar, dans les commentaires du Coran [sourate XII]; les Persans emploient plus volontiers le diminutif arabe), la légende musulmane de l'aventure de Joseph en Egypte, amplifiée par l'imagination des conteurs orientaux, enfin mise en vers par les poètes persans. Oeuvre de la vieillesse du poète de Toûs, elle ne cède que bien peu à son chef-d'oeuvre épique. Avant lui, Aboul-Mowayyad de Balkh et Bakhtiyâri d'El-Ahwàz avaient déjà tenté de traiter ce sujet. En même temps que Firdoûsi, Onçori écrivait trois poèmes du même genre, dont aucun ne nous a été conservé. 

La légende de Vis et Râmin, qui rappelle par certains côtés la tragédie amoureuse de Tristan et Yseult, a été mise en vers, environ trente ans plus tard, par Fakhr-ed-Din As `ad d'Astérabad, d'après un ancien original pehlvi (1048). Nizhâmi, né à Koum en 1141, et qui passa la plus grande, partie de sa vie à Gandja (en Azerbaïdjan), écrivit, en 1178, le Makhzan-ul-asrâr ( = Trésor des mystères), collection de maximes morales et religieuses à tendances mystiques, illustrées d'historiettes, puis, deux ans après, Khosrau et Chirîn, histoire romantique et fabuleuse des amours de Chosroès II (Khosrau Parviz) et de la princesse d'Arménie Chirîn, traversées par une passion soudaine de celle-ci pour l'architecte Farhâd; en 1188, il composa Léila et Medjoûn, adaptation de poèmes arabes anté-islamiques, scènes de la vie du désert; en 1197, le Haft-Péîkèr ( = Les sept beautés), légende du temps du roi Bahrâm-Goûr; entre temps, il avait rédigé un lskender-Nâmè sur la légende d'Alexandre; ces cinq poèmes forment un recueil connu sous le nom de Khamsè ( = Les cinq). 

Comme imitateurs de Nizhâmi, on peut citer Emir Khosrau de Delhi, le plus ancien poète persan de l'Inde (mort en 1325); Djâmi, Hatifi, Ourfi de Chirâz, mort à Lahore en 1591, Salmân Sâvédji, de Sâveh, mort en 1376, dont l'ouvrage intitulé Djamchid et Khorchîd est consacré au roman du fils de l'empereur de la Chine avec la fille de l'empereur romain de Constantinople; Djamàli, Khàdjou-ï Kirmâni (mort en 1352). 

Parmi les auteurs de panégyriques, il faut citer : Anvéri, qui vivait sous le prince seldjoukide du Khoraçan Sandjar (1117-1157); Khâqâni du Chirvân, qui consacra ses louanges à deux souverains de son pays natal, Minûtchihr et Akhsatân, et écrivit, sous le titre de Tohfat-ul-Irâqaïn ( = Présent fait aux deux Iraks), la description de son pèlerinage aux villes saintes de l'Arabie; Soûzanî, de Nassaf, près de Samarcande, fils du peuple (son nom signifie fabricant d'aiguilles), qui donna le modèle de la satire qu'Obaïd Zâkâni, de Zâkân, près de Kazvîn, poussa jusqu'à la grossièreté. Baïlaqâni, Zahîr Fâryâbi et Athir-uddin Akhsikèti se signalèrent également dans ce genre.

L'ivresse religieuse des mystiques, l'extase entretenue et développée par des pratiques de dévotion, le détachement des dogmes fondamentaux de l'islam qui permettait à ses adeptes de se livrer à des actes prohibés par la loi de Mahomet, tels, par exemple, que de boire du vin immodérément, donnèrent naissance à une vaste littérature poétique. Les quatrains d'Omar-i Khayyâm, de Nichapour, célèbre également comme astronome et mathématicien, sont le modèle du genre (mort en 1123). Ensuite on peut citer Nâssir i Khosrau, qui écrivit sous le titre de Sefer-Nâmè, le récit de son voyage en Arabie, en Egypte et à Jérusalem, et sous celui de Roûchanâï-Nâmè un poème didactique sur le soufisme. Sanâï, Férid-ed-Dîn Attâr ( = le droguiste), autour du Mantiq-out-Taïr et du Pend Nâmè, Djélâl-ed-Din Roûmi, qui vint de Balkh à Konya fonder l'ordre religieux des derviches tourneurs sous le souverain seldjoukide Alâ-ed-Din Kaï-Qobàd et composa le grand Mesnévi, code philosophique des Soufis (mort en 1273); Moucharrif-ed-Din ben Mouçlih-ed-Din Abdallah Saadi de Chirâz (mort à cent dix ans lunaires en 1291), qui a laissé, dans le Gulistân, mélange de prose et de vers, et le Boustân, tout en vers, des modèles parfaits de la morale enseignée par l'exemple.

A la même école se rattachent les poètes lyriques. Aux noms déjà cités de Sanâi et d'Emir Khosrau de Delhi, il faut ajouter ceux d'Ibn-Yamîn, mort à Faryoumad, son pays natal, en 1345, et de Hâfiz de Chirâz, mort en 1389, le plus grand de tous. En outre de poésies mystiques, ses odes contiennent l'expression de sentiments purement humains et des tableaux de la nature où il n'y a pas à rechercher de sous-entendus empruntés au langage figuré des Soufis; c'est son commentateur turc, Soûdi qui a été le seul à sentir cette interprétation d'un certain nombre d'odes.

Hâfiz eut des imitateurs, dont les plus connus sont Kémal Khodjandi (mort en 1400), Maghribi de Nâïn près d'Ispahan (mort en 1406), Djâmi (mort à Hérat en 1492) dont les sept poèmes principaux ont été réunis sous le titre de Haft-Aurang ( = Les sept trônes), sans compter d'innombrables poésies détachées, comprises dans trois divans, et ses ouvrages en prose, tels que le Bahâristan ( = Tableau du printemps), imitation du Gulistân de Saadî, et le Nafâhât-ul-Uns ( = Souffles de l'intimité), histoire des Soufis; Bâbâ Fighani de Chirâz, surnommé le petit Hâfiz (mort en 1316 ou 1519), Ourfi de la même ville; Saib d'Ispahan (mort en 1677), qui vécut longtemps en Inde, et enfin, plus tard, Qaâni (mort en 1854), originaire du Fârs, qui fut prince des poètes à la cour de Mohammed-Chah, successeur de Feth-Ali-Châh.

Ouvrages en prose divers.
En dehors des quelques ouvrages de prose mêlée de vers que nous avons cités, la littérature persane compte encore un riche trésor d'ouvrages en prose qui, sans avoir la même valeur que la floraison poétique dont nous venons de donner un sec résumé, n'en a pas moins une grande importance au point de vue du folklore et de l'histoire. Le Bakhtiyâr-Nâmè, ou histoire des dix vizirs, imitation du livre de Sindbad, qui provient de sources indiennes, le Noh-Manzar ( = les neuf kiosques), le Toûti-Nâmè ( = Livre du perroquet) de Nakhchabi, le Bahâr-i Danich ( = Printemps de la sagesse), rédigé à Delhi par le chéikh Inâyat-ullah Qanboû, l'Envâri-Sohéïli (= Les lueurs de Canope), d'Hosséïn ben Ali Wâïz al-Kàchifi, paraphrase et amplification du recueil de fables de Calila et Dimna, ainsi que le Marzûban-Nâmè, primitivement rédigé dans le dialecte du Tabaristan par l'ispahbad ( = chef de la cavalerie) Marzaban ben Rustem au Xe siècle de notre ère, sont les ouvrages les plus connus, le plus souvent traduits de cette série.

La conduite des rois, les maximes de gouvernement, résultat de l'expérience de tant de siècles quelquefois heureux, plus souvent malheureux, ont fourni, en dehors de la morale proprement dite qui se dégage du Gulistân de Saadi et autres ouvrages analogues. des compositions spéciales telles que le Djâvidân-Khirad ( = Sagesse éternelle), dont le prototype, censément retrouvé dans un original pehlvi sous le règne du calife abbaside al-Mâmoûn, existe, à la bibliothèque Bodléienne, mais dont la rédaction moderne a été faite dans l'Inde, sous le sultan Djehânguir, par Taqi-uddin Mohammed el-Arradjâni et-Toustéri; le Zafar-Nâmè ( =  livre des victoires), conversation entre Chosroès ler, Anouchè-Révân et son ministre Bouzourdj-Mihr sur la politique des Etats, traduit du pehlvi en persan moderne par Avicenne, le Qâboûs-Nâmè ( = Livre de Qâboûs), rédigé en 1082 par le prince du Tabaristan Kaï-Kâous, petit-fils du prince-écrivain Chams-ul-maâli Qâboûs-ben-Wachmguir; le Siyar-ul-Muloûk ( = Conduite des rois), dû à la plume de Nizham-ul-Mulk, le célèbre ministre des souverains seldjoukides Alp Arslan et Malik-Châh, et traduit en français  sous le titre de Siasset-Nâmèh ( = Traité de gouvernement); l'Akhlâq-i Nâçiri ( = Morale de Nâçir) dédié au gouverneur du Kouhistan Nâçir-ed-Din Abdurrahim, mort vers 1257, par le savant philosophe et astronome Naçir-ed-Din Mohammed  Toûsi; l'Akhlâq-i Djélâli, rédigé pour le sultan Khalil, fils du fondateur de la dynastie des Turcomans du Mouton-Blanc, par Djélàl-ed-Din Mohammed Davâni; l'Akhlâq-Mohsini de Hosséïn Wâïz Kâchifi, auteur de l'Envâr-i Sohéili.

Littérature historique.
L'histoire a toujours été cultivée par les Persans, qui y ont fait preuve, ainsi que dans les autres genres de littérature, des qualités brillantes et exagérées qui distinguent leur imagination, mais qui ont pour nous moins de prix que le simple récit des annalistes reposant sur des dates précises. Le plus ancien texte qu'ils en possèdent est la traduction abrégée des grandes annales arabes de Tabari, faite par Abou-Ali Mohammed Bal`ami (mort en 996); cet ouvrage a été de la plus grande valeur, malgré les libertés prises par Bal'ami avec le texte de Tabari, jusqu'au moment où l'on a pu réunir le texte arabe complet de ce dernier et en commencer la publication.

Mais l'ouvrage le plus considérable de ce genre est le Rauzat-uç-Çafâ ( =  jardin de la pureté), de Mirkhond (mort en 1498, à Hérat), histoire universelle depuis la création du monde jusqu'au sultan Husséin Baïqara, successeur de Tamerlan. Son petit-fils Khondémîr, né à Hérat vers 1475 et mort dans le Gudjerât en 1535, rédigea sous leur forme définitive les deux derniers volumes de l'ouvrage précédent, et l'abrégea sous le titre de Hahib-us-Siyar ( = L'ami des biographies) qui continue l'histoire de Perse, jusqu'à la mort de Chàh Ismaïl Çafavi (1524); il écrivit encore le Maûthir-ul-Muloûk ( = Monuments des rois), le Khulâsat-ul-Akhbâr ( = Résumé de l'histoire), le Dastour-ul-Vuzérâ ( = Règles des ministres), et un Humyoun-Nâmè dédié à la gloire de son protecteur, le grand Mogol Humâyoun; le Nâsikh ut-Tévarîkh, de Mirza Taqi Sipihr; le Rauzat uç-Çafâï Naçiri, dédié à Nas-ed-Din Châh par Riza-Qouly Khan. 

En outre de ces histoires universelles, on compte quantité de compositions historiques, les unes publiées, les autres restées manuscrites, qui traitent de toutes les périodes de l'histoire moderne les plus connues sont le Tarîkhi-Yamîni d'Aboul-Fadhl Mohammed Baïhaqi, consacré à la dynastie des Ghaznévides; le Târikh-i Djihân-Kochaï ( = Histoire  du conquérant du monde)  d'Alâ-ed-Din Atâa-Malik Djowaïni (mort en 1283), qui s'occupe spécialement de Gengis-Khan et de ses successeurs jusqu'à l'expédition de Houlâgou contre les Ismaéliens ou Assassins; le Djâmi ut-Tawârikh ( = Annales complètes), de Rachid-ed-Din Fazhl-ullah, surnommé Tabib (= le médecin), qui embrasse l'histoire des tribus turques et celle de Gengis-Khan et de ses descendants jusqu'à la mort de Ghazan (1304); le Tarîkh-i Wâssaf de Chihâh-ed-Din Abdullah de Chirâz, décoré de titre de Wassâf-ul-hazhrat ( =  panégyriste de Sa Majesté), par Euldjaïtou, ouvrage remarquable par la difficulté et l'exagération brillante de son style; les deux Zafar-Namê ( = Livre des victoires), qui donnent le récit ampoulé des conquêtes de Tamerlan, l'un de Nizâm Châmi et l'autre de Cherèf ed-Din Ali Yezi (mort en 1454), la grande histoire de l'Inde de Firichté, etc. (C. Huart).

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