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Les barres

Barre, nom donné à deux phénomènes qui se manifestent à l'embouchure des fleuves, et qui, bien que de nature différente, sont dans un certain rapport de cause à effet, la barre de sable et la barre d'eau. 

Barre de sable.
La barre de sable est formée par un amas de vase et de sable que le fleuve dépose à son embouchure, où le courant est contrarié par la mer et où le lit, en raison même de sa plus grande largeur, est relativement peu profond. Ce phénomène se produit surtout dans les fleuves qui, comme la Seine, coulent avec lenteur dans toute l'étendue de leur bassin, et dans ceux aussi qui, rapides, impétueux même dans la plus grande partie de leur cours, perdent leur élan par le grand nombre de canaux qu'on en dérive ou par les deltas naturels entre lesquels ils se divisent à leur embouchure (l'Adour, le Rhin, le Rhône, le Nil, le Sénégal). 

Les barres mobiles sont dangereuses pour la navigation; elles gênent celle de la basse Seine, et obstrueraient entièrement celle du Rhin proprement dit, sans les puissantes écluses de Katwyk. Sur l'Adour, la barre de sable ferme le port de Bayonne aux grands bâtiments, et, pour les petits, nécessite un sondage à l'entrée et à la sortie. Elle peut même être cause, dans les fleuves peu larges à leur embouchure, des plus grands désastres; ainsi, en 1500, la barre de l'Adour s'accrut tellement par les sables qu'y accumula un ouragan terrible, que les eaux ne purent la franchir, refluèrent sur elles-mêmes, et se creusèrent plus au Nord un nouveau lit; lorsqu'on déblaya l'ancien lit, en 1579, les eaux ne purent d'abord vaincre la barre, et faillirent inonder Bayonne; il fallut une crue subite de l'Adour pour sauver la ville. 

Quelquefois les barres de sable sont remplacées par des barres de brisants, comme à l'embouchure de l'Oregon, où des écueils, larges d'une quinzaine de kilomètres, forment une sorte de croissant à la tête du fleuve et en rendent les approches dangereuses. 

Barre d'eau.
La barre d'eau, nom plus particulièrement usité dans la Seine, consiste en une grosse lame qui remonte contre le courant avec une vitesse et une force extraordinaires. L'embouchure d'un fleuve étant généralement perpendiculaire à la côte où il se jette, les eaux ont souvent à lutter contre la mer, qui, dans ses marées, les repousse dans leur lit avec plus ou moins de violence, suivant l'époque de l'année, la force et la direction des vents, la disposition particulière de l'embouchure. Ainsi, aux pleines lunes et aux nouvelles lunes des équinoxes, surtout à l'équinoxe d'automne, la Seine se précipite au-dessous et au-dessus de Quillebeuf en une vague roulante, qui occupe toute la largeur du fleuve, renverse les navires qui ne sont point abrités derrière une pointe de terre, dévore les prairies des bords et agite les bancs de sable.

Ce phénomène n'est pas particulier à la Seine, mais se produit dans toutes les rivières à marées, dont le bassin diminue graduellement de profondeur, dans l'Humber et la Severn en Angleterre, dans de petites rivières même comme la Vire et l'Aure, dans la Dordogne, où il est connu sous le nom de mascaret. C'est surtout au peu de profondeur des embouchures, et aux barres de sable qui en sont la principale cause, qu'il faut attribuer les effets désastreux de la barre d'eau dans les grands fleuves à deltas marécageux; dans l'Indus, où, il y a 2000 ans, la flotte d'Alexandre, qui ne connaissait que les faibles marées méditerranéennes, faillit être entièrement détruite; dans un des bras du Gange, l'Hougly, où ce phénomène est appelé bore; surtout dans l'Amazone, dont l'embouchure, large de 250 km, est obstruée par des îles à moitié noyées sous les eaux. Les Indiens appellent la  Pororoca, et le choc des eaux est si terrible, qu'il est entendu à dix kilomètres de distance, fait trembler toutes les îles de la baie et remonter la marée jusqu'à 1000 km dans les terres. Le même effet est produit par la barre de brisants qui obstrue l'embouchure de l'Oregon, où, par les vents d'ouest, les vagues atteignent une hauteur de plus de 20 mètres. (C. P.).

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