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Les Baleines
Les Mysticètes
Les Baleines ou Mysticètes constituent un sous-ordre bien distinct de Mammifères' Cétacés, essentiellement caractérisé parmi les autres Cétacés, par l'absence de dents aux deux mâchoires. Chez ces animaux, les dents sont remplacées, à la mâchoire supérieure seulement, par des productions cornées appelées fanons.

Les Baleines se distinguent aussi des autres Cétacés par leur plus grande taille, l'énorme volume de la tête, qui forme quelquefois le tiers de la longueur totale et surtout l'ouverture considérable de la bouche, dont la commissure se prolonge jusqu'au-dessous de l'oeil. Il y a toujours deux évents bien distincts, servant à la respiration et situés sur le sommet de la tête, vers son milieu. 

Les caractères ostéologiques, que les Baleines possèdent en commun avec les autres Cétacés, sont décrits en traitant des généralités relatives à cet ordre, mais nous devons dire ici quelques mots de la particularité qui les distingue de tous les autres Mammifères marins, c.-à-d. comme on vient de le voir, du remplacement des dents par des fanons.

Les fanons des Baleines.
On trouve dans les mâchoires des foetus de Baleine, examinés avant leur naissance, les rudiments d'une denture complète, semblable à celle des Dauphins. Ces dents existent non seulement à la mâchoire supérieure où elles seront remplacées plus tard par les fanons, mais encore à la mâchoire inférieure, qui est complètement nue à l'âge adulte. Ce fait, découvert par E. Geoffroy-Saint-Hilaire, et confirmé par Eschricht, a été étudié aussi, dès le XIXe siècle, par Pouchet et Chabry. On sait que les dents, malgré leur apparence et leur dureté, ne sont pas de véritables os, mais des productions épidermiques, comme les ongles et les cornes, c.-à-d. qu'elles sont fournies par la peau et plus spécialement par la muqueuse buccale, qui pénètre entre les deux lames des os maxillaires, supérieur et inférieur, pour donner naissance au bulbe dentaire; chez certains Poissons toute la muqueuse buccale et même les branchies sont revêtues de dents. 

Classification des Baleines

Balénidés
Baleines franches
Balaena : B. mysticetus = Baleine boréale ou Baleine du Groenland.


Eubalaena : E. australis= Baleine franche australe; E. glacialis= Baleine de Biscaye ou  Baleine noire de l'Atlantique Nord; E. japonica =  Baleine noire du Pacifique Nord, peut-être identique à la précédente.
Balénoptéridés
Rorquals
Balaenoptera (Rorquals proprement dits) : B. musculus = Baleine bleue, B. acutorostrata (Petit rorqual de l'Atlantique Nord); B. bonaerensis(Petit rorqual de l'Antarctique); B. borealis (Rorqual boréal);B. edeni (Baleine de Bryde ou Rorqual tropical); B. physalus (Rorqual commun); B. omurai (Rorqual d'Omura, connu seulement depuis 2003).


Megaptera : M. novaeangliae = Baleine à bosse ou Jubarte.
Eschrichtidés Eschrichtius  : E. robustus = Baleine grise de Californie.
Néobalénidés Caperea : C. marginata = Baleine pygmée.

Chez le foetus des Baleines, on trouve, à une époque où la mâchoire ne dépasse pas 10 cm de long, des germes de dents nombreux (plus de 40 à la mâchoire inférieure), et qui ne dépassent pas la grosseur d'un grain de millet. Sur des embryons de 30 à 90 cm de long, et dont les germes dentaires sont plus développés à la mâchoire supérieure, la lame des organes adamantins s'étend de l'un à l'autre de ces organes. La paroi cellulaire de l'organe adamantin est dissociée, et le tissu lamineux ambiant se continue largement avec la pulpe adamantine, ce qui prouve l'identité de structure entre cette pulpe et le tissu lamineux, par pénétration du feuillet moyen dans le feuillet externe. 

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Baleines Bleues.
Baleines bleues tachetées dans le Pacifique. Photo : animalphotos.info.

Sur un embryon plus grand, de 1,50 m, les dents ne sont pas plus développées : la couche adamantine est réduite en lambeaux discontinus, formant, au sommet des dents de la mâchoire inférieure, un amas conique ou des lames irrégulières stratifiées. Les cellules ressemblent à celles d'un épithélium corné, et le tissu lamineux adhère par places à la dentine dont le chapeau aminci présente des orifices à travers lesquels le tissu lamineux périphérique se continue avec celui de la pulpe c'est le signe de la disparition des dents. On n'en trouve plus trace à la mâchoire supérieure, chez un autre foetus à peu près de même taille. Ainsi les dents qui s'étaient développées pendant la période feotale s'atrophient complètement avant la naissance, sont résorbées, et les matériaux qui devaient les former servent plus tard au développement des fanons qui se montrent, chez le jeune, vers la fin de la période d'allaitement.
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Megaptera novaeangliae (Baleine à bosse).
Baleines à bosse (Megaptera novaeangliae).

Les fanons, ou barbes des baleiniers français, sont insérés par leur base dans la fosse alvéolaire du maxillaire supérieur, où ils sont fixés par une substance ligamento-membraneuse, qui déborde extérieurement cette base et la couvre comme une gencive. Ils sont au nombre de 500 à 700 ou même davantage (H. Jouan), divisés en deux batteries latérales, car ils font totalement défaut en avant. Ce sont des lames cornées, falciformes, assez larges à leur base, mais se terminant en pointe, disposées verticalement et imbriquées comme les lames d'une persienne, et dont les fibres longitudinales (dont on faisait les baleines du commerce) s'effilent sur leur bord interne; le bord externe est toujours parfaitement uni : aux deux extrémités de chaque batterie, en avant et en arrière, ils n'ont que quelques centimètres, mais ils s'allongent progressivement, et dans le milieu de la batterie ils peuvent atteindre plusieurs mètres, surtout chez les grandes espèces qui ont la mâchoire supérieure fortement cambrée. La pointe des fanons vient se loger entre la mâchoire inférieure dépourvue de dents, et la lèvre inférieure qui est très grosse et très grande et déborde sur la mâchoire supérieure en recouvrant les fanons, lorsque la bouche est fermée. L'intervalle compris entre les deux branches du maxillaire inférieur est occupé par une énorme langue musculeuse et charnue, fixée par sa face inférieure, mais pouvant se gonfler de manière à remplir la cavité de la bouche à chaque mouvement de déglutition.

La peau des Baleines et ses parasites.
La peau des Baleines est nue ou ne présente que quelques poils isolés, visibles surtout chez les jeunes : cette peau est lisse comme du taffetas, mince et séparée des muscles par une couche de tissu graisseux très épaisse, qui remplace le pelage en empêchant la déperdition du calorique interne : c'est cette couche graisseuse que l'on faisait fondre et qui fournissait, sous le nom d'huile de baleine, le principal produit que l'on recherchait en faisant la chasse à ces animaux gigantesques.
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Parasites sur la peau d'une Baleine à bosse.
Plaques de parasites (Cirripèdes) sur la peau d'une Baleine à bosse.
Photo : animalphotos.info.

La peau des Baleines est généralement couverte de parasites variés, les uns fixes, les autres mobiles, mais dont chaque espèce caractérise le Cétacé qui les porte. C'était un fait bien connu des baleiniers, qui distinguaient les différentes espèces de Baleines à la présence ou à l'absence de ces parasites. Les animaux appelés couramment Poux de baleine sont des Crustacés du genre Cyame, dont chaque espèce de Baleine aurait son espèce particulière. D'après van Beneden, ces parasites qui courent sur le dos des Baleines se nourriraient simplement des mucosités secrétées par la peau du Cétacé. Les espèces qui sont fixes appartiennent au groupe des Cirripèdes (Balanes) et aux genres Tubicinella, Diadema, Coronula, Cryptolepas, Otion, etc. Ce sont de simples commensaux (van Beneden), qui demandent seulement aux grands Cétacés de les transporter d'un lieu à un autre et de leur assurer ainsi une nourriture plus variée. 

Déjà au XIIe siècle, les pêcheurs islandais distinguaient la Baleine franche du Nord (Balaena mysticetus), de l'espèce qu'ils nommaient Nord-Kaper et que les Basques chassaient, dès le VIe siècle, dans le golfe de Gascogne et dans la Manche (Eubalaena glacialis), aux plaques calcaires, c.-à-d. aux coquilles de Cirripèdes que cette dernière portait à l'exclusion de l'espèce arctique. Toutes les Baleines de l'Atlantique du Sud et de l'océan Pacifique ont leurs coronules propres : le Mysticetus seul en paraît dépourvu.
Modes de vie.
Les moeurs des Baleines ont commencé à être assez bien connues, à partir du milieu du XIXe siècle, grâce, notamment, aux travaux du capitaine baleinier Scammon, de la marine des Etats-Unis, qui a consigné dans son livre les observations recueillies pendant vingt-cinq ans de pêche à la Baleine, et du capitaine de vaisseau H. Jouan, de la marine française, qui, pendant ses nombreux voyages autour du monde, avait observé ces animaux en véritable naturaliste. Les détails que nous donnons d'après ces deux auteurs se rapportent plus généralement aux  Balénidés (Baleines franches ou à ventre lisse).

Ces animaux vivent ordinairement par petites bandes composés de quatre à huit individus mâles, femelles et jeunes. Ces bandes,qui  étaient appelées gams ou games par les baleiniers, ne durent pas toute l'année. Les baleiniers distinguaient deux saisons de pêche, celle du large, où les Baleines se tiennent en pleine mer, et celles des baies, où ces animaux se rapprochent des côtes pour vaquer aux soins de la reproduction.

Ces deux saisons ne correspondent pas dans toutes les mers à la même époque de l'année : elles varient suivant les régions. Au commencement de la saison du large on rencontre des mâles isolés faisant route à la recherche des femelles : peu après les games se forment. C'est l'époque où l'on remarque le plus de mouvement parmi les Baleines : elles battent bruyamment la surface de la mer avec leur queue, ce qui semble un appel; elles se roulent sur elles-mêmes, sautant hors de l'eau et retombant avec un bruit formidable en faisant jaillir l'eau qui écume comme lorsqu'elle déferle sur les récifs. Peu après, les couples s'isolent et l'on voit le mâle et la femelle nager côte à côte, sans s'abandonner à l'heure du danger, et se faisant tuer l'un après l'autre plutôt que de se quitter. 
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Queue de Baleine à bosse.
Queue de Baleine à bosse (Megaptera novaenagliae). Photo : J. Waite OAR/NURP/NOAA.

Les baleiniers désignaient le mâle sous le nom de taureau (bull en anglais), et la femelle sous celui de vache (cow). Mais le lien qui semblait d'abord si vif entre les deux conjoints se relâche à mesure que la gestation s'avance : le mâle abandonne sa femelle et celle-ci se rapproche des côtes pour chercher une baie abritée où elle puisse mettre bas dans une eau tranquille. Il n'y a généralement qu'un seul petit, deux dans quelques espèces. Le baleineau (calf ou veau en anglais, mot que les marins français ont transformé en cafre), à peine né, nage autour de sa mère, et prend le mamelon qui est placé dans un sillon en avant des organes sexuels. A sa naissance, le jeune a le quart ou le tiers de la longueur de la mère.

Il y a généralement deux mamelles, une de chaque côté. D'après Jouan, la Baleine franche se tourne un peu sur le côté de manière que le mamelon affleure la surface de l'eau. Scammon, de son côté, figure dans son beau livre : les Mammifères marins de la côte nord-ouest d'Amérique (1874), une femelle de Megaptère (Baleine à bosse) qui, réfugiée dans l'eau calme d'une baie, allaite deux petits que l'on voit sous l'eau, par transparence, un de chaque côté (image ci-dessous).
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Baleine allaitant ses petits.
Une Baleine allaitant ses petits, d'après Ch. Scammons.

Il est probable que le mode d'allaitement varie suivant les espèces comme le nombre de petits. Le baleineau dont la bouche ne présente pas trace de fanons, saisit le mamelon entre son palais, sa langue et sa lèvre inférieure déjà très développée et en forme de gouttière : la succion du lait est aidée par des muscles spéciaux qui entourent la glande mammaire et dont les contractions projettent le lait avec une certaine force dans la bouche du petit. 

Selon Scoresby,  chez la Baleine franche du Nord la croissance du jeune est très lente et que l'allaitement dure près d'un an; Thiercelin au contraire assure que le baleineau ne tête pas plus de six semaines ou deux mois : à cet âge les fanons sont déjà assez développés pour qu'il puisse prendre sa part des bancs de boëtes que recherche sa mère, et doivent le gêner pour téter. Quoi qu'il en soit, la mère lui témoigne la plus grande tendresse et ne l'abandonne que lorsqu'il est assez fort pour se suffire à lui-même et lorsqu'elle l'a conduit dans une game. 

Les baleiniers, qui connaissaient ce fait, abusaient de son amour maternel ils commençaient par harponner le jeune, sûrs que la mère ne l'abandonnerait pas et par conséquent finirait par tomber sous leurs coups. 
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Baleines des Basques.
Baleine des Basques, adulte et jeune. - La mère du jeune (Eubalaena glacialis) de 7,56 m de long, figurée ici, et qui fut pris en février 1854, dans la baie de Saint-Sébastien, réussit à entraîner son baleineau blessé en l'étreignant avec ses nageoires et plongeant avec lui, et brisa d'un coup de queue les lignes qui l'attachaient. Le lendemain, le jeune fut trouvé mort en mer et remorqué à Saint-Sébastien : la mère le suivit dans la baie, et malgré les coups de fusil qu'on lui tira, ne s'éloigna que le lendemain, mais cette fois pour ne plus reparaître.

En pleine mer, la Baleine avance avec une vitesse de 5 à 7 km à l'heure, mais qui peut atteindre 14 à 18 km lorsqu'elle est inquiétée, bien qu'elle ne puisse soutenir longtemps cette allure. Elle nage d'ordinaire entre deux eaux, et quand elle remonte pour respirer un large remous annonce son apparition. On voit d'abord le bout du museau, puis le cône qui porte l'évent à double ouverture sur la sommet de la tête. Le souffle bifurqué s'en échappe bruyamment, montant tout droit à six ou sept mètres. Ce souffle est composé uniquement de vapeur et d'air, et n'est bien visible par conséquent que grâce à la basse température des régions circumpolaires. Ces animaux sont dépourvus de voix comme tous les Cétacés, et le ronflement sonore qu'ils font entendre, et qui est très fort surtout lorsqu'ils sont blessés ou irrités, n'est autre que le bruit respiratoire du souffle passant à travers l'ouverture étroite des évents et dont intensité est en rapport avec la taille de l'animal. 
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Saut de baleine à bosse.
Baleine à bosse sautant hors de l'eau. Photo : animalphotos.info.

L'odeur de ce souffle, quand on le sent de près, est excessivement nauséabonde et désagréable. Au moment où le souffle va s'évanouir, la Baleine s'enfonce un peu en continuant à nager, puis, au bout d'une minute ou une minute et demie, elle souffle de nouveau : elle respire ainsi sept ou huit fois en dix minutes. Le dernier souffle est comme le premier plus prolongé que les autres et indique que la baleine va sonder (c. -à-d. plonger). Elle s'enfonce la tête la première, élevant doucement en l'air sa queue, élargie par les deux ailerons qui constituent sa nageoire caudale, et qu'elle balance plusieurs fois d'avant en arrière, puis elle disparaît pour un temps variable. Elle reste sous l'eau de dix à cinquante minutes, puis elle remonte et recommence de la même façon. Cette manoeuvre a lieu par tous les temps, de jour et de nuit, au point qu'on s'est demandé si les Baleines prenaient le temps de dormir : il est évident qu'elles ralentissent alors leur course mais qu'elles continuent à respirer de la même manière, même en dormant.

L'alimentation des Baleines.
La nourriture des grandes Baleines, et particulièrement celle des Balénidés, consiste presque exclusivement en très petits animaux, qui, forment des bancs étendus, colorant la mer en vert ou en rouge dans les parages que recherchent les Baleines. Ce sont des Mollusques Nudibranches : Clios, Pneumodermes, etc., de Méduses (Cnidaires) de petite taille ou des Crustacés de l'ordre des Euphausiacés (krill) ou de celui des Copépodes, tels que les Cétochiles, animaux qui se mangent entre eux, mais que les Baleines avalent sans distinction. C'est ce que les baleiniers appelaient la boëte ou les bancs à manger de la Baleine. 

Voici comment l'animal procède pour s'en repaître : la Baleine avance doucement au milieu du banc, la mâchoire inférieure abaissée et la bouche largement ouverte : l'eau pénètre dans cette large cavité jusqu'à la base de la langue qui ferme l'ouverture du gosier, et ressort de chaque côté par la commissure des lèvres qui est très abaissée; les petits animaux qui nageaient dans cette eau sont arrêtés par le chevelu des fanons qui fait l'office d'un filet. La Baleine relève alors sa mâchoire inférieure et ses lèvres en gonflant sa langue, ce qui chasse l'eau à travers les interstices des fanons, puis, promenant sa langue le long du chevelu, elle réunit sa proie en une boule qu'elle avale, et qui par sa composition se prête bien à traverser un oesophage relativement très étroit, dont l'orifice antérieur n'a pas plus de 5 cm de diamètre chez la Baleine franche. Elle renouvelle cette manoeuvre jusqu'à ce qu'elle soit rassasiée. L'eau n'est jamais rejetée par les évents comme on le croyait autrefois, attendu qu'il n'y a aucune communication entre la bouche et les poumons.

Les Baleines en danger
Malgré leur taille énorme et la puissance de leur queue, qui constitue une massue capable de briser d'un seul coup des embarcations, même d'un fort tonnage, les Baleines sont des animaux timides qui prennent la fuite au moindre danger, sauf dans les cas que nous avons signalés, c.-à-d. quand l'attachement conjugal ou maternel se trouve en jeu. Cependant leur grande masse leur assure une sorte d'immunité au milieu des autres habitants de la mer. Les grands Dauphins du genre Orca (Orques) sont les seuls qui osent les attaquer : devant ces Cétacés féroces et carnassiers, véritables tigres de mer, suivant l'expression d'Eschricht « elles fuient comme des chevaux devant une troupe de loups affamés ». 

Ces Orques que les baleiniers appellaient Killers (tueurs) saisissent, dit-on, la Baleine par la lèvre inférieure et s'y cramponnent avec la ténacité d'un bouledogue, jusqu'à ce que la pauvre bête, épuisée par les efforts qu'elle fait pour se débarrasser de ses ennemis, meure à bout de souffrances. Les Orques lui dévorent alors la langue, qui serait le seul morceau qu'ils convoitent. Quant à l'attaque de la Baleine par l'Espadon, elle est mise en doute par les observateurs les plus autorisés. Mais la Baleine a, dans l'Humain, un ennemi beaucoup plus redoutable.
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Dépeçage d'un Rorqual.
Dépeçage d'un Rorqual doté de dents et de griffes dans l'imagination du XVIe siècle.

La distribution géographique des Baleines.
La distribution géographique des Baleines a été étudiée pour la première fois par le lieutenant Maury, de la marine des Etats-Unis, qui eut l'idée de dépouiller les rapports des baleiniers (Sailing Directions, 1851), relatant toutes les captures faites pendant chacune de leurs expéditions et d'en dresser une carte des Baleines (Whale Chart) destinée à indiquer aux baleiniers les parages que fréquentent de préférence ces grands Cétacés. De son côté, van Beneden a dressé des cartes analogues qui accompagnent son mémoire sur la distribution géographique des Baleines. Les Balénoptères (Rorquals) se rencontrent dans toutes les mers et sous toutes les latitudes, mais il n'en est pas de même des Baleines franches. Maury a montré qu'elles n'approchaient jamais de l'équateur et que, suivant son expression pittoresque : 

« la ligne équinoxiale était pour elles comme un cercle de flammes infranchissables. »
Il existe tout autour du globe une zone de 2000 à 3000 milles de largeur, limitée au Nord par le 30e, au Sud par le 20e parallèle, dans laquelle on n'en rencontre pas, sauf dans le cas extrêmement rare de quelque femelle égarée croisant le long des côtes à la recherche d'une baie pour y mettre bas. Cette zone est, au contraire, celle où les grands Cachalots (qui appartiennent au sous-ordre voisin des Odontocètes) sont le plus abondants. Il résulte de cette distribution géographique des Baleines franches que les espèces du Nord sont, à notre époque, bien distinctes de celles de l'hémisphère austral, mais presque chaque espèce semble représentée dans l'autre hémisphère par une espèce qui lui ressemble tellement par sa forme, ses moeurs et sa distribution géographique, qu'il est permis d'admettre qu'elles descendent d'une souche commune et que la cercle de flammes, formé par les mers équatoriales dont parle Maury, n'existait pas encore à l'époque tertiaire. Les Baleines franches du Nord-Pacifique, à l'exception du Balaena mysticetus, qui occupe tout le cercle arctique, paraissent distinctes de celles du Nord-Atlantique, et il en est de même des Balénoptères. Chaque mer semble avoir ses espèces ou du moins ses variétés propres.
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La distribution géographique des baleines sur une carte du XIXe s.
La distribution géographique des Baleines sur une carte du XIXe s.

Les Balénidés (Baleines franches)

Les Baleines franches, qui sont les plus grands animaux connus, dépassent bien rarement 70 pieds de long : on peut donc dire que les Anciens ont singulièrement exagéré leur taille, car Pline parle de baleines de 600 pieds de long (180 m)! Les femelles, plus grosses que les mâles, ont ordinairement de 15 à 20 mètres de long. Les espèces du Nord ont une plus grande taille que celle des régions tempérées. Dans la Baleine franche des régions polaires (B. mysticetus) les fanons du milieu ont plus de 4 mètres de long, ce qui donne une idée de la capacité de la bouche, et assigne à l'animal une taille déjà fort respectable.

Le genre Balaena.
La Baleine boréale.
Le genre Baleine (Balaena L.) comprend les grandes Baleines, à ventre lisse, sans plis sous la gorge, à pectorales courtes et arrondies, à tête grosse, comprimée latéralement, à museau obtus, à fanons généralement très développés. Le corps est épais et lourd avec une nageoire caudale très grande. On en connaît qu'une espèce, la Baleine boréale (Balaena mysticetus Linné), et une demi-douzaine de sous-espèces ou de variétés. La plus anciennement connue est la Baleine du Groenland ou la Baleine franche proprement dite. Elle atteint une très grande taille et se distingue des suivantes par l'énorme volume de sa tête qui occupe le tiers de sa longueur totale : elle présente toujours plus ou moins de blanc à la partie inférieure de son corps dont le dessus est brun ou noir.
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Baleines boréales.
Baleines boréales (Balaena mysticetus). Source : NOAA.

Cette Baleine habite tout le cercle arctique au voisinage des glaces : c'est elle que les baleiniers ont chassée depuis le commencement du XVIIe siècle jusque dans le milieu du XIXe dans les parages du Spitzberg (Svalbard), au Nord de l'Islande et dans la baie de Baffin. Elle passe l'été dans l'extrême Nord et descend plus au Sud en janvier-février, mais sans jamais dépasser le 60° degré de latitude, c. -à-d. l'entrée du détroit de Davis.

En 1849, les premiers baleiniers qui franchirent le détroit de Béring, pour aller chercher fortune au Nord, trouvèrent dans cette région encore inexplorée des Baleines très peu farouches, parce qu'elles n'avaient jamais été dérangées, et qu'ils prirent pour une espèce nouvelle. La comparant aux Baleines du Pacifique tempéré, qu'ils chassaient déjà depuis une vingtaine d'années, ils l'appelèrent Bow-heads (tête en arc) à cause de sa grosse tête cambrée. 

On reconnut bientôt que cette espèce ne différait pas du B. mysticetus du Nord de l'Europe : on prit dans la baie de Baffin des individus portant encore dans leurs chairs des harpons qui, d'après le nom du navire qui les avait lancés, inscrit sur leur hampe, ou la forme seule de ces harpons, avaient dû  être poursuivis, l'année précédente, dans les parages du Spitzberg et de Jan Mayen, au Nord de l'Europe; et comme on sait que cette espèce ne double jamais le cap Farewell, au Sud du Groenland, il était évident que ces individus avaient dû venir par le Nord, en faisant le tour complet de l'Océan arctique

Le genre Eubalaena.
La Baleine des Basques.
La Baleine des Basques (Eubalaena glacialis, anciennement : Balaena biscayensis Eschricht, ou B. cisarctica Cope), la Sarde des Basques, le Nord-Kaper des Hollandais, est l'espèce de l'océan Atlantique tempéré qui se pêchait au Moyen âge sur les côtes de France et dont les naturalistes du commencement du XIXe siècle ont ignoré ou même nié l'existence, malgré les ossements qu'on en conserve dans plusieurs villes de l'Ouest, la confondant constamment avec l'espèce précédente. 

Elle en diffère par sa couleur qui est entièrement noire et surtout par sa tête beaucoup plus courte que celle de la Baleine boréale, n'ayant que 1/4 chez l'adulte, et même 1/5 chez le jeune, de la longueur totale (au lieu de 1/3 chez la Baleine boréale). Les fanons sont plus courts, noirâtres. La mâchoire inférieure est comme tronquée en avant et munie de lèvres qui se relèvent en demi-cercle de telle sorte que l'angle de la bouche forme une dépression immédiatement en avant de l'oeil : la mâchoire supérieure est beaucoup plus courte que l'inférieure, surtout chez les jeunes dont les fanons n'ont pas acquis tout leur développement. 

Ces différences sont bien visibles sur le squelette : l'arcade externe est formée par la mâchoire de la Baleine boréale, l'arcade interne par celle de la Baleine des Basques, et l'on voit facilement que celle-ci est d'un bon tiers plus courte, bien que son épaisseur soit sensiblement égale.

La Baleine des Basques, en effet, n'était la brièveté de sa tête, atteindrait des dimensions comparables à celle de la Baleine boréale. Mais ces grands individus sont devenus très rares, et ceux qui ont été pris sur les côtes de l'Amérique du Nord dans les temps modernes dépassaient rarement 16 m; ceux qui sont venus se perdre sur les côtes d'Europe, presque tous jeunes, n'atteignaient même pas cette taille. 

Cette espèce se montrait autrefois régulièrement en hiver (janvier-février) dans le golfe de Gascogne, les mères accompagnées de leur petit comme celle que l'on vit à Saint-Sébastien le 17 janvier 1854 (V. figure plus haut). Il est probable qu'elle met bas pendant la station d'été, sur les côtes de l'Amérique du Nord. Au printemps elle remonte jusque vers l'Islande, qui est sa limite boréale, et les pêcheurs de cette île la distinguent à ses Coronules qui manquent, comme nous l'avons dit, sur la peau de la Baleine boréale. Très rarement elle s'égare jusque dans la Méditerranée

La Baleine noire du Pacifique.
La Baleine noire du Pacifique Nord ou  Baleine du Japon (Eubalaena japonica; B. Japonica Gray; B. aleoutensis Van Beneden) - le Sebi Kutzira des Japonais, la Baleine du Nord-Ouest des baleiniers - se rapproche de la Baleine des Basques par la petitesse relative de leur tête. C'était la variété dont la pêche était la plus productive, dans les années 1860-1870, époque de la pêche dite du Nord-Ouest. Elle se rencontre dans tout le Nord-Pacifique, entre les 40e et 60e parallèles, allant des côtes de l'Asie à celles de l'Amérique, et des îles Aléoutiennes jusque dans la mer Jaune, descendant ainsi, à l'Ouest, jusque vers le 26e degré de latitude. Sa longueur moyenne est de 20 m. Charles Scammon notait que son rendement était de 130 barils d'huile et 700 kg de fanons. 
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Eubalaena australis (Baleine franche australe).
Baleine franche australe (Eubalaena australis).

La Baleine franche australe.
Si nous passons maintenant au sud de l'équateur, nous trouvons dans le Sud-Atlantique la Baleine franche australe ou Eubalaena australis (B. antarctica Cuvier; B. australis Desmoulins), espèce à petite tête que l'on chassait au milieu du XIXe siècle dans les environs du cap de Bonne-Espérance, de l'île de Tristan da Cunha et sur les côtes de la Patagonie, où on la trouvait, de novembre en janvier, entre le 36e et le 48e degré de latitude Sud; elle remonte vers le Nord en février-avril pour passer sur la côte d'Afrique de juin à septembre, où on la chassait dans la baie d'Algoa. Les femelles y mettent bas un petit qui a déjà 12 à 15 pieds de long à sa naissance, puis elles retournent passer l'hiver sur les côtes de l'Amérique du Sud. Cette espèce, entièrement noire, atteint rarement 22 m; la taille moyenne est de 15 à 16 m.

Entre le Cap et l'Australie on trouve une baleine que l'on chassait à la même époque et que Gray a cherché à distinguer sous le nom de Balaena emarginata ou B. australiensis, mais on a reconnu depuis qu'elle ne diffère pas de la Baleine franche australe. Il en est de même de la variété, quelque peu distincte cependant, du Sud-Pacifique, qui avait reçu le nom de Baleine des Antipodes (B. antipodum Gray). En hiver on trouve cette sous-espèce de Baleine franche australe sur la côte occidentale de l'Amérique du Sud, du cap Horn à Coquimbo (Chili); elle arrive en mai à la Nouvelle-Zélande, où les femelles mettent bas, et retourne à l'Est en octobre.

Les Balénoptéridés (Rorquals)

Les Rorquals, connus aussi sous le nom de Balénoptères, sont des animaux longs, relativement élancés, ayant une nageoire dorsale située vers le tiers postérieur du corps, une nageoire caudale petite, des nageoires pectorales minces, un museau presque droit, et des sillons nombreux et profonds sous le corps, allant de la mâchoire à l'ombilic. La colonne vertébrale est formée de 7 vertèbres cervicales, soudées souvent les unes aux autres, de 45 dorsales, de 14 lombaires et de 24 caudales. Ces Baleines à ventre plissé  comprennent deux genres. 

Le genre Megaptera (Baleines à bosse).
Le genre Mégaptère (Megaptera Gray), ou Baleines à taquets des anciens baleiniers français, ne comprend qu'une seule espèce, la Baleine à bosse, Megaptera novaeangliae, dont les représentants, de moyenne ou même de grande taille, se distinguent de toutes les autres Baleines par la taille de leurs nageoires pectorales qui ont le quart de la longueur totale de l'individu. Le corps est court, trapu, le dos voûté, avec la tête déprimée, et les lèvres énormes portent des verrues ou tubercules, gros comme le poing, surmontés d'un poil raide. Les sillons pectoraux sont moins nombreux et plus courts que dans le genre suivant et la couleur de leurs plis internes varie du rose tendre au rouge foncé. La nageoire dorsale, placée sur la partie la plus saillante du dos, est couchée en arrière et la caudale est très grande; les pectorales sont étroites, ondulées sur leur bord, blanches à la face interne ou même sur les deux faces.
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Baleine à bosse.
Baleines à bosse (Megaptera novaenagliae). Photos : R. Wicklund OAR/NURP/NOAA.
Baleines à bosse.

La variété la plus connue est la Jubarte des Basques (Balaena boops des anciens naturalistes, Megaptera longimana Gray), qui habite le nord de l'Atlantique et vient quelquefois échouer sur les côtes de France, pendant l'hiver, toujours à la suite de quelque tempête. Sa taille varie de 16 à 17 m de long; le jeune, à sa naissance, a 4 m. Le ventre est d'un blanc rosé, les fanons petits et noirâtres. Dans le nord de l'Atlantique la Jubarte se dirige en hiver vers la haute mer pour revenir en été et jusqu'en automne sur les côtes du Groenland elle y séjourne d'avril en novembre, puis redescend sur les côtes d'Europe. 

Ces  Cétacés se plaisent dans les baies et le long des côtes où l'eau est profonde. Ils ont été chassé pour leur huile peu abondante, mais de qualité supérieure comme celle des Cachalots : leur chasse était dangereuse à cause de la vivacité de leurs mouvements, surtout quand ils sondaient la tête la première en agitant en l'air de leur large queue, et, comme ils coulaient après la mort, on ne pouvait les attaquer que dans les baies où leur cadavre revenait sur l'eau au bout de quelques jours. 
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Jubarte.
Jubarte.

On trouve des Baleines à bosse dans toutes les mers et l'on en a distingué au moins trois sous-espèces: Megaptera n. versabilis du Nord-Pacifique; M. n. Lalandii des environs du Cap et de tout le sud de l'Atlantique; M. n. indica (Gervais), de l'océan Indien, et l'on en trouve aussi en Océanie, sur les côtes de l'Australie, de la Nouvelle-Calédonie et de la Nouvelle-Zélande.

Le genre Balaenoptera.
Le genre Balénoptère (Balaenoptera Lacépède), ou Rorqual des baleiniers, se distingue des précédents par la présence d'une petite nageoire dorsale, placée très en arrière, pointue et plus ou moins falciforme. Le corps est allongé, rappelant souvent la forme du brochet, la tête pointue, très peu arquée, les fanons très courts (75 cm dans les plus grandes espèces), les pectorales petites. Les deux évents sont très rapprochés de sorte que le souffle paraît ne former qu'un seul jet. La couleur est d'un gris bleuâtre ou noire avec le ventre blanc. La taille dépasse rarement 20 m, et les formes sont plus sveltes et plus allongées que celles des Baleines franches et des Mégaptères. lls se nourrissent de petits Poissons ou de Crustacés. Ils fuient et sondent horizontalement, sortant très peu la queue hors de l'eau. Ils s'approchent volontiers des navires, plongeant même pour passer par dessous, mais au moindre danger ils disparaissent avec la plus grande agilité. 
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Balénoptère boréal.
Balénoptèra boréalis et (ci-dessous) Balaenoptera Acutorostrata.
Balaenoptera acurostrata.

D'après Lacépède et Lesson, une large poche dilatable, communiquant avec l'oesophage, occupe toute la région plissée de la face inférieure du corps; elle se termine en un sac sans ouverture dans le tissu cellulaire de la queue. 

« Ces plis, dit Jouan, ont pour but d'aider ces animaux, qui n'ont pas une épaisseur de lard suffisante pour les rendre spécifiquement plus légers que l'eau, à monter et à se maintenir à la surface. Quand ils dilatent leurs sillons, le corps devient plus volumineux, l'animal remonte; inversement, pour descendre, ils les referment, et par là
deviennent plus lourds. » 
La maigreur relative de ces Cétacés, leur agilité et la brusquerie de leurs mouvements, empêchaient autrefois les baleiniers de les poursuivre. 

On a distingué une dizaine de formes de Balénoptères, dont trois espèces se rencontrent sur les côtes de France; une seule pénètre régulièrement dans la Méditerranée : la Baleine bleue ou Rorqual de la Méditerranée.

La Baleine bleue
Le Rorqual de la Méditerranée ou des Anciens (Balaenoptera musculus Linné, B. communis Eschricht). Elle est d'un noir ardoisé avec le ventre blanc. Les plis de la gorge s'étendent jusqu'au nombril : un étranglement plus ou moins marqué se voit au niveau du bord postérieur de la nageoire dorsale. Les fanons sont ardoisés, striés de blanc, ou blanchâtres en avant, grisâtres en arrière. Sa taille atteint 27 m de longueur totale. C'est l'espèce la plus commune sur les côtes de l'Océan Atlantique et de la Manche où elle s'est échouée un grand nombre de fois. Comme elle se rencontre aussi habituellement dans la Méditerranée, on peut lui rapporter ce que les Anciens, et particulièrement Pline, disent des Baleines. Elle nage rapidement et paraît vivre solitaire, poursuivant les bancs de sardines et de harengs dont elle se nourrit : on trouve aussi dans son estomac des Méduses et de petits Crustacés. Elle se montre au printemps dans les mers arctiques et descend vers la fin de l'automne dans les mers tempérées : c'est l'époque où elle s'échoue sur les côtes.
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Rorqual commun.
Rorqual commun.

Le Rorqual de Sibbald (anc. Balaenoptera Sibbaldi) est une sous-espèce de Balaenoptera musculus  de grande taille, bien distincte par la forme de sa nageoire dorsale qui est basse, allongée en forme de rasoir. Le corps est fusiforme, très renflé sur le dos, d'où le nom de Gibbar que lui donnaient plus particulièrement les anciens baleiniers. La mâchoire inférieure se relève de chaque côté, étant plus large que la supérieure, et les lèvres portent un lobe arrondi et saillant près de la commissure. Les pectorales sont minces, étroites et pointues, les fanons petits et noirs. La couleur est d'un gris ardoisé uniforme avec la gorge jaunâtre : les plis se prolongent très loin en arrière et sur les flancs. Cette forme, propre à l'Atlantique du Nord, atteint de 20 à 30 m de long, et s'échoue assez rarement sur les côtes de l'Océan. Elle se nourrit de Poissons et de Crustacés.

Le Rorqual à museau pointu.
Le Rorqual à museau pointu ou Petit rorqual de l'Atlantique Nord (B. acutorostrata;Balaenoptera rostrata Fabricius, B. minor Knox) est plus petit, n'ayant que 8 à 10 m de long, et ses pectorales sont blanches à leur base; ses fanons sont de couleur chair ou d'un blond pâle. Les plis de la gorge ne s'étendent que jusque vers le milieu du ventre. Il se nourrit de petits Poissons que l'on trouve, paraît-il, jusque dans la poche dilatable dont nous avons parlé, ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'elle communique avec l'oesophage. Il s'échoue assez souvent sur les côtes françaises de la Manche et de l'océan Atlantique et s'égare exceptionnellement dans la Méditerranée, où il a été pris plusieurs fois : dans l'Adriatique, en 1771, et près de Villefranche (Alpes-Maritimes), en 1877; ce dernier était un jeune de 3,50 m de long. 

Le Rorqual boréal.
Le Rorqual du Nord ou Rorqual boréal (Balaenoptera borealis Cuv.; Sibbaldius laticeps de Gray), est un peu plus grand mais se distingue des deux précédents par sa tête petite à front légèrement bombé : il est noir en dessus, blanc en dessous, avec les pectorales entièrement noires. Les plis de la gorge se prolongent jusqu'à moitié du ventre; les fanons sont petits, noirs, à extrémité effilée blanchâtre. La dorsale est assez élevée. Il habite toute l'Atlantique du Nord et s'est échoué une fois près de Biarritz (Pyrénées Atlantiques), une fois dans l'Adriatique. 
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Balénoptères.
Balénoptères.
Dans les autres océans.
On trouve des Rorquals dans toutes les mers, même sous les tropiques dont ils ne se tiennent pas éloignés à la manière des Baleines franches. Les trois espèces de l'Atlantique-Nord sont représentées dans le Pacifique, l'océan Indien et l'hémisphère austral par des sous-espèces tellement voisines que leur distinction est souvent difficile. Dans l'Atlantique-Sud le Petit rorqual de l'Antarctique, parfois considéré comme une espèce distincte (B. bonaërensis, Burmeister), est l'analogue du Petit rorqual de l'Atlantique Nord (B. acutorostrata); la Baleine bleue (B. musculus) est représentée par des formes qui ont porté autrefois les noms de B. patachonica (Burm.) ou B. australis (Gray), la sous-espèce B. m. Sibbaldi a porté ici les nom de B. intermedia (Burm.) ou le Sibbaldius antarcticus de Gray.

Dans le Pacifique-Nord, on trouve Balaenoptera a. Davidsoni (Scammon), sous-espèce de B. acutorostrata; B. p. velifera (Cope), grande sous-espèce de 21 m de long , est une forme de B. physalus, comme aussi B. p. Swinhoei (Gray), des mers de la Chine et du Japon; B. b. Schlegelii (Flower), de Java et du Japon, appartient à l'espèce B. borealis; enfin B. m sulfurea (Van Beneden), très grande baleine à ventre d'un jaune soufre, est une forme de B. musculus.

D'autres Rorquals vivent sur les côtes d'Australie, de la Nouvelle-Calédonie et de la Nouvelle-Zélande. La variété de Baleine bleue (B. musculus) de l'océan Indien a été désignée par Blyth sous le nom de Balaenoptera indica, que Gervais appliquait à un Mégaptère : l'espèce de Blyth atteint 25 mètres de long.

Notons enfin que Giglioli, dans son voyage autour du monde sur la corvette italienne Magenta, assurait avoir rencontré dans le Pacifique (par 28° de latitude Sud et 88° de longitude Ouest) un Cétacé de 18 m de long, qu'on n'avait pu capturer, mais qui se distinguait de toutes les Baleines connues par la présence de deux nageoires dorsales distantes de 2 m l'une de l'autre. Il proposait d'en faire un genre à part sous le nom de Amphiptera pacifica, dont l'identification à un une espèce connue reste encore incertaine. Le ventre était blanc sans sillons apparents. 

Les Eschrichtidés (Baleines grises)

Le genre Eschrichtius.
La Baleine grise de Californie.
Le genre Eschrichtius (ou Rachianectes de Cope) a été créé pour des Baleines qui, par leur tête allongée, ressemblent aux Balénoptères mais ont le ventre lisse et manquent de nageoire dorsale comme les Baleines boréales. Le corps est d'un gris bleuâtre, allongé, pisciforme, la tête pointue, la lèvre inférieure dépassant la mâchoire supérieure. Les fanons sont courts, les plus grands ne dépassant pas 45 cm, et de couleur brun clair. 
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Baleines grises.
Baleines grises de Californie (Esrchichtius robustus). Source : NOAA.

Le seul représentant actuel de ce genre est la Baleine grise de Californie ou Eschrichtius robustus  (Californian Gray), que l'on ne trouve que dans le Nord-Pacifique sur les côtes de la Californie (Rach. glaucus Cope). Les femelles atteignent 14 m; les mâles dépassent rarement 12 m. En octobre et novembre on les voit sur les côtes de l'Orégon et de la Haute-Californie, au Nord du 20e degré, se tenant près de terre au milieu des goémons et jusque dans les brisants. De novembre en mai les femelles entrent pour mettre bas dans les lagunes communiquant avec la mer, tandis que les mâles restent à peu de distance en dehors de l'entrée. Pendant l'été, tous remontent jusque dans la mer d'Okhotsk et l'océan Arctique

Les Néobalénidés (Baleines pygmées)

Une dernière espèce, remarquable par sa petite taille, la Baleine naine ou Baleine pygmée (Caperea marginata ou Neobalaena marginata Gray) vit dans le Pacifique Sud. Elle est signalée notamment au large des côtes de la Nouvelle-Zélande sa longueur totale ne dépasse pas 5 m chez l'adulte.

Les Baleines fossiles

On n'a pas trouvé de Baleines fossiles avant l'époque tertiaire, mais les débris de ces animaux ne sont pas rares dans les couches marines de cette époque. On en a trouvé en Europe et dans les deux Amériques; mais le gisement le plus riche en types fossiles de cette famille est le crag d'Anvers, d'où l'on a retiré un volume de près de deux cents mètres cubes d'ossements qui ont été décrits par Van Beneden et figurés dans l'ouvrage qu'il a publié, en collaboration avec Gervais, sous-le nom d'Ostéographie des cétacés vivants et fossiles

A l'époque pliocène, alors que la Grande-Bretagne était encore unie au continent :

« Cette partie des Pays-Bas formait un estuaire, un golfe au fond duquel, - et cela pendant des temps géologiques très longs, - les courants et les vents poussaient des cadavres de Phoques, de Dauphins, de Baleines, des Tortues grandes comme des éléphants, des Requins de 50 pieds de longueur ». 
Outre les genres encore vivants on y trouve les représentants de plusieurs genres éteints, caractérisés par Van Beneden et Gervais sous les noms de Neobalaena, Probalcaena, Balaenula, Balaenatus, Megapteropsis, Cethorium, Plesiocetus,etc. Ce dernier genre se retrouve dans les sables pliocènes du val d'Arno, en Italie, très riche également en ossements de Cétacés. Souvent ces animaux ne sont représentés que par les débris de leur caisse auditive, désignés sous le nom de Cétotolites (pierres de baleines), qui sont très abondants dans le crag d'Anvers et le red-crag d'Angleterre. Les osselets de l'oreille, très grands et très durs chez ces animaux, se conservent bien à l'état fossile et leur forme est assez caractéristique pour permettre à elle seule de distinguer les espèces. 

On a également trouvé des Baleines dans les couches tertiaires de l'Amérique du Nord (Protobalaena, Eschrichtius, etc.), et de l'Amérique du Sud.

Quant à la phylogénie de ces singuliers Mammifères, on peut dire que la présence de dents à l'état foetal permet de faire dériver les Baleines de Cétacés primitivement pourvus de dents, et à ce point de vue les Zeuglodontes, animaux marins pisciformes et très allongés du Miocène de l'Amérique du Nord, peuvent être considérés comme appartenant à la ligne ancestrale des Balénidés. 

La présence chez ces derniers d'un bassin atrophié, simplement suspendu dans les chairs, mais qui porte encore des rudiments des membres inférieurs sous forme d'osselets distincts, alors qu'il n'y a plus trace de ces membres à l'extérieur, permet d'affirmer que les ancêtres des Baleines ont eu deux paires de nageoires comme les Phoques de l'époque actuelle et les Ichthyosaures de l'époque secondaire, mais n'indique nullement que ces grands Cétacés aient jamais été des quadrupèdes terrestres. (E. Trouessart).

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