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La découverte du monde
L'exploration spatiale

Jalons
L'exploration spatiale, ce rêve millénaire de l'humanité de s'affranchir de la pesanteur terrestre et d'atteindre les étoiles, prend corps véritablement au début du XXe siècle. Ce n'est plus seulement une aspiration poétique ou philosophique, mais un objectif scientifique et technique. Des visionnaires comme Konstantin Tsiolkovsky en Russie, Robert Goddard aux États-Unis ou Hermann Oberth en Allemagne posent les bases théoriques de la propulsion par fusée et du vol spatial. Ils calculent, imaginent des engins capables de quitter notre atmosphère.

La Seconde Guerre mondiale, paradoxalement, accélère considérablement les recherches en matière de fusées, mais à des fins militaires. L'Allemagne nazie développe le missile balistique V-2 sous la direction de Wernher von Braun. Ce programme, bien que dévastateur, perfectionne grandement les technologies de propulsion et de guidage. À la fin du conflit, les Alliés récupèrent la technologie V-2 et, surtout, les scientifiques allemands qui la maîtrisaient, dont Von Braun lui-même, qui part pour les États-Unis.

La Guerre Froide qui s'installe immédiatement après la guerre entre les États-Unis et l'Union Soviétique crée un contexte unique pour l'exploration spatiale. Elle devient un nouveau champ de bataille, une vitrine technologique et idéologique entre les deux superpuissances. C'est le début de la course à l'espace.

Le 4 octobre 1957, l'URSS prend le monde de court en lançant Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l'histoire. Ce petit engin émettant de simples "bips" depuis l'orbite terrestre provoque un véritable choc aux États-Unis, le "moment Spoutnik". Il démontre la capacité soviétique à lancer des charges lourdes dans l'espace, ce qui implique aussi une capacité balistique intercontinentale. Moins d'un mois plus tard, l'URSS envoie Spoutnik 2 avec Laïka, une chienne, le premier être vivant en orbite, même si son destin est tragique. 

En réponse directe à ce défi, les États-Unis accélèrent leurs efforts. Après des tentatives initiales hésitantes,ils lancent enfin leur premier satellite, Explorer 1, en janvier 1958, marquant leur entrée officielle dans l'ère spatiale. Surtout, le président Dwight D. Eisenhower signe la loi qui fonde la National Aeronautics and Space Administration, la NASA, le 29 juillet 1958. L'agence ouvre officiellement ses portes le 1er octobre de la même année, absorbant l'ancienne National Advisory Committee for Aeronautics (NACA) et plusieurs autres programmes militaires et civils liés à l'espace. Sa mission est claire : mener des activités aéronautiques et spatiales civiles, promouvoir l'exploration pacifique de l'espace et assurer la suprématie américaine dans ce nouveau domaine. Les premières années voient la NASA se structurer et définir ses objectifs. 

La course à la Lune

Des hommes sur la Lune...
Face à cette série de succès soviétiques, le président américain John F. Kennedy prend une décision audacieuse dès mai 1961. Il ne propose pas simplement de rattraper l'URSS; il fixe un objectif si ambitieux qu'il galvanise le pays : envoyer un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf avant la fin de la décennie. C'est un défi énorme, risqué et coûteux, mais il donne une direction claire à la course spatiale américaine et engage des ressources considérables dans ce but unique. La course à l'espace a cédé la place à la course à la Lune. Le programme Apollo prend son envol.

Les deux nations se lancent alors dans des programmes titanesques. Aux Etats-Unis, le programme Mercury est lancé, visant à mettre un homme en orbite autour de la Terre. Sept pilotes d'essai militaires sont sélectionnés pour devenir les premiers astronautes américains, les "Mercury Seven". Ils subissent un entraînement rigoureux tandis que les ingénieurs développent les lanceurs et les capsules nécessaires.  Mais le 12 avril 1961, l'Union Soviétique marque un autre point décisif : Youri Gagarine devient le premier homme à voyager dans l'espace, effectuant une orbite autour de la Terre à bord de Vostok 1. C'est un triomphe majeur. Au mois de mai suivant, Alan Shepard, à bord de Mercury-Redstone 3, devient le premier Américain dans l'espace, ne réalisant cependant qu' un vol suborbital. Il faudra attendre février 1962, pour que John Glenn réalise le premier vol orbital américain. 

Ces succès, bien que tardifs par rapport aux Soviétiques, prouvent malgré tout la capacité des États-Unis à envoyer des humains dans l'espace. Le programme Gemini qui succède au programme Mercury vise à maîtriser les techniques de rendez-vous, d'amarrage, et les sorties extravéhiculaires – autant de compétences indispensables pour une mission lunaire. Ils conçoivent des lanceurs de plus en plus puissants, culminant avec la fusée géante Saturn V. Des milliers d'ingénieurs, de techniciens et de scientifiques travaillent sans relâche, repoussant les limites de la connaissance et de la technologie. Côté soviétique, l'équipe dirigée par le légendaire ingénieur en chef Sergueï Korolev travaille également à marche forcée sur son propre programme lunaire habité, impliquant un lanceur lourd (le N1) et des vaisseaux spatiaux complexes. Cependant, le programme soviétique est souvent ralenti par des rivalités internes, des problèmes de financement et des défaillances techniques. Malgré cela, ils continuent d'accumuler les premières en orbite terrestre (la première femme dans l'espace, Valentina Terechkova; la première sortie extravéhiculaire, Alexeï Leonov) et explorent la Lune avec leurs sondes Luna.

Mais la course est aussi semée de tragédies. En janvier 1967, un incendie lors d'un test au sol à bord du module de commande Apollo 1 coûte la vie aux astronautes Gus Grissom, Ed White et Roger Chaffee. C'est un coup terrible pour le programme américain, entraînant une pause d'un an et des modifications de sécurité majeures. Plus tard la même année, le cosmonaute soviétique Vladimir Komarov périt lorsque le parachute de sa capsule Soyouz 1 ne s'ouvre pas correctement lors du retour sur Terre. Ces pertes rappellent au monde entier les dangers extrêmes de l'exploration spatiale. Par ailleurs, le développement du lanceur N1 est miné par des échecs catastrophiques lors des essais en vol, compromettant sérieusement leurs chances d'atteindre la Lune avant les Américains.

Malgré les revers, les programmes avancent. Les sondes automatiques des deux pays explorent la surface lunaire, testent des techniques d'atterrissage, et renvoient des images précieuses. En décembre 1968, alors que la décennie tire à sa fin, les États-Unis réalisent un coup d'éclat majeur et inattendu : Apollo 8, emportant Frank Borman, Jim Lovell et William Anders, quitte l'orbite terrestre pour devenir les premiers humains à orbiter autour de la Lune. Ils transmettent des images spectaculaires de la surface lunaire et de la Terre vue de loin, offrant un moment de paix et d'unité en pleine Guerre Froide, et prouvant que les Américains sont capables d'atteindre leur objectif lunaire. Les missions Apollo 9 et 10 suivent, testant le module lunaire en orbite terrestre puis lors d'une répétition générale en orbite lunaire.

Le moment décisif arrive en juillet 1969. Le lanceur géant Saturn V s'arrache du pas de tir en Floride, emportant la mission Apollo 11. À bord, Neil Armstrong, Edwin "Buzz" Aldrin et Michael Collins. Ils voyagent pendant trois jours vers la Lune. Collins reste en orbite à bord du module de commande Columbia, seul homme de l'histoire à se trouver aussi isolé. Armstrong et Aldrin descendent vers la surface lunaire à bord du module lunaire Eagle. Après une descente tendue, le module se pose dans la Mer de la Tranquillité le 20 juillet 1969. Quelques heures plus tard, Neil Armstrong sort du module et pose le pied sur la surface lunaire. Ses mots résonnent à travers le monde : "C'est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l'humanité." Buzz Aldrin le rejoint peu après. Ils plantent le drapeau américain (non pas comme une revendication territoriale, mais comme un symbole de l'accomplissement américain), collectent des échantillons de roche et prennent des photographies. Des centaines de millions de personnes sur Terre suivent l'événement en direct à la télévision, fascinées par ce jalon de l'histoire humaine. Les deux astronautes remontent ensuite vers le module de commande, retrouvent Collins, et entament le voyage de retour, s'achevant par un amerrissage réussi dans l'océan Pacifique.

Les États-Unis ont gagné la course à la Lune. Côté soviétique, le programme lunaire habité, battu et miné par les échecs du N1, est discrètement abandonné. L'URSS se concentre sur d'autres objectifs spatiaux, réussissant notamment des retours d'échantillons lunaires robotiques (Luna 16, 20, 24) et déployant des rovers télécommandés (Lunokhod), ce qui démontre au moins une expertise dans le domaine de la robotique spatiale. Les États-Unis continuent le programme Apollo. Ils envoient cinq autres missions se poser sur la Lune (Apollo 12 à 17), permettant une exploration scientifique plus approfondie, avec, notamment, l'utilisation de véhicules lunaires.

La course à la Lune, née de la rivalité de la Guerre Froide, s'achève avec un triomphe américain, mais elle propulse l'humanité au-delà de ses frontières terrestres comme jamais auparavant. Elle stimule l'innovation technologique et reste un témoignage éclatant de ce que l'ingéniosité humaine peut accomplir lorsqu'elle est poussée par une ambition audacieuse. L'empreinte de Neil Armstrong sur la poussière lunaire symbolise le premier pas de l'humanité sur un autre monde.

La diversification des acteurs

Au fil du temps, d'autres acteurs ont émergé sur la scène spatiale mondiale. L'Europe, via l'Agence Spatiale Européenne (ESA) créée en 1975, développe sa propre famille de lanceurs : les fusées Ariane deviennent un acteur majeur du lancement de satellites commerciaux. Le Japon et la Chine développent également leurs programmes spatiaux nationaux, lancent leurs propres satellites et développent leurs technologies de fusées. L'Inde crée l'ISRO (Indian Space Research Organisation) et commence aussi à développer ses propres lanceurs et satellites.
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L'Agence spatiale européenne (ESA)

L'aventure spatiale européenne, telle que nous la connaissons aujourd'hui, prend ses racines dans les années 1960. L'Europe observe alors les États-Unis et l'Union Soviétique progresser à pas de géant dans la conquête de l'espace. Il devient évident qu'une action concertée est nécessaire pour que le continent ne soit pas laissé pour compte. C'est dans ce contexte que deux organisations voient le jour : l'ESRO (European Space Research Organisation), axée sur les satellites scientifiques, et l'ELDO (European Launcher Development Organisation), dont l'objectif est de doter l'Europe de ses propres lanceurs. L'ESRO accumule des succès dans le domaine des satellites et des missions scientifiques, tandis que l'ELDO rencontre des difficultés considérables avec son programme de lanceur Europa. Les échecs de l'ELDO et la volonté d'avoir une approche plus globale et efficace mènent à la décision de fusionner ces deux entités.

Le 30 mai 1975, l'Agence Spatiale Européenne (ESA) est officiellement créée, reprenant et élargissant les mandats de l'ESRO et de l'ELDO. Son objectif est de permettre à l'Europe de développer et de maintenir ses capacités dans le domaine spatial, pour la science et les applications, en promouvant la coopération entre les États membres. L'une des premières et des plus cruciales missions de l'ESA est d'assurer l'indépendance européenne pour l'accès à l'espace. C'est le début du programme Ariane. Conçu pour être fiable et compétitif, le premier lanceur de la série, Ariane 1, décolle avec succès depuis le Centre Spatial Guyanais (CSG) à Kourou en décembre 1979. C'est un tournant majeur. La famille Ariane évolue rapidement (Ariane 2, 3, 4) et devient un leader mondial sur le marché du lancement de satellites commerciaux. Ariane 4, en particulier dans les années 1990, est le cheval de bataille de l'Europe spatiale. Par la suite, le lanceur lourd Ariane 5 est développé pour répondre aux besoins de satellites toujours plus massifs, suivi plus récemment par Ariane 6 et le lanceur léger Vega pour compléter la gamme.

Parallèlement au développement des lanceurs, l'ESA se distingue dans de nombreux autres domaines. La science spatiale est une priorité héritée de l'ESRO. L'agence lance des missions qui repoussent les frontières de la connaissance. On pense notamment à Giotto, qui survole la comète de Halley, Hipparcos, le précurseur de l'astrométrie spatiale, ou SOHO, qui étudie le Soleil. L'ESA est un partenaire majeur du télescope spatial Hubble, contribuant à ses instruments et à son lancement, puis un partenaire clé du James Webb Space Telescope. Des missions audacieuses explorent le Système solaire : Mars Express et Venus Express étudient les planètes voisines, Huygens atterrit sur Titan (lune de Saturne), Rosetta escorte et atterrit sur une comète, BepiColombo se dirige vers Mercure, et JUICE vise l'exploration des lunes glacées de Jupiter. Des observatoires comme Planck et Euclid sondent l'univers primordial et la matière sombre.

L'observation de la Terre est un autre pilier de l'ESA. Les satellites Météosat fournissent des données météorologiques vitales (aujourd'hui opérés par EUMETSAT). Les missions ERS et Envisat sont pionnières. Le programme Copernicus, avec sa constellation de satellites Sentinels, offre une surveillance sans précédent de l'environnement terrestre et de ses changements, fournissant des données cruciales pour la science, la gestion des ressources et la réponse aux catastrophes.

Dans le domaine des applications, l'ESA soutient le développement de satellites de télécommunications et, plus récemment, joue un rôle central dans le développement du système de navigation par satellite européen Galileo, offrant une alternative européenne indépendante au GPS.

L'ESA est également un acteur majeur du vol spatial habité. Après le programme Spacelab, l'Europe devient un partenaire à part entière de la Station Spatiale Internationale (ISS), construisant et fournissant le module laboratoire Columbus ainsi que les véhicules de ravitaillement automatiques (ATV). Des astronautes européens volent et séjournent régulièrement à bord de l'ISS, menant des recherches scientifiques et contribuant à l'exploitation de la station. L'Europe participe aux futurs programmes d'exploration habitée, notamment le programme Artemis pour le retour sur la Lune, en fournissant le module de service européen de la capsule Orion.

L'ESA est une organisation intergouvernementale unique, financée par les contributions de ses États membres. Elle gère des installations clés réparties sur le continent : le centre technique ESTEC aux Pays-Bas, le centre de contrôle ESOC en Allemagne, le centre de formation des astronautes EAC en Allemagne, le centre de données ESRIN en Italie, et le port spatial de l'Europe au Centre Spatial Guyanais à Kourou, en Guyane française.

Dans les années 1980, les États-Unis introduisent une nouvelle ère avec le programme de la Navette Spatiale (Space Shuttle). C'est le premier véhicule spatial partiellement réutilisable, conçu pour faciliter l'accès à l'orbite et construire des structures en apesanteur. Les navettes (Columbia, Challenger, Discovery, Atlantis, Endeavour) effectuent de nombreuses missions, mais le programme est marqué par deux tragédies majeures, l'explosion de Challenger au décollage en 1986 et celle de Columbia lors du retour en 2003, qui rappellent les risques inhérents au vol spatial.

Après la chute du mur de Berlin et la fin de la Guerre Froide, la coopération spatiale prend une nouvelle dimension. Les États-Unis et la Russie (héritière du programme spatial soviétique avec sa station Mir, occupée presque continuellement pendant 15 ans) s'unissent, avec d'autres partenaires internationaux (Canada, Japon, Europe via l'ESA), pour construire la Station Spatiale Internationale (ISS). L'assemblage de l'ISS commence en 1998 et s'achève en grande partie dans les années 2010. L'ISS devient un laboratoire orbital permanent, accueillant des équipages internationaux en rotation continue.

Le XXIe siècle voit l'exploration spatiale s'étendre et se transformer. La Chine émerge comme une puissance spatiale majeure et indépendante. Elle lance son programme de vols habités, le programme Shenzhou, envoyant son premier taïkonaute, Yang Liwei, dans l'espace en 2003. La Chine développe également son propre système de navigation Beidou, lance des missions lunaires ambitieuses (programme Chang'e, incluant des atterrisseurs et des missions de retour d'échantillons, y compris sur la face cachée de la Lune) et réussit l'envoi d'une sonde et d'un rover sur Mars (Tianwen-1 et Zhurong en 2021). Elle construit actuellement sa propre station spatiale modulaire, Tiangong.

L'Inde réalise des avancées significatives avec ses missions lunaires Chandrayaan et sa mission d'exploration martienne Mangalyaan, devenant la première nation asiatique à atteindre l'orbite de Mars dès sa première tentative. Le Japon explore les astéroïdes avec ses missions Hayabusa. L'ESA poursuit ses missions scientifiques vers les comètes (Rosetta), Mars (Mars Express, ExoMars) et cartographie la Galaxie (Gaia).

Une évolution majeure de l'ère actuelle est l'essor de l'industrie spatiale privée. Des entreprises comme SpaceX, fondée par Elon Musk, révolutionnent le secteur des lanceurs avec leurs fusées Falcon réutilisables, faisant considérablement baisser les coûts d'accès à l'espace. SpaceX développe le vaisseau spatial Crew Dragon, capable de transporter des astronautes vers l'ISS, mettant fin à la dépendance américaine vis-à-vis des fusées russes Soyouz pour les vols habités après l'arrêt du programme Navette en 2011. SpaceX travaille également sur le gigantesque système Starship, conçu pour des voyages interplanétaires, notamment vers Mars, avec l'ambition de coloniser la planète rouge. D'autres entreprises comme Blue Origin ou Virgin Galactic explorent le tourisme spatial et développent leurs propres lanceurs.

Aujourd'hui, l'exploration spatiale ne se limite donc plus à la rivalité de deux pays. C'est un effort mondial, impliquant des agences spatiales gouvernementales, des institutions scientifiques, et un nombre croissant d'entreprises privées. Les objectifs sont ambitieux : retour d'astronautes sur la Lune via le programme Artemis mené par la Nasa avec des partenaires internationaux et privés, construction de bases lunaires, envoi de missions habitées vers Mars, exploration poussée des lunes glacées du système solaire à la recherche de vie (Europa Clipper), défense planétaire contre les astéroïdes (mission DART), et l'observation toujours plus précise de l'univers lointain avec de nouveaux télescopes spatiaux comme le James Webb Space Telescope.

La diversité des objectifs

Après que l'objectif lunaire ait été atteint, l'exploration spatiale a évolué. La concurrence laisse place à une certaine forme de coopération, symbolisée par le projet d'amarrage Apollo-Soyouz en 1975. Puis les objectifs se sont diversifiés :

Les stations spatiales.
L'idée de s'établir dans l'espace, d'y bâtir un avant-poste permanent, avait germé dans les esprits bien avant que la technologie ne le permette. Constantin Tsiolkovsky au début du XXe siècle, Hermann Oberth, ou Wernher von Braun dans les années 1920 et 1930, avaient déjà imaginé des stations orbitales, des bases pour l'exploration future, des laboratoires uniques. C'était encore un rêve audacieux, cantonné longtemps aux romans de science-fiction et aux études théoriques.

Puis, au coeur de la Guerre Froide, la course à l'espace donne un élan concret à ce concept. Tandis que les deux superpuissances rivalisent pour envoyer l'homme sur la Lune, l'idée d'une présence prolongée en orbite Terre basse s'impose comme une étape logique et nécessaire. L'URSS est la première à concrétiser ce rêve.

En 1971, l'Union Soviétique lance Saliout 1, la toute première station spatiale de l'histoire. C'est une station monobloc, lancée complète, conçue principalement pour des recherches scientifiques et des observations militaires. Son histoire est courte et marquée par une tragédie, l'équipage de Soyouz 11 périssant lors de son retour sur Terre. Mais le programme Saliout ne s'arrête pas là. Plusieurs autres stations Saliout se succèdent au cours des années 1970 et 1980, numérotées de 2 à 7. Les Soviétiques apprennent à maîtriser les séjours de longue durée, à effectuer des réparations dans l'espace, et à opérer des rendez-vous et amarrages complexes. Saliout 7, notamment, est une station robuste qui accueille plusieurs missions et démontre la capacité à ramener à la vie une station "morte" grâce à une mission de réparation audacieuse.

Parallèlement, les États-Unis développent leur propre projet : Skylab. Lancée en 1973, et construite à partir d'un étage de fusée Saturn V modifié, la station Skylab est beaucoup plus volumineuse que les premières Saliout. Elle offre un espace habitable et de travail sans précédent. Trois équipages successifs y séjournent, menant d'importantes expériences sur l'adaptation du corps humain à l'absence de gravitation sur des périodes allant jusqu'à 84 jours (un record à l'époque), et réalisant des observations astronomiques et terrestres. Skylab est un succès technique et scientifique, mais ela station n'est pas conçue pour être ravitaillée ou agrandie, et elle termine sa vie en retombant dans l'atmosphère en 1979.

L'URSS, forte de l'expérience Saliout, franchit une étape majeure avec la station Mir. Lancée en 1986, Mir n'est pas un simple laboratoire orbital, mais le noyau d'une station modulaire. Au fil des ans, différents modules (pour la recherche, l'habitation, l'amarrage) y sont ajoutés, permettant à la station de grandir et d'évoluer. Mir devient la première station habitée en permanence (ou presque) pendant de très longues périodes. Des cosmonautes soviétiques, puis russes, y établissent des records de durée de séjour, dépassant un an. Mir est un symbole de la capacité soviétique, puis russe, à maintenir une présence humaine durable dans l'espace. 
La fin de la Guerre Froide ouvre la voie à une ère nouvelle : celle de la coopération internationale dans l'espace. Mir accueille également des astronautes internationaux, notamment américains dans le cadre du programme Shuttle-Mir, prélude à une collaboration encore plus vaste. L'idée d'une grande station spatiale multinationale prend forme. Le projet américain de station Freedom, envisagé dans les années 1980, est revu et redimensionné pour inclure la Russie, l'Europe, le Japon et le Canada. C'est ainsi que naît le projet de la Station Spatiale Internationale, l'ISS.

La construction de l'ISS est une prouesse sans précédent. Elle commence en 1998 avec le lancement du premier module russe, Zarya. Au cours des années suivantes, une multitude de modules et de structures (poutres, panneaux solaires, radiateurs) sont lancés par des fusées russes Soyouz et Proton, et surtout par les navettes spatiales américaines, puis assemblés en orbite grâce à de complexes opérations robotiques et des sorties extravéhiculaires par des astronautes de différentes nationalités. L'ISS devient opérationnelle et accueille un équipage permanent à partir de novembre 2000. C'est le plus grand objet jamais construit par l'humain dans l'espace, un complexe orbital immense, visible à l'oeil nu depuis la Terre. Elle sert de laboratoire unique pour des recherches en microgravité dans des domaines comme la biologie, la physique, la médecine, la science des matériaux, et d'observatoire pour la Terre et l'univers. Elle est le lieu de vie et de travail d'équipages internationaux qui se relaient tous les six mois environ, démontrant une coopération pacifique dans un environnement extrême. Pendant que l'ISS s'agrandit et fonctionne, la station Mir, vieillissante, est finalement désorbitée en 2001, retombant de manière contrôlée dans l'océan Pacifique.

Dans les années 2010 et 2020, un nouvel acteur majeur émerge, on l'a vu, dans le domaine des stations spatiales : la Chine. Développant son propre programme spatial habité, la Chine lance d'abord des laboratoires orbitaux de taille plus modeste, Tiangong-1 (2011) et Tiangong-2 (2016), pour maîtriser les technologies de rendez-vous, d'amarrage et de vie en orbite. Puis, elle entreprend la construction de sa propre grande station spatiale modulaire, officiellement nommée Tiangong ( = Palais Céleste). Le module central Tianhe est lancé en 2021, suivi par les modules laboratoire Wentian et Mengtian en 2022. La station Tiangong devient pleinement opérationnelle, accueillant ses propres équipages de taïkonautes (mot équivalent à celui d'astronautes utilisé aux Etst-Unis et de cosmonautes en URSS/Russie) pour des missions de longue durée et menant des expériences scientifiques de manière indépendante.

Aujourd'hui, deux stations spatiales principales orbitent autour de la Terre et sont habitées en permanence : l'ISS, symbole de la coopération internationale depuis plus de vingt ans, et la station chinoise Tiangong. L'humanité maintient ainsi une présence continue dans l'espace, héritière des rêves pionniers et des efforts acharnés des décennies passées, explorant les possibilités de vie et de travail au-delà de notre planète bleue. D'autres projets, commerciaux ou nationaux, sont envisagés pour l'avenir, assurant que l'histoire des stations spatiales est loin d'être terminée.

Les sondes interplanétaires.
L'ère de l'exploration interplanétaire s'ouvre véritablement dans les années 1960, portée par la rivalité et l'ambition des États-Unis et de l'Union Soviétique. La fascination pour les autres mondes pousse à concevoir des engins capables de quitter l'orbite terrestre, une prouesse technique immense à l'époque. Les premières tentatives visent notre plus proche voisine, Vénus. L'Union Soviétique lance la série Venera, tandis que les États-Unis développent les sondes Mariner. Venera 1 est la première à tenter le voyage en 1961, mais le contact est perdu. C'est finalement Mariner 2 qui réalise le premier survol réussi d'une autre planète en 1962, frôlant Vénus et confirmant qu'elle est un monde extrêmement chaud et doté d'une atmosphère dense, riche en dioxyde de carbone. Ces premières missions, souvent entachées d'échecs retentissants dus à la complexité et aux limites technologiques, posent néanmoins les jalons.

Mars devient rapidement la deuxième cible privilégiée. Moins hostile que Vénus, elle attise les espoirs de vie, alimentés par les observations télescopiques des siècles précédents. Mariner 4, en 1965, effectue le premier survol de Mars, renvoyant des images décevantes d'un monde criblé de cratères, apparemment sec et stérile, brisant l'illusion des canaux martiens. Mariner 6 et 7 suivent en 1969, affinant notre vision de la surface. L'Union Soviétique envoie également ses premières sondes Mars, mais les succès sont mitigés. C'est avec Mars 3, en 1971, que l'URSS réussit le premier atterrissage en douceur sur la planète rouge, bien que l'émetteur ne fonctionne que quelques secondes après s'être posé. La même année, Mariner 9 devient la première sonde à se placer en orbite autour d'une autre planète, cartographiant Mars et révélant des caractéristiques géologiques spectaculaires comme l'immense canyon Valles Marineris et les grands volcans de Tharsis.

Le désir d'explorer les confins du Système solaire émerge ensuite. Les sondes Pioneer 10 et 11 sont les premières à s'aventurer au-delà de la ceinture d'astéroïdes. Pioneer 10 survole Jupiter en 1973, tandis que Pioneer 11 fait de même en 1974, puis continue sa route vers Saturne qu'elle atteint en 1979. Elles ouvrent la voie aux missions les plus emblématiques de cette époque, les Voyagers. Lancées en 1977, les sondes Voyager 1 et 2 profitent d'un alignement planétaire rare, une fenêtre d'opportunité unique qui permet un "Grand Tour" grâce à l'assistance gravitationnelle des planètes géantes. Voyager 1 survole Jupiter (1979) puis Saturne (1980), avant de se diriger vers l'extérieur du Système solaire. Voyager 2 suit un chemin encore plus audacieux, visitant Jupiter (1979), Saturne (1981), Uranus (1986) et Neptune (1989), révélant des lunes et des anneaux inconnus, transformant notre compréhension de ces mondes lointains. Elles continuent aujourd'hui leur voyage dans l'espace interstellaire.

Parallèlement, l'exploration des planètes internes se poursuit avec des objectifs plus complexes. Vers Vénus, les sondes soviétiques Venera réalisent des exploits remarquables : Venera 7 (1970) est la première à atterrir sur Vénus et à transmettre des données depuis sa surface, suivie par d'autres qui renvoient des images (Venera 9, 10) et analysent le sol (Venera 13, 14). Les États-Unis lancent la mission Pioneer Venus (1978), composée d'un orbiteur et de sondes atmosphériques. Plus tard, l'orbiteur Magellan (1990-1994) réalise une cartographie radar quasi complète de la surface vénusienne à travers son épaisse couverture nuageuse.

L'exploration de Mars prend un tournant majeur avec les missions Viking (1975-1983). Deux orbiteurs et deux atterrisseurs sont envoyés. Les atterrisseurs Viking 1 et 2 se posent en 1976 et mènent des expériences sophistiquées pour détecter la vie, dont les résultats restent ambigus mais appuient un scénario sans organismes vivants à la surface. Les orbiteurs fournissent des images globales haute résolution, renforçant l'idée d'un passé plus chaud et humide.

Mercure, la planète la plus proche du Soleil, est visitée pour la première fois par Mariner 10 (1974-1975) qui utilise l'assistance gravitationnelle de Vénus pour l'atteindre. Elle réalise trois survols, permettant de cartographier environ la moitié de sa surface et de découvrir son faible champ magnétique.

Dans les années 1990 et 2000, l'exploration se diversifie et devient plus ciblée. Les missions vers Mars se multiplient avec un accent mis sur la recherche de l'eau, passée ou présente. Mars Global Surveyor (1997-2006) depuis l'orbite, Mars Pathfinder (1997) avec le premier petit rover Sojourner, Mars Odyssey (depuis 2001), les rovers Spirit et Opportunity (2004-2018) qui trouvent des preuves que de l'eau liquide a interagi avec les roches, Mars Reconnaissance Orbiter (depuis 2006) avec sa caméra haute résolution, et le Phoenix lander (2008) qui détecte de la glace d'eau directement dans le sol.

L'exploration des géantes gazeuses se poursuit avec des missions dédiées. Galileo (1989-2003) est le premier orbiteur de Jupiter, étudiant ses lunes et sa magnétosphère pendant des années, et y envoyant une sonde atmosphérique. La mission Cassini-Huygens (1997-2017), une collaboration majeure entre la NASA, l'ESA et l'ASI, révolutionne notre connaissance de Saturne et de ses lunes. L'orbiteur Cassini étudie le système saturnien pendant treize ans, et le module Huygens, développé par l'ESA, réussit un atterrissage spectaculaire sur Titan, la plus grande lune de Saturne, en 2005, révélant un monde fascinant avec des lacs de méthane liquide et une atmosphère dense.

Les petits corps du Système solaire, astéroïdes et comètes, deviennent aussi des cibles d'intérêt majeur, considérés comme des vestiges de la formation planétaire. La sonde Giotto de l'ESA survole la comète de Halley en 1986. NEAR Shoemaker (1996-2001) est le premier engin à se mettre en orbite autour d'un astéroïde (Éros) et à y atterrir. La mission américaine Deep Impact (2005) crée un cratère sur la comète Tempel 1 pour étudier sa composition. La mission japonaise Hayabusa (2003-2010) est la première à ramener un échantillon d'astéroïde (Itokawa) sur Terre, un exploit répété avec plus de succès par Hayabusa2 (2014-2020) depuis l'astéroïde Ryugu, et par la mission américaine OSIRIS-REx (lancée en 2016) qui rapporte des échantillons de Bennu en 2023. La sonde Dawn (2007-2018) explore deux corps majeurs de la ceinture d'astéroïdes : Vesta puis la planète naine Cérès, devenant la première mission à orbiter deux destinations différentes.

L'exploration solaire concerne aussi l'étude du  Soleil. Des sondes comme Helios (germano-américaine, années 1970), Ulysses (ESA/NASA, années 90-2000) qui survole les pôles solaires, la Parker Solar Probe (NASA, depuis 2018) qui bat des records de proximité avec le Soleil, et Solar Orbiter (ESA/NASA, depuis 2020) qui combine vues du Soleil et analyse de son environnement, étudient notre étoile et l'héliosphère depuis des points de vue uniques.

Dans les années 2010 et 2020, l'exploration continue de s'intensifier. New Horizons (lancée en 2006) réalise le premier survol de Pluton et de ses lunes en 2015, révélant un monde étonnamment actif, puis continue vers la ceinture de Kuiper pour survoler Arrokoth en 2019. Mercure reçoit la visite de MESSENGER (NASA, 2004-2015), le premier orbiteur de la planète, qui cartographie toute sa surface et analyse sa composition. La mission conjointe ESA-JAXA BepiColombo (lancée en 2018) est en route pour Mercure, avec deux orbiteurs distincts pour l'étudier sous différents angles.

Sur Mars, l'ère des rovers géants débute avec Curiosity (lancé en 2011) qui explore le cratère Gale à la recherche d'environnements habitables passés, trouvant des preuves qu'un lac existait il y a des milliards d'années. Perseverance (lancé en 2020), un rover encore plus sophistiqué, explore le cratère Jezero, collectant des échantillons en vue d'un futur retour sur Terre et testant des technologies pour l'exploration future, dont un hélicoptère, Ingenuity, qui réalise les premiers vols motorisés sur une autre planète. La Chine entre également dans l'exploration interplanétaire avec succès, notamment avec sa mission Tianwen-1 (lancée en 2020) qui comprend un orbiteur, un atterrisseur et un rover (Zhurong) sur Mars, réalisant un succès complet dès sa première tentative.

L'exploration des lunes glacées des planètes externes, considérées comme des candidates potentielles pour la vie sous leur croûte de glace, devient une priorité. La mission Juno (lancée en 2011) se met en orbite polaire autour de Jupiter pour étudier sa structure interne et sa magnétosphère, offrant également des survols rapprochés de sa lune Io. Des missions futures comme Europa Clipper (NASA, en développement) pour explorer la lune Europa de Jupiter, et Juice (ESA, lancée en 2023) pour étudier Jupiter et ses lunes glacées Europe, Ganymède et Callisto, sont en route ou en préparation.

Les télescopes spatiaux.
L'idée de s'affranchir de l'atmosphère terrestre pour observer l'univers est née de la frustration des astronomes. Cette épaisse couche d'air, si essentielle à la vie, absorbe la majeure partie du rayonnement électromagnétique, des rayons gamma aux ondes radio lointaines, et déforme même la lumière visible, la faisant scintiller. Voir clairement l'univers implique de s'élever au-dessus de ce voile. Les premières tentatives concrètes remontent aux années 1940 et 1950, lorsque des instruments sont embarqués à bord de fusées pour de brefs survols au-dessus de l'atmosphère.

Mais l'ère spatiale, inaugurée avec les premiers satellites, ouvre véritablement la voie. Dans les années 1960, les États-Unis lancent la série des Orbiting Astronomical Observatory (OAO), des pionniers ambitieux visant l'observation dans l'ultraviolet. Le chemin est difficile, marqué par des échecs, mais OAO-2, lancé en 1968, réussit à cartographier le ciel UV, montrant la promesse de cette nouvelle perspective. Une autre fenêtre énergétique, les rayons X, s'ouvre simultanément. En 1970, le petit satellite Uhuru (SAS-1), fruit d'une collaboration entre les États-Unis et l'Italie, réalise la toute première cartographie du ciel en rayons X, révélant un univers violent et jusqu'alors invisible, peuplé de sources compactes et de restes de supernovae.

Les années 1970 voient d'autres missions pionnières diversifier les observations spatiales. L'ANS néerlandais/américain scrute à la fois l'ultraviolet et les rayons X. L'Ariel V, une collaboration américano-britannique, poursuit l'exploration X. L'Agence Spatiale Européenne (ESA) fait ses premiers pas dans l'astronomie spatiale de haute énergie avec COS-B, dédié à l'étude des rayons gamma. L'infrarouge, fortement absorbé par la vapeur d'eau atmosphérique, devient accessible avec l'Infrared Astronomical Satellite (IRAS) en 1983, une collaboration tripartite (US/Pays-Bas/Royaume-Uni) qui réalise un balayage complet du ciel, découvrant des milliers de galaxies, d'étoiles en formation et de disques de poussière autour d'étoiles.

Pendant ce temps, un projet d'une ampleur sans précédent prend forme : un grand télescope optique et ultraviolet en orbite, un rêve caressé par l'astronome Lyman Spitzer dès les années 1940. Après des décennies de développement, impliquant la NASA et l'ESA, le Télescope Spatial Hubble est lancé en 1990. C'est un moment d'immense espoir, suivi d'une déception majeure : le miroir principal souffre d'une aberration sphérique, rendant les images floues. Mais l'histoire de Hubble ne s'arrête pas là. Sa conception permet des missions de maintenance et de réparations par navette spatiale. En 1993, une mission audacieuse d'astronautes corrige le défaut optique et installe de nouveaux instruments. Cette mission transforme le télescope, le propulsant au rang d'icône scientifique et populaire. Hubble commence alors à livrer des images d'une netteté et d'une profondeur inégalées, réalisant les célèbres Deep Fields, affinant la mesure de l'âge de l'univers, étudiant les trous noirs supermassifs au centre des galaxies, et révélant la beauté complexe des nébuleuses. Plusieurs autres missions de service au fil des années remplacent et améliorent ses instruments, le maintenant à la pointe de la recherche pendant plus de trois décennies.

L'exploration des autres longueurs d'onde s'intensifie dans les années 1990 et 2000 avec une nouvelle génération d'observatoires. Pour les rayons X, la NASA lance le Chandra X-ray Observatory en 1999, réputé pour l'extraordinaire résolution de ses images, tandis que l'ESA lance XMM-Newton la même année, excelle par sa grande surface collectrice, permettant d'observer des sources plus faibles. Ces télescopes révolutionnent notre compréhension des phénomènes violents : collisions d'amas de galaxies, jets émanant de trous noirs, et l'évolution des étoiles massives. Le Japon contribue également de manière significative à l'astronomie X avec des missions comme Suzaku et plus récemment XRISM. Pour les rayons gamma, après le succès du Compton Gamma Ray Observatory (CGRO) de la NASA, le satellite Swift (collaboration US/UK/Italie) se spécialise dans la détection rapide et le pointage vers les sursauts gamma, les explosions les plus puissantes de l'univers. Le télescope spatial Fermi (collaboration US/France/Italie/Japon) cartographie le ciel gamma avec une précision inégalée, étudiant les pulsars, les noyaux galactiques actifs et recherchant des signaux potentiels de matière sombre.

Dans l'infrarouge, après IRAS, le télescope spatial Spitzer de la NASA (lancé en 2003) offre une sensibilité et une durée de vie opérationnelle plus longues, scrutant la formation des étoiles et des systèmes planétaires, l'activité dans les galaxies lointaines, et réalisant les premières analyses significatives de l'atmosphère d'exoplanètes en transit. L'ESA lance ensuite Herschel en 2009, le plus grand télescope infrarouge jamais envoyé, observant la lumière lointaine des objets les plus froids et les plus poussiéreux, découvrant des quantités importantes d'eau dans l'univers et étudiant la formation des étoiles et des galaxies primitives. WISE de la NASA réalise également un autre balayage complet du ciel infrarouge.

Une fenêtre cosmologique cruciale est explorée par des missions dédiées au fond diffus cosmologique (CMB), le rayonnement fossile du big bang. Le satellite COBE de la NASA dans les années 1990 détecte les infimes variations de température du CMB, confirmant les modèles du big bang et valant un prix Nobel à ses investigateurs. WMAP, toujours de la NASA, puis surtout Planck de l'ESA (lancé en 2009), améliorent considérablement la précision et la résolution de ces cartes, permettant aux cosmologistes de mesurer avec une grande précision les paramètres fondamentaux de l'univers, y compris la proportion de matière sombre et d'énergie sombre.

L'astrométrie, la mesure précise de la position et du mouvement des étoiles, bénéficie également d'une révolution spatiale. Le satellite Hipparcos de l'ESA dans les années 1990 mesure la parallaxe et le mouvement propre de plus de 100 000 étoiles avec une précision inédite. Son successeur, la mission Gaia de l'ESA (lancée en 2013), pousse cette entreprise à une échelle colossale, cartographiant en trois dimensions la position, la distance, le mouvement et la couleur de près de deux milliards d'étoiles de notre Galaxie, la Voie Lactée. Gaia ne se limite pas aux étoiles; elle détecte des astéroïdes, des quasars, et surtout, elle découvre des milliers d'exoplanètes grâce à la méthode astrométrique.

La nouvelle génération d'observatoires spatiaux est incarnée par le Télescope Spatial James Webb (JWST), une collaboration massive entre la NASA, l'ESA et l'Agence Spatiale Canadienne (ASC). Conçu pour succéder à Hubble et Spitzer avec un accent particulier sur l'infrarouge (pour percer les nuages de poussière et observer l'univers très lointain dont la lumière est décalée vers l'infrarouge par l'expansion cosmique), le JWST est équipé d'un miroir segmenté de 6,5 mètres et opère depuis le point de Lagrange L2, loin de la Terre pour rester extrêmement froid et stable. Après des années de développement complexe et coûteux, il est lancé avec succès le jour de Noël 2021. Ses premières observations sont spectaculaires, révélant des galaxies aux confins de l'univers, scrutant les pouponnières stellaires avec une clarté sans précédent, et analysant en détail la composition atmosphérique d'exoplanètes. Le JWST ouvre une nouvelle ère pour l'astronomie et la cosmologie.

Le voyage ne s'arrête pas là. Des missions comme Euclid de l'ESA (lancée en 2023) se lancent pour cartographier la distribution à grande échelle des galaxies afin de mieux comprendre l'énergie sombre et la matière sombre. Le Nancy Grace Roman Space Telescope de la NASA, actuellement en préparation, promet d'énormes champs de vision pour des études similaires et la détection d'exoplanètes par microlentille gravitationnelle. L'ESA et la NASA planifient déjà la prochaine génération d'observatoires X (Athena) et une mission révolutionnaire pour détecter les ondes gravitationnelles depuis l'espace (LISA).

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