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Des temps nouveaux
commencent; l'antique société s'écroule : et sur ses
débris qui vont cacher pendant des siècles ses lois et sa
littérature, l'Eglise seule reste debout.
Elle va permettre l'alliance entre les vieilles populations latines et
des nations jusqu'alors inconnues qui constituent les États modernes.
Cette transformation territoriale, politique et religieuse remplit tout
le Moyen âge qui commence à
la première grande invasion par le Wisigoth
Alaric et finit à la prise de Constantinople
par le sultan des Turcs, Méhémet
II (395-1453).
Dans le premier siècle du Moyen
âge, le Ve de l'ère commune,
l'Europe est à la merci des Barbares
: tout s'ébranle, tout s'émeut en Italie,
en Espagne, dans les Gaules,
dans les contrées germanique, dans le nord de l'Europe et jusqu'aux
confins de l'Asie.
Les deux empires romains, irrévocablement
séparés, ne sont pas gouvernés plus de soixante ans
par la famille de Théodose. De ses deux
petits-fils, l'un, Théodose Il, lâche, dissolu, vacillant
au milieu des sectes religieuses, tributaire du Hun
Attila, laisse du moins Ia compilation de lois qui porte le nom de Code
Théodosien; l'autre, en Occident, poignarde de sa main le général
Aétius, le seul défenseur qui restât
à l'Empire depuis la mort de
Stilicon. Rome, déjà
prise deux fois par Alaric et par Genséric,
qui ont dédaigné de la garder, voit à peine les empereurs
que lui imposent successivement des chefs de hordes barbares, jusqu'à
ce qu'elle devienne le camp des Hérules
qui effacent le titre d'empire d'Occident. L'élève des Grecs
de Constantinople, Théodoric le Grand,
qui commence, en Italie, une courte série de rois ostrogoths,
préfère à Rome une ville obscure du nord.
Constantinople n'a pas eu souvent des évêques
courageux comme Jean Chrysostome, sa mort
dans l'exil en fait presque un martyr. Les papes
s'arrogent le droit de châtier ceux qu'ils jugent mauvais princes,
leurs paroles ont la force d'armées en Italie. Léon
Ier a
épargné du moins à Rome les fureurs d'Attila,
qui venait d'ensanglanter les Gaules et la Vénétie.
L'histoire appelée byzantine s'ouvre
véritablement à la mort de Théodose II en Orient.
Après son successeur immédiat Marcien,
brave et prudent empereur, le trône de Constantinople s'affaisse
le nouveau sous des princes faibles ou pervers, et fougueux arbitres tes
questions dogmatiques.
C'est du Ve
siècle que datent plusieurs établissements des populations
barbares en Europe. Les Burgondes ou
Bourguignons viennent de la Germanie s'établir
sur la Saône
et le Rhône,
tandis que les Wisigoths s'emparent des
provinces situées entre les Pyrénées
et la Loire,
et bientôt d'une partie de l'Espagne,
où les ont suivis les Vandales,
qui se transportent ensuite avec Genséric en Afrique.
En Gaule, les peuples de l'Armorique, voisins
de l'océan Atlantique,
ont secoué le joug des Romains et ont formé une confédération.
Le pays du nord de la Loire a subi les courses des Francs
qui se fixent autour de Paris avec leur premier roi chrétien Clovis.
La Grande-Bretagne a aussi son invasion
germanique : les Saxons y viennent de la
Chersonèse cimbrique.
Les grandes catastrophes de l'Empire n'interrompent
pas le cours les disputes religieuses. Nestorius,
qui refuse à la vierge Marie le titre de
mère de Dieu, est condamné dans le
concile général d'Éphèse,
en 431. Celui de Chalcédoine (451)
censure Eutychès qui ne reconnaît
en Jésus-Christ qu'une seule nature. Les
prédestinatiens néconnaissent dans l'homme le libre
arbitre auquel, au contraire, les disciples de Pélage, combattus
par saint Augustin, et les semipélagiens
accordent une puissance que l'Eglise contestera.
La littérature
ne pouvait prospérer en de pareils temps. Le goût les études
se conservait dans les monastères
surtout en Gaule dans abbaye de l'île de Lérins
dont les pieux travaux ont été dépeints par saint
Eucher, évêque de Lyon.
On n'a à citer pour la langue latine
que les vers de Paulin de Nole, de Sidoine
Apollinaire, noble arverne dont les panégyriques et les lettres
révèlent les actions des empereurs et les moeurs des chefs
barbares, de Prosper d'Aquitaine, plus connu
par sa Chronique que par sa lutte poétique contre les semi-pélagiens;
ou les ouvrages en prose de Vincent de Lérins,
de Salvien, prêtre de Marseille,
qui a rudement flagellé les vices des Romains et ne les trouve pas
trop expiés par le fléau de l'invasion barbare; d'Hilaire
d'Arles et du pape Léon Ier.
L'histoire dogmatique de l'Espagnol Paul Orose
est empreinte de crédulité et de ferveur catholique. Les
annales la latinité classique se fermeront par le nom du poète
Claudien, qui est aussi loin de Virgile
qu'il imite que Théodose était loin d'Auguste.
Dans la langue grecque saint Cyrille
d'Alexandrie et Théodoret sont les
théologiens les plus fameux. L'histoire ecclésiastique donne
Philostorge, Socrate et Sozomène. Dans
la même langue dans les genres tout à fait profanes, on aperçoit
l'histoire de l'Arménie de Moïse
de Khorène, le lexique d'Hésychius
qui explique les mots les moins usités que l'on trouve dans les
auteurs grecs, celui d'Étienne de Byzance,
véritable dictionnaire de géographie et d'histoire, les extraits
de Stobée qui donnent des passages d'écrivains
anciens sur la physique et la morale, les commentaires d'Hieroclès
sur les vers dorés de Pythagore; et
les nombreux écrits du platonicien Proclus
qui fut, comme l'historien Zosime, ennemi de la
religion chrétienne. La guerre engagée par la théologie
contre la philosophie avait, dès le commencement du siècle,
coûté la vie à la fille du mathématicien Théon,
la savante et belle Hypatie. Bientôt les
ténèbres s'épaississent et l'on peut dater de cette
époque le Moyen âge de la philosophie. (Ch.
Dreyss). |
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