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L'histoire
de la littérature indienne s'étend sur plusieurs millénaires
et reflète les dynamiques religieuses, philosophiques et sociales du sous-continent
indien. L'Inde a produit une grande variété d'oeuvres dans des langues
telles que le sanscrit, le tamoul, le hindi, le bengali, l'ourdou, le télougou
et bien d'autres. Cette diversité linguistique a contribué à une tradition
littéraire multiple.
Période védique et
classique (1500 av. JC. - 500 ap. JC)
La littérature védique
(1500 - 500 avant notre ère).
La période védique
est le creuset de la pensée religieuse et philosophique indienne. La littérature
de cette époque est principalement en sanscrit védique et se concentre
sur les enseignements religieux, les hymnes, les rituels et les spéculations
philosophiques. Les textes principaux sont les Védas, les Brahmanas,
les Aranyakas et les Upanishads.
Les
Védas .
Les quatre Védas
(Rigveda, Yajurveda, Samaveda et Atharvaveda)
sont les plus anciens textes sacrés de l'Inde. Ils consistent en des hymnes
(Rigveda), des formules rituelles (Yajurveda), des chants
liturgiques (Samaveda), et des incantations magiques et des prières
(Atharvaveda). Le Rigveda est le plus ancien des textes et
date d'environ 1500 avant notre ère.
Les origines de la
période littéraire qui se rattache au Vêda sont dans la région
des Cinq-Fleuves ou Penjab; c'est ce que montre la lecture des hymnes
du Vêda, où ces rivières, affluents de l'Indus, sont désignées
par les noms mêmes que les Grecs ont reproduits dans leur langue
en les défigurant. II est même à croire que plusieurs de ces chants
sont antérieurs à l'époque fort reculée où les Aryens émigrants vinrent
s'établir dans la Pentapotamie. Quoi qu'il en soit, ce que nous devons
constater ici, c'est que la forme primitive que revêt la la pensée est
celle du vers, et que le premier genre poétique est l'hymne : l'ode,
qui est la forme lyrique par excellence,
constitue un genre d'une date postérieure. Dans les littératures d'imitation,
les mêmes auteurs qui font des odes peuvent aussi composer des hymnes,
mais il n'en est pas ainsi dans les littératures originales, c.-à-d.
dans l'Inde et dans la Grèce.
Tous les hymnes des
quatre Vêdas pris ensemble forment à eux seuls une période littéraire
d'assez longue durée; car, si les plus anciens ont été composés hors
du Penjab, les derniers l'ont été certainement dans les vallées du Gange;
or, il n'est pas douteux que les Aryens, avant de descendre dans ces vallées,
n'aient séjourné longtemps sur les Cinq-Rivières, n'y aient fondé des
établissements, n'en aient repoussé les habitants primitifs vers les
montagnes environnantes où on les voit encore, et n'aient composé dans
ce séjour la majeure partie de leurs chants sacrés. Selon nous, c'est
cette période primitive qui constitue la vraie période vêdique : car,
du moment où la langue aryenne est devenue le sanscrit (or elle l'est
dans la partie la plus antique de l'épopée
brahmanique), l'idiome védique n'est plus la langue vraie de la poésie;
elle n'existe dès lors que par tradition, et c'est en vertu d'une sorte
de règle ou d'un usage religieux qu'elle sert aux écrivains.
Les
Brahmanas.
Chaque Veda est
accompagné d'un ou plusieurs textes Brahmanas ,
qui leur servent de complément et fournissent des explications sur les
rituels védiques et leur signification symbolique. Les Brahmans renferment
des recueils d'observations explicatives transmises dans les familles de
prêtres, et différant entre eux selon les idées philosophiques de ces
familles et selon le Vêda auquel ils se rapportent. Beaucoup d'entre
eux ou sont perdus. Ces commentaires sont précieux pour l'interprétation
des Vêdas.
Les
Aranyakas et les Upanishads.
Les Aranyakas sont
des textes "de la forêt", destinés à être étudiés par les ascètes
vivant en ermite. Les Upanishads ,
quant à eux, représentent l'apogée de la philosophie védique et traitent
de concepts métaphysiques comme l'âme (atman) et l'absolu (brahman).
Ces textes, qui sont d'époques probablement fort différentes, sont aussi
des compléments dogmatiques des Vêdas ;
ils rentrent en majeure partie parmi les Brahmanas ,
mais plusieurs aussi ont une existence et une valeur indépendantes; ces
dernières surtout ne sont souvent que l'écho de spéculations philosophiques
propres à telle ou telle école brahmanique.
Les épopées
classiques : Mahabharata et Ramayana.
Deux des oeuvres
littéraires les plus importantes de l'Inde ancienne sont le Mahabharata
et le Ramayana. Ces épopées, en sanscrit classique, ont
non seulement une grande importance religieuse, mais aussi littéraire
et culturelle.
Ce sont des récits
mythologiques, et abordent également des questions de devoir, de moralité
et de justice, qui sont centrales à la pensée indienne.
Le
Mahabharata.
Attribué à Vyasa,
ce poème épique est l'une des plus longues épopées jamais écrites,
avec plus de 100 000 vers. Le Mahabharata
contient également la Bhagavad-Gita, un dialogue entre Krishna
et Arjuna, qui est l'un des textes philosophiques les plus importants de
l'hindouisme.
• Le
Mahâbhârata
semble être, dans sa partie essentielle, la plus antique des épopées
indiennes. Déjà les aèdes indiens racontaient depuis longtemps en vers,
et en s'accompagnent de la vîna, les exploits des dieux et des
héros, lorsque la grande guerre de deux familles dans le nord de l'Inde,
les Kauravas et les Pandavas, devint le sujet principal des chants épiques.
Il n'est pas douteux que cette guerre ne fut terminée depuis longtemps,
lorsque le premier auteur du Mahâbhârata la prit pour sujet; mais
il n'est pas vraisemblable que cette épopée doive se placer entre Dion
Chrysostome et Mégasthène, puisque les
navigateurs grecs antérieurs à ce dernier la trouvèrent déjà dans
le sud de l'Hindoustan. Nous la considérons aussi comme antérieure à
Pânini, parce que, dans sa partie la plus antique, les règles de la langue
sont moins fixes que dans ce grammairien. Mais il est évident, d'un autre
côté, que la majeure partie de ce poème, est d'époques fort diverses
et relativement récentes, et que son fonds primitif n'avait guère que
le cinquième de cette étendue. Les récensions successives du Mahâbhârata
l'ont agrandi chaque fois, et en ont fait un ouvrage sans unité de langue
ni de doctrine, appartenant à des civilisations, à des croyances sensiblement
différentes les unes des autres. De quelle époque datent ces additions?
On peut dire seulement qu'on y trouve l'écho des diverses doctrines religieuses
ou philosophiques auxquelles l'Inde a donné naissance. Il y a même telle
partie qui forme à elle seule un véritable poème, et dont le lien avec
la grande épopée est purement artificiel; telle est par exemple la Bhâgavad-Gîtâ .
Enfin la rédaction définitive du poème, telle que nous la possédons,
c.-à-d. dans toute son étendue, doit être considérée comme postérieure
à l'ère chrétienne. On voit que le Mahâbharataa eu dans l'Inde
un sort semblable à celui d'Homère chez les
Grecs; seulement ce dernier a été soumis par les Alexandrins à un travail
de critique qui a manqué au Mahâbhârata. (EB)
Le
Ramayana.
Attribué à Vâlmîki,
cette épopée narre l'histoire du prince Rama et de son exil, de l'enlèvement
de son épouse Sita par le démon Ravana, et de sa quête pour la libérer.
Le Ramayana est un texte fondateur pour la culture indienne et le modèle
du dharma (le devoir).
• Le Râmâyana
offre cette unité de langue et de doctrine qui caractérise l'oeuvre d'un
seul auteur; d'un autre coté, Vyâsa est un personnage presque fabuleux,
tandis que Vâlmîki a toujours été regardé
comme un homme ayant réellement vécu. Ce seul fait, ajouté à la perfection
littéraire du poème montrerait que le
Râmayana est postérieur
au Mahabhârata. En outre, le sujet du poème nous présente la
conquête aryenne de l'Hindoustan dans sa dernière période, puisqu'il
la conduit jusque dans l'île de Sri Lanka. Enfin, le caractère allégorique
des personnages indique une époque plus avancée du développement panthéistique
de l'Inde. Toutefois, il est difficile de ne pas admettre que cette épopée,
comme la précédente, repose sur un fond de traditions réellement historiques,
et que Râma fut véritablement le conquérant
et le civilisateur du Sud. Cette oeuvre était accomplie, et le poème
de Vâlmiki existait selon toute vraisemblance, lorsque les anciens navigateurs
grecs, antérieurs à Alexandre, parcoururent
les cotes de la mer Érythrée et connurent
les Indiens sanscrits. Le Râmâyana pourrait donc se placer entre
cette époque et celle d'Homère; car il ne laisse
soupçonner aucunement l'existence de la religion
bouddhique, fait au moins singulier dans un poème tout mythologique
et allégorique, si l'auteur de ce poème était postérieur au Bouddha.
(EB)
Les premiers textes
bouddhistes et jaïns.
Littérature
bouddhiste.
Né en Inde, le
bouddhisme
n'a pu s'y maintenir; exilé, il a emporté avec lui ses idées et ses
livres; de sorte qu'il semble avoir traversé le grand système brahmanique
comme une comète
traverse le système solaire ,
sans le troubler. Toutefois, comme le bouddhisme lui-même n'est pas arrivé
à l'improviste, mais se rattache étroitement au développement philosophique
de l'Inde ( La
Philosophie indienne), les livres composés avant son apparition l'annoncent
en quelque sorte et prennent date à cause de lui; il en est de même,
à plus forte raison, de ceux qui l'attaquent ou qui en font seulement
mention comme d'une chose existante. Enfin il y a un certain nombre d'écrits
contenant des allusions à des faits que les Grecs
ou les Chinois ont eux-mêmes connus et dont
ils nous ont donné la date précise. On voit donc que, par l'examen intrinsèque
des livres sanscrits, et par le moyen des synchronismes, il est possible,
dans une certaine mesure, de rétablir l'ordre chronologique dans cet immense
dédale de la littérature indienne, dont les règles sont fixées par
Pâninî.
Le Bouddha
parut dans le VIe siècle av. J.-C.;
il prêcha, sans rien écrire. Ses prédications s'adressaient tantôt
aux brahmanes, tantôt au peuple : au point de vue métaphysique,
elles se rattachaient au système sânkhya, et
n'apportaient rien de nouveau; mais elles tendaient à faire une réforme
dans les moeurs et la vie religieuse, et provoquaient, par le principe
de l'égalité des humains devant la Loi,
l'abolition des castes et par conséquent une révolution politique. Cette
tendance démocratique de la réforme se fait
sentir dans toute la littérature bouddhique. Il en résulte, en effet,
que, s'adressant aux masses populaires, les prédicateurs et les moralistes
nouveaux sont obligés d'employer leurs expressions, leur langage, leurs
figures de style, et de s'écarter par conséquent, non seulement des règles
de Pâninî, mais des habitudes grammaticales de la société distinguée
de leur temps. Dans la littérature brahmanique, le prâkrit
n'apparaît qu'accidentellement dans les drames;
dans la littérature bouddhique, il est partout. En outre, les nécessités
mêmes de l'enseignement populaire forcent le maître à développer longuement
ses idées, à les reprendre sous diverses formes, à les appuyer par des
exemples ou des figures : de là la diffusion qui règne dans beaucoup
d'ouvrages bouddhiques, les répétitions, les redondances; de là aussi
des récits pleins d'intérêt, et des paraboles d'un sentiment profond
et exquis. Le sentiment moral, la charité, forme en effet le fond le plus
ordinaire des écrits bouddhiques, au moins des plus anciens; les doctrines
métaphysiques et les règles hiérarchiques ne furent exposées que plus
tard dans des ouvrages spéciaux. Néanmoins, selon la tradition, le premier
concile, qui se réunit dans le Maghada immédiatement après la mort de
Çâkya-Muni (Bouddha), divisa déjà les écrits sacrés en trois séries,
comprises ensemble sous le nom de Tripitaka
(ou
Tipitaka), littéralement les Trois corbeilles;
la première contenait la doctrine du Bouddha lui-même sous le nom de
Sûtras,
la seconde les règles de discipline ou le Vinaya, la troisième
la métaphysique ou l'Abhidharma. Cette division primordiale s'est
perpétuée dans les pays bouddhistes du Nord et du Sud.
En dehors de ce premier
corps de livres bouddhiques, furent composés un grand nombre d'autres
textes. Les Jatakas , qui sont des récits des vies antérieures
du Bouddha, sont également très populaires et ont un rôle important
dans la littérature narrative ancienne. On trouve aussi des discours,
surtout à partir du règne d'Açôka, le
grand propagateur de la foi nouvelle; car le concile qui fut tenu sous
son règne décida qu'elle serait prêchée en tous lieux par des missionnaires,
ce qui eut lieu en effet. La collection des livres sacrés fut faite une
dernière fois dans le Nord sous le règne de Kanishka (Kanerki), quatre
cents ans après la mort du Bouddha : ces livres existent encore; on en
possède en outre la traduction tibétaine
complète en cent volumes sous le nom de Kah-gyur, et différentes
autres traductions étrangères à l'Inde. Apportés dans l'île de Ceylan
(Sri Lanka) par l'apôtre Mahêndra au
milieu du IIIe siècle av. J.-C., ils s'y
conservèrent, et ne furent traduits en pâli
qu'au commencement du Ve siècle de notre
ère : c'est sous cette forme qu'ils existent encore à Sri Lanka, ainsi
qu'en Thaïlande. On possède en pâli
de Sri Lanka le Mahâvança, composé à la fin du Ve
siècle de notre ère. Les Sûtras
sanscrits du Népal,
comme l'avait déjà établi Eugène Burnouf, sont de deux époques différentes
et se divisent en deux catégories : les Sûtras simples et les
grands Sûtras; ceux-ci, postérieurs pour la langue, la forme et
la doctrine, ne sont que le développement des premiers, et montrent la
personne du maître au milieu d'un cortège de dieux et de personnages
fantastiques dont les Sûtras simples sont exempts; les récits
de ces derniers et leurs paraboles s'y retrouvent, mais amplifiés et délayés
avec une abondance excessive. L'antériorité des Sûtras simples
par rapport aux autres est démontrée par leur simplicité relative, mais
surtout par le point de développement où la doctrine est parvenue dans
les uns et dans les autres; quant aux grands Sûtras, ils existaient
déjà au temps du voyageur chinois Pa-Hian , vers la fin du IVe
siècle et le commencement du Ve, époque
où l'on doit conséquemment penser que le culte de Shiva
était déjà ancien dans l'Inde brahmanique.
Ce
fait rapproché de beaucoup d'autres, montre la postériorité du bouddhisme
par rapport à la religion des brahmanes, et que ces deux religions sont
issues l'une de l'autre et n'ont pas puisé simultanément à une source
commune. Le panthéon brahmanique a passé presque tout entier dans le
bouddhisme; mais les Sûtras, surtout les derniers en date, l'ont
accru d'une hiérarchie d'esprits supérieurs, dont le dernier degré est
celui de Bouddha parfaitement accompli; l'antique Brahma
s'y trouve, mais dédoublé et placé à un rang inférieur. Mais les dieux
brahmaniques sont plutôt des conceptions poétiques et des personnifications
littéraires des forces de la nature que des êtres dont l'existence ait
une valeur réellement philosophique : pour devenir tels et entrer dans
une doctrine ou l'on tient à peine compte de la notion de Dieu, il a donc
fallu que ces antiques conceptions védiques eussent dépouillé en grande
partie leur caractère primitif pour devenir des notions philosophiques
et désigner des degrés dans la hiérarchie céleste. Cette remarque
porte sur toute la littérature védique, à l'exception peut-être des
plus anciens Sûtras, et sur la majeure et la meilleure partie de
la littérature brahmanique. En effet, celle-ci, principalement dans l'épopée,
nous présente les dieux sous la figure d'êtres poétiques et symboliques
en tout semblables aux dieux de la Grèce.
Les parties où ils n'ont pas ce caractère sont pour cela même regardées
comme des interpolations et rangées parmi les écrits relativement modernes;
le reste, c. -à-d. le fond primitif de ces poèmes, doit donc être considéré
comme antérieur de beaucoup d'années à la naissance du bouddhisme, c.-à-d.
au VIe siècle av. J.-C. Enfin, les plus
anciens Sûtras bouddhiques, ceux qui remontent au dernier concile,
nous offrent le tableau d'une société moralement et matériellement tombée
très bas par l'excès même de sa civilisation; cela seul peut expliquer
le grand succès de la prédication du Bouddha, non seulement dans le bas
peuple, mais dans toutes les castes de l'Inde .
Or, cette civilisation excessive, ces vices, ces misères, ne se montrent
nullement dans les épopées, comme ils se font sentir par exemple dans
Virgile,
et comme ils se voient dans les drames indiens. Ces considérations essentielles
marquent dans quelle phase littéraire de l'Inde on doit placer cette littérature
bouddhique, qui n'y a fait pour ainsi dire qu'une apparition de quelques
siècles, et qui s'en est exilée avec la doctrine elle-même et ses représentants.
On doit considérer comme postérieurs à la collection du Tripitaka
les nombreux ouvrages connus sous le nom de Tantras .
Ce titre désignait déjà des écrits brahmaniques d'une période littéraire
plus ancienne; les Tantras bouddhiques, qui sont au point de vue
littéraire d'une extrême pauvreté, offrent cet intérêt, qu'ils marquent
une phase du développement des idées bouddhistes dans l'Inde. Ils portent
généralement la marque d'une influence des cultes brahmaniques sur la
nouvelle religion, et d'une sorte de retour de celle-ci vers l'ancienne.
Pleins de formules de superstition et de
magie,
les Tantras bouddhiques semblent être le produit d'une alliance
entre le culte du Bouddha et celui de Shiva; de
sorte que ce dernier, qui est encore en vigueur dans l'Inde, se trouve,
par le fait de son union avec le bouddhisme, rangé parmi les derniers
développements des idées brahmaniques. (EB)
Littérature
jaïne.
La littérature
jaïne ancienne est principalement composée des Agamas, écrits
en prâkrit (langue vernaculaire). Ils relatent les enseignements du 24e
Tirthankara, Mahavira, et sont conservés par les communautés jaïnes.
Ces textes exposent les principes du non-violence (ahimsa), de la
vérité et de la maîtrise de soi, qui sont au coeur de la philosophie
jaïne.
Littérature sanscrite
classique.
Le
théâtre.
Le théâtre
indien (en prâkrit nata) est issu de la danse.
C'est ainsi que des fêtes de Dionysos
est sorti le choeur, qui formait presque à lui seul les drames primitifs
de la Grèce .
La danse elle-même parait être issue des cérémonies vêdiques, ce qui
explique pourquoi les Indiens attribuent au drame une origine divine, et
supposent un poète dramatique et une troupe d'acteurs divins donnant des
représentations à la cour céleste d'Indra.
Toutefois, le drame ne naquit en Inde
qu'à une époque où la danse était entièrement sécularisée : parmi
les drames que nous possédons, les plus modernes ont seuls un but et un
sens religieux; les plus anciens empruntent leurs sujets et leurs personnages
à la vie ordinaire. Ce fait, après tout, ne prouve rien quant à l'origine
du drame indien, puisque nous sommes loin de posséder les premiers essais
qui aient été faits an ce genre : si le Chariot d'argile du roi Sudraka
est le plus ancien que nous ayons, il montre au contraire par sa perfection
que le drame était cultivé depuis longtemps dans l'Inde lorsqu'il parut
au jour. Rien n'indique que le drame ait fait partie des cérémonies sacrées
au temps du roi Sudraka; s'il était joué aux jours des sacrifices, il
n'était offert aux assistants que comme un amusement royal : ce caractère
de frivolité qui semblait s'attacher aux drames, malgré le travail sérieux
de leurs auteurs, explique peut-être pourquoi, d'une part, les anciens
drames sont perdus, pourquoi, de l'autre, ce genre s'est perpétué si
longtemps et même jusqu'à nos jours. Les traités spéciaux et les usages
traditionnels expliquent de même pourquoi la forme des drames a si peu
changé : en effet, à partir d'une époque fort ancienne, les drames ont
fait partie du cérémonial à la cour des rois indiens. On ne peut guère
contester que le Chariot d'argile ne soit antérieur à Kâlidâsa,
le plus célèbre poète dramatique de l'Inde, que l'opinion commune fait
vivre à la cour de Vikramâditya, 56 ans avant J.-C. Le prâkrit
est en usage dans les drames quand on y fait parler des gens du peuple;
ce langage est très corrompu dans le Chariot d'argile; il l'est
moins dans les drames attribués à Kâlidâsa, mais cela ne saurait rien
prouver quant à leur âge relatif, puisque, dès que l'on sort du sanscrit,
la langue usuelle n'a plus de règles fixes, et l'usage qu'en fait le poète
est arbitraire. D'ailleurs, dans plusieurs des meilleurs drames indiens,
il y a des personnages bouddhistes, et, quoique les drames soient essentiellement
brahmaniques,
les bouddhistes y sont traités avec déférence,
avec respect : ces drames sont donc au moins de l'époque où le bouddhisme
vivait dans l'Inde, et paisiblement, à côté de la religion qui devait
plus tard l'en bannir; tels sont les beaux drames de Bhavabhûti.
Les sujets des drames
indiens sont parfois empruntés à la vie ordinaire; mais le plus souvent
Ils sont pris dans la tradition épique du Mahâbhârata
ou du Râmâyana ;
quelques-uns prennent leurs sujets dans les Vêdas
eux-mêmes; d'autres, enfin, dans la légende de Krishna.
La manière dont ces sujets sont traités ne rappelle en rien le théâtre
grec : ici, en effet, il n'y a que les tragédies
et des comédies; le genre mixte des Modernes,
appelé spécialement drame, ne se rencontre
que chez les Romains (par exemple,
les Captifs de Plaute), et encore accidentellement,
confondu avec la comédie. L'Inde n'a point de tragédies : une représentation
est dans ce pays un amusement royal, et, à ce titre, doit toujours finir
bien; la vertu doit y être récompensée, et le pécheur y recevoir son
pardon. Le choeur n'y tient pas la même place que dans les pièces grecques;
la longueur des représentations, le nombre des personnages, la complication
de l'intrigue, sont poussés beaucoup plus loin ici que dans Ménandre
ou Philémon. II n'y a donc aucun élément
commun entre ces deux théâtres; et, d'autre part, il n'y a aucun fait
historique d'après lequel on puisse dire que les Indiens aient tiré l'idée
du drame des théâtres grecs de la Bactriane
ou du Penjab.
Du reste, les drames
anciens de l'Inde sont ou mythologiques, comme Vikrama et Urvaçî,
ou d'intrigue et de caratère, comme le Chariot d'argile et le
Mudrâ Râxasa (l'Anneau du ministre). II n'y avait pas de théâtres
publics; le public se composait de la cour et des invités; les acteurs,
qui étaient des deux sexes, ne formaient pas une classe méprisée. Une
mise en scène habile et variée représentait les objets fantastiques
comme les objets naturels; il y avait des scènes à grand spectacle,
faites surtout pour le plaisir des yeux. La règle des trois unités
se réduisait à, l'unité d'action : le drame lui-même était romantique,
sans être né d'un art matérialiste, et sans s'écarter outre mesure
du naturel et du bon sens. Un fait singulier nous est offert par le théâtre
indien : il y avait des pièces entièrement métaphysiques, où les personnages
étaient des idées : tel est le Prabôdha Tchandrôdaya (Lever
de la Lune de l'Intelligence); ce fait suppose un public comme aucun
théâtre de l'Europe ancienne ou moderne n'en a jamais contenu, et caractérise
la société distinguée de l'Inde.
La
Poésie.
La poésie lyrique
et les genres légers comptent dans l'Inde un assez grand nombre d'écrits,
nous citerons les deux plus célèbres : le Nuage-Messager ou Mêghadûta,
attribué à Kâlidâsa, et qui a été le modèle
de beaucoup d'ouvrages semblables, et le Gîta-Gôvinda ,
chant d'amour mystique et symbolique, dont l'auteur est Jayadêva. Cette
poésie
romanesque, à l'exception de ce dernier poème, est d'un style souvent
affecté et d'un caractère sensualiste parfois très
dissolu : elle date, en général, des temps où ont été dans leur vigueur
les cultes de Shiva et de Krishna,
et s'étend depuis le commencement de l'ère chrétienne jusque durant
la domination musulmane.
La poésie Kāvya
est un genre de poésie élégante, avec des descriptions raffinées et
un langage sophistiqué. Des poètes comme Ashvaghosha, auteur du Buddhacharita
(Vie du Bouddha), ont également contribué à ce genre.
La
fable et le conte.
La fable et
le conte sont représentés en Inde
par plusieurs ouvrages importants, dont l'existence se lie à l'histoire
des mêmes genres en Occident. Le plus ancien d'entre eux est le Pantchatantra ,
dont il est difficile de fixer la date, mais qui certainement n'est pas
le premier livre de fables qui ait été composé en Inde : c'est ce que
prouve sa perfection; l'Hitôpadêça
en est l'abrégé. La nature des croyances religieuses de l'Inde rapprochait
l'homme des animaux, et la vie commune qu'ils menaient avec les humains
invitait ces derniers à cirer de leurs habitudes instinctives des règles
de conduite pour eux-mêmes. II n'est donc nullement nécessaire de supposer
que les Indiens aient imité les fables grecques : mais celles-ci peuvent
bien aussi s'être développées sans l'influence de l'Inde; vu sait toutefois
que la fable est venue d'Asie
avec Esope le Phrygien; ce personnage presque mythologique,
l'avait-il inventée ou la tenait-il lui-même des Orientaux?
La
littérature philosophique.
Parmi les ouvrages qui la composent, la
philosophie
se place au premier rang, soit par son importance absolue,
soit par son ancienneté et son long développement historique. La période
védique avait déjà discuté ou abordé la plupart des questions
de métaphysique et de cosmologie,
avant que ces mêmes problèmes fussent traités en langue sanscrite. Il
n'y a pas eu d'interruption dans ce mouvement d'idées, non plus que dans
l'usage des deux langues, puisque celles-ci ont coexisté pendant plusieurs
siècles. C'est donc dans les Vêdas
et dans les plus anciens Brahmanas
qu'il faut chercher l'origine de toute la littérature philosophique de
l'Inde. Quant aux écrits philosophiques que nous possédons, l'existence
d'anciennes écoles demeurées célèbres prouve qu'ils ont été précédés
de beaucoup d'autres, dont plusieurs sans doute existent encore dans le
pays. Les traités de philosophie portent le nom de Sûtras, fil,
enchaînement d'idées. Les plus anciens eurent pour auteur Kapila,
qui fut plus tard divinisé, et que l'on considère comme le fondateur
du système sânkhya. Cet auteur est antérieur
au bouddhisme, dont la métaphysique est
étroitement liée avec celle de ce système, et dont les légendes le
donnant comme de beaucoup antérieur au Bouddha.
Or l'époque de ce réformateur est aujourd'hui fixée au VIe
siècle av. J.-C. Patanjali, et plus tard Yâlnavalkya, fondèrent et appliquèrent
à la vie pratique la doctrine du Yôga; ces auteurs
sont représentés comme bouddhistes, ou du moins comme ayant prêté leur
concours aux ascètes de cette religion dans un temps où elle n'était
probablement encore regardée que comme un système de philosophie morale;
il y a donc une relation étroite entre les livres qui traitent du système
sânkhya et ceux qui exposent le yôga ou la doctrine de dite de l'union
mystique. Parmi ces derniers on doit remarquer, outre le XIIe
livre du Mahâbhârata ,
la Bhagavad-Gîta ,
qui rattache la doctrine du yôga au culte populaire de Krishna.
Ce dernier fait semble indiquer que ce poème n'est pas d'une date très
ancienne ; plusieurs passages font penser qu'il est contemporain de la
prédication bouddhiste dans l'Inde, laquelle comprend elle-même une longue
série d'années. C'est donc à cette époque, voisine du début de l'ère
chrétienne, que l'on peut le mieux placer le plus beau développement
de cette partie de la littérature philosophique chez les Indiens.
A coté de cette école, et un peu après
elle, florissait la philosophie contenue dans les Mîmânsâ-Sûtras;
l'auteur du plus ancien d'entre ces livres est Jaimini, que l'on donne
comme le révélateur du Sâma-Vêda; le Sûtra de Bâdârayna
représente
le second développement de la même doctrine; et toutefois l'authenticité
de ces deux écrits est loin d'être prouvée; on peut seulement dire qu'ils
remontent à une période assez reculée. Citons encore le Brâhma-sûtra,
dont le but est d'établir que les différents systèmes philosophiques
sont plus ou moins erronés, que le monde n'a pas de réalité substantielle,
et que Dieu seul existe dans son unité absolue. Cet ouvrage est d'une
date postérieure aux précédents, mais ancienne.
La logique est
représentée en sanscrit par une longue
suite d'ouvrages, appelés également Sûtras, qui se rattachent
aux différents systèmes de philosophie et de métaphysique. Les recherches
logiques ont occupé les plus anciens brahmanes.
Mais les anciens traités de logique sont perdus ou ne sont pas entre nos
mains; les autres, qui sont plus récents, sont réunis sous les noms de
Kanâda et de Gôtama, auteurs d'une époque incertaine.
La
grammaire.
Dans la littérature brahmanique se rangent
encore les ouvrages de grammaire. Pânini,
considéré comme le législateur de la langue
sanscrite, est d'une époque fort ancienne, bien qu'il cite les Yavanas
(Ioniens ou Grecs),
puisque ce nom désigne peut-être les Occidentaux en général. Sa grammaire
est un livre d'une grande valeur, et que les Indiens ont souvent enrichi
de commentaires. Citons aussi le Vocabulaire d'Amarasinha, auteur
cité comme contemporain de Kâlidâsa; les traités de Rhétorique,
de Poétique, de Métrique composés à différentes époques,
mais dont les principes remontent très haut dans l'histoire et se rattachent
à la période antique des Vêdas.
La
littérature scientifique.
Nous ne pouvons traiter en détail ici
de la littérature scientifique, qui forme en sanscrit
toute une bibliothèque. L'Astronomie
a produit en Inde un assez grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs ont
une importance réelle pour l'histoire de cette science. Ce sont les Indiens
, en effet, qui ont inventé les chiffres décimaux, l'arithmétique
et l'algèbre, transmises à l'Occident par l'intermédiaire
des Arabes, et plus tard reportées par eux aux Indiens eux-mêmes avec
l'astronomie. La médecine a eu en Inde un développement original : les
traités qui existent ont un intérêt particulier, soit en eux-mêmes,
soit au point de vue de l'histoire de cet art. Enfin nous indiquons seulement
en passant les traités relatifs à la peinture
( La peinture orientale ),
à la sculpture ,
à l'art de bâtir, à l'art militaire, etc., pour faire sentir combien
est riche la mine que la littérature sanscrite offre à l'Occident.
Les textes juridiques
et philosophiques.
Les
Lois de Manou et les dharmaçâstra.
Les textes juridiques
indiens codifient les règles de conduite sociale et religieuse. Le plus
célèbre est le Manusmriti (ou Lois de Manou ),
qui traite des devoirs des différentes castes, des lois civiles et criminelles,
ainsi que des rites religieux. Quant aux ouvrages relatifs à la législation
et appelés dharmaçâstra, ils sont en grand nombre dans la littérature
sanscrite; beaucoup d'entre eux sans doute sont perdus. Il en a été composé
à toutes les époques, depuis les divers codes qui ont porté le nom de
Manou jusqu'à nos jours. A ces ouvrages d'une portée générale, il faut
ajouter les traités spéciaux où sont contenues les prescriptions et
les règles propres à chaque fonction, à chaque exercice, à chaque métier.
Les
Sutras.
Les Sutras sont
des textes concis et cryptiques servant à résumer les doctrines philosophiques
et religieuses. Parmi les plus connus figurent les Yoga Sutras de
Patanjali, qui posent les bases du système de yoga,
et les Nyaya Sutras, qui traitent de logique. Les
Sûtras
continuent les Brahmanas ,
et sont aussi des commentaires des Védas ;
leurs explications semblent s'abréger à mesure qu'elles sont plus nombreuses,
et cette concision augmente de plus en plus leur obscurité. Les Sûtras
sont souvent moins clairs que les Vêdas eux-mêmes; ils sont, pour
la plupart, d'une époque où la société brahmanique existait avec sa
division régulière en quatre castes; les Brahmanas indiquent tout
au plus que ce régime était en voie de s'établir.
Période médiévale
(500-1500)
Littérature en sanscrit
Bien que le sanscrit
ait atteint son apogée pendant l'antiquité classique, il a continué
à jouer un rôle majeur pendant la période médiévale. Des textes philosophiques,
théologiques, et poétiques ont été écrits, notamment dans des formes
comme la poésie lyrique.
Les
Purânas.
Les Purânas ,
une collection de textes mythologiques et cosmogoniques, ont été compilés
ou développés à cette époque. Les Purânas, comme quelques autres
poèmes contemporains d'une moindre importance, se rattachent au genre
épique. II existait déjà, dans les anciens temps, des oeuvres poétiques
nommées aussi Purânas, qui ont été perdues ou dont nous n'avons
pas les textes : ces oeuvres, qui remontaient peut-être au temps des grandes
épopées, ont servi de point de départ aux Purânas proprement
dits et dont les deux plus importants ont été conservés. Ils sont d'une
époque qu'il est difficile de fixer, mais la nature des doctrines qui
y sont développées prouve l'âge moderne de leur composition : en effet,
ils se rapportent tous au culte et aux incarnations de Vishnu
et de Shiva, c.-à-d. aux deux plus récentes
religions
de l'Inde.
Autres aspects
de la littérature indienne médiévale.
La
littérature dévotionnelle.
Le mouvement Bhakti,
qui va surtout se développer pendant la période moderne, commence à
produire, dès le VIIe siècle, ses
premières oeuvres. Il prône une relation personnelle et dévotionnelle
à une divinité et a donné naissance à une abondante littérature dans
différentes langues indiennes. Ce mouvement, centré sur des dévotions
directes à Vishnu, Krishna, Shiva, ou les déesses, a produit des textes
poétiques riches. Kabir, un mystique qui écrivait en hindî et en ourdou,
est l'un des plus grands poètes du Bhakti. Il a critiqué les pratiques
religieuses rigides de l'hindouisme et de l'islam, tout en prônant une
relation directe avec le divin. Les Alvars et Nayanars (poètes tamouls)
en tamoul ont également écrit des poèmes de dévotion centrés sur Vishnu
et Shiva respectivement. Mirabai, poétesse rajput, est également une
figure emblématique. Elle a chanté sa dévotion pour Krishna à travers
ses chansons pleines de passion.
Littérature
soufie et musulmane.
Avec l'arrivée
de l'islam au sous-continent indien, un autre courant littéraire a émergé,
particulièrement dans les régions du nord de l'Inde, où la poésie soufie
a pris racine. Cette littérature est volontiers mystique et liée à la
recherche de l'union divine. Amir Khusrau (1253-1325) est l'une des figures
pionnières de la poésie soufie en Inde. Il écrit en persan et en hindavi
(précurseur de l'ourdou), et est célèbre pour ses ghazals mystiques.
Il également joué un rôle clé dans le développement de la musique
classique indienne. La poésie soufie, comme celle de Bulleh Shah, a également
marqué l'époque, avec des poèmes exprimant une quête spirituelle d'union
avec le divin.
Épopées
et oeuvres classiques régionales.
Cette période a
vu l'émergence d'épopées dans diverses langues vernaculaires. En tamoul,
on trouve ainsi l'épopée Kamban Ramayanam (une version du Ramayana
par Kambar). En kannada, le Pampa Bharata est une version
du Mahabharata écrite par Adikavi Pampa.En bengali, le poème épique
Mangal
Kavya se concentre sur les divinités locales et les traditions populaires.
Littérature
jaïn.
Le jaïnisme a également
produit une riche littérature pendant cette période, en sanscrit
et dans les langues vernaculaires comme le prâkrit, le kannada, et le
tamoul. Les textes jaïns incluent des oeuvres philosophiques, théologiques,
ainsi que des récits épiques.
Période moderne
(1500-1900)
Littérature bhakti.
Né pendant la période
précédente dans le Sud de l'Inde, le mouvement mouvement dévotionnel
(bhakti), s'étend désormais à tout le sous-continent. Il est l'une
des caractéristiques les plus marquantes de cette période et atteint
son apogée entre 1500 et 1800.
Les poètes bhakti
écrivent dans des langues locales comme le hindi, le marathi, le tamoul,
le télougou, le bengali, et d'autres, rendant la littérature plus accessible
aux masses. Le thème central est l'amour personnel pour le divin, souvent
exprimé dans des termes mystiques, passionnés, voire sensuels. Les poètes
bhakti contournent les institutions religieuses et les pratiques rituelles
formelles. Ils rejettent les castes, les distinctions sociales et les rites
complexes, prônant une égalité spirituelle devant le divin. Principaux
auteurs (en langue hindi) :
Kabir (1440-1518)
est un écrivain mystique du nord de l'Inde. Il est l'un des poètes les
plus connus du mouvement bhakti. Il critique à la fois l'hindouisme et
l'islam,et prône une voie de dévotion simple et spirituelle. Ses poèmes
se signalent par leur critique des rituels et leur approche mystique. Mirabai
(1498-1547) est une poétesse rajput qui a exprimé dans ses oeuvres sa
dévotion envers Krishna. Elle est une figure emblématique du mouvement
bhakti. Ses poèmes sont saturés d'amour divin. Surdas (1478-1583) est
un poète dévotionnel aveugle du nord de l'Inde, auteur d' hymnes dédiés
à Krishna. Il Surdas fait partie du courant Vaishnava de la bhakti.
Tulsidas (1532-1623) et l'auteur de la version en hindi du Ramayana
intitulée
Ramcharitmanas. Il est l'un des plus grands poètes dévotionnels
de la littérature indienne. Son oeuvre a rendu l'épopée de Rama accessible
au peuple, et elle est encore largement récitée aujourd'hui.
Ajoutons que la langue
marathi connaît une floraison importante de la poésie bhakti avec des
poètes comme Eknath et Tukaram, qui prêchent la dévotion à Vitthala
(une forme de Krishna) et dénoncent les inégalités sociales. En bengali,
Chandidas et Vidyapati sont deux poètes importants, qui expriment leur
dévotion à Krishna et Radha, tout en abordant des thèmes d'amour mystique.
Littérature soufie.
Simultanément à
l'expansion du mouvement bhakti, la littérature soufie prend également
une grande importance dans les régions influencées par l'islam. Le soufisme,
branche mystique de l'islam, s'intéresse la relation entre l'individu
et Dieu à travers l'amour et la recherche de l'union divine. Au XVIe
siècle, la littérature soufie continue de se développer en ourdou et
en persan sous les Moghols, avec des poètes comme Abdul Rahim Khan-e-Khana
(1556-1627) et Baba Farid.
Littérature indienne
sous les Moghols (1526 - 1857).
La
littérature ourdou.
L'ourdou émerge
comme une langue littéraire sous l'influence de la culture moghole, qui
favorise le développement de la littérature en persan et en ourdou. L'ourdou
est une langue hybride, née de la rencontre entre le persan, l'arabe,
le turc et les langues locales du sous-continent. Elle devient une langue
poétique majeure au cours des XVIIe et
XVIIIe siècles.
Mirza Ghalib (1797-1869)
est sans doute le poète ourdou le plus célèbre de cette époque. Ses
ghazals mélancoliques et introspectifs parlent de l'amour, de la douleur
et des dilemmes existentiels avec une subtilité inégalée. Son style
et son langage raffiné ont laissé une marque indélébile sur la poésie
ourdoue. Sauda (1713-1781) et Mir Taqi Mir (1723-1810) sont également
deux figures importantes de la poésie ourdoue classique. Ils sont connus
pour leurs ghazals et leurs masnavi (poèmes narratifs), traitant dréquemment
de thèmes amoureux, mystiques et philosophiques.
Littérature
persane de l'Inde.
Le persan est la
langue de la cour et de l'administration moghole. Sous les empereurs moghols
comme Akbar, Jahângîr et Shâh
Jahân, la littérature en persan prospère. Des écrivains et poètes
comme Abul Fazl (chroniqueur de la cour d'Akbar) contribuent à cette tradition
littéraire. Abul Fazl (1551-1602) est l'auteur du célèbre
Akbarnama,
une chronique détaillée de la vie de l'empereur Akbar, ainsi que de l'Ain-i-Akbari,
un document qui décrit la structure administrative et culturelle de l'empire
moghol.
Influence coloniale.
Avec l'arrivée
des Britanniques au XVIIIe siècle, la
littérature indienne commence à subir l'influence des formes littéraires
européennes, comme le roman, le théâtre et l'essai. Les premières oeuvres
de fiction moderne apparaissent dans des langues comme le bengali et l'anglais
vers la fin du XIXe siècle.
Raja Ram Mohan Roy
(1772-1833), réformateur social et intellectuel bengali, est considéré
comme un pionnier de la renaissance littéraire moderne en Inde. Il milite
pour l'abolition des pratiques sociales répressives comme le sati
(immolation des veuves) et joue un rôle dans la modernisation de la société
indienne à travers l'écriture et la traduction. Bankim Chandra Chatterjee
(1838-1894) est l'un des premiers romanciers en bengali. Il est l'auteur
du roman Anandamath (1882), qui contient le poème patriotique Vande
Mataram, un hymne au pays devenu un symbole du mouvement pour l'indépendance.
Littérature indienne
au XXe siècle
Littérature nationaliste
et engagement politique.
Rabindranath
Tagore (1861-1941) est l'une des figures les plus éminentes de cette
époque. Il est poète, romancier, dramaturge et essayiste, et reçoit
le Prix Nobel de littérature en 1913 pour son recueil de poèmes Gitanjali
(L'Ofrande lyrique, 1910). Tagore prône une vision humaniste et
universaliste, tout en étant profondément enraciné dans la culture indienne.
Ses oeuvres touchent à des thèmes tels que la nature, l'amour, l'identité
et la liberté. En plus de la poésie, il a écrit des romans tels que
Gora
(1910) et La Maison et le Monde (Ghare Baire, 1915), qui
racontent les tensions entre tradition et modernité, ainsi que les dilemmes
moraux posés par le nationalisme.
En tamil, Subramania
Bharati (1882-1921) est un poète révolutionnaire et journaliste, dont
les poèmes exaltent la liberté et la révolte contre l'oppression coloniale.
Il prône également l'émancipation des femmes et la justice sociale.
Littérature moderniste
et réaliste.
Le XXe
siècle marque également le développement du réalisme social dans la
littérature indienne. La modernisation rapide de la société indienne
devient un thème majeur.
Littérature
hindi.
Premchand (1880-1936),
l'un des plus grands écrivains en hindi et en ourdou, est considéré
comme le pionnier du roman réaliste indien. Ses oeuvres, comme Godaan
(Le Don de la Vache) et Nirmala, dépeignent les souffrances
des paysans, des femmes, et des castes marginalisées, et critique les
injustices sociales et les traditions oppressives. Son style simple et
direct, combiné à un profond humanisme, en fait une figure incontournable
de la littérature moderne indienne.
Littérature
ourdoue.
Saadat Hasan Manto
(1912-1955) est l'auteur de nouvelles réalistes qui dépeignent les horreurs
de la partition de l'Inde et les fractures sociales de la société indienne.
Son recueil de nouvelles Toba Tek Singh, est un exemple de son approche
brutalement honnête et volontiers satirique.
Théâtre
indien.
Le théâtre indien
moderne voit des dramaturges comme Vijay Tendulkar (marathi), Girish Karnad
(kannada), et Badal Sircar (bengali) introduire des sujets contemporains
comme la violence, la sexualité, et les conflits de pouvoir.
Littérature de
la partition et de l'indépendance.
La partition de
l'Inde en 1947, qui conduit à la création du Pakistan, est un événement
dévastateur pour le sous-continent, et la violence qui l'accompagne inspire
une vague de littérature marquée par la douleur, la nostalgie, et la
critique des divisions religieuses et politiques. Khushwant Singh (1915-2014),
dans son célèbre roman Train to Pakistan (1956), raconte la brutalité
et la tragédie humaine de la partition à travers l'histoire d'un village
situé à la frontière du Punjab. Saadat Hasan Manto traite également
de ce thème dans ses nouvelles, où il décrit les pertes humaines et
les traumatismes de la partition avec une lucidité clinique et un style
concis.
Littérature
postcoloniale et anglophone.
R.K.
Narayan.
R.K.
Narayan (1906-2001) est l'un des premiers romanciers indiens à écrire
en anglais et à obtenir une reconnaissance internationale. Ses romans,
comme Swami and Friends (1935) et The Guide (1958) se déroulent
dans la ville fictive de Malgudi et décrivent la vie quotidienne des Indiens
avec une touche d'humour et de tendresse. Narayan se signale par sa simplicité
stylistique et sa capacité à saisir les nuances de la vie indienne.
Salman
Rushdie.
Salman Rushdie (né
en 1947 à Bombay) est probablement l'écrivain indien anglophone le plus
célèbre du XXe siècle. Le grand public
l'a connu par les circonstances dramatiques qui ont entouré la publication
de son roman
Les Versets sataniques (1988). Mais avant cela, il
avait déjà publié
Les Enfants de minuit (1981), qui retrace l'histoire
de l'Inde moderne à travers la vie de personnages nés au moment de l'indépendance,
et qui est considéré comme un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale.
Rushdie se recommande par son style baroque et son usage du réalisme
magique, inspiré de l'œuvre de Gabriel
García Márquez. Le roman est une méditation sur l'histoire de l'Inde,
la politique, et l'identité postcoloniale.
Arundhati
Roy.
Arundhati
Roy, avec son roman Le Dieu des petits riens (1997), analyse
les dynamiques de caste, de genre et de famille dans l'État du Kerala.
Son oeuvre a été saluée pour sa poésie et son exploration des petites
tragédies de la vie quotidienne. Elle a également remporté le Man Booker
Prize.
Littérature féministe
et voix marginales
Littérature
féministe.
Des écrivaines
comme Mahasweta Devi (bengali), Ismat Chughtai (ourdou), et Kamala Das
(malayalam et anglais) se concentrent sur la condition des femmes, les
injustices de caste et de classe, et les oppressions multiples subies par
les groupes marginalisés. Mahasweta Devi, en particulier, est l'autrice
de récits sur les populations tribales et les luttes des marginalisés
en Inde.
Littérature
dalit.
À partir des années
1960-1970, la littérature dalit émerge comme un genre important, avec
des écrivains comme B.R. Ambedkar (écrivain et réformateur social) et
Namdeo Dhasal (poète marathi). La littérature dalit dénonce les injustices
du système des castes et dépeint la lutte pour la dignité des intouchables.
Mulk Raj Anand (1905-2004) est un auteur pionnier de la littérature indienne
en anglais, auteur de récits réalistes qui traitent des inégalités
sociales, notamment le système des castes. Son roman Untouchable
(1935) dénonce le sort des Intouchables (dalits) dans la société indienne;
Coolie (1936), une autre de ses oeuvres, décrit les luttes des travailleurs
exploités.
La littérature indienne
du premier quart du XXIe siècle
Thèmes contemporains.
Politique,
urbanisation, et diaspora.
Chetan Bhagat est
un auteur populaire qui écrit principalement sur la jeunesse indienne
urbaine. Bien que critiqué pour son style simple, il est reconnu pour
avoir abordé les aspirations et les frustrations des jeunes Indiens de
la classe moyenne dans une ère de mondialisation, comme dans ses romans
Five
Point Someone (2004) et 2 States (2009). Arundhati Roy, en dehors
de ses romans, est également connue pour ses essais politiques. Elle écrit
sur les droits des minorités, l'impact du néolibéralisme, les conflits
au Cachemire, et d'autres sujets qui touchent à la politique contemporaine.
Amitav Ghosh poursuit à questionner les migrations, l'histoire coloniale,
et l'écologie dans des essais comme Le Grand Dérangement (The
Great Derangement : Climate Change and the Unthinkable, 2016), qui
aborde le changement
climatique et ses impacts sur l'Asie du
Sud.
Arundhati Roy (née
en 1961), déjà remarquée pour son premier roman Le Dieu des petits
riens (1997) où elle traitait des relations sociales et des castes
en Inde, a publié en 2017 son deuxième roman très attendu, Le Ministère
du bonheur suprême. Ce livre aborde des thèmes tels que la violence
étatique, la condition des femmes, la répression des minorités, et la
complexité de l'identité indienne post-indépendance. Kiran Desai, avec
son roman La Perte en héritage (2006), a remporté le Man Booker
Prize. Il y traite des thèmes de l'exil, de la perte culturelle, et de
l'impact du colonialisme sur l'identité, à travers l'histoire de plusieurs
générations de personnages entre l'Inde et l'Amérique. Aravind Adiga
a fait sensation avec son premier roman Le Tigre blanc (2008), pour
lequel il a également remporté le Man Booker Prize. Ce roman utilise
un ton satirique pour traiter dess inégalités sociales et économiques
de l'Inde contemporaine. Adiga se concentre sur les vies des marginaux
et des classes inférieures, et décrit les tensions sociales entre les
riches et les pauvres dans une Inde en pleine mutation.
Jhumpa Lahiri, connue
pour ses récits sur la diaspora indienne, continue de produire des œuvres
importantes. Bien que ses livres se concentrent souvent sur des personnages
d'origine indienne vivant à l'étranger, elle examine les thèmes de l'appartenance,
de l'aliénation, et de l'identité biculturelle.
Son roman Unaccustomed Earth (2008) explore la vie des immigrants
indiens aux États-Unis. Anuradha Roy est une autre auteure notable, avec
des œuvres comme Sleeping on Jupiter (2015), qui explore des thèmes tels
que la violence sexuelle, la mémoire et le traumatisme dans la société
indienne.
Littérature
féministe.
Le XXe
siècle a vu une montée de la littérature féministe, et cette tendance
s'est intensifiée au XXIe siècle. Meena
Kandasamy, poétesse et romancière, est une figure importante du féminisme
littéraire. Elle aborde des sujets tels que la violence conjugale, le
sexisme et les injustices de caste. Son roman When I Hit You: Or, A
Portrait of the Writer as a Young Wife (2017) a été salué pour sa
représentation brutale et poétique de la violence domestique. Tishani
Doshi, à la fois poète et romancière, aborde les thèmes tournant autour
du corps féminin, de la sexualité et de la mémoire dans des oeuvres
comme The Pleasure Seekers (2010) et Small Days and Nights
(2019). Geetanjali Shree s'est fait connaître sur la scène internationale
en 2022 en remportant le International Booker Prize pour son roman Ret
Samadhi). Ce roman traite du traumatisme intergénérationnel causé
par la partition de l'Inde et aborde les thèmes du vieillissement, de
la féminité, et de l'identité. Sarah Joseph, une romancière et féministe
de langue malayalam , a reçu de nombreux prix pour ses récits qui traitent
des réalités sociales des femmes et des questions écologiques.
Littérature
LGBTQ+.
Les écrivains indiens
LGBTQ+ ont également acquis une plus grande visibilité depuis 2000. Avec
la décriminalisation de l'homosexualité en Inde en 2018, de plus en plus
d'écrivains abordent ouvertement la sexualité et l'identité de genre
dans leurs œuvres. Vikram Seth, déjà célèbre pour
Un
garçon convenable (A Suitable Boy), a ouvertement discuté
de sa bisexualité et est devenu un porte-parole des droits LGBTQ+ en Inde.
R. Raj Rao, dans son roman The Boyfriend (2003), raconte la vie
d'un homme gay dans les ruelles de Mumbai. Son oevre est l'une des premières
en Inde à traiter aussi ouvertement de l'homosexualité.
Littérature dalit.
La littérature
dalit (= littérature des Intouchables, des hors-castes) prend de plus
en plus d'importance dans le paysage littéraire indien. Les écrivains
dalits dénoncent les inégalités de caste et racontent les expériences
vécues par les intouchables ou les castes marginalisées. Bama Faustina
( Bama), est une voix importante dans la littérature tamoule dalit. Son
roman autobiographique Karukku (1992) continue d'être largement
lu et étudié. Il décrit les oppressions de caste et de genre dans l'Inde
rurale. P. Sivakami, également écrivaine dalit, a publié des romans
qui traitent des expériences des femmes dalits, en particulier leur marginalisation
sociale et économique. Namdeo Dhasal, poète dalit co-fondateur du mouvement
radical Dalit Panther, a aussi une influence majeure dans la littérature
marathi. |
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