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Comme l'Aepyornis de
Madagascar et les Dinornis de la Nouvelle-Zélande,
le Dodo ou Dronte de l'île Maurice (Didus ineptus ou
Raphus
cucullatus)
appartient à la catégorie des Oiseaux qui ont disparu de
la surface du globe dans les temps historiques et même à une
date relativement récente.
Pendant longtemps cette espèce n'a été
connue que par les renseignements épars dans les relations de voyages
effectués au commencement du XVIIe
siècle, par d'anciennes peintures et par quelques débris,
crânes et pattes conservés au musée
de l'université d'Oxford,
au British Museum de Londres
et au musée de Copenhague.
Aussi les naturalistes étaient-ils loin d'être d'accord sur
la place qu'il convenait d'assigner aux Dronte dans les classifications
ornithologiques.
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Un
Dodo.
Les uns, partant de ce fait que d'anciens voyageurs
représentaient cet oiseau comme dépourvu de la faculté
de voler, faisaient du Dronte une sorte d'Autruche
ou de Casoar, suivant en cela l'opinion de Linné,
de Latham
et de Ray;
d'autres, comme Temminck et Cuvier,
le rapprochaient des Manchots; d'autres, comme de Blainville
et de La Fresnaye, trouvaient que par sa tête dénudée
il offrait des ressemblances avec les Vautours; d'autres enfin, comme Reinhart,
Strickland et Melville, soutenaient que c'était un Pigeon de type
aberrant, mais présentant toutefois quelques analogies avec les
Didunculus des îles Samoa.
Enfin en 1866, après deux années
de recherches infructueuses, G. Clark fut assez heureux pour découvrir
dans le petit étang appelé la Mare-aux-Singes, à l'île
Maurice, de nombreux ossements de Dronte dont il fit l'étude
et dont une série fut également soumise à l'examen
de A. Milne Edwards.
Ce dernier reconnut que l'oiseau de l'île Maurice était bien
un Pigeon (ou plus exactement un Columbiforme),
comme l'avaient affirmé Strickland et Melville, mais que, par les
particularités de son organisation, il s'écartait de toutes
les espèces naturelles et méritait d'être placé
dans une famille particulière (on le range aujourd'hui dans la famille
des Raphidés), famille à laquelle se rapportait sans doute
aussi une espèce éteinte de l'île
Rodrigue, décrite et figurée par le voyageur François
Leguat sous le nom de Solitaire.
La découverte, faite par Ed. Newton,
d'une grande quantité d'ossements de Solitaire, a permis dernièrement
de vérifier l'exactitude de cette opinion. D'autre part, en compulsant
les relations des voyages de Cornelius Neck (ou Van Neck), de Jacob Van
Heermskerk, de sir Thomas Herbert, de François Cauche
et les livres et catalogues de Clusius,
de Tradescant,
d'Oléarius,
les manuscrits de sir Hamon Lestrange et une foule d'autres documents qu'il
serait trop long d'énumérer ici, en comparant les peintures
exécutées, évidemment d'après le vivant, par
Roland Savery et d'autres artistes du XVIIe
siècle, on est arrivé à cette conclusion que le Dronte
existait encore à l'île Maurice quand les Hollandais visitèrent
cette île en 1598, et qu'il y a même vécu jusque vers
l'année 1690, que plusieurs individus de cette espèce ont
été amenés vivants en Hollande
et en Angleterre dans le courant du XVIIe
siècle et que des dépouilles ont été montrées
et ont figuré dans des musées, où malheureusement
elles ont fini par se détériorer et par disparaître.
On a pu même reconstituer cette espèce disparue, ou plutôt
ces espèces, puisqu'on distingue aujourd'hui, les Dodos proprement
dits (Raphus cucullatus), les Solitiaires de la Réunion (Raphus
solitarius) et les Solitaires de l'île Rodriques (Pezophaps
solitarius).
A en juger par les peintures des maîtres
hollandais, ces oiseaux étaient les
uns d'un brun fuligineux, les autres d'un fauve clair ou même d'un
blanc uniforme; ils avaient les ailes courtes ou
même réduites à deux touffes de plumes,
la queue représentée également par un simple panache,
situé dans la région postérieure du corps, qui était
couvert, sur le reste disant étendue, de plumes courtes et serrées,
les pattes peu élevées, terminées par quatre doigts,
les yeux petits et tachés de rouge, le bec
très épais, de couleur jaune, avec une bande bleuâtre
au milieu de la mandibule supérieure
qui se terminait par un crochet robuste.
Les Drontes étaient incapables de voler
et lourds dans leurs allures, ce qui leur avait fait donner par les anciens
voyageurs hollandais le nom de Dodaarsen, duquel dérive le
surnom de Dodo par lequel on désigne généralement
une des espèces, corruption du mot Dodars ou Dodoors
(fainéants), concurremment avec le nom de Dronten et avec
le nom de Vallickvögel ou Walkvögel qui signifiait
« oiseaux de nausée » et qui faisait allusion au goût
désagréable de la chair de ces Pigeons gigantesques. Ils
se nourrissaient probablement de fruits et de graines
et avalaient, dit-on, pour faciliter le travail de la digestion,
des pierres volumineuses. (E. Oustalet). |
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