Les mines
des tsars
Si
la majeure partie du vaste territoire sibérien est peu susceptible
d'être cultivée, le sous-sol de ce même terrain offre
parfois des ressources aussi précieuses en métaux divers
ou en houille. Au temps de Chappe, les métaux qui fascinent le plus
l'homme, l'or et l'argent, ont seuls été soumis à
une exploitation active.
Or.
- Dans la Sibérie, les mines ont été en grande partie
épuisées déjà, c.-à-d. que les procédés
d'extraction employés n'ont permis que de traiter les parties les
plus riches. En dehors des mines de l'Oural, rattaché à la
Russie d'Europe, et de celles de l'Altaï exploitées depuis
l'Antiquité, la plus grande partie des minerais aurifères
se retirent des terrains alluviaux, en particulier de ceux de la Lena (Olekminsk
Vitimsk) des environs de Nijne-Oudinsk, Kansk et Minusinsk dans le bassin
de l'Ienisseï, etc. Les gisements se trouvent dans des fonds recouverts
par des terrains tourbeux, marécageux. L'exploitation est fort coûteuse
et nécessite l'enlèvement en grandes quantités de
couches superficielles stériles et le transport de ces débris
à distance du lieu de l'exploitation.
Les
mines forment, dans la Sibérie moyenne, cinq groupes, comprenant
un ensemble d'environ 380 mines, dont 260 situées dans la zone des
forêts, 120 dans la zone agricole. Elles occupent environ 10 000
ouvriers et fournissent annuellement jusqu'à 400 millions de F.
d'or. L'arrondissement minier de l'Altaï est tombé au second
rang. Les gisements les plus riches se trouvent dans les bassins de l'Amour
et de la Lena, où de grandes compagnies se sont constituées
pour l'exploitation du précieux métal. En l'année
1880, 8 400 kilogrammes d'or furent extraits par une seule compagnie,
la compagnie d'Olekma, pour la valeur de 25 millions de F. La valeur de
l'extraction s'y maintenait encore, dans à la fin du XIXe siècle,
à 18 millions.
Argent.
- La production du métal blanc est en grande diminution sur toute
l'étendue de la Sibérie. Même les mines de Nertchinsk,
célèbres autrefois, tant par la quantité du précieux
métal extrait que parce qu'elles passaient pour le pire des bagnes
sibériens, ont perdu beaucoup de leur importance. Dans l'Altaï,
la production fut autrefois abondante; on évalue à 2 millions
de kilogramme le métal extrait depuis la début de la découverte
jusqu'à l'année de l'abolition de l'esclavage, c.-à-d.
1863, soit environ 115 ans. Actuellement, ces mines ne fournissent qu'une
quantité insignifiante. Dans le cercle de Nertchinsk, l'exploitation
des mines d'argent remonte aux premières années du XVIIIe
siècle. Les débuts furent naturellement très modestes.
La production atteignit 10 000 kilogrammes par an, vers l'année
1763, et se maintint jusqu'à 1786. Deux siècles plus tard,
sur 90 mines d'argent que renferme la contrée, 10 seulement sont
encore en exploitation; elles fournissent environ 800 kg par an; l'ensemble
de la Sibérie en produit à cette époque de 6 000 à
7 000 kg.
Il
convient d'ajouter à la production des métaux précieux
celle du platine, abondant surtout dans l'Oural.
Autres
métaux. La Sibérie est riche en d'autres métaux
: le fer et le cuivre, notamment, enfouis en grandes quantités sur
divers points du territoire. Ces richesses sont longtemps restées
mal connues et peu exploitées. L'arrondissement minier de l'Altaï,
apanage particulier du tsar, renfermait jusqu'à 800 mines, dont
500 ont commencé à être exploitées seulement
à partir des années 1850. Les gisements forment deux groupes,
désignés par les noms de mines de Zmeinogorsk, et qui
s'étendent sur le versant Nord-Ouest. de l'Altaï proprement
dit, et de Salaïr, du nom d'une petite chaîne de montagnes.
Les deux principaux métaux : plomb argentifère et cuivre,
se trouvent à des profondeurs variant entre 150 et 200 m, dans des
terrains, transitoires, entre les argiles ferrugineuses et les pyrites.
La quantité de plomb extraite à la fin du XIXe siècle
était en moyenne de 280 tonnes. Mais les mines se sont vites épuisées
et en quelques décennies la production est devenue presque nulle.
La fonte du cuivre s'élevait, en 1872, à 650 tonnes. Elle
fut de 300 tonnes environ par an, durant la période de 1882-94;
elle est tombée rapidement. L'arrondissement minier de l'Altaï
est resté très riche en fer, dont l'usine, près de
Kouzaetz, coulait au début du XXe siècle 1700 tonnes. La
production du fer était alors minime, 7 000 tonnes par an; cependant
les gisements de fer restaient nombreux dans la Transbaïkalie, région
de Nertchinsk. Ils alimentaient l'usine Petrovsk, sur la rivière
Baliaga (affl. du Khilok), à 500 km de Tchitca . Le sel était
tiré des lacs, fort nombreux surtout dans la Sibérie occidentale
(gouv. de Tomsk). On en extrayait 30 000 tonnes par an. Enfin, le minéral
le plus essentiel, la houille, a été découvert à
la fin du XIXe siècle, en grandes quantités, sur divers points
du territoire. Le bassin houiller le plus important reconnu jusqu'à
à la fin du régime des tsars est celui qui s'étend
de Kouznetzk, c.-à-d. du Nord de l'Altaï, jusqu'à l'Ob.
Il a plus de 400 km de long sur 100 km de large, soit une superficie de
45 000 km². Le charbon y a été très vite reconnu
d'excellente qualité. A l'autre extrémité de la Sibérie,
le long du Pacifique et dans l'île de Sakhaline,
se trouvent aussi d'importants gisements de houille. La Sibérie
est riche en graphite; les principaux gisements sont à Touroukhansk
et dans le gouv. d'Irkoutsk.
Dans
l'Oural.
On
trouve dans l'Oural, l'Altaï, à Nertchinsk, des pierres précieuses,
topaze, grenat, émeraude, malachite, etc.
Gîtes
minéraux et métallifères. En dehors de ces types
normaux, l'Oural est depuis longtemps célèbre par le développement
qu'y prennent de curieuses associations de minéraux capables de
fournir des roches filoniennes distinctes. De ce nombre figure, par exemple,
ce mélange exceptionnel du corindon, soit avec l'anorthite, soit
avec l'orthose, qu'on trouve souvent réalisé en filons minces
dans les gneiss du versant Ouest de l'Oural du Sud. Mais le centre éruptif
de cet ordre le plus remarquable, c'est celui des monts Ilmen. Placés
sous la dépendance immédiate de la syénite
néphélinique, qui tient une si grande place dans cette chaîne,
on n'y compte pas moins de 150 gîtes de minéraux de cet ordre,
tous différents comme composition et largement exploités,
en raison de leur richesse en minéraux contenant des corps simples
rares, tels que zirconium, thorium, cérium, lanthane, tantale, niobium,
etc. Parmi les plus curieux figurent d'épais filons pegmatoïdes
d'un granite vert à amazonite (microfilme) renfermant de la sodalite,
de la cancrinite, du zircon et de la fluorine, tandis que, dans leurs cavités
drusiques, on peut recueillir, sous forme de cristaux bien spécifiés
et d'une grande pureté, des topazes, des émeraudes (aigue-marine)
accompagnées de tourmaline, columbine, samarskite, monazite, helvine,
cryolite, chiolite, etc. Chaque gîte se spécialise ensuite
d'après le minéral dominant; telles sont les mines de zircon,
de pyrochlore, d'aeschnite et de topaze. Très importants aussi,
les gîtes métallifères obéissent, comme les
roches éruptives du reste, .è deux modes de distribution
distincts en relation étroite avec la structure des deux versants.
Ainsi les gisements stratifiés, tels que ceux de limonite
et, de grès cuprifères, sont étroitement localisés
sur le versant russe, tandis que les gîtes en filons et en amas se
tiennent spécialement sur celui disloqué qui fait face ù
la Sibérie. D'où le développement qu'y prennent de
grands centres industriels, tels que ceux de Bogoslovsks et de Bérézovsk,
où la magnétite, le fer chromé aussi bien que l'or
et le platine fournissent aux tsars tout autant d'exploitations fructueuses.
(Ch. Vélain). |