 |
Les connaissance
que l'on pensait avoir acquise Ă la fin du XIXe
siècle de l'atmosphère
de Vénus portaient à s'interroger
sur l'habitabilité de la planète ,
et, pour commencer sur sa météorologie. Beaucoup de choses étranges
ont été dites alors et même encore dans les années 1960,
à l'aube de l'exploration de la planète à l'aide de sondes spatiales.
De plus, l'opacité de cette atmosphère à longtemps été sous-estimée.
On a cru déceler des détail du sol vénusien, quand on on ne voyait que
des nuages. De ce fait, la connaissance de la période de rotation
de la planète a elle aussi dû attendre l'âge spatial pour être définitivement
fixée.
Dates
clés :
1666
- Cassini estime à environ 24 heures la rotation de Vénus.
1890
- Schiaparelli et d'autres optent pour une rotation de 225 jours environ.
1962-1967
- Carpenter, déduit d'observations radar que la rotation est de 243 jours;
il confirme par ailleurs les soupçons qui la faisaient déjà depuis quelques
années rétrograde.
|
|
 |
La
météorologie vénusienne
L'air
que l'on aurait pu respirer sur Vénus ,
croyait-on, n'était pas très différent, physiquement et chimiquement
de celui que nous respirons. Il semblait lui aussi imprégné, comme le
nôtre, de vapeur d'eau, et les variations de température y produisaient
apparemment des nuages, des courants atmosphériques, des vents, des pluies,
en un mot, un régime météorologique offrant de grandes analogies avec
le nôtre. Les différences supposées entre les deux atmosphères faisaient
par ailleurs croire que malgré la plus grande proximité
du Soleil ,
Vénus devait se trouver, au point de vue de l'habitabilité, dans des
conditions sensiblement voisines de celles de notre globe.
Paysage
vénusien, selon l'opinion d'Arrhénius, en 1918...
A une nuance près
: les observations de Cassini, de Bianchini,
de Vico, faisaient attribuer Ă l'axe de rotation
de Vénus une inclinaison
importante - Les observations de Bianchini avaient indiqué 75°
et les mesures modernes de Vico l'estimaient à 55° -,
d'où résulteraient des transitions brusques d'une saison
torride à une saison glaciale; mais en même temps, la fiabilité de ces
observations avaient fini par être très contestée. Toutes les spéculations
semblaient dès lors permises...
-
Des ambiguïtés
des sixties
Les
premières études radar destinées à percer les secrets que Vénus cachait
sous ses nuages ont d'abord rendu les astronomes assez perplexes. Certes,
ces travaux ont permis de montrer que la surface de la planète présentait
certaines irrégularités, contrairement à l'avis de quelques astronomes
qui la pensaient complètement recouverte de liquide. Mais ils montraient
également que la température de la planète devait atteindre les 300°
C (la sonde Mariner II, permit mĂŞme de conclure en 1962
que la température pouvait atteindre les 462° C...). L'hypothèse que
Vénus renferme des lacs de métaux fondus (alumine, plomb, étain, magnésium
ou zinc) sous sont atmosphère à haute pression
a été avancée.
Mais
surtout, l'origine de cette température
très élevée posait problème. Fallait-il invoquer un effet
de serre? C'est l'option qui sera finalement
retenue, mais auparavant d'autre possibilités ont été explorées. En
particulier, on s'est demandé si la température ainsi mesurée concernait
bien le sol de la planète ou seulement celle d'une couche atmosphérique
élevée. Des astronomes tels que John Strong et William Plummer ont même
souligné que dans pareille hypothèse l'habitabilité de Vénus n'était
toujours pas complètement exclue.
Des
obstacles demeuraient cependant : les sondes spatiales avaient montré
l'absence de champ magnétique capable de mettre la planète à l'abri
du rayonnement cosmique dont on sait qu'il est nuisible pour la vie; et
d'autre part, la composition chimique de Vénus semblait assez éloignée
de celle de la Terre .
Kozyrev avait montré que le gaz carbonique était
dominant, et l'eau paraissent en outre assez rare. Audouin Dollfus en 1963
et John Strong en 1964
ont toutefois déduit de leurs observations qu'on pouvait la rencontrer
sous forme de cristaux de glace dans une proportion de 10 milligrammes
par centimètre cube au dessus des nuages. |
- |
|
La
période de rotation
Restait cependant
une énigme, dont la résolution aurait pu fournir une clé précieuse
de la météorologie vénusienne : quelle était la durée du jour
sur cette planète? Il faudra patienter jusqu'au milieu du XXe
siècle pour obtenir une réponse satisfaisante.
En attendant, on s'essaie Ă donner quelques chiffres.
Cassini est le
premier qui, étant parvenu à remarquer quelques taches sur son disque,
en suivit le mouvement, et conclut Ă l'existence d'une rotation, que ses
mesures, commentées par son fils, portaient à 23 heures 15 minutes.
"Je
puis néanmoins dire (supposé que cette partie luisante de Venus que j'ay
observee, & particulierement cette année, ait toujours été la mesme)
qu'en moins d'un jour elle acheve son mouvement, soit de revolution, soit
de libration; de maniere qu'en 23 jours à peu près [après
25 rotations supposées], elle revient environ
Ă la mesme heure, Ă la mesme situation dans la Planete de Venus: ce qui
ne se fait pas néanmoins sans quelque irregularité." (Le Journal des
Sçavans, 12 décembre 1667, pp. 122-125).
Ces observations datent de 1666.
Elles ont été faites à Bologne, en Italie, avant que Louis
XIV eût appelé cet astronome à la direction de l'Observatoire de
Paris ,
qui venait d'être fondé. Soixante ans plus tard, en 1726,
Bianchini, autre astronome italien, trouvait
24 jours 8 heures pour cette même durée de rotation. Cette énorme différence
provenait de ce qu'il avait observé la même tache revenue à une position
identique après une période de 25 rotations entières, ce qui donne,
par la division, 23h 22 mn pour la durée de chacune d'elles, nombre très
voisin de celui de Cassini. En 1789,
Schroeter, qui a suivi la planète pendant
neuf ans, estime la période de rotation à 23 heures 28 minutes. EN 1811,
il publiera la valeur "affinée" de 23 heures 21 minutes et... 7,977 secondes.
Enfin, une belle série d'observations
organisées en 1841 sous le ciel ordinairement
très pur de Rome par le P. de Vico, a laissé penser
que l'on tenait enfin la réponse. On a attribué alors la période de
rotation de Vénus à 23 heures 21 minutes 22 secondes. Un valeur que d'autres
arguments sont venus rendre crédible au cours des décennies suivantes.
En particulier les mesures qui ont été faites de l'aplatissement de la
planète. Mesuré ainsi par Tennant pendant le
passage de 1874, cet aplatissement
polaire a été évalué à 1/260. Cette valeur qui apparaissait un peu
supérieure à celle de l'aplatissement terrestre, qui est de 1/234, et
pouvait s'expliquer par une rotation légèrement plus rapide de Vénus.
Observation
des taches et de la rotation de Vénus.
(Cassini,
1666-1667 et, Ă droite, Bianchini, 1726).
La grande difficulté
de cette détermination provenait en partie de ce que la planète a une
rotation rétrograde, alors que l'on analysait les observations en faisant
l'hypothèse qu'elle était dans le sens direct comme celle des autres
planètes connues. Une ambiguïté déjà pressentie à la suite des travaux
de Stuyvaert qui, entre 1877
et 1890
avait produit une série de dessins très soignés de Vénus et qui étaient
compatibles avec une rotation lente comme avec une rotation rapide (soit
autour de 23 heures, comme le croient encore, Ă partir d'observations
indépendantes, Flammarion, Trouvelot
et Niesten). MĂŞme si certains astronomes tels que Vogel
et Lohse, dans un premier temps, puis Schiaparelli
(Rendiconti del R. Instituto Lombardi, vol. XXIII, puis Ast.
Nach. n°2944) (et à sa suite Perrotin,
Tacchini, Cerulli,
et Mascari) avaient déjà cru pouvoir conclure dès 1890
que la rotation de Vénus était synchrone avec sa révolution (soit 224,7
jours), l'énigme va persister encore pendant plusieurs décennies.
Cela valait bien
un télégramme...
Kreutz
(1900) : "Backlund a trouvé que
le
temps de rotation de Vénus est court"...
|
|
|
Le
bout du tunnel.
En 1900,
Belopolski, qui a recours à la méthode spectroscopique
(recours à l'effet Doppler) inaugurée par Dunér
pour constater la rotation du Soleil, croit pouvoir conclure Ă une "rotation
rapide", estimée à 12 heures. Ces mêmes études spectrales de Vénus
se poursuivront au cours des premières décennies du XXe
siècle, mais avec des conclusions toujours
aussi peu décisives. Par exemple, Slipher, qui
est l'assistant de Lowell Ă Flagstaff opte, en 1903,
pour une valeur de 225 jours. En 1922,
St-John et Nicholson à l'observatoire du Mont Wilson, déduisent de leurs
recherches sur la composition chimique de l'atmosphère vénusienne (dans
laquelle ils découvrent l'absence d'eau et d'oxygène) que la période
doit probablement être inférieure à 225 jours, mais supérieure à 15
jours. En dĂ©finitive, les progrès auront Ă©tĂ© bien minces, jusqu'Ă
ce que ce type d'études connaisse un renouveau au cours de la seconde
moitié du siècle. En 1956,
profitant d'une élongation favorable de Vénus, Robert Richardson a effectué
une spectroscopique de Vénus à l'aide du télescope de 2,5 m du mont
Wilson (Californie ),
et d'autres instruments plus petits. Les résultats des observations se
sont avérés compatibles avec trois options :
1 - Les
sens de rotation est rétrograde, et la période est comprise entre 8 et
46 jours. Selon Richardson, il y avait une chance sur deux pour que l'on
soit dans ce cas de figure.
2 - La période
dépasse les 14 jours, ou alors elle dépasse 5 jours et est rétrograde.
Seize chances sur dix-sept pour qu'il en soit ainsi...
3 - La période
est supérieure à 7 jours dans le sens direct, ou bien elle dépasse 3,5
jours dans le sens rétrograde. Une affirmation qui a 134 chances sur 135
d'ĂŞtre exacte.
Une ambiguïté, ajoutée aux incertitudes
issues des études radioatronomiques, qui montre bien quelle était encore
à cette époque la perplexité des astronomes sur cette question.
-
Et pendant
ce temps sur radio Vénus...
Entre
février et juillet 1956, Kraus, à l'université d'Etat de l'Ohio a effectué
une étude des signaux radios émis par Vénus dont les caractéristiques
fluctuantes lui ont rappelé celle de Jupiter .
Des impulsions ont été constatées tous les 13 jours, mais Kraus a supposé
que cet intervalle ne correspondait pas à la période de la rotation de
la planète, mais plutôt à la "fréquence de battement entre les périodes
de rotation de Vénus et de la Terre", ce qui l'a conduit à donner comme
valeur probable de la période de Vénus quelque chose comme 22 heures
17 minutes (à plus ou moins dix minutes près). Aucune indication sur
le sens de rotation n'était obtenue par ce moyen.
Une
conclusion aussitôt contestée par des astronomes qui on noté que si
la rotation de vénus avait été aussi rapide, la planète aurait montré
un certain aplatissement polaire, comme la Terre. Or, ce n'est pas le cas.
Si bien que l'on a préféré généralement adopter, au vue des études
de Kraus, la valeur de 13 jours, plus proche des valeurs déduites des
études spectroscopiques. |
-
MĂŞme si l'on peut encore trouver jusque
vers 1977 des travaux spectroscopiques
qui concluent à une rotation rapide de Vénus dans le direct, la lente
rotation de la planète dans le sens rétrograde
est le plus souvent considérée comme acquise à la fin des années 1960,
grâce aux études radar de la planète. Le radar perce le rideau opaque
de l'atmosphère et peut rendre compte, grâce à l'effet Doppler ,
de la rotation de la surface. Le chiffre, pour la rotation sidérale, de
242, 982 jours, que donne en 1970 (Ă
partir de mesures effectuées entre 1962
et 1967) R. L. Carpenter, par exemple,
peut être comparé à celui qui est admis aujourd'hui de 243,686 jours.
Les toutes premières études radar de
la planète remontent aux travaux en 1961
de Victor et Stevens (Jet Propulsion laboratory) et de chercheurs de l'observatoire
Lincoln du MIT. Elles ont permis de conclure à une probable périodicité
longue, mais sa valeur n'a pas pu être donnée. En 1963,
les étude de Smith ont montré que la rotation était possiblement rétrograde.
La même année, Kotelnikov et ses collaborateurs, adoptent la rotation
rétrograde, et lui donnent à la période une valeur comprise entre 200
et 300 jours. En 1964, Carpenter, fini
par conclure, à partir des travaux conduits au JPL au cours des deux années
précédentes, que la rotation doit effectivement être rétrograde et
que sa valeur est de 250 jours (plus ou moins 40 jours).
L'antenne
parabolique du JPL Ă Goldstone (Californie).
(Source
: Schuster, Levy, Astronomical Journal, février 1964).
A la même époque Posonby à Jodrell Bank,
en Angleterre, confirme la rotation rétrograde, mais fournit des valeur
imprécises pour la rotation (entre 100 et 300 jours). En 1965,
Goldstein, fondant sa conclusion sur des mesures de plus en plus précises
obtenues au JPL, publie la valeur de 250 à 9 jours près. Il donne également
la valeur de l'inclinaison de l'axe de rotation de la planète. En 1966,
Carpenter resserre de nouveau la fourchette et donne une période comprise
entre 254 et 255 jours. En 1967, des
observations commencées trois ans plus tôt à partir de l'observatoire
d'Arecibo, à Porto Rico, donnent un résultat très précis : 245,1 jours.
(Le même article, publié par Dyce, Pettengill et Shapiro dans l'Astronomical
Journal fixe la durée de rotation de Mercure
Ă 88 jours). |
|
|
La
superrotation de l'atmosphère
On sait aujourd'hui que l'atmosphère
vénusienne tourne globalement autour de la planète en quatre jours environ,
alors que la période de rotation de Vénus est de 243,7. Ce phénomène
dont l'élucidation est complexe, appelé superrotation, est en relation
notamment avec les effets de marées ,
et sans doute des effets thermiques, subis par cette atmosphère. Il a
pu être mis en évidence, sinon compris du fait des incertitudes qui régnaient
alors sur la rotation de la planète proprement dite, dès 1957
par C. Boyer, Ă l'aide de photographies sensibles Ă la partie ultraviolette
du spectre
électromagnétique (un type d'étude inauguré dès 1928
par F. E. Ross). Elle a été déduite du suivi d'une structuration en
Y couché des nuages équatoriaux, souvent signalée par la suite. |
|