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Les Tuamotu
Les îles Touamotou, Tuamotu ou Pomutu, sont un archipel de la Polynésie. Jusqu'en 1854, le nom de Pomutu, qui signifie « îles soumises » le désignait, ayant été donné par les Tahitiens après la conquête. A cette époque, le gouvernement français le changea en celui de Toamotu (= îles lointaines), le seul officiel actuellement. On le nomme aussi archipel des îles Basses; on a jadis distingué l'archipel Dangereux et celui de la Mer Mauvaise. Les Tuamotou font partie de la Polynésie française. Elles se composent d'environ 80 îles formant une longue traînée de 1500 kilomètres sur 600 kilomètres environ en largeur, dirigée du Nord-Ouest au Sud-Est, et constituant le quatrième alignement des îles polynésiennes, entre celui (le troisième) des îles Union et de la Société et le cinquième (traînée septentrionale des Iles Basses), et sixième (America-islands et Marquises). Dans leur prolongement au Sud-Est se trouve le groupe des Gambier ou Mangaréva.

Géographiquement, les Tuamotu se divisent en groupe du Nord, comprenant, au Nord du 13° latitude Sud, 8 îles (92 km²); groupe du Centre, 52 îles, 675 km² ; groupe du Sud, près et au-dessous du 20° de latitude Sud, 16 îles, 211 km². Total de la superficie, 978 km². Plusieurs îles sont inhabitées. Les points extrêmes de l'archipel sont : Tepoto du Nord, au Nord (14° lat. S. ; 143° 45' O); Morane ou Cadmus, au Sud (23° 8' S. ; 139° 26' O.); Matahiva, à l'Ouest (14° 56' S. ; 150° 57' 0.); Marutea du Sud, à l'Est (21° 32' S.; 137° 55' O.). Les principales des 56 îles énumérées de l'Est à l'Ouest sont : Kao, découverte par Bougainville; Hikuéra, riche en nacre; Takaroa; Anaa, la plus considérable, ancienne île de la Chaîne, découverte par Cook en 1773; elle renferme le village de Tunhora ou fut longtemps le chef-lieu; après le cyclone de 1878, il fut transféré à Fakarana, excellent mouillage; Kankura, riche en perles; Rangiroa, le plus vaste atoll de l'archipel.
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Archipel des Tuamotu : Rangiroa.
L'atoll de Rangiroa. Source : Nasa / ISS.

Presque toutes les îles sont des atolls, dont les lagons sont en communication avec la mer par des passes (32 îles) ou sont isolés (40 îles) ; il en est qui n'ont pas de lagon. La bande de corail et de sable autour du lagon jusqu'à la mer a une largeur de 400 à 800 m; les îlots, de 4 à 5 m de hau teur, se forment au milieu de cette bande. Ces flots sont couverts de végétation ou plantés de cocotiers, ils sont plus nombreux dans les parties des récifs abrités de la grosse houle du Sud. L'eau potable manque, il faut la faire venir de Tahiti ou consommer celle de pluie ou de l'eau distillée; l'eau naturelle est saumâtre.

Le climat est agréable. Les chaleurs sont tempérées par la brise constante. La saison des pluies règne en novembre, décembre et janvier. Les vents alizés de l'hémisphère Sud, les vents du Sud-Est, dominent, mais sont influencés par l'évaporation que produit la chaleur solaire sur l'eau des lagons, en sorte qu'ils sont le plus forts quand cette action est moindre, juin à septembre. De décembre à mars, les vents dominants soufflent du Nord à l'Est-Nord-Est. C'est la saison des cyclones. En avril et mai, en octobre et novembre, les brises sont variables. En toutes saisons, l'Ouest est pluvieux, le Nord-Ouest tempétueux. Les cyclones sont rares aux Tuamotu. La hauteur moyenne du baromètre est de 763 mm aux Tuamotu.

La flore est pauvre : 30 espèces spontanées seulement, d'après Gray. Sur le sol corallien de ces fies, encore dépourvu d'humus, la végétation ne consiste qu'en de maigres touffes de miki-miki (Piperomia), de Guettarda speciosa L. (Tafana), arbuste particulier aux îles madréporiques, dont les fleurs sont belles et parfumées (Rubiacées); de Tournefortia, de Pentacarya, de Scaevola, etc. Avant la plantation et l'extension du cocotier, les fruits du Pandanus odoratissimus (Fara) et le pourpier étaient les seules productions du sol nécessaires ici à l'alimentation. En outre du cocotier, on cultive le taro (Colocasia), l'ananas, l'arbre à pain, le bananier, qui ont été apportés de Tahiti dans les îles de la partie occidentale. Il faut citer encore, comme textiles, le Pandanus utilis, ainsi que le Tacca pinnatifida (Pia) et le Pipturus velatinus var. pomotouense, à l'état sauvage fort répandu (Roa). Le pia donne aussi de la fécule. L'Alyxia stellata (Apocynées) ou Maïré fournit une écorce bonne pour la parfumerie.
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Rangiroa.
Une vue de Rangiroa, dans l'archipel des Tuamotu. Source : The World Factbook.

La faune est bornée, quant aux mammifères terrestres, à un rat; il y a quelques espèces d'oiseaux; on trouve à Makatéa des pigeons verts et une tourterelle, et dans les îles du Sud, des oiseaux plus variés, tels que rossignols, perruches, dites inséparables (Agapornis) , etc. ; un petit nombre d'insectes; le crabe du cocotier, quelques lézards, etc. La faune marine est riche : dauphins, oiseaux de mer, tortues, poissons (dont certains sont vénéneux). Les huîtres perlières (Meleagrina margaritifera), qu'on trouve dans les lagons, constituent une source importante de revenus. Les seuls animaux domestiques sont les porcs et les poules, et des chiens.

Histoire des îles Tuamotu

Les îles Tuamotu furent colonisées, entre 500 et 1000 ap. JC, par des peuples polynésiens venus probablement des îles Samoa, Tonga ou des Marquises, dans le cadre des grandes migrations océaniennes qui peuplèrent une grande partie du Pacifique. Ces premiers habitants, d'excellents navigateurs, se déplaçaient dans des pirogues à double coque sur de longues distances. Ils apportèrent avec eux leurs coutumes, leur langue (le paumotu, une variante du tahitien) et leurs structures sociales tribales. La vie dans les Tuamotu était centrée sur les atolls, avec une organisation sociale en clans ou chefferies. L'économie était principalement basée sur la pêche et l'agriculture, bien que les atolls offraient peu de terres arables. Les Tuamotuans pratiquaient également l'artisanat, notamment la construction de pirogues et le tressage de nattes. La religion était polythéiste, avec des rituels dédiés aux dieux de la mer et des ancêtres.

Les îles Tuamotu furent l'un des premiers archipels de Polynésie à être visités par les Européens. En 1521, le navigateur portugais Fernand de Magellan, au service de l'Espagne, fut probablement le premier Européen à voir les îles lorsqu'il traversa l'océan Pacifique pendant son tour du monde. Il les baptisa "Les îles des Voleurs", en raison de la tentative des habitants de s'emparer de ses biens. Cependant, les sources précises restent incertaines, et les contacts directs avec les Européens furent limités à ce stade. Les Tuamotu continuèrent d'être visitées par d'autres explorateurs comme Quiros, puis Lemaire et Schouten en 1616; Bougainville (1768), Roggeveen en 1722 et Cook (1769 et 1773). Les navigateurs européens donnèrent des noms différents à plusieurs des atolls, ignorant généralement la toponymie locale. Ces explorations permirent de mieux cartographier l'archipel, mais les contacts directs avec la population restèrent sporadiques et occasionnels. Quoi qu'il en soit, ces premiers contacts avec les Européens eurent des effets négatifs sur la population indigène, notamment l'introduction de maladies contre lesquelles les insulaires n'étaient pas immunisés, provoquant des épidémies dévastatrices. Les rois de Tahiti conquirent l'île occidentale de Makatéa, et eu firent un lieu de déportation, puis les rois Oton et Pōmare ler (1753-1803) étendirent sur tout l'archipel leur domination. 

Dans les années 1820, des missionnaires britanniques de la London Missionary Society (LMS) arrivèrent en Polynésie, notamment à Tahiti et dans les îles voisines. Ils introduisirent le christianisme protestant dans les Tuamotu, et de nombreux habitants furent convertis à cette nouvelle foi. Cette christianisation bouleversa la structure sociale et religieuse traditionnelle, remplaçant les anciennes croyances polynésiennes par le christianisme. La France, cherchant à étendre son empire colonial dans le Pacifique, prit progressivement le contrôle de la Polynésie. En 1842, elle établit un protectorat sur Tahiti et, au fil des décennies, inclut les îles Tuamotu dans son autorité. En 1880, le roi Pomare V de Tahiti céda officiellement Tahiti et ses dépendances, dont les Tuamotu, à la France. Les îles furent alors pleinement intégrées à la Polynésie française. Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les atolls des Tuamotu devinrent célèbres pour leurs perles noires et leurs nacres. La perliculture devint une activité économique importante pour l'archipel. Des plongeurs locaux extrayaient les huîtres perlières, et les perles noires des Tuamotu, réputées pour leur beauté, commencèrent à être exportées à travers le monde. Parallèlement, avec l'arrivée des Européens et des Asiatiques (principalement des travailleurs chinois), la structure économique des îles commença à changer. Le commerce se développa autour de la perliculture et de la coprah (pulpe séchée de la noix de coco). Cela conduisit à une plus grande intégration des Tuamotu dans les circuits commerciaux internationaux, bien que l'archipel resta relativement isolé.

Après la Seconde Guerre mondiale, la Polynésie française devint un site stratégique pour la France. Dans les années 1960, la France choisit les îles Fangataufa et Mururoa, dans l'archipel des Tuamotu, comme sites pour mener ses essais nucléaires atmosphériques et souterrains. De 1966 à 1996, environ 193 essais nucléaires furent effectués, causant des impacts écologiques et sanitaires importants sur les populations locales et leurs environnements. Ces essais furent largement controversés, tant au niveau local qu'international. Des mouvements de résistance émergèrent, demandant l'arrêt des essais et une prise en charge des effets néfastes sur la santé des insulaires. Les essais contribuèrent également à une certaine modernisation des infrastructures locales, bien que cela soit perçu comme une compensation inadéquate par de nombreux Tuamotuans.

Les essais nucléaires en Polynésie française ont été menés par la France entre 1966 et 1996 sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. Ils font partie des essais effectués dans le cadre du programme nucléaire français, qui visait à doter le pays d'une force de dissuasion. Après avoir réalisé ses premiers essais nucléaires dans le Sahara algérien, la France a déplacé ses tests en Polynésie française à cause de la décolonisation en Afrique du Nord. Les essais se sont déroulés sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, situés dans l'archipel des Tuamotu, à environ 1 200 km de Tahiti. 

Au total, 193 essais nucléaires ont été effectués :

+ 46 essais atmosphériques (1966-1974). - Ces essais, effectués en surface ou à haute altitude, ont entraîné une dispersion massive de radioactivité. Le plus connu est l'essai Canopus en 1968, une bombe H testée dans l'atmosphère.

+ 147 essais souterrains (1975-1996). - Pour limiter les retombées radioactives, la France a ensuite opté pour des essais souterrains. Cependant, ces tests ont aussi provoqué des fuites et des contaminations.

Les essais ont eu des conséquences importantes sur l'environnement et la santé des populations locales.Les tests atmosphériques ont contaminé les îles avoisinantes, affectant la faune, la flore et les habitants. Des études ont montré une augmentation des cas de cancers, de maladies thyroïdiennes et d'autres problèmes de santé parmi les habitants et les militaires exposés. Les explosions souterraines ont provoqué des fissures dans les atolls, entraînant des risques d'effondrement et de fuite radioactive.

Les essais nucléaires ont suscité de vives oppositions locales et internationales. Les populations polynésiennes, les écologistes et d'autres pays ont condamné ces tests. Les campagnes de protestation, notamment celles de Greenpeace, ont attiré l'attention mondiale, notamment avec le bombardement du navire Rainbow Warrior en 1985 par les services secrets français.

En 1996, sous la présidence de Jacques Chirac, la France a finalement mis fin à ses essais nucléaires après une série de six derniers tests. Depuis, la question de l'indemnisation des victimes a été au centre des discussions. En 2010, une loi a été adoptée en France pour indemniser les victimes des essais nucléaires, mais les critères restent stricts et peu de personnes en bénéficient. En 2021, le président Emmanuel Macron a reconnu la responsabilité de la France dans les conséquences des essais nucléaires en Polynésie et a promis plus de transparence dans l'accès aux archives. Cependant, beaucoup considèrent que cette reconnaissance est insuffisante au vu des souffrances endurées par les Polynésiens.

Aujourd'hui, l'économie des Tuamotu est principalement basée sur la perliculture, avec des atolls comme Manihi et Ahe qui sont des centres de la culture des perles noires. Le tourisme est également en plein essor, avec des visiteurs attirés par la beauté sauvage des atolls, les eaux cristallines, et la faune sous-marine exceptionnelle, faisant des Tuamotu une destination prisée pour la plongée sous-marine. Malgré cela, l'archipel reste relativement isolé et confronté à des défis majeurs. Le changement climatique et l'élévation du niveau de la mer représentent une menace directe pour ces atolls de faible altitude. Les infrastructures sont limitées, et les insulaires doivent jongler entre la préservation de leur culture traditionnelle et l'intégration dans une économie de plus en plus mondialisée. (Ch. Delavaud).
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