Andrei Sakharov

Il rejoint ensuite l'équipe de recherche d'Igor Kourtchatov, le directeur du programme nucléaire soviétique. Sakharov se révèle être un scientifique exceptionnel, apportant des contributions cruciales au développement de la bombe H soviétique. Il devient rapidement une figure clé du programme, accédant à des postes de responsabilité et recevant de nombreuses distinctions et honneurs, notamment le titre de Héros du travail socialiste. Il vit dans un environnement privilégié, bénéficiant des avantages accordés à l'élite scientifique soviétique.

Cependant, au fil du temps, Sakharov prend conscience des implications morales et politiques de son travail. Il est de plus en plus préoccupé par les conséquences destructrices des armes nucléaires et par les dangers de la course aux armements. Il commence à exprimer ses inquiétudes en interne, au sein du milieu scientifique et auprès des autorités, mais ses préoccupations sont largement ignorées, voire mal accueillies.

Un tournant majeur dans sa vie se produit à la fin des années 1960. Sakharov s'engage de plus en plus dans la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Union soviétique. Il rédige en 1968 un essai clandestin, "Réflexions sur le progrès, la coexistence pacifique et la liberté intellectuelle", qui circule en samizdat et est publié à l'étranger. Dans cet essai, il appelle à la convergence des systèmes socialiste et capitaliste, à la démocratisation, et à la protection des droits humains. Cet essai marque sa rupture publique avec le régime soviétique.

Les autorités soviétiques réagissent avec hostilité à ses prises de position. Sakharov est progressivement marginalisé et subit des pressions croissantes. En 1970, il fonde le Comité des droits de l'homme à Moscou. Il dénonce les violations des droits humains en URSS, soutient les prisonniers politiques et s'oppose à la censure et à la répression. Il devient une figure emblématique de la dissidence soviétique.

En 1975, Sakharov reçoit le prix Nobel de la paix pour son combat courageux pour les droits de l'homme. Le gouvernement soviétique l'empêche de se rendre à Oslo pour recevoir son prix. Sa femme, Elena Bonner, le représente lors de la cérémonie. Le prix Nobel accroît sa notoriété internationale et renforce son rôle de porte-parole de la dissidence.

En 1980, après avoir publiquement dénoncé l'intervention soviétique en Afghanistan, Sakharov est arrêté et exilé sans jugement à Gorki (aujourd'hui Nijni Novgorod), une ville fermée aux étrangers. Il est assigné à résidence et coupé du monde extérieur. Malgré son isolement, il continue son combat, menant des grèves de la faim et rédigeant des lettres et des appels qui parviennent à l'étranger grâce à Elena Bonner, qui est autorisée à voyager.

Pendant son exil à Gorki, Sakharov devient un symbole de la résistance à la répression soviétique. Les pressions internationales pour sa libération s'intensifient. Avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir et le début de la Perestroïka, la situation politique en URSS commence à changer.

En décembre 1986, Gorbatchev téléphone personnellement à Sakharov pour l'informer qu'il est autorisé à rentrer à Moscou et à reprendre ses activités scientifiques et publiques. Sakharov revient à Moscou en héros. Il s'engage activement dans la vie politique et sociale de la nouvelle URSS. Il est élu au Congrès des députés du peuple en 1989 et devient un membre important du mouvement démocratique. Il plaide pour des réformes politiques et économiques profondes et pour le respect des droits humains.

Andrei Sakharov meurt subitement d'une crise cardiaque en décembre 1989, à l'âge de 68 ans. Sa mort survient peu de temps après la chute du mur de Berlin et quelques jours avant la fin de la Guerre froide.