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Mariana

Juan Mariana est un jésuite, né à Talavera (diocèse de Tolède), de père et mère inconnus, en 1537, mort en 1624. Il fut recueilli par les jésuites, qui prirent soin de son éducation, et il entra dans leur ordre à l'âge de dix-sept ans. En 1561, il alla à Rome et y enseigna la théologie; delà il fut envoyé en Sicile (1565) puis à Paris (1567) où il commenta pendant sept ans la Somme de Thomas d'Aquin, devant un nombreux auditoire. Sa santé le forçant à renoncer à l'enseignement, il s'en retourna en Espagne (1574) et se retira à Tolède. En 1610, l'Inquisition le condamna à l'amende honorable et à la retraite dans le couvent de Saint-François à Madrid, à cause d'un traité De Morte et Immortalitate (Cologne, 1609). Vers le même temps, le duc de Lerme faisait ordonner par Philippe III la destruction d'un autre écrit (De Mutatione monetae) compris dans le même recueil et visant les dilapidations du ministre et l'incurie du roi. L'ambassadeur d'Espagne obtint même du pape Paul V la suspense de l'auteur.
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Mariana.
Juan Mariana.

Oeuvres principales : Histoire d'Espagne depuis Tubal, fils de Japhet, jusqu'à l'avènement de Charles-Quint, publiée d'abord en latin (Tolède, 1592-95, 4 vol. in-fol.), puis traduite en espagnol par l'auteur lui-même et considérablement remaniée. Cette histoire a valu à Mariana le titre de Tite-Live de l'Espagne. - De Rege et regis inslitutione (Tolède, 1598, in-4, avec permission des censeurs royaux et approbation du visiteur provincial des jésuites). Ce traité, tardivement publié, avait été composé sous le règne de Philippe Il, à la demande du précepteur du prince des Asturies, plus tard Philippe III (1598-1621). Il reproduit la doctrine de plusieurs jésuites, notamment de Laynez et de Bellarmin, sur la juridiction suprême du pape et sur les droits des peuples, doctrine dont les conséquences extrêmes avaient été prêchées dans les chaires de la Ligue, stimulées par la politique espagnole. Tout en constatant que des auteurs éminents par la sagesse et l'érudition, sapientiae et eruditionis laude proestantes, ont condamné le meurtre de Henri III par Jacques Clément, Mariana rappelle que d'autres ont estimé l'acte du moine dominicain digne de louanges et d'immortalité (l'université et le parlement de Paris l'avaient glorifié). Non seulement il fait ressortir le courage et la fermeté intrépide de ce moine, mais les principes qu'il professe aboutissent à la justification de la révolte des peuples et du meurtre des tyrans. Après avoir établi qu'il n'est point vraisemblable que les citoyens aient eu l'intention de se dépouiller à jamais de leurs pouvoirs, pour les transmettre à un seul [...]; que l'autorité du peuple est supérieure à celle du prince, comme celle du père à celle du fils; car le ruisseau sort de la source [...] ; que le prince peut encore moins s'insurger contre l'Eglise, tandis que les serviteurs de celle-ci peuvent lui refuser obéissance, en vertu d'une loi divine, il conclut ainsi :

I. Selon le sentiment des théologiens et des philosophes, un prince, qui de vive force et sans le consentement public de la nation s'est saisi de la souveraineté, est un homme à qui chaque particulier est en droit d'ôter la vie.
 II. Si un prince créé légitimement, ou successeur légitime de ses ancêtres, renverse la religion et les lois publiques, sans déférer aux remontrances de la nation, il faut s'en défaire par les voies les plus sûres. 

III. Le moyen le plus court et le plus sûr de s'en défaire est d'assembler les Etats, de le déposer dans cette assemblée et d'y ordonner qu'on prendra les armes contre lui, si cela est nécessaire pour ôter la tyrannie.

IV. On peut faire mourir un tel prince, et chaque particulier, ayant assez de courage pour entreprendre de le tuer, a le droit de le faire. 

V. Si l'on ne peut pas tenir les Etats, mais s'il apparaît néanmoins que la volonté du peuple est qu'on se défasse du tyran, il n'y a point de particulier qui ne puisse légitimement tuer ce prince, pour satisfaire au désir du peuple.

VI. Le jugement d'un particulier ou de plusieurs ne suffit pas ; il faut se régler sur la voix du peuple, et même consulter des personnes graves et doctes.

 VII. A la vérité, il y a plus de courage à s'élever ouvertement contre le tyran; mots il n'y a pas moins de prudence à l'attaquer clandestinement et à le faire périr dans des pièges. La guerre ouverte, les ruses, les fraudes, les trahisons sont également permises. Si les conspirateurs ne sont pas tués dans l'entreprise, ils doivent être admirés toute leur vie comme des héros; s'ils périssent, ce sont des victimes agréables à Dieu et aux humains, et leurs efforts méritent des louanges immortelles. 

VIII. On ne devra point se défaire d'un tyran au moyen d'un poison mêlé à des aliments; si l'on se sert du poison, il faudra l'appliquer aux habits ou à la selle du cheval. Il est incontestable que Pierre d'Onna, provincial des religieux de la Rédemption des captifs, après avoir examiné par ordre du roi d'Espagne le traité de Mariana, le loua et le jugea digne d'être imprimé. 

L'auteur obtint un privilège du roi catholique pour dix ans. Etienne Hojeda, jésuite, visiteur de la province de Tolède, autorisé par Claude Aquaviva, général de la Compagnie, permit l'impression de l'ouvrage, après avoir reçu le bon témoignage qu'en rendirent plusieurs jésuites doctes et graves. D'autre part, les jésuites prétendent que
« le général, averti dès 1599 par Richeome et par les pères de France, ordonna que le livre fût corrigé, et qu'on n'en trouverait aucun exemplaire sans correction, si les hérétiques, qu'ion pensaient faire leur profit, ne l'eussent aussitôt réimprimé. » (Richeome, Examen de l'Anticoton). 
Il semble bien que cette mesure ne fut prise qu'en 1606, pour éluder toute responsabilité à l'égard de la Sorbonne et du parlement qui informaient contre ce livre. Le 6 juillet 1640, le général rendit un décret défendant sous les peines les plus sévères 
« à aucun religieux de la Compagne de soutenir qu'il soit loisible à qui que ce soit, sous quelconque prétexte de tyrannie, de tuer les rois et les princes on d'attenter à leur personne. » (Coton, Lettre déclaratoire). 
Il convient encore de noter ici que ce décret ne fut rendu que deux mois après l'assassinat de Henri IV par Ravaillac (14 mai 1610) et que dès le 8 juin un arrêt du parlement de Paris avait condamné le traité De Rege et regis institutione à être brûlé par la main du bourreau, devant l'église de Notre-Dame.

Autres ouvrages : Scholia brevia in Vetus et Novum Testamentum (Anvers et Paris, 1620), ouvrage loué par Richard Simon.- Del Gioverno dela Compania de Jesu, traduit en latin sous le titre de Discursus de erroribus qui in forma gubernationis societatis Jesu occurrunt (Bordeaux, 1625). Le manuscrit de ce mémoire avait été trouvé dans les perquisitions faites chez Mariana, lorsque le duc de Lerme sévissait contre lui, à cause du traité De Mutatione monetae. Il ne fut imprimé qu'après la mort de l'auteur. Dans ce mémoire, Mariana, qui appartenait à un parti de jésuites espagnols fort opposés au général Aquaviva, reprochait au gouvernement de sa compagnie d'avoir rompu avec les traditions monastiques, de rendre par la multiplicité des lois leur observation impassible, de concentrer tous les pouvoirs dans les mains du général, de ne tenir aucun compte des décisions des assemblées provinciales, et de suivre des méthodes dangereuses dans la direction des collèges et l'instruction des novices. Charles III fit réimprimer cet ouvrage, lorsqu'il chassa les jésuites. (E.-H. Vollet).

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Dictionnaire biographique
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