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La barette

La barette est un jeu de balle au pied, qui était un peu l'équivalent français du football primitif, tel qu'il se jouait au XIXe siècle en Angleterre. Les règles de ce jeu n'ont jamais été absolument fixes, mais les différences portent surtout sur les détails, et le règlement que nous donnons peut être considéré comme un règlement classique.

Le nombre des joueurs est variable, de dix à quarante et plus, mais il doit toujours être pair. On forme deux camps égaux dont chacun est commandé par un capitaine. Le terrain est une esplanade sur laquelle on dessine avec des cordes, des pieux ou des guidons, soit même avec de simples raies tracées sur le sol, un parallélogramme de 150 m sur 65. Au milieu de chacun des petits côtés du rectangle on marque par une paire de poteaux plantés à 5,50 m l'un de l'autre les buts. D'un poteau à l'autre on tend horizontalement une corde à environ 4 m du sol. C'est par-dessus cette corde que l'on doit lancer le ballon pour qu'un coup soit considéré comme bon. Les lignes qui marquent les deux petits côtés du parallélogramme sont les lignes de but. Celles qui marquent les deux grands côtés sont les lignes de touche. L'intervalle délimité par les lignes s'appelle le champ.

Le ballon, ou barette, est ovoïde; il a 0,30 m de diamètre sur 0,38m. Il doit être extrêmement solide et il est d'ordinaire formé d'une vessie de caoutchouc ou d'une vessie de porc enfermée dans une forte gaine de gros cuir.

Les deux camps une fois formés, les capitaines tirent au sort le choix du côté (le côté du vent étant le meilleur), puis les deux partis se placent en avant de leur but respectif, en ordre dispersé, chacun ayant une avant-garde, un centre et une arrière-garde. Il faut envoyer la barette entre les poteaux et par-dessus la corde du but adverse, ce qui compte un point. La partie se compose de plusieurs reprises de trois points dans un temps fixé. Bien entendu, les conventions peuvent être différentes. Voici, brièvement résumées, les conditions du jeu. Le ballon ne doit jamais être lancé avec les mains, mais il peut être saisi, emporté et déposé au but. On peut le lancer de trois façons : 

1° en le posant à terre dans un petit creux et prenant un élan pour le frapper du pied; 

2° en le laissant tomber et le frappant du pied avant qu'il ait touché terre; 

3° en le laissant tomber à terre et le frappant du pied après un premier bond. Les joueurs étant en place, le capitaine du camp qui n'a pas eu le choix du côté pose la barette au milieu du champ et d'un coup de pied l'envoie vers le but adverse. 

Jusqu'à ce moment l'avant-garde des deux armées doit demeurer à au moins 10 m de la barette. Mais dès qu'elle a quitté le sol, les évolutions sont libres. Quand le ballon, du premier coup, franchit la ligne de touche, le coup est nul et doit être recommencé si la partie adverse l'exige. Il en est de même s'il est saisi par un adversaire derrière le but avant d'avoir touché terre. Le ballon une fois lancé correctement, chaque joueur doit s'efforcer de le faire passer derrière les deux poteaux de l'adversaire ou tout au moins derrière la ligne de but. Tous les moyens sont bons : on a le droit de lancer le ballon d'un coup de pied ou de le saisir et de l'emporter vers l'autre.

Les adversaires, de leur côté, poursuivent le ravisseur, tentent de lui couper le chemin, de l'arrêter. La poursuite dégénère souvent en pugilat, en véritables luttes corps à corps. Il est de tradition que celui qui atteint le fugitif se contente d'effleurer la barette en criant : Touché! Alors tout le monde s'arrête, le ballon est posé à terre et l'avantgarde des deux partis se plaçant en rond autour de lui, épaule contre épaule, la face vers le centre, forme le cercle. Le cercle se resserre, on pousse à qui mieux mieux, mais il est interdit de frapper volontairement le ballon avec le pied ou de le saisir avec les mains jusqu'à ce qu'il sorte en roulant de la masse compacte des joueurs. Dès qu'il est sorti, s'en empare qui peut et tâche de l'envoyer au but. 

Les joueurs doivent toujours se tenir entre la barette et leur camp, sans quoi on crie En place! et c'est un nouveau cas de cercle. Lorsqu'un joueur s'enfuyant avec le ballon et sur le point d'être pris, le lâche ou le lance autrement qu'avec le pied, on crie : A faux! et le camp adverse a droit à un coup franc. A cet effet, un des joueurs de ce camp prend la barette et la frappe du pied, debout sur le sol, tous les autres restant à 6 m de distance au moins. Pour faire le but d'emblée, en courant avec le ballon, il faut l'envoyer d'un coup de pied entre les poteaux à la hauteur voulue, ou bien il faut contourner le but et venir déposer le ballon entre les poteaux. Généralement, le coureur qui emporte le ballon n'arrive qu'à lui faire toucher terre au delà de la ligne du but. Ce faisant, il gagne un avantage, car il acquiert le droit de frapper un coup franc vers le but. Lorsque la barette a passé la ligne de but, chacun s'efforce de la saisir et de lui faire toucher terre le premier ce qui donne droit au coup franc. Si le joueur qui l'a saisie appartient au camp de ce côté, il fait vingt-cinq pas vers le camp ennemi et frappe son coup dans le même sens. 

Au cas contraire, on marque seulement quinze pas et le coup est envoyé vers le but auquel on a tourné le dos en marquant ces quinze pas. Si le ballon est lancé hors de la ligne de touche, qui peut le relève et le place au point où il a franchi la ligne. Tous les joueurs de son parti se rangent face à face devant lui sur deux rangs, de manière à former une sorte de couloir. Lui, choisissant bien son moment fait toucher terre au ballon et l'envoie vivement à l'un de ses partisans, ou encore, après une feinte, il l'emporte en courant vers le but tandis que les adversaires surveillent les joueurs qui forment couloir. Tout ,joueur qui saisit et arrête la barette au vol a droit à un coup franc. Pour compter un point, il faut que le ballon ait passé correctement le but; s'il a passé plus bas que la hauteur convenue on marque seulement une touche, ce qui correspond à un quart de point. Généralement, les deux camps changent de côté au milieu du temps assigné pour la partie.

Le capitaine a la haute direction de ses compagnons ; lui seul a le droit de parler au nom de l'équipe qu'il commande, d'élever des réclamations, de discuter un coup, d'en appeler aux arbitres (dans les matchs les équipes désignent chacune un arbitre). Pour les autres, le silence est de règle. D'autre part, le jeu exige une abnégation complète de soi-même; on joue pour son camp et non dans l'espoir, qui serait vain la plupart du temps, de briller personnellement.

La barette faisait partie du programme des épreuves du Lendit (Les Foires). Elle donnait lieu à des matchs animés entre les différentes écoles françaises et même à des luttes internationales. En avril 1892 et 1893, l'équipe du stade français a lutté avec désavantage contre l'équipe de football anglaise de Rosslyn Park, venue sous les auspices de l'ambassadeur d'Angleterre, lord Dufferin.

On a imaginé de jouer ce sport dans des piscines. Les règles sont à peu près les mêmes que pour la barette terrestre. Mais forcément les circonstances amènent des détails nouveaux. Ainsi on peut en plongeant et en nageant dans l'eau dissimuler le ballon, le porter vivement vers le camp ennemi, ou tromper les adversaires en le tenant entre les jambes et en s'avançant lentement vers le but. (GE).

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