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Le Pays Basque

Le Pays Basque, territoire aux contours culturels et historiques bien définis, s'étend de part et d'autre des Pyrénées occidentales jusqu'au Golfe de Gascogne, en partie en France et en partie en Espagne. 

Géographie physique.
Relief.
Le relief passe d'une zone littorale découpée à des massifs montagneux d'altitude moyenne puis, plus au sud-est, à des montagnes plus élevées. La côte basque, qu'elle soit française (Lapurdi) ou espagnole (Gipuzkoa, Bizkaia), est principalement rocheuse et abrupte, et alterne falaises spectaculaires (entre Biarritz et Hendaye, ou sur la côte du Guipuscoa) et petites criques. Des estuaires (rias) profonds caractérisent notamment la côte espagnole, offrant des abris naturels et des zones de marais. De plus larges baies accueillent des plages de sable, comme la Baie de St-Jean-de-Luz/Ciboure ou la Concha à Saint-Sébastien. Immédiatement derrière la côte, on trouve un paysage de collines et de vallées encaissées.

Le coeur du Pays Basque est dominé par le Massif Basque (ou Montagnes Basques / Euskal Mendiak), une chaîne de montagnes de hauteur modeste (souvent entre 800 et 1500 mètres, avec quelques sommets dépassant légèrement cette altitude comme l'Aizkorri). Ces montagnes, plutôt arrondies et couvertes de végétation, forment une barrière naturelle mais non infranchissable entre le nord tourné cers  l'Atlantique et le sud plus intérieur. Elles sont caractérisées par des cols peu élevés qui permettent un passage facile. Plus à l'est et au sud-est, notamment dans le sud de la Basse-Navarre et la Navarre, le relief s'élève considérablement pour rejoindre les crêtes principales des Pyrénées (pic d'Orhy, pic d'Anie aux confins de la Soule et de la Navarre). Les vallées sont nombreuses et généralement étroites, sculptées par les rivières descendant des montagnes. Les rares plaines se trouvent principalement le long de la côte, autour des estuaires, et dans le sud de la Navarre, qui s'ouvre vers la dépression de l'Èbre.

Géologie.
La géologie est variée, avec des massifs calcaires où le phénomène karstique est très développé (grottes, gouffres), des flyschs sur la côte (alternance de couches de roches dures et tendres donnant des falaises spectaculaires), et des roches plus anciennes et détritiques. Cette diversité géologique contribue à la variété des paysages et des sols.

Hydrographie.
Le réseau hydrographique est dense et actif. De nombreux cours d'eau prennent leur source dans les montagnes basques et pyrénéennes et se jettent dans le Golfe de Gascogne. Côté nord (Pays Basque français), on trouve notamment la Nive, la Nivelle et l'Adour avec ses affluents, dont la Bidouze et la Saison (Maule). Côté sud (Pays Basque espagnol), les principaux cours d'eau côtiers sont l'Oria, l'Urola, le Deba et le Nervión qui se jette dans l'importante Ría de Bilbao. Le Bidasoa marque une partie de la frontière occidentale. Au sud de la ligne de crête des Montagnes Basques, les rivières s'orientent vers le sud et rejoignent le bassin de l'Èbre (Ebro), comme l'Arga, l'Ega et l'Aragón en Navarre, soulignant le caractère de partage des eaux du territoire. Les rivières basques, souvent courtes et à forte pente dans leur cours supérieur, ont creusé des vallées parfois profondes.

Climat.
Le climat est majoritairement de type océanique tempéré sur la côte et dans le nord, caractérisé par une pluviométrie abondante et régulière tout au long de l'année (c'est une des régions les plus arrosées d'Europe), des hivers doux et humides et des étés tempérés. L'amplitude thermique annuelle y est faible. En s'enfonçant dans les terres et vers le sud, le climat devient plus contrasté, avec une influence continentale croissante et parfois méditerranéenne dans l'extrême sud de la Navarre. Les écarts de température entre saison et entre le jour et la nuit augmentent, les précipitations peuvent être moins régulières mais parfois plus intenses sous forme d'orages estivaux, et les hivers sont plus froids avec des chutes de neige importantes en montagne. Les montagnes elles-mêmes créent des conditions climatiques locales spécifiques. Le vent du sud, le haize hegoa, est un phénomène météorologique notable, fréquemment chaud et sec.

Végétation.
La végétation reflète cette diversité de reliefs et de climats. Les zones humides et les basses altitudes sont couvertes de forêts de feuillus (chênes, hêtres, châtaigniers), de prairies luxuriantes et de paysages de bocage. Avec l'altitude, la forêt laisse place aux landes à bruyères et fougères, et aux vastes pâturages de montagne où paissent traditionnellement les troupeaux de brebis. Dans le sud, sous influence plus sèche, on trouve des garrigues et des forêts de chênes verts. Les conifères, souvent issus de reboisements, sont également présents.

Géographie humaine.
Le Pays Basque, région transfrontalière, sans unité politique ou administrative formelle avant des développements récents dans sa partie française, est avant tout définie par un sentiment d'identité et une langue, l'euskara, distinctifs, qui constituent le coeur de sa géographie humaine. 

L'euskara joue un rôle central dans la géographie humaine du Pays basque. Langue isolée dont les origines sont antérieures aux langues indo-européennes, elle a été un vecteur essentiel de l'identité basque à travers les siècles, malgré les pressions et les interdictions, notamment sous la dictature de Franco en Espagne. Aujourd'hui, sa vitalité varie selon les territoires : plus forte dans certaines zones rurales et sur le littoral (Gipuzkoa, certaines parties de Bizkaia et du nord), elle bénéficie d'une politique de revitalisation active dans la Communauté Autonome Basque (Euskadi) avec son usage dans l'éducation, l'administration et les médias, ce qui a permis un regain du nombre de locuteurs, notamment bilingues. En Navarre, son statut est différent selon les zones linguistiques, et dans le Pays Basque français, où il n'a pas de statut officiel, il est enseigné dans des écoles associatives (ikastolas) et publiques, témoignant d'un engagement communautaire fort pour sa transmission.

La population du Pays Basque, estimée à environ 3 millions d'habitants (dont la grande majorité réside dans la partie sud, en Espagne), n'est pas uniformément répartie. La densité est nettement plus élevée le long des côtes et dans les vallées industrialisées du sud, notamment autour de Bilbao (Bizkaia) et Saint-Sébastien (Gipuzkoa), qui forment des pôles urbains et économiques majeurs. Ces zones ont connu une forte industrialisation aux XIXe et XXe siècles (sidérurgie, construction navale), qui a attiré une main-d'oeuvre importante et modifié profondément le paysage social et économique. À l'inverse, l'intérieur des terres, qu'il s'agisse de l'Álava rurale, de la Navarre profonde, de la Basse-Navarre ou de la Soule en France, conserve un caractère plus agricole et pastoral, avec une population plus dispersée dans de petits villages et des fermes isolées (les baserris). Cette dualité entre un littoral dynamique et un intérieur plus traditionnel et rural est une caractéristique marquante de l'organisation spatiale et humaine.

Sur le plan économique, le Pays Basque a su opérer une transition post-industrielle réussie, particulièrement en Euskadi. Après le déclin des industries lourdes dans les années 1980, la région s'est réorientée vers les services (banque, assurance), les technologies de pointe (énergies renouvelables, aéronautique, automobile) et le tourisme. Le modèle coopératif, illustré par le Groupe Mondragón, est une spécificité socio-économique notable. Le tourisme, en particulier sur la côte (Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Sébastien, Mundaka), est devenu un secteur majeur, qui attire des visiteurs pour ses paysages, sa culture et sa gastronomie de renommée mondiale. L'agriculture, bien que moins dominante économiquement, reste importante pour le maintien des paysages ruraux, la production locale (vins, fromages, piment d'Espelette...) et l'identité culturelle, surtout dans les zones intérieures et le Pays Basque français.

La dimension politique est une autre composante essentielle de la géographie humaine. La partie sud jouit d'un statut d'autonomie très poussé au sein de l'Espagne. La Communauté Autonome Basque (Euskadi), qui regroupe les provinces de Bizkaia, Gipuzkoa et Araba, dispose d'un parlement, d'un gouvernement et de compétences larges, notamment un système fiscal unique (Concierto Económico). La Communauté Forale de Navarre possède également un statut d'autonomie spécifique hérité de ses droits historiques. Cette autonomie a permis le développement d'institutions propres et de politiques adaptées à la réalité locale. La partie française (Lapurdi, Nafarroa Beherea, Zuberoa), traditionnellement intégrée dans le département des Pyrénées-Atlantiques, a obtenu en 2017 la création d'une collectivité territoriale spécifique, la Communauté d'agglomération Pays Basque, qui marque une reconnaissance institutionnelle de cette entité. Les aspirations politiques basques ont également été marquées par un nationalisme fort, avec une histoire complexe avec des périodes de violence (ETA, aujourd'hui désarmée et dissoute) et une recherche continue d'affirmation identitaire et d'autonomie, voire d'indépendance pour certains courants.

L'organisation de l'espace humain reflète cette diversité. Les villes côtières sont des centres administratifs, commerciaux et touristiques dynamiques, tandis que les zones industrielles s'étendent le long des vallées fluviales du sud. L'intérieur est caractérisé par un habitat plus dispersé et une infrastructure routière moins dense, bien que des efforts aient été faits pour connecter ces zones aux pôles urbains. Le paysage est un palimpseste de l'activité humaine : terrasses agricoles abandonnées, forêts de résineux replantées pour l'industrie du bois, pâturages d'altitude, et un littoral transformé par les ports, les stations balnéaires et l'urbanisation.

Les mouvements de population ont également marqué la géographie humaine. Les XIXe et XXe siècles ont vu une émigration importante vers l'Amérique, qui ont créé des diasporas basques dans le monde entier. Plus récemment, la région a connu des migrations internes (urbanisation) et une immigration internationale, qui a enrichi sa diversité culturelle, bien que la question de l'intégration et du maintien de l'identité basque dans ce contexte soit un enjeu contemporain.

Histoire du Pays Basque.
Les origines des Basques et de leur langue restent enveloppées de mystère, mais les études génétiques et linguistiques suggèrent une présence très ancienne dans la région, possiblement antérieure aux migrations indo-européennes qui ont façonné la majeure partie du continent. Cette singularité a constitué un fil rouge tout au long de leur histoire, souvent synonyme de résistance et de préservation face aux empires et royaumes voisins.

Sous l'Empire Romain, le territoire habité par les Vascons (ancêtres probables des Basques) fut intégré, mais de manière variable. Certaines zones furent romanisées (comme les plaines autour de Pompelo, l'actuelle Pampelune), d'autres conservèrent une autonomie relative dans les montagnes. Les Basques sont mentionnés comme une population rétive à l'assimilation totale, qui préféraient maintenir leurs structures sociales et leur mode de vie.

Après la chute de l'Empire Romain, la région basque devint une zone tampon et de conflits entre les royaumes wisigoths au sud et les royaumes francs au nord. Les Basques montrèrent une capacité remarquable à défendre leur territoire et à s'opposer aux tentatives de domination. Des raids et des batailles sont attestés, notamment contre les Carolingiens, dont la célèbre bataille de Roncevaux en 778 (bien que magnifiée par la légende de Roland) illustre cette résistance. Durant cette période troublée, une entité politique basque semi-indépendante émergea, le Duché de Vasconie, qui couvrait un territoire qui s'étendait bien au-delà du Pays Basque actuel, des deux côtés des Pyrénées.

Le Moyen Âge fut l'époque de la formation et de l'apogée du Royaume de Pampelune, qui deviendra le Royaume de Navarre au début du XIe siècle. Fondé par Íñigo Arista au début du IXe siècle en réponse aux pressions franques et omeyyades, ce royaume médiéval est considéré comme l'expression politique la plus aboutie de l'identité basque. Sous le règne de Sancho le Grand (Sancho III Garcés) au début du XIe siècle, la Navarre atteignit son expansion maximale, dominant la majeure partie du nord de l'Espagne actuelle et influençant fortement les royaumes voisins. Cependant, après sa mort, le royaume fut divisé entre ses fils, ce qui initia un lent déclin territorial face aux puissances montantes de Castille, d'Aragon et de France.

Malgré la réduction de son territoire et les querelles dynastiques, le Royaume de Navarre (qui finira par se concentrer autour de son noyau basque des deux côtés des Pyrénées) conserva une forte identité et, surtout, développa un système unique de lois et de libertés coutumières connu sous le nom de fueros. Ces fueros garantissaient aux habitants des privilèges spécifiques : exemption militaire générale (sauf pour la défense du territoire), régimes fiscaux particuliers, droit de s'administrer localement, et le fameux Pase foral ou "droit de placit" qui permettait aux institutions navarraises de refuser d'appliquer les lois royales considérées contraires à leurs libertés. Ce système foral, bien que variant dans son contenu et son application entre les différentes provinces (Navarre, Biscaye, Guipuscoa, Alava, et les provinces du nord des Pyrénées : Labourd, Basse-Navarre, Soule), devint le socle de l'organisation sociale et politique basque pendant des siècles.

La fin du Moyen Âge et le début de l'époque moderne virent le Pays Basque s'intégrer de plus en plus dans les royaumes voisins, tout en conservant ses spécificités forales. En 1512, la Haute-Navarre (au sud des Pyrénées) fut conquise par la Castille et intégrée à la future Espagne, marquant la fin de l'indépendance navarraise, bien que les fueros aient été largement respectés initialement par les rois espagnols (qui juraient de les maintenir). La Basse-Navarre (au nord des Pyrénées) conserva son indépendance, liée personnellement aux rois de France à partir d'Henri IV, jusqu'à son incorporation définitive au royaume de France après la Révolution.

Les Basques jouèrent un rôle important dans l'expansion maritime, avec des marins et des explorateurs comme Juan Sebastián Elcano (successeur de Magellan après la mort de celui-ci aux Philippines, et premier européen à faire le tour du monde) ou Andrés de Urdaneta. Les ports comme Bermeo, Bilbao, Saint-Sébastien et Bayonne connurent une activité intense, notamment dans la pêche à la baleine et le commerce. Cependant, les guerres et les crises des XVIIe et XVIIIe siècles affectèrent la région.

Le XIXe siècle fut une période de profonds bouleversements. En France, la Révolution de 1789 abolit le système provincial et les fueros (ou plutôt leurs équivalents dans le système français), intégrant les provinces basques au département des Basses-Pyrénées (aujourd'hui Pyrénées-Atlantiques). Au sud des Pyrénées, la question des fueros devint centrale dans les guerres carlistes (1833-1839 et 1872-1876), des conflits dynastiques où les Basques (surtout en Biscaye, Guipuscoa et Alava, mais aussi en Navarre) soutinrent majoritairement la cause carliste, qui promettait le maintien des libertés forales face au libéralisme centralisateur. La défaite carliste entraîna l'abolition quasi totale des fueros en 1876 (sauf un régime économique particulier en Navarre et des "Concerts Économiques" dans les autres provinces, conservés après 1878).

La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle virent l'industrialisation massive de certaines zones, notamment en Biscaye, avec le développement de la sidérurgie et des mines. Cette transformation économique s'accompagna de l'émergence du nationalisme basque moderne, fondé par Sabino Arana Goiri. Ce mouvement, le Parti Nationaliste Basque (PNV), promouvait une identité basque distincte, basée sur la "race" (vision initialement très essentialiste et puriste d'Arana), la langue, la religion catholique et les traditions, revendiquant l'autonomie, voire l'indépendance, de l'ensemble du territoire historique (Euskal Herria).

Le XXe siècle fut particulièrement tragique pour le Pays Basque espagnol. La Seconde République espagnole (1931-1939) reconnut la possibilité d'autonomie pour les régions, mais le statut d'autonomie pour le Pays Basque ne fut approuvé qu'en pleine Guerre Civile en octobre 1936, et ne put s'appliquer qu'en Biscaye et une partie du Guipuscoa, déjà sous la pression des troupes franquistes. Le premier gouvernement basque, dirigé par José Antonio Aguirre (PNV), tenta de défendre la région, mais fut vaincu par les franquistes, notamment après le terrible bombardement de Guernica en avril 1937. Sous la dictature de Franco (1939-1975), la culture et la langue basques furent sévèrement réprimées, considérées comme une menace à l'unité espagnole. Cette répression alimenta la résistance et vit l'émergence de nouvelles formes de nationalisme, y compris l'organisation séparatiste ETA (Euskadi Ta Askatasuna - Pays Basque et Liberté) fondée en 1959, qui recourut à la lutte armée pour obtenir l'indépendance.

Après la mort de Franco et la transition démocratique en Espagne (1975-1978), la nouvelle Constitution espagnole de 1978 reconnut le droit à l'autonomie pour les nationalités et régions. En 1979, la Communauté Autonome Basque (Euskadi, comprenant Biscaye, Guipuscoa et Alava) obtint un large statut d'autonomie, et la Navarre obtint un statut distinct en tant que Communauté Forale de Navarre. Ces statuts rétablirent un niveau significatif d'auto-gouvernement, notamment en matière fiscale (Concert Économique en Euskadi, Convenio Económico en Navarre), d'éducation, de culture et de police (Ertzaintza en Euskadi). Cependant, la violence d'ETA marqua profondément les décennies suivantes, et ne cessa qu'en 2011.

Dans le même temps, le Pays Basque français (Labourd, Basse-Navarre, Soule) suivit une voie différente, restant intégré dans le département des Pyrénées-Atlantiques et ne bénéficiant pas d'un statut d'autonomie comparable à celui de son voisin du sud. Les revendications pour une reconnaissance administrative ou institutionnelle spécifique se sont fait jour, et ont abouti à la création d'une Communauté d'Agglomération Pays Basque en 2017, qui regroupe les 158 communes du territoire, ce qui marque une étape vers une meilleure prise en compte de son identité et de ses spécificités, mais loin de l'autonomie politique.

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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