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Les langues
Les langues eskaléoutes
Aléoute
(Unangam Tunuu)
Moins de 200 locuteurs
Dialectes occidentaux Atkan (aléoute des îles Atka et Béring),

Dialectes éteints :

Attuan (aléoute occidental); Béring

Dialectes orientaux Unalaskan (aléoute oriental)


Pribilof' (dialecte aléoute le plus parlé).
Eskimoan Inuit (eskimoan oriental)
Environ 100 000 locuteurs)
Groenlandais Kalaallisut' (groenlandais occidental, 45 000 locuteurs);  variétés : dialecte de Smith-sound, Upernivik (Upernawik), Umanak (Oommanaq), dialecte de la baie de Disko.


Tunumiisut (groenlandais oriental, 3000 locuteurs); variété : Angmagssalik (Ammaasalik)
Inuktituk
Langue parlée à l'Est du Canada (Nunavut, Nunavik, Labrador)
Inuttitut' (Nunatsiavut, 500 locuteurs)


Nunavimmiutitut' (Nunavik)


Qikiqtaaluk nigiani (Sud I. Baffin)


Qikiqtaaluk uannangani (Nord I. Baffin)


Aivilingmiutut' (centre et est du Nunavut)


Kivallirmiutut (sud-est du Nunavut)


Inuktun (Avanersuaq) (Nord du Canada et du Groenland)
Inuvialuktun' (Ouest du Canada, environ 1000 locuteurs) Siglitun' (Territoires du Nord-Ouest : Paulatuk, Sachs Harbour, Tuktoyaktuk)


Inuinnaqtun' (Ouest du Canada, Nunatsiaq, Nunavut)


Natsilingmiutut (région de Netsilik, Nunavut)
Inupiaq' (Nord et Nord-Ouest de l'Alaska, environ 5000 locuteurs) Qawiaraq (Inupiaq de la péninsule de Seward)


Inupiatun (Inupiaq du Nord de l'Alaska)
Yupik (yup'ik)
(eskimoan occidental)
Alutiiq (Alaska, quelques dizaines de locuteurs) Koniag Alutiiq


Chugach Alutiiq
Yupik de l'Alaska central (quelques milliers de locuteurs) Yugtun (Alaska central)


Cugtun de Chevak


Cugtun de l'île Nunivak (presque éteint)
Naukan (langue très menacée, parlée dans la péninsule des Tchouktche, quelques dizaines de locuteurs)
Yupik sibérien central (nommé Yuit en Russie, Yupigestun en Alaska). Etroitement lié au Yupik de l'Alaska central. Yupik de Chaplino (environ. 200 locuteurs)


Yupik de l'île St. Lawrence (quelques centaines de locuteurs)
Langue éteinte : Sirenik (était parlée dans le district de Tchoukotka)
La famille des langues eskaléoutes (= eskimo-aléoutes) comprend les langues arctiques parlées par les populations autochtones de l'Arctique américain, c'est-à-dire par les Inuit en Alaska, au Canada et au Groenland, par les Yupik  en Alaska et en Sibérie, et par les habitants des îles Aléoutiennes. On la divise en deux branches : la branche eskimoane, qui comprend les langues inuit (groenlandais, inuktituk, etc.) et yupik (yupik de l'Alaska central, naukan, etc.), et la branche aléoute, aujourd'hui proche de l'extinction.

Les langues eskimoanes partagent de nombreuses similitudes. La langue aléoute (ou aléoutaise), en revanche, est assez différente de ces langues. Mais toutes, au demeurant, partagent certains traits. Ainsi, elles sont fortement fléchies, avec un système très élaboré de suffixes et d'affixes qui sont utilisés pour indiquer le temps, l'aspect, le mode, la personne et le nombre. Elles utilisent également des systèmes sonores particulier. Par exemple, des consonnes éjectives (un type de consonne produite en fermant la glotte tout en produisant un son), qui sont relativement rares dans d'autres familles de langues.

Les premières mentions écrites des langues eskaléoutes remontent au XVIIIe siècle lorsque des explorateurs russes ont rencontré les Aléoutes en Alaska. La première grammaire d'une langue eskimoane (le groenlandais) a été écrite dès 1750 par le missionnaire danois Paul Egede (1708-1789), fils de Hans Egede, et la première grammaire d'une langue aléoute a été écrite en 1846 par l'explorateur russe Ivan Veniaminov.

Les indications tirées de l'archéologie et de la linguistique suggèrent que les langues eskimoanes et aléoutes partagent une ascendance commune, bien que les deux groupes linguistiques aient divergé il y a environ 4000 ans. Ces langues sont originaires des régions extrême-orientales de la Sibérie, à proximité du détroit de Béring,  uis s'est propagée en Amérique du Nord, via ce détroit, formant alors un pont terrestre reliant les deux continents. 

Ces langues reflètent aujourd'hui reflètent l'évolution culturelle sur des milliers d'années. des diverses communautés  qui les parlent. La branche aléoute est considérée comme la plus conservatrice, préservant de nombreuses caractéristiques archaïques de la langue ancestrale eskaléoute. Mais dans l'ensemble, toutes les langues de la famille ont subi des changements et des adaptations importants, notamment en empruntant du vocabulaire à des langues voisines, telles que le russe, l'anglais et le russe ou certaines langues amérindiennes. L'impact de la colonisation, des missionnaires et des politiques gouvernementales visant à l'assimilation a également eu un impact significatif sur le devenir de ces langues.

Les langues eskimoanes.
Les langues eskimoanes ( = langues des Inuit) sont parlées dans la région boréale de l'Amérique du Nord et dans le Nord-Est de la Sibérie. Elles forment deux groupes, entre lesquels les Montagnes Rocheuses peuvent servir de ligne de démarcation : 

• L'eskimo oriental ou inuit, auquel se rapportent les langues parlées au Groënland, au Labrador, et sur les côtes de la baie d'Hudson (le groenlandais, l'inuktitut, l'inuvialuktun, l'inupiaq et leurs dialectes respectifs, qui diffèrent principalement par leur seule phonologie).
L'eskimoan oriental regroupe des langues sont hautement polysynthétiques et agglutinantes, avec des mots composées de nombreux morphèmes (unités de sens). Parmi ces langues, l'inuktitut se distingue par un système d'incorporation de noms, où un nom peut être incorporé dans un verbe pour créer un seul mot, ainsi qu'un ensemble unique de postbases, qui sont des suffixes qui peuvent être utilisés pour modifier le sens d'un mot. Les langues eskimoanes possèdent pat ailleurs un système d'harmonie vocalique, où les voyelles d'un mot doivent s'accorder entre elles. Les consonnes sont nombreuses; on remarque parmi elles les fricatives latérales uvulaires, glottales et non voisées. 

Ce sont aussi des langues ergatives (le sujet d'un verbe transitif est marqué différemment du sujet d'un verbe intransitif). Les suffixes possessifs peuvent être ajoutés à presque n'importe quel nom ou pronom. Outre le singulier et le pluriel, les langues intuit possèdent le duel, utilisé pour parler des choses qui vont par deux et induire des de formes nominales et verbales particulières. Ajoutons que le groenlandais n'a pas de genre grammatical (comme le masculin ou le féminin) et les verbes n'ont pas de temps (présent, passé, futur), mais sont plutôt marqués pour l'aspect (comme l'accompli ou l'inaccompli).

• L'eskimoan occidental, ou Yupik, qui rassemble des langues ayant des affinités avec l'aléoutien et le tchoutchi parlé au Kamtchatka. Ces langues se répartissent entre trois branches principales: le yupik du centre de l'Alaska, parlé dans le sud-ouest de l'Alaska ; Yupik sibérien, parlé en Sibérie orientale; et Naukan, parlé dans le nord-est de la Sibérie. On peut y ajouter l'Alutiiq, parlé en Alaska, mais qui est presque éteint. La grammaire des langues yupik comprend un grand nombre de terminaisons de cas (le nominatif, l'accusatif, le génitif, le datif et le locatif, notamment), d'inflexions verbales et d'incorporation de noms. Le système de nombres inclut des nombres cardinaux, des nombres ordinaux et des nombres distributifs.
Malgré la proximité des deux groupes, les différences dans les mots et dans les formes sont assez grandes pour qu'on ne puisse aisément s'entendre de l'un à l'autre. L'intercompréhension à l'intérieur de chacun des groupes est, au contraire, assez facile.

Les langues aléoutes.
L'aléoute ou aléoutien, aujourd'hui presque éteint, est un groupe de langues autochtones parlées dans les îles Aléoutiennes, dans le sud-ouest de l'Alaska, ainsi que dans certaines parties de la péninsule du Kamtchatka, en Russie. Comme les langues eskimoanes, ce sont des langues agglutinantes (ajouts d'affixes à la racine des mots; les affixes peuvent indiquer le temps, l'aspect, le mode, la personne et d'autres aspects grammaticaux). Il y existe des cas pour le sujet, l'objet, le possesseur et d'autres fonctions grammaticales. Les cas sont souvent indiqués par des suffixes ou des préfixes. Les pronoms personnels offrent des distinctions entre le singulier, le duel et le pluriel, ainsi que des distinctions de personne et de genre. Il existe aussi des distinctions entre les objets comptables et les objets non comptables, ainsi que des nombres cardinaux et ordinaux.

• Dialectes aléoutes. - L'aléoute possède (ou, du moins, a possédé) plusieurs dialectes, parlés dans la presqu'île d'Alaska, dans les îles des Renards ou Kawalany, dans le petit archipel Nego ou Andréonowski, dans les îles Saint-Paul et Saint-Georges (Kamtchatka), et jusqu'à Bodega (Nouvelle-Californie). On y a distingué deux dialectes principaux, celui d'Unalaska et celui d'Atka. Les différents dialectes sont généralement mutuellement compréhensibles et se distinguent souvent principalement par leur prononciation (douce et utilisant des voyelles supplémentaires dans les îles Aléoutiennes, forte et utilisation de voyelles plus courtes dans la péninsule d'Alaska, nasale et utilisation de consonnes plus douces dans le Pacifique Nord, gutturale et utilisation de consonnes plus fortes au Kamtchatka).
Ecriture.
Les langues eskaléoutes n'ont pas eu pas de système d'écriture jusqu'à l'arrivée des explorateurs et colonisateurs européens, à la fin du XVIIIe siècle. Des systèmes d'écriture basés sur les alphabets cyrillique et latin ont ensuite éta mis en place. Dans le dernier quart du XXe siècle, la plupart des langues eskaléoutes ont adopté une système d'écriture, basé sur l'alphabet latin et adapté à ces langues, composé de 24 lettres, dont certaines dotées de signes diacritiques pour représenter des sons spécifiques qui ne se trouvent pas dans les langues occidentales. D'autres systèmes existent. L'inuktitut, pour sa part utilise les mêmes symboles syllabiques  que ceux développés pour la langue cree (Les langues algonkines).

Phonologie.
Malgré les grandes différences qu'ils présentent, quels éléments communs ressortent des divers systèmes phonologiques de langues eskaléoutes.

Les voyelles.
Les voyelles sont généralement en petit nombre. Par exemple, l'inuktitut n'a que trois phonèmes vocaliques : /i/, /u/ et /a/. Il y a des voyelles simples ou doubles, courtes ou longues. La hauteur et la nasalité peuvent avoir un sens dans certaines langues et intervenir en particulier dans des systèmes d'harmonie vocalique, où les voyelles dans un mot doivent partager certaines caractéristiques phonétiques. Par exemple, en inuktitut, le suffixe -miut (= peuple) doit s'accorder en qualité de voyelle avec le radical auquel il se rattache, comme dans Inuk ( = personne) + -miut  = Inuktitutmiut ( = peuple inuit) .

Les consonnes.
Les langues eskaléoutes ont généralement un grand nombre de consonnes, avec des distinctions entre des sons voisés et non voisés, des sons aspirés et non aspirés, et des sons vélarisés et non vélarisés. 

Certaines langues peuvent également avoir des consonnes éjectives (langues aléoutes, notamment) ou des consonnes labio-vélaires. L'inuktitut en a 18  phonèmes consonantiques distincts, dont une uvulaire non voisé /q/ et une fricative latérale alvéolaire sans voix /ɬ/.

Un contraste entre les consonnes labialisées et non labialisées s'observe dans certaines langues eskaléoutes.Par exemple, en Yup'ik du centre de l'Alaska, on a un contraste entre /k/ et /kʷ/ (ce dernier phonème se prononce en arrondissant les lèvres).

Les langues eskaléoutes présentent par ailleurs une palatalisation, où la langue est relevée vers le palais dur lors de la prononciation de certaines consonnes. Par exemple, en inuktitut, le suffixe -juk ( = gros) se prononce avec un /j/ palatalisé lorsqu'il suit une consonne, comme dans taku ( = caribou) + -juk = takujuk ( = gros caribou).

Les syllabes.
Les langues eskaleoutes permettent des groupements de consonnes. Certaines langues ont des groupes comptant de jusqu'à quatre ou cinq consonnes, avec des consonnes pouvant être regroupées en grappes initiales ou finales, et avec des schémas de redoublement de consonnes (ou de voyelles). Par exemple, le Yup'ik du centre de l'Alaska a le mot "angyarpak" qui signifie "il / elle a fait une erreur", qui contient un groupe de quatre consonnes (/ngjrp/).
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Ajoutons que l'accent tonique existe dans certaines langues. L'accent est placé sur une syllabe particulière dans le mot.

Vocabulaire des langues eskaléoutes.
Les langues eskaléoutes ont ainsi un riche vocabulaire pour rendre des spécificités de la région arctique où ses langues sont parlées.  De nombreux termes spécifiques existent pour décrire les plantes, les animaux et les éléments naturels tels que, par exemple, la mer, le vent et les montagnes.

Ainsi, le Yupik de l'Alaska possède-t-il un grand nombre de termes pour décrire la neige et la glace : aaryallaaq ( = neige mouillée, qui colle aux vêtements); angalraaq ( = neige qui a été soufflée par le vent et qui forme des congères);  aput ( =  neige au sol); cip'aruk ( = neige croûtée formée par la congélation et la décongélation de la surface de la neige, neige qui tombe lentement); kiima ( = neige dure et compacte, qui permet de marcher dessus);  qanik (= neige tombée récemment); qanuk ( = neige); qanikcaq ( = neige lourde et mouillée); qaniruaq ( = neige qui semble bleue ou violette à cause des conditions de lumière); qanruyutet (= neige poudreuse qui a été soufflée par le vent);  qimugtaq ( = neige fondue qui a ensuite gelé, créant une surface glissante); taqukaq ( = neige en poudreuse, qui est légère et facile à déplacer; tuvaq ( =  neige sur la glace, qui peut former une couche lisse et glissante); apertuq ( = petite plaque de glace flottante); aqavik ( = morceau de glace flottant dans l'eau); qingaq ( = glace de mer épaisse et solide); quppaq ( = glace de mer fine et fragile)...
Grammaire des langues eskakéoutes.
Dans les langues eskaléoutes, il y a des termes particuliers pour chaque objet, pour chaque action; ainsi l'on désigne par des noms différents les animaux de même espèce, selon l'âge, le sexe et les autres accidents particuliers qu'ils présentent. Les noms se déclinent au moyen d'affixes; dépourvus de genres, ils ont trois nombres comme les verbes. Les qualités ou attributs ne s'expriment qu'à la forme verbale. On remarque dans la conjugaison un futur prochain et un futur éloigné, et la distinction du mode impératif et du mode permissif. Les prépositions se placent après leur complément.

Malgré les différences observées dans ces différentes langues, généralement, elles présentent aussi les caractères suivants :

L'agglutination.
Les langues eskaléoutes sont des langues d'agglutination ( = langues agglutinantes) : les mots sont formés en ajoutant des morphèmes à une racine de base. Ces morphèmes peuvent indiquer le temps, l'aspect, la voix, le nombre, le cas, la possession et d'autres caractéristiques grammaticales.

Le sens des mots dans les langues eskaléoutes est abondamment déterminé par l'ajout de suffixes, parfois même par des infixes.

Ainsi, en aléoute, le suffixe -gina peut être ajouté à un nom pour indiquer que le nom est possédé par le sujet de la phrase (ex. « Angasan anguna-gina  » (=  le kayak d'Angasan).
En Yupik de l'Alaska central, les verbes sont formés en ajoutant divers affixes à une racine de base. Par exemple, le mot « kiiktaq » signifie « il / elle mangera », et on pourra aussi avoir : « kiiktaqamken  » (= je vais manger); « kiiktaqaamta  » (= nous mangerons); « kiiktaqengramta  » ( = nous ne mangerons pas); « kiiktaqellruunga »  (= je mangeais).
Dans la langue Inupiaq parlée en Alaska, le suffixe -mi,  ajouté à une racine verbale, indique que l'action est faite au profit de quelqu'un d'autre (ex. : « Nasugraq pimsir-mi-llu  »  ( = Nasugraq coud pour lui); «  Ilu-llu ammaloq-mi-nun » ( =Il / elle en parle avec lui / elle ).

Le groenlandais utilise un système d'infixes ( des morphèmes sont insérés à l'intérieur des mots) pour indiquer les cas grammaticaux (comme le nominatif, l'accusatif, le datif, etc.). 

De manière assez générale, les modes et temps des verbes se désignent par l'apposition de suffixes très compliquées. Ainsi, dans l'aléoute oriental, un verbe peut recevoir huit cents terminaisons différentes, dans la forme active seulement.

Le polysynthétisme.
Au-delà de leur caractère agglutinant, les langues eskaléoutes présentent aussi un caractère polysynthétique. Des mots peuvent être formés en combinant plusieurs morphèmes en un seul mot. Comme pour les autres langues polysynthétiques, la facilité de réunir plusieurs mots en un seul donne à ces langues beaucoup de concision. 

En inuktitut, par exemple,  le mot « tusaatsiarunnanngittualuujunga » signifie « je n'entends pas très bien ». Ce mot est formé en combinant plusieurs morphèmes : « tusaatsiaq  » ( = entendre); «-tusaatsiarunnaq  » ( = mal entendre); « tusaatsiarunnanngittooq  » ( = être malentendant); « tusaatsiarunnanngittualuujuk »  ( = être incapable de bien entendre); « junga » (= je).
La structure d'actance ergative.
Les langues eskaléoutes ont une structure d'actance de type absolutif / ergatif. (alignement ergatif-absolu) Le sujet d'un verbe transitif y est marqué différemment du sujet d'un verbe intransitif. Le sujet d'un verbe intransitif est exprimé dans le même cas que l'objet d'un verbe transitif, tandis que le sujet d'un verbe transitif se signale par un cass différent.
Ainsi, en Yup'ik du centre de l'Alaska, la phrase « Cali qimugtaqa » signifie « je mange du poisson », tandis que « Qimugtaqami-llu cali-llu  » signifie « j'ai attrapé du poisson et je l'ai mangé ».
L'accord polypersonnel.
Dans de nombreuses langues eskaléoutes les verbes s'accordent à la fois avec le sujet et l'objet d'une phrase (accord polypersonnel). Le verbe contient des affixes qui indiquent la personne, le nombre et d'autres caractéristiques grammaticales du sujet et de l'objet.
Voici un exemple de l'accord polypersonnel en Kalaallisut : «-Nanuaraq tigu » signifie « je vois l'oiseau ». (nanuar- est la racine du verbe qui signifie voir); « Nanuartut tigulineq » signifie « Ils voient l'oiseau ». (nanuartu- est la racine du verbe lorsque le sujet est au pluriel); «-Tigusinnaasut » signifie « Nous les voyons ». Tigusi- est la racine du verbe lorsque l'objet est au pluriel.
La littérature eskaléoute.
Le riche héritage culturel des populations  inuit, yupik et aléoute a donné naissance à une littérature originale,  qui se déploie sur un large éventail de genres, des histoires et des légendes traditionnelles à la la fiction et à la poésie contemporaines.

Littérature traditionnelle.
Pendant des milliers d'années, les habitants des régions arctiques ont utilisé la narration pour partager leur histoire, leurs croyances et leurs valeurs avec les générations futures. Cette tradition orale donne lieu aujourd'hui à la publication de recueils toujours prisés par le grand public. On se contentera ici de mentionner :

• Eskimo Folktales. - L'une des collections les plus importantes. Elle comprend plusieurs volumes, chacun consacré aux traditions de l'Alaska, du Groenland et du Canada, et contenant une multitude d'histoires et de légendes. Beaucoup de ces histoires mettent en scène des esprits puissants et des créatures mythiques, et sont souvent utilisées pour enseigner des valeurs et des traditions culturelles.

• Yup'ik Eskimo Legends : Tales from the Delta. - Une autre anthologie importante, qui compile u n large éventail d'histoires et de légendes traditionnelles Yup'ik, traduites par l'anthropologue, linguiste et conteuse Betty Huffmon. 

•Tales from the Igloo. - L'un des recueils d'histoires inuit les plus connus, Ce livre, édité par Edward Field, contient un large éventail d'histoires traditionnelles inuites (mythes de la création, fables d'animaux et  histoires d'aventure et d'héroïsme). 

 â€¢ Arctic Voices,  Resistance at the Tipping Point (2013). - Une autre collection importante d'histoires inuites, éditée par Subhankar Banerjee, qui comprend des histoires et des poèmes d'écrivains inuit de l'Alaska, du Canada et du Groenland.

Littérature eskaléoute contemporaine.
Identité, préservation culturelle; défis posés par l'évolution rapide du monde. Tels les grands thèmes de la littérature eskaléoute contemporaine, que l'on voit désormais se déployer aussi bien dans la fiction, la poésie ou l'essai..
• Fiction et poésie. - La fiction (romans et nouvelles) est un genre relativement nouveau dans la littérature eskaloute, et ne remonte pas au-delà du XXe siècle. La poésie puise davantage ses racines dans la littérature orale traditionnelle et se caractérise souvent par son utilisation d'images vives et son lien avec le monde naturel

Parmi les auteurs de fictions, on retiendra ici deux assez représentatifs d'une littérature de plus en plus vivante aujourd'hui : Niviaq Korneliussen (née en 1990) et Alootook Ipellie (1951-2007). La première est l'une des écrivaines groenlandaises contemporaines les plus connues, dont le premier roman, intitulé Homo Sapienne, Last Night in Nuuk ou Crimson, selon les éditions, a été publié en 2014.  Elle y explore les thèmes de la sexualité et de l'identité chez les jeunes Groenlandais. Quant à Alootook Ipellie, qui était aussi un auteur de BD et un poète, il explorait de son côté  les intersections entre les cultures autochtones et non autochtones, ainsi que l'impact de la colonisation sur les communautés autochtones. Arctic Dreams and Nightmares (1993), son Å“uvre la plus célèbre est un recueil illustré par l'auteur de nouvelles et d'essais, qui reflètent ses expériences d'enfance dans l'Arctique et ses perspectives sur la vie contemporaine des Inuits.

Côté poésie, on peut mentionner : Taqralik Partridge (née en 1975), poétesse et chanteuse, qui prolonge la tradition orale et est l'auteure de plusieurs recueils de poèmes. Joan Naviyuk Kane (née en 1977),  poétesse et romancière inupiak, qui a publié plusieurs recueils de poèmes, dont Hyperboréal (2013), et des romans tels que The Straits (2015) et Milk Black Carbon (2017), qui traitent de la vie des femmes Inupiaq et leurs relations avec leurs communautés, leurs familles et leurs paysages.  Marie Meade (née en 1947), enfin, écrivaine et éducatrice yupik, auteur de plusieurs livres de poésie et de fiction.

•Essais, mémoires et récits historiques.Les essais, les mémoires et les récits historiques forment un corpus particulièrement foisonnant d'ouvrages donnant un aperçu des expériences des populations autochtones face à la colonisation et à la modernisation. Nommons :

+ Sheila Watt-Cloutier (née en 1953). - Auteure et militante inuite, dont l'essai The Right to Be Cold: One Woman's Story of Protecting Her Culture the Arctic and the Whole Planet (2015; trad. fr. Le droit au froid, 2019) est un récit puissant et profondément personnel de sa vie et de son travail.
+ William L. Iggiagruk Hensley (né en 1941). - Son œuvre la plus célèbre est Fifty Miles from Tomorrow, a memoir of Alaska and the real people (2008), est à l'image de ses autres écrits, où il relate ses expériences d'enfance dans une communauté yupik traditionnelle et les changements qui se sont produits dans cette société au cours du XXe siècle.


En bibliothèque. -  F. Laugrand et J. Oosten,  Inuit et Yupik : modes de vie, croyances et traditions. CNRS, 2011. -  C. Lefebvre, L'aléoute : Langue eskimo du Pacifique, L'Harmattan, 1998. S. Dubois, Langues et cultures de l'Alaska : entre tradition et modernité, L'Harmattan, 1996. - P. Jolicoeur, Éléments de morphologie du sédentaire de l'Alaska, Université de Montréal, 1995 - B. Saladin d'Anglure, Inuit ou les raisons de la parole, PUF, 1994.

M. Fortescue, Eskimo Grammar, C. Hurst & Co, 1990. - A. C. Woodbury, Eskimo and Aleut Languages. Handbook of North American Indians, vol. 5, Arctic, Smithsonian Institution, 1984.

 
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