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Le
sport
désigne d'une façon générale les exercices physiques qui mettent en
jeu les forces et l'énergie du corps, tout en développant certaines qualités
morales ; mais encore faut-il qu'ils aient le caractère d'un divertissement.
Le canotage est un sport ; nous n'appellerons pas sportif le batelier qui
dirige sa gondole à travers les canaux
de Venise. Quoique d'importation anglaise,
ce mot dérive d'une ancienne expression française : desport, desporter
signifiant « plaisir », « divertissement » et qui s'employait indifféremment
pour les jeux physiques ou les jeux de la parole. Rabelais,
le grand écrivain du XVIe siècle, a écrit
« Se desportaient [...] es près et jouaient à la balle, à la paume
».
Les sports dans
l'histoire.
Si le mot n'est
pas nouveau, la chose l'est moins encore.
En
Grèce.
C'est en Grèce
que l'on trouve un esprit vraiment sportif. Homère
rapporte déjà que l'on célébrait des jeux aux funérailles
des guerriers de marque. Plus tard, on mit un soin égal à former le corps
et l'esprit. Les lois de Solon obligeaient les
jeunes Athéniens à se livrer à la gymnastique.
Les enfants fréquentaient
de douze à dix-huit ans les palestres; dans les gymnases, ouverts à tous,
adolescents et hommes mûrs rivalisaient de force et d'adresse; c'est lÃ
que se formaient les athlètes (du grec athla = prix), qui devaient
prendre part aux grands concours nationaux.
La population de l'Hellade
tout entière se passionnait pour les jeux célébrés en grande pompe
à Olympie ,
à Athènes ,
dans l'isthme de Corinthe .
Les vainqueurs, ceints d'une couronne d'olivier ou d'une guirlande de feuilles
de pin, traversaient la Grèce
en triomphateurs; leur ville natale, fière de leur gloire, les accablaient
d'honneur; les poètes célébraient magnifiquement leurs exploits et ils
vivaient dans la mémoire des hommes à l'égal des plus sages législateurs
ou des plus habiles généraux.
Les athlètes
devaient exceller dans cinq exercices saut, lutte,
course,
lancement du disque et du javelot, qui, mettant: en action tous les muscles .
L'éducation physique, basée sur les principes de la thérapeutique, développait
la souplesse et la grâce autant que la force. Ce peuple, merveilleusement
artiste, qui plaçait ses jeux sous l'égide d'Aphrodite
et d'Apollon ,
éleva le sport à un degré de pureté et d'harmonie, qui n'a plus été
atteint et qui reste à nos yeux comme un magnifique idéal.
A
Rome.
La beauté grecque
fut remplacée par la brutalité romaine : les premiers Romains
pratiquèrent également le saut, la course,
le pugilat (boxe), la lutte
et généralement les exercices qui préparaient à la guerre, sans que
les enfants d'ailleurs fussent obligés de fréquenter les établissements
de gymnastique; mais on ne retrouve plus
la même culture complète et rationnelle, le même souci d'élégance.
Le peuple romain, amoureux
des fêtes, réclamait « panem et
circenses », le cirque aussi bien que le
pain. Pour ménager leur popularité, les consuls et empereurs
prirent la coutume de donner des jeux auxquels ne prenaient part active
que les professionnels. Peu à peu, la populace blasée et l'aristocratie
corrompue exigèrent des spectacles de sang.
Le rétiaire jetait
son vaste filet sur le mirmillon armé d'une courte épée. Des gladiateurs
à cheval, ou montés sur des chars, s'entretuaient dans les cirques. Des
galères se heurtaient dans les naumachies.
Puis ce furent les massacres en grand, des combats de bêtes féroces,
des centaines de captifs égorgés ou. livrés aux lions, aux panthères,
aux ours, des supplices raffinés, des repas de chair humaine sur les arènes,
arrosées d'eau de senteur, et aux acclamations d'une foule délirante.
Cette férocité indiquait la complète décadence des sports; quelques
particuliers se livraient au jeu de paume, Ã la
gymnastique;
mais l'idéal grec semblait perdu.
Le
Moyen Âge.
L'ancienne Gaule
connut des jeux assez brutaux; les Gaulois prenaient plaisir aux combats
singuliers. On vit Pépin le Bref, roi des
Francs, entrer dans une arène, où luttaient un lion et un taureau et
les abattre de son épée. Le roi n'est-il pas d'ailleurs, aux termes duRoman
de la Rose, « le plus ossu, le plus corsu ? »
Pendant tout le Moyen-Age ,
il fallait que chacun fût en mesure de défendre sa vie, continuellement
menacée. On se souciait alors fort peu de l'instruction, abandonnée aux
seuls moines; il ne s'agissait que d'être fort, le plus fort. Aussi les
nobles consacraient-ils la plus grande partie de leur temps à manier l'épée
à une ou à deux mains, la lance, la masse d'arme, tandis que le peuple
s'exerçait à l'arbalète, à l'arc, à la hallebarde, à l'épieu.
La chevalerie adoucit
les jeux et les transforma en divertissements luxueux, chantés par les
trouvères
et troubadours. Les tournois
mettaient en valeur la grâce et la vaillance des seigneurs; ceux-ci étaient
encouragés par la présence des dames dont ils portaient fréquemment
un gage sur leurs armures; il arrivait qu'un adversaire s'emparât de ces
gages qui pouvaient être renouvelés. On raconte qu'après un tournoi
« les dames s'en allaient les cheveux sur leurs épaules et leur cotte
sans manches, car toutes avaient donné aux chevaliers pour les parer,
et guimpes et chaperons, manteaux et camises, manches et habits»; lorsqu'elles
s'en aperçurent « elles en furent comme toutes honteuses, mais sitôt
qu'elles virent que chacun était dans le même état, elles se mirent
toutes à rire de leur aventure ».
Le jeu
de paume était très en faveur dans toutes les classes de la société.
On pratiquait alors la lutte; et les jeux de la
soule,
de la crosse, du mail.
Les
temps modernes.
La Renaissance
fit prédominer la culture intellectuelle sur la culture physique; les
siècles qui suivirent amenèrent la décadence des jeux, à l'exception
des jeux de hasard et des carrousels.
Pendant le XIXe siècle, on s'est
livré à l'équitation, du canotage, à la gymnastique.
Mais ce n'est guère que depuis les années 1880 que le sport a pris le
développement qui est toujours le sien aujourd'hui.
Les sports du
point de vue des sportifs.
Les sports, c'est-Ã -dire les jeux qui
donnent à l'exercice physique une part prépondérante, tiennent une grande
place dans la vie des enfants et encore aussi dans celle de beaucoup d'adultes.
On peut sans doute distinguer deux sortes de jeux physiques : ceux, comme
la gymnastique, les exercices de musculation,
voire le jogging, que l'on pratique avec des motivations qui tiennent Ã
la santé, à l'hygiène ou à l'esthétique, moins que dans une perspective
ludique, qui est celle des sports proprement dits. Mais il est assez
difficile de tracer la limite précise entre les exercices gymnastiques
et variantes, d'une part, et le jeu sportif, d'autre part, qui reproduit
la plupart des premiers : course, lutte,
saut,
etc., le mobile au final étant souvent dans les deux cas, quel que soit
l'habillage mental qu'on donne à son activité, l'amour-propre,
le désir d'affirmer une prééminence sur les concurrents ou camarades.
Le saut donne lieu à des combinaisons
peu variées, saut en hauteur ou en longueur. L'adresse à grimper
donne lieu à divers jeux d'enfants - dont celui, autrefois très pratiqué,
du mât de cocagne, offrant au haut du mât bien savonné un prix au plus
adroit grimpeur - et d'adultes - l'escalade.
Le jet d'un corps pesant, ordinairement
d'un disque ou d'un palet, est un sport répandu, soit qu'on se borne Ã
en faire une épreuve de vigueur en jetant le plus loin possible un disque
très lourd, un marteau, etc., soit qu'on le transforme en jeu d'adresse
en visant à atteindre un certain objet ou à s'en rapprocher le plus possible
: par exemple, dans le jeu du tonneau, du bouchon, de boules ou du cochonnet,
de quilles, etc. On y peut rattacher les innombrables variétés du jeu
de balle, de bille ou de paume, dont la vogue est
encore aussi vive qu'au temps de l'Odyssée ,
football,
rugby, tennis, cricket,
billard, etc.
Aux sports proprement dits se rattachent
les jeux militaires, inséparables des exercices militaires, attendu que
chacun de ceux-ci est pratiqué comme jeu par ceux qui en ont le goût.
A travers l'histoire, et dans beaucoup de sociétés, les jeux militaires
sont les plus ou même les seuls goûtés des adultes : escrime de l'épée
ou de la lance, tir de l'arc, etc. Aujourd'hui encore, l'escrime,
le tir sont des jeux très pratiqués. Au Moyen âge ,
les tournois ont tenu dans la vie des nobles
une très large place. Les carrousels qui leur
ont succédé n'en étaient qu'un pâle reflet.
Les seul jeu sanglant pratiqué aujourd'hui,
et qui puisse être assimilé aux jeux militaires, est la chasse. Parmi
les autres jeux cruels, notre époque ne connaît plus de combats sanglants
que ceux qui ont pour victimes des animaux, combats de coqs notamment en
Malaisie, combats de taureaux en Espagne ,
dans le Midi de la France
et en Amérique du Sud .
On peut rattacher à ces sports, la pêche de loisir.
Les sports du
point de vue des spectateurs.
Jusqu'ici nous nous sommes placés seulement
au point de vue de ceux qui prennent part au jeu. Mais il y en a un autre,
non moins important. En effet, dans presque tous les sports, le plaisir
est double : Ã celui des acteurs s'ajoute celui des spectateurs, lequel
devient dans une foule de cas le but principal du jeu. Il en résulte naturellement
de profondes modifications dans l'organisation de celui-ci, désormais
approprié au spectacle qu'il s'agit d'offrir. Une grande part du plaisir
tenant à l'incertitude du succès final, on tend à équilibrer les chances
de manière à ménager jusqu'au bout ce genre d'intérêt. D'autre part,
les jeux dégénèrent en véritables combats, d'autant plus passionnants
pour le spectateur, mais n'ayant plus rien de leur caractère primitif
pour les acteurs; ces derniers deviennent des professionnels qui vivent
du spectacle offert par eux aux badauds. Ainsi s'est développée depuis
un peu plus d'un siècle, à côté de l'industrie des saltimbanques,
des prestidigitateurs, des cirques
et à un degré plus intellectuel du théâtre
(danse, représentations scéniques, concerts,
etc.), celle du sport de compétition. Une industrie qui est aujourd'hui
à la base d'une économie florissante.
Les grandes rencontres sportives, jeux
olympiques, championnats divers, attirent de nos jours la plus grande affluence
de spectateurs; leur vogue dépasse celle des représentations scéniques
(théâtre, etc.). Les courses cyclistes et
de chevaux à l'époque contemporaine, ont un impact qui rappelle celui
des courses à pied et des courses de chars
dans l'Antiquité ;
la lutte, la boxe excitent encore l'enthousiasme de milliers de spectateurs,
comme autrefois les combats de gladiateurs,
qui furent le passe-temps favori des Romains.
Le football a, pour sa part, pris une importance
planétaire, dont on ne connaît pas de précédents. Ajoutons, qu'il existe
aussi, de façon plus ou moins importante selon les pays, un élément
supplémentaire, qui modifie complètement le caractère psychologique
du plaisir du jeu, le pari, même si celui-ci joue un bien plus grand rôle
dans les jeux d'intelligence que dans les sports. (H. Laurent).
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Michaël
Attali, Jean Saint-Martin, Dictionnaire culturel du sport,
Armand Colin, 2010.
Thierry
Terret, Histoire du sport, PUF (QSJ?), 2010. - Le
sport, tel que nous le concevons aujourd' hui, avec ses règles, ses techniques,
ses pratiques, et ses pratiquants, ses représentations et institutions,
ses records et ses valeurs trouve sa genèse dans l'Angleterre
en pleine révolution industrielle du XVIIIe siècle. Les pratiques plus
anciennes répondaient à des fonctions militaires, éducatives ou sacrées
et ne sauraient être assimilées aux logiques sportives contemporaines
qui oscillent entre traditions, poids du marché et enjeux politiques.
Depuis les public schools jusqu' à Zinédine Zidane, cet ouvrage retrace
l'histoire du sport et montre comment l'étude de ce qui constitue une
véritable culture de masse offre l'un des meilleurs miroirs de notre société.
(couv.).
Raymond Thomas, Histoire du sport, PUF (Que sais-je?), 2006.
- La signification du sport varie dans le temps
et dans l'espace. Les jeux, les activités
physiques de délassement pratiquées par un groupe social, font partie
intégrante des manières de vivre et de penser d'une société. Leur sens
et les valeurs qui y sont attachées ont beaucoup évolué au fil des civilisations.
Analyser le phénomène sportif conduit à en appréhender les dimensions
idéologiques, culturelles, économiques comme politiques. De l'Antiquité
à nos jours, cet ouvrage nous montre comment le sport est le reflet de
la société tout en participant à son évolution. (éd.).
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