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Alexandre Dumas

Alexandre Davy de la Pailleterie Dumas, dit Alexandre Dumas est un auteur  dramatique et romancier (ou fabricant de romans?), fils du général Alexandre Dumas, né à Villers-Cotterets (Aisne) le 5 thermidor an X (24 juillet 1802), mort à Puys, près de Dieppe, le 5 décembre 1870. Les divers épisodes de la vie de Dumas ont été tant de fois contés par lui-même ou par d'autres jusque dans leurs moindres détails qu'il suffirait de résumer brièvement les principales circonstances de cette existence si prodigieusement active, ainsi que les grandes oeuvres qui en marquent les étapes, puis de grouper, dans l'ordre chronologique, et par leur nature même, les autres écrits de Dumas, dont la paternité lui a été contestée, ou ceux-là même qu'on pourrait, de son propre aveu, retrancher de son avoir. La bibliographie placée à la suite de cet article permettra d'ailleurs à ceux qui voudront approfondir cette double étude de consulter les sources auxquelles il leur faudra puiser.

Restée veuve en 1806 et réduite aux modiques ressources que lui concédait le titre de son mari, Mme Dumas ne put faire donner au fils issu de cette union qu'une éducation extrêmement sommaire et incomplète. L'enfant tenait, par contre, de son père, une constitution athlétique, une aptitude naturelle à tous les exercices du corps et une santé robuste. Les premiers chapitres de ses Mémoires renferment de nombreuses preuves de ce triple privilège, dont Dumas se montre presque aussi fier que de ses qualités intellectuelles et qui favorisèrent singulièrement les frasques de son adolescence, longuement contées aux mêmes pages. D'abord clerc d'avoué à Villers-Cotterets, puis à Crépy-sur-Oise (Crépy-en-Valois), il vint en 1823 à Paris solliciter l'appui des anciens compagnons d'armes de son père, ralliés, pour la plupart, à la Restauration. Éconduit de divers côtés, il ne fut accueilli avec bienveillance que par un membre de l'opposition, le général Foy qui, aussi frappé de ses talents de calligraphe qu'affligé de son ignorance, lui procura une place d'expéditionnaire dans les bureaux de la chancellerie du duc d'Orléans.

Le jeune homme, qui se proposait bien un jour de vivre de sa plume, se trouva néanmoins fort heureux de devoir à son écriture un  traitement de 4 200 F qui lui permettait de ne plus être à la charge de sa mère et lui laissait assez de loisirs pour apprendre tout ce qu'il ne savait pas et nommément l'histoire de France. Bientôt il osa faire imprimer ses premiers essais : une Elégie sur la mort du général Foy (1825, in-8); un dithyrambe en l'honneur de Canaris (1826, in-12) et un petit volume de Nouvelles contemporaines (1826, in-12). En même temps, il collaborait à deux vaudevilles, la Chasse et l'Amour (Ambigu-Comique, 22 septembre 1825) et la Noce et l'Enterrement (Porte Saint-Martin, 24 novembre 1826), tous deux signés Davy et dont il partagea les minces profits avec son camarade de jeunesse, Adolphe de Ribbing (de Leuven), James Rousseau, Lassagne et Gustave Vulpian. 

D'autres tentatives dramatiques, plus sérieuses, tirées de la conjuration de Fiesque ou de l'épisode des Gracques, demeurèrent alors inédites, tandis qu'un passage d'Anquetil lui inspirait le drame d'où datent ses véritables débuts : Henri III et sa cour (cinq actes, en prose), représenté sur le Théâtre-Français le 11 février 1829, et demeuré depuis au répertoire, lui valut de véritables ovations; le duc d'Orléans, bien que fort peu sympathique à son subordonné, ne dédaigna pas de donner lui-même le signal des applaudissements et le nomma bibliothécaire adjoint aux appointements annuels de 1500 F. Alexandre Dumas avait écrit avant Henri  III un autre drame reçu dès le 30 avril 1828 par le comité du même théâtre et dont diverses circonstances avaient fait ajourner la représentation : ce drame, c'était Christine ou plutôt, pour lui donner le titre sous lequel il fut définitivement joué à l'Odéon le 30 mars 1830, Stockholm, Fontainebleau et Rome, trilogie en cinq actes et en vers, avec prologue et épilogue. Son succès ne fut pas moins vif que celui de Henri III, et Dumas se vit dès lors considéré comme l'émule de Victor Hugo; mais cette rivalité n'avait pas encore altéré leurs bons rapports personnels. Convié par Hugo à une lecture de Marion Delorme, alors arrêtée par la censure, il avoua hautement son admiration; de son côté, dit-on, Victor Hugo aurait, aidé d'Alfred de Vigny, retouché une centaine de vers de Christine, mal accueillis le soir de la première représentation.
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Alexandre Dumas.
Statue d'Alexandre Dumas, à Villers-Cotterêts. © Photo : Serge Jodra, 2010.

Dumas avait depuis quelques mois dit pour toujours adieu à la vie administrative et travaillait à plusieurs drames lorsque éclata la révolution de 1830. Il fit le coup de feu parmi les insurgés et, sur l'ordre de La Fayette, se rendit en hâte à Soissons où, avec le concours de quelques habitants, il protégea une importante poudrière et en assura la possession au parti vainqueur. Puis il partit pour la Vendée avec mission d'y provoquer la formation d'une garde nationale chargée de défendre le pays contre une nouvelle chouannerie que tout pouvait faire craindre. Admis au retour à faire connaître au roi lui-même son impression sur l'état des esprits, Dumas ne lui dissimula pas combien le remède lui semblait dangereux et insista sur la nécessité d'ouvrir à travers le Bocage et le Marais des voies de communication qui rendraient plus difficile la guerre civile qu'on redoutait. Bien que le second de ses conseils ait été suivi plus tard, le résultat de l'enquête ne raffermit point le crédit de Dumas auprès de Louis-Philippe; son élection de capitaine dans l'artillerie de la garde nationale parisienne, devenue l'un des foyers de l'opposition à la monarchie du 9 août, une visite intempestive aux Tuileries avec l'uniforme de ce corps supprimé par décret la veille même, le refus de prestation de serment exigé pour la remise du brevet et des insignes de la croix de Juillet, la présence, de Dumas aux obsèques du général Lamarque, prélude des journées des 5 et 6 juin 1832, tels sont les principaux épisodes de cette période de politique militante à laquelle, par bonheur, Dumas ne tarda pas à renoncer, mais qu'il fallait rappeler sommairement ici.

Une violente passion conçue pour Mme Mélanie Waldor (fille de Villenave), et à laquelle celle-ci, mariée à un officier, ne pouvait répondre, inspira à Dumas ce drame où, sous le nom d'Antony, il s'est peint lui-même, a-t-il dit, « moins l'assassinat » et où il a peint, sous le nom d'Adèle Hervey, la maîtresse adorée, « moins la fuite », et qui, merveilleusement interprété par Bocage et Mme Dorval (Porte-Saint Martin, 3 mai 1831), obtint alors une centaine de représentations. En 1831, il fut question de le transporter à la Comédie-Française, mais un article du Constitutionnel le dénonça comme immoral; l'interdiction, alors prononcée par le ministre de l'intérieur, fut levée seulement à la fin du second Empire, et ensuite Antony a repris sa place dans la série des matinées classiques organisées par l'Odéon. De 1831 à 1843, et sans préjudice des autres oeuvres qui seront rappelées plus loin, Dumas occupa les diverses scènes de Paris avec les pièces suivantes : Napoléon Bonaparte ou Trente Ans de l'histoire de France, drame en six actes (Odéon, 10 janvier 1831), écrit en huit jours chez Harel qui retenait l'auteur en chartre privée; Charles VII chez ses grands vassaux, tragédie en cinq actes (Odéon, 20 octobre 1831), mal accueillie du public, malgré des beautés de premier ordre; Richard Darlington, drame en trois actes et en prose avec un prologue (Porte-Saint-Martin, 10 décembre 1831), dû à la collaboration de Beudin et de Gonbaux qui en avaient fourni à Dumas l'idée première, empruntée aux Chroniques de la Canongate de Walter Scott, et où Frédérick Lemaitre déploya un talent prodigieux; Térésa, drame en cinq actes (Opéra-Comique, Théâtre-Ventadour, 6 février 1832) dont le scénario primitif était d'Anicet-Bourgeois; le Mari de la Veuve, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français, 4 avril 1832), avec la collaboration d'Anicet-Bourgeois et de Durrieu qui ne furent point nommés sur le titre de la brochure; la Tour de Nesle, drame en cinq actes et neuf tableaux (29 mai 1832), l'un des succès les plus retentissants et les plus prolongés du théâtre, mais qui souleva entre Frédéric Gaillardet, auteur du texte primitif, Jules Janin qui l'avait retouché et Dumas qui avait presque entièrement récrit la pièce, une polémique terminée par un duel avec le premier et par un procès; Catherine Howard, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 2 avril 1834), tiré par Dumas d'un autre drame resté inédit et intitulé Edith aux longs cheveux; Angèle, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 28 décembre 1833), avec la collaboration d'Anicet-Bourgeois; Don Juan de Maraña ou la Chute d'un ange, mystère en cinq actes, musique de Paccini (Porte-Saint-Martin, 30 avril 1836), imité en partie des Ames du Purgatoire de Prosper Mérimée; Kean, comédie en cinq actes et en prose (Variétés, 31 août 1836), autre grand succès de Frédérick Lemaître qui se renouvela plus tard à l'Ambigu et à la Porte-Saint-Martin; Piquillo, opéra-comique en trois actes avec Gérard de Nerval, musique de Monpou (Opéra-Comique, 31 octobre 1837); Caligula, tragédie en cinq actes et en vers avec prologue (Théâtre-Français, 26 décembre 1837), dont la chute rappela celle de Charles VII et n'est pas mieux justifiée; Paul Jones, drame en cinq actes (Panthéon, 8 octobre 1838), représenté contre le gré de l'auteur qui avait laissé le manuscrit à l'agence dramatique Porcher en nantissement d'un prêt; Mademoiselle de Belle-lsle, drame en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 2 avril 1839), resté au répertoire; l'Alchimiste, drame en cinq actes en vers (Renaissance, 10 avril 1839), auquel, selon Quérard, Gérard de Nerval et Cordellier-Delanoue auraient collaboré; Bathilde, drame en trois actes et en prose (salle Ventadour, 14 janvier 1839), avec Auguste Maquet (seul nommé sur l'affiche et sur la brochure) et Cordellier-Delanoue; Un Mariage sous Louis XV, comédie en cinq actes, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 1er juin 1841), restée aussi au répertoire; Lorenzino, drame en cinq actes et en prose, avec les mêmes collaborateurs (ThéâtreFrançais, 24 février 1842); Halifax, comédie en trois actes en prose avec prologue (Variétés, 2 décembre 1842); les Demoiselles de Saint-Cyr, comédie en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Théâtre -Français, 25 juillet 1843), qui provoqua entre le principal auteur et Jules Janin une polémique violente et qui, mal accueillie le soir de la première représentation, trouva un peu plus tard et garda le succès dont elle était digne; Louise Bernard, drame en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Porte-Saint-Martin, 18 novembre 1843); le Laird de Dumbicky, comédie en cinq actes et en prose, avec les mêmes (Odéon, 30 décembre 1843); le Garde forestier, comédie en deux actes en prose avec les mêmes (Variétés, 15 mars 1845). En dépit de sa longueur, cette liste ne renferme que les pièces signées par Dumas, avouées par lui ou réimprimées dans les deux éditions collectives de son Théâtre (1834-1836, 6 vol. in-8, on 1863-1874, 15 vol. in-12), mais non celles qu'il tira de la plupart de ses romans.

Il nous faut maintenant revenir en arrière et rappeler les titres des principaux récits qui ont tour à tour distrait, ému ou charmé deux ou trois générations et qui se subdivisent en impressions de voyages, en romans et en chroniques historiques.

Dumas a lui-même raconté comment, après l'insurrection de juin 1832 et une atteinte de choléra, dont il se ressentit d'ailleurs une partie de sa vie, les médecins et ses amis lui conseillèrent de quitter Paris durant quelques mois. De cette première excursion à travers la Bourgogne et la Suisse datent ces fameuses Impressions de voyage qui forment l'une des parties les plus attrayantes de son oeuvre et qui ont si légitimement contribué à sa popularité. Ce sont, dans l'ordre chronologique : Impressions de voyage [en Suisse] (1833, 5 vol. in-8); Excursions sur les bords du Rhin (1841, 3 vol. in-8); Une Année à Florence (1840, 2 vol. in-8) Nouvelles Impressions de voyage [Midi de la France] (1841, 3 vol. in-8); le Speronare (1842, 4 vol. in-8), voyage en Sicile avec le peintre Jadin et son bouledogue Mylord; le Corricolo (1843, 4 vol. in-8); et la Villa Palmieri (1843, 2 vol. in-8), relatifs au même séjour dans le sud de l'Italie; De Paris à Cadix (1848, 5 vol. in-8); le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis (1848, 4 vol. in-8) qui forme la suite du précédent; le Caucase (1859, in-4); De Paris à Astrakan (1860, 3 vol. in-12), réimpr. sous le titre collectif de : En Russie. A cette série se rattachent, sans en faire cependant partie : l'ouvrage intitulé Quinze Jours au Sinaï (1839, 2 vol. in-8), rédigé sur les notes du peintre Dauzats, ainsi que l'Arabie heureuse, pèlerinage d'Hadji-Abd-el-Hamid-Bey [Du Couret] (1855, 6 vol.in-8, ou 1860, 3 vol. in-8); les Baleiniers, journal d'un voyage aux Antipodes par le Dr Félix Maynard (1861, 2 vol. in-12) et le Journal de Mme Giovanni à Taïti, aux îles Marquises et en Californie (1855, 4 vol. in-8), présentés comme revus et mis en ordre par Alex. Dumas, sans que sa collaboration soit parfaitement établie

C'est par de courtes nouvelles que débuta le romancier qui devait entreprendre et mener à leur fin les plus longues et les plus captivantes inventions de la littérature moderne. Le Cocher de cabriolet, Blanche de Beaulieu (déjà publiée dans les Nouvelles contemporaines), Cherubino et Celestini, Antonio, Maria, et le Bal masqué, Jacques ler, et Jacques Il ont été réimprimés sous le titre de Souvenirs d'Antony (1835, in-8); Pauline et Pascal Bruno ont reçu le titre collectif de la Salle d'armes (1838, 2 vol. in-8). Viennent ensuite des oeuvres de plus longue haleine : le Capitaine Paul (1838, 2 vol. in-8), dont, si l'on en juge par un ex-dono de Dumas, l'idée première appartiendrait à Dauzats; Acté, suivi de Monseigneur Gaston de Phebus (1839, 9 vol. in-8); Aventures de John Davy (1840, 4 vol. in-8); le Capitaine Pamphile (1840, 2 vol. in-8); Maître Adam le Calabrais, 1840, in-8; Othon l'Archer (1840, in-8); Aventures de Lyderic, 1842, in-8); Praxède, suivi de Don Martin de Freylas et de Pierre le Cruel (1841, in-8); Georges (1843, 3 vol. in-8); dont, selon Mirecourt, Félicien Malefille aurait pu revendiquer la paternité; Ascanio (1843, 5 vol. in-8), sur lequel, toujours d'après le même pamphlétaire, Paul Meurice aurait pu faire valoir les mêmes droits; le Chevalier d'Harmental (1843, 4 vol, in-8), d'où date l'alliance intime, féconde et hautement avouée par la premier, de Dumas et de Maquet à laquelle on a dû successivement : Sylvandire (1844, 3 vol. in-8); les Trois Mousquetaires (1844, 8 vol. in-8), le plus amusant et le plus célèbre des romans de cape et d'épée et ses deux suites dignes de leur aîné : Vingt Ans après (1845, 10 vol, in-8) et Dix Ans plus tard ou le Vicomte de Braguelone (1848-1850, 26 vol. in-8); le Comte de Monte-Cristo (1841-1845, 12 vol. in-8), dont Fiorentino réclamait une part formellement niée par Dumas et restée inconnue à Maquet; Une Fille du Régent (1845, 4 vol., in-8); la Reine Margot (1845, 6 vol. in-8); la Guerre des femmes (1845-1846, 8 vol. in-8); le Chevalier de Maison-Rouge (1846, 6 vol. in-8); la Dame de Monsoreau (1846, 8 vol. in-8); le Bâtard de Mauléon (1846, 9 vol in-8); Mémoire d'un médecin (1846-1848, 19 vol. in-8) et ses deux suites : Ange Pitou (1853, 8 vol. in-8) et la Comtesse de Charny (1853-1855, 19 vol. in-8); les Quarante-Cinq, suite et fin de la Dame de Monsoreau (1848, 10 vol. in-8). 

Alex. Dumas, qui se flattait "d'avoir des collaborateurs comme Napoléon a eu des généraux ", eut recours encore à Hipp. Auger pour Fernande (1844, 3 vol in-8), à Paul Meurice pour Amaury (1844, 4 vol. in-8), à Paul Lacroix pour les Mille et un Fantômes (1849, 2 vol. in-8), la Femme au collier de velours (1851, 2 vol. in-8), et pour Olympe de Clèves (1852, 9 vol. in-8), etc. Parfois même il lui est arrivé de mettre ou de laisser mettre son nom sur la couverture de livres qu'il n'avait pas même lus, ainsi qu'il l'a reconnu plus tard pour les Deux Diane de Paul  Meurice (1846-1847, 10 vol. in-8), on pour le Chasseur de Sauvagine de M. G. de Cherville (1859, 2, vol. in-8), où sa part effective se réduisit, dit-il, à mettre un point sur l'i du dernier mot du titre. En revanche, on ne lui a jamais disputé plusieurs autres romans moins célèbres, il est vrai, que ceux dont les titres sont rappelés plus haut : Gabriel Lambert (1844, 2 vol. in-8); le Château d'Eppstein (1844, 3 vol. in-8); Cécile (1844; 2 vol. in-8); les Frères Corses (1845, 2 vol. in-8), émouvant récit, dédié à Prosper Mérimée.

Malgré cette production sans exemple et qui dépassait tout ce que la cervelle et même la main humaine avaient pu jusqu'alors concevoir et exécuter, en dépit des procès suscités, et le plus souvent gagnés par les directeurs de journaux dont les traités restaient en souffrance, Dumas trouvait encore le temps de surveiller la construction de la villa de Monte-Cristo, près de Saint-Germain, et qui engloutit une partie des sommes fabuleuses que lui rapportait sa plume, de parcourir d'octobre 1846 à janvier 1847 l'Espagne et l'Algérie, en compagnie de son fils, de Maquet, de Louis Boulanger, de Desbarolles et d'Eugène Giraud, de prendre enfin la direction du Théâtre-Historique dont le duc de Montpensier lui avait fait obtenir la concession et où il se proposait "d'offrir chaque soir au peuple une page de notre histoire". L'inauguration en eut lieu le 20 février 1847 avec la Reine Margot, drame en cinq actes et treize tableaux, tiré du roman portant le même titre, avec le concours d'Auguste Maquet qui, outre deux adaptations antérieures des Mousquetaires (Ambigu, 27 octobre 1845), et de la Fille du Régent (Théâtre-Français, 14 avril 1846), produisit dans les mêmes conditions : le Chevalier de Maison-Rouge (Théâtre-Historique, 5 août 1847), dont le souvenir s'est perpétué par le fameux refrain Mourir pour la patrie! devenu peu après le chant patriotique de 1848; Monte-Cristo, drame en quatorze tableaux divisés en deux « soirées  », innovation assez malheureuse, suivie plus tard de deux autres « soirées » : le Comte de Morcerf et Villefort (1851);Catilina, drame en cinq actes (Théâtre-Historique, 14 octobre 1848); la Jeunesse des Mousquetaires, drame en cinq actes et quatorze tableaux, avec prologue et épilogue (Théâtre-Historique, 10 février 1849), l'un des grands succès de Mélingue; la Guerre des femmes, drame en cinq actes et dix tableaux (avril 1849); le Chevalier d'Harmental, drame en cinq actes et dix tableaux (Théâtre-historique, 26 juillet 1849); Urbain Grandier, drame en cinq actes, avec prologue (Théâtre-Historique, 30 mars 1850). C'est sur la même scène que furent encore représentés le Comte Hermann, drame en cinq actes (22 novembre 1849), interprété par Mélingue, Laferrière et Rouvière, et une adaptation d'Hamlet, en cinq actes et en vers, qu'il a signée avec Paul Meurice et qui figurera ensuite au répertoire de la Comédie-Française (15 décembre 1847).

La révolution de février 1848 ne fut pour Dumas qu'une suite de déceptions et le signal du déclin de son extraordinaire fortune. Collaborateur d'une feuille quotidienne éphémère, la Liberté (mars-juin 1848), et fondateur d'une revue politique intitulée le Mois (15 avril), qui n'eut pas une destinée beaucoup plus brillante, candidat malheureux dans Seine-et-Oise et dans l'Yonne, bientôt menacé dans la source principale de ses revenus par l'amendement Riancey qui assujettissait à un droit fiscal le roman-feuilleton, traqué par ses créanciers personnels et par ceux du Théâtre-Historique, dont la crise que l'on traversait avait entraîné la fermeture, il quitta Paris vers la fin de 1851 et vint se fixer à Bruxelles où il demeura jusqu'en 1854. C'est là qu'il écrivit: Un Gil Blas en Californie (1852, 2 vol. in-8); Mes Mémoires (18521854, 22 vol. in-8); Isaac Laquedem (1852, 2 vol. in-8), sorte de contre-partie du Juif Errant d'Eugène Suë, annoncée comme devant former trente volumes, mais qui fut arrêtée par la censure impériale; le Pasteur d'Ashbourn (1853, 8 vol. in-8); El Saltéador (1853, 3 vol, in-8); Conscience l'Innocent (1853, 5 vol. in-8); Catherine Blum (1854, 2 vol. in-8); Ingénue (1854, 7 vol. in-8), dont la publication dans le Siècle fut interrompue sur la réclamation d'un descendant de Restif de la Bretonne; les Mohicans de Paris (1854-1858,19 vol. in-8), dont Paul Bocage fut le collaborateur, ainsi que pour Salvator (1855-1859, 4 vol. in-8), qui en forme la suite.

Grâce au dévouement de Noël Parfait, ancien représentant du peuple, exilé par le coup d'État et qui avait remis quelque ordre dans les finances de Dumas, celui-ci put, à son retour en France, retrouver une tranquillité relative. De 1854 à 1860, il fonda et dirigea le Mousquetaire, devenu, en 1857, le Monte-Cristo, "rédigé par M. Dumas seul", fit représenter Romulus, comédie en un acte et en prose (Théâtre Français, 15 janvier 1854), dont  O. Feuillet et Paul Bocage furent les collaborateurs; la Jeunesse de Louis XIV, comédie en cinq actes et en prose, reçue mais non jouée au Théâtre-Français, représentée au Vaudeville à Bruxelles le 20 janvier 1864 et reprise en 1874 à l'Odéon; la Conscience, drame en cinq actes (Odéon, 7 novembre 1854); l'Orestie, tragédie en trois actes et en vers (Porte-Saint-Martin, 5 janvier 1856); le Verrou de la reine, comédie eu trois actes (Gymnase, 5 décembre 1856), intitulée d'abord la Jeunesse de Louis XV et remaniée après son interdiction par la censure; l'Invitalion à la valse, comédie en un acte (ibid., 3 août 1857); l'Honneur est satisfait, comédie en un acte (ibid., 19 juin 1858); les Gardes forestiers, drame en cinq actes (Grand-Théâtre de Marseille, 23 mars 1858), tiré de Catherine Blum, roman cité plus haut; la Dame de Monsoreau, drame en cinq actes avec prologue (Ambigu, 10 novembre 1860), le dernier et l'un des meilleurs que Maquet ait signés avec lui; enfin, il écrivit deux de ses meilleurs romans, les Compagnons de Jéhu (1857, 7 vol. in-8}, et les Louves de Machecoul (1859, 10 vol. in-8).

Le voyage de Dumas en Italie (1860), la part plus ou moins effective qu'il prit à l'expédition de Garibaldi en Sicile, son séjour à Naples de 1860 à 1864 inaugurent le début de la dernière période de sa vie. Les oeuvres s'y succèdent encore, de plus en plus hâtives et improvisées, et sans qu'à de rares exceptions près, on y sente percer, comme jadis, l'ongle du lion. Il suffira de citer : Madame de Chamblay (1863, 2 vol. in-12), dont l'auteur tira un drame en 1868 (Porte-Saint-Martin); les Mohicans de Paris, drame en cinq actes (Gaîté, 20 août 1864), interdit par la censure et autorisé par Napoléon III à qui Dumas avait adressé une curieuse supplique; la San Felice (1864-1865, 9 vol. in-18); les Blancs et les Bleus (1867-1868, 3 vol. in-12), épisode des guerres de Vendée, qui fournit aussi le sujet d'un drame joué sous le même titre au Châtelet en 1869.

Si longue que soit l'énumération qui précède, elle resterait notablement incomplète si l'on n'y faisait pas figurer trois séries d'écrits où Dumas, tout en donnant carrière à son imagination, a entendu raconter sa propre existence, celle de plusieurs de ses contemporains et de ses amis, enfin quelques-uns des principaux épisodes de l'histoire de Francs. Outre ses Mémoires déjà cités, on trouvera beaucoup de particularités curieuses, mais le plus souvent sujettes à contestations, dans un fragment placé en tête de la première édition de son Théâtre : Comment je devins auteur dramatique, dans ses Souvenirs de 1830 à 1842 (1854, 2 vol. in-8); dans ses Causeries (1860, 2 vol. in-18); dans Bric-à-Brac (1861, 2 vol. in-18), enfin dans l'Histoire de mes bêtes (1868, in-18). Le second groupe est formé par Un Alchimiste au XIXe  siècle (le comte de Ruolz), premier chapitre de la Villa Palmieri, tiré à part; le Maître d'armes (1844, 3 vol. in-8), mémoires de Grisier; Une Vie artiste (1854, 2 vol. in-8), histoire de la jeunesse et des débuts de Mélingue; la Dernière Année de Marie Dorval (1854, in-18), touchant appel à la charité publique pour parvenir à lui ériger un tombeau; les Mémoires de Garibaldi (1860), soi-disant traduits sur le manuscrit original; les Morts vont vite (1861, 2 vol. in-18), intéressantes réminiscences sur Béranger, Musset, Achille Devéria, Eugène Suë, Chateaubriand, le duc et la duchesse d'Orléans, etc. 

En 1833, une première étude historique : Gaule et France, était présentée comme devant former la tête d'une série de Chroniques qui ne fut pas continuée après la seconde : Isabelle de Bavière (règne de Charles VI) (1836, 2 vol. in-8), car on ne peut donner ce nom aux compilations que Dumas a signées depuis et qu'il suffit de rappeler pour mémoire : Louis XIV et son siècle (1845-1846); Michel-Ange et Raphaël (1846); Louis XV (1849); la Régence (1849); Louis XVI (1850); le Drame de Quatre-vingt-treize (1851); Histoire de deux siècles (1852); Histoire de la vie politique et privée de Louis Philippe (1852); les Grands Hommes en robe de chambre (César, Richelieu) (1857). Mettons à part la Route de Varennes (1860, in-48), amusant récit d'une excursion en Champagne, d'après l'itinéraire même de la famille royale, mais où une inexactitude lui valut un long procès définitivement jugé en sa faveur. A ces spéculations de librairie, on préférera toujours les deux ou trois contes écrits pour les enfants et restés des modèles du genre : Histoire d'un casse-noisette (1843, 2 vol. in-12, ill. par Bertall); la Bouillie de la comtesse Berthe (1845, in-12, ill. par le même) et le Père Gigogne(1860, 2 vol. in-12).

Les toutes dernières et si tristes années de la vieillesse de Dumas furent adoucies par le dévouement de sa fille, Mme Petel, et par la sollicitude de son fils, qui finit par pourvoir à tous les besoins de sa vie matérielle; ce fut dans la villa de Puys, près Dieppe, qu'il s'éteignit le 5 décembre 1870, sans avoir conscience des désastres infligés par la guerre, et sa mort passa forcément alors inaperçue. Au mois d'avril 1872, sa dépouille fut exhumée de la tombe provisoire où elle était déposée et transportée, selon un voeu souvent exprimé par lui, au cimetière de Villers-Cotterets, en présence de la plupart de ses amis, collaborateurs ou  interprètes encore survivants. Le 4 novembre 1883, fut inauguré sur la place Malesherbes, à Paris, le monument dû à Gustave Doré, qui n'avait pu en voir l'achèvement et où il avait placé au pied de la statue assise du fécond romancier le personnage le plus populaire de son oeuvre (d'Artagnan), encadré par deux groupes symbolisant les diverses classes de lecteurs que charmeront toujours ses légendaires exploits.

Les indications bibliographiques des oeuvres citées au cours de cet article se réfèrent toutes à leurs éditions originales, mais les divers écrits de Dumas (à l'exception de ses poésies qui n'ont jamais été réunies) ont été l'objet de deux réimpressions générales en quelque sorte permanentes, l'une en livraisons in-4 illustrées, l'autre dans le format in-18 et comprenant beaucoup de romans (authentiques ou apocryphes) parus antérieurement sous d'autres titres; cette partie de la bibliographie de Dumas n'a pas été traitée par  Parran et Glinel dont les travaux (V. ci-dessous) n'en sont pas moins fort intéressants et fort utiles. (Maurice Tourneux).



Raphaël Lahlou, Alexandre Dumas, ou le don de l'enthousiasme, Bernard Giovanangeli, 2006. - Alexandre Dumas! Sa vie surpasse l'éclat de ses romans. Né en 1802, il grandit dans le souvenir d'un père tôt perdu, mulâtre et héroïque. Promis au séminaire, Alexandre choisit de séduire Paris, les femmes et les théâtres. Et bientôt il donne le ton à son siècle. Dumas a le don de l'enthousiasme pour lui ou ses amis Vigny, Nerval ou Delacroix.

C'est le colosse du romantisme! Hilare et mélancolique, "force qui va", Alexandre est le maître du roman-feuilleton. À coups de pistolet, il devient un mousquetaire ardent des révolutions de 1830 et de 1848 et participe à l'épopée de Garibaldi, en 1860! 

Toujours entre cinq romans, deux voyages et un duel au petit matin, rescapé du choléra ou des caprices féminins, il fait de sa vie un spectacle permanent! En 1870, il meurt plein de doutes sur son oeuvre. Pour ses aficionados actuels, il possède un don unique : le panache de la jeunesse! (couv).

On ne signalera ici que les éditions des oeuvres de Dumas publiées chez Gallimard dans la Pléiade (Le comte de Monte Cristo. - Les Trois mousquetaires) et chez Robert Laffont dans la collection Bouquins : Les Quarante-cinq. - Le vicomte de Bragelonne. - La reine Margot / La Dame de Monsoreau. - Le comte de Monte Cristo. - Les Trois mousquetaires / 20 ans après. - Joseph Balsamo. - La comtesse de Charny / Le Chevalier de Maison-Rouge. - Mes mémoires (2 vol.). 

Youjun Peng, La nation chez Alexandre Dumas, L'Harmattan, 2003. - Michel Arrous, Dumas, une lecture de l'histoire, Maisonneuve et Larose, 2003. - Grillet, Alexandre Dumas, BNF, 2002. - Claude Ribbe, Le général Alexandre Dumas, Dragon de la reine, Le Rocher, 2002. - Claude Schopp, Alexandre Dumas en bras de chemise, Maisonneuve et Larose, 2002. - Du même, Le château de Monte Cristo, Michel Lafon, 2002. Du même, Alexandre Dumas, Fayard, 2002. - Bernard Fillaire, Alexandre Dumas et associés, Bartillat, 2002. - Daniel Zimmermann, Alexandre Dumas le Grand, Phébus, 2002. - Collectif, Alexandre Dumas ou les aventures d'un romancier, Gallimard, 1986. - Collectif, Alexandre Dumas et Alexandre Dumas fils, Champflour, 1986. - Iconographie d'Alexandre Dumas père, Champflour, 1991. 

Pour les plus jeunes : Daniel Zimmermann, La vie galopante d'Alexandre Dumas, Hachette, 2002.

En bibliothèque - A. Dumas, Mes Mémoires, Souvenirs dramatiques, Causeries, les Morts vont vite, Bric-à-Brac, Histoire de mes bêtes (V. ci-dessus). - L. de Loménie, Un Homme de rien (Galerie des contemporains illustres), 1842, t. V, - Ch. Chincholle, Alexandre Dumas aujourd'hui, 1869, gr. in-8, photographies (trois livraisons seulement ont paru). - A. De Boissieu, Lettres d'un passant, Figures contemporaines, 1869, in-18.- Jules Janin, Alexandre Dumas (mars 1871), 1871, in-12, portrait à l'eau-forte par Flameng - A. Dumas, Quatre Célébrités, 1874, in-18. - Ch. Hugo, les Hommes de l'exil, 1875, in-18. - Th. de Banville, Mes Souvenirs, 1882, in-18. - Le Monument d'Alexandre Dumas, discours prononcés à cette occasion, 1881, gr. in-8, pl. - B. Pifteau, Alexandre Dumas en manches de chemise, 1884, in-18. - Ch. Glinel, Alexandre Dumas et son oeuvre, Notes biographiques et bibliographiques; Reims, 1884, in-8. - H. Blaze de Bury, Alexandre Dumas, sa vie, son temps, son oeuvre, 1885, in-18. - Alex. Michaux, Souvenirs personnels sur Alexandre Dumas, 1885, in-16 (anonyme). - A. Davroux, Douze Célébrités du département de l'Aisne; Saint-Quentin, 1885, in-12. - Eug. Courmeaux, ancien député de Reims, Alexandre Dumas; Châlons, 1886 45 p. in-5. - Gabriel Ferry, les Dernières Années d'Alexandre Dumas (1864-1870), 1883, in-12. - Ph. Audebrand, Alexandre Dumas à la Maison d'or (Souvenir de la rédaction du Mousquetaire), 1888, in-12. - Notices diverses, par H. Romand (Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1834). - Louis Huart, Galerie de la presse. - Lhéritier de l'Ain, Plutarque drolatique, 1843, - Granier de Chassaignac, Articles dans le Journal des Débats, 1er et 6 novembre 1833, 30 juillet 1831. (Sur ces articles qui brouillèrent Dumas et Victor Hugo,  Edm. Biré, Victor Hugo après 1830.) - Le critique Jules Janin et le dramaturge Alexandre Dumas à propos des "Demoiselles de Saint-Cyr", extraits du Journal des Débats et de la Presse, 1843, 44 p. in-12. Harel, le Succès, comédie en deux actes et en prose (Odéon, 9 mars 1843), 1843, in-8. - Ed. Bergounioux,Buloz et A. Dumas. "Lettre à M. Delaunay directeur du Journal des artistes, s. d.(1844), in-8. - Vérité ! sur les lettres de M. A. Dumas concernant M. Buloz, la Comédie-Française et l'art en général, 1845, in-8. - Eug. de Mirecourt, Fabrique de romans, Maison Alex. Dumas et compagnie, 1845, 64 p. in-8 (beaucoup de déclamations, d'injures et de calomnies, mais très peu de faits). - Pierre Ledru, baron de Blaguenpuff, Réponse à l'auteur du pamphlet intitulé "Maison A. Dumas et Cie", 1845, in-8, 16 p. (autre pamphlet, plus spirituel que le précédent). - Michel-Ange Titmarch (W. M. Thackeray), Lettre à M. Alex. Dumas (Revue britannique, janv. 1887). L. Jousserandot, les Collaborateurs, comédie en un acte et en vers (Vaudeville, 6 mars 1847). - Alexandre Dumas dévoilé par le marquis de La Pailleterie, 1847, 36 p. in-18. - Mme Clémence Badère, le Soleil Alexandre Dumas, 1855, 84 p. in-8. (Plaintes d'une femme de lettres dont une nouvelle avait été refusée au Mousquetaire.) - Alexandre Dumas, roi de Naples, 1860, 32 p. in-8. -  J.-M. Quérard, les Supercheries littéraires dévoilées, etc., 1816-1854, 5 vol. in-8; 2- éd.1669, 3 vol. in-8. (Article en grande partie emprunté aux pamphlets énumérés plus haut, mais très pauvre en indications bibliographiques précises.) - Ad. Crémieux, Plaidoirie pour MM.Michel Lévy frères, 1857, 68 p. in-4. (Important document pour la genèse des oeuvres de Dumas.) - A. Parran, Romantiques, Editions originales, etc., Pétrus Borel, Alexandre Dumas; Alais,1884, in-8.



Dans les musées, etc. - Les portraits originaux de Dumas ne sont pas aussi nombreux que pourrait le faire supposer sa très réelle célébrité. On ne peut guère citer, parmi les documents les plus importants, que deux lithographies d'Achille Devéria, l'une en pied (sur un canapé), l'autre en buste et toutes deux fort belles; un médaillon en bronze de David d'Angers; une autre lithographie par Lelièvre (1833); un pastel par Eugène Giraud (1845); un portrait en costume de Circassien par Louis Boulanger (Salon de 1859), appartenant au fils du modèle; une statue par Carrier-Belleuse, à Villers-Cotterets; de très nombreuses caricatures et un certain nombre de photographies; l'une d'elles, représentant Dumas en manches de chemise et tenant dans ses bras une célèbre écuyère américaine, miss Adah Menken, fut retirée du commerce sur la plainte de la famille.
Alexandre Dumas fils est un auteur dramatique et romancier, fils d'Alexandre Dumas (ci-dessus), né à Paris le 27 juillet 1824, mort en 1895. Placé de très bonne heure dans l'institution dirigée par Goubaux, l'un des collaborateurs de son père, il suivit les cours du collège Bourbon (aujourd'hui lycée Condorcet) et y remporta quelques succès. Il avait à peine dix-huit ans quand la Chronique, revue mensuelle (1842), inséra ses premiers vers, réimprimés depuis dans un recueil de poésies, intitulé d'abord Préface de la vie, puis Péchés de,jeunesse (1847, in-8). Vers la même époque, il écrivit un roman, présenté sous le titre de Fabien par son père à divers journaux qui le refusèrent, et publié sous celui d'Aventures de quatre femmes et d'un perroquet(1847, 6 vol. in-8). Il fut bientôt suivi de : Césarine (1848, in-8); le Docteur Servan (1849, 2 vol. in-8); Antonine (1849, 2 vol. in-8); Trois Hommes forts (1850, 4 vol. in-8); le Régent Mustel (1852, 2 vol in-8), sans parler d'un recueil de Contes et Nouvelles (1853, in-18), d'Un Cas de rupture (1854, in-32), et d'une série de romans historiques publiés en feuilletons dans la Gazette de France sous ce titre collectif : les Quatre Restaurations, et comprenant : Tristan le Roux (1849), Henri de Navarre (1850), les Deux Frondes (1851); Tristan le Roux a seul été réimprimé en volume; le quatrième épisode n'a jamais paru.
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Alexandre Dumas, fils.
Alexandre Dumas, fils.

Malgré les qualités que trahissaient ces oeuvres de début, la véritable personnalité de l'auteur ne se fit jour que lorsqu'il aborda l'étude de la société moderne, où la mort de Balzac lui laissait le champ libre. La Dame aux camélias (1848, 2 vol. in-8) est restée le type le plus célèbre de cette galerie, où vinrent presque aussitôt prendre place Diane de lys (1851, 3 vol. in-8), et la Dame aux perles (1854, 3 vol. in-8), qui initiaient le publie aux moeurs et aux mystères de ce que l'auteur lui-même avait appelé le demi-monde. Après de longues luttes contre la censure et contre Léon Faucher, ministre de l'intérieur, Dumas fils put enfin, grâce à la protection de M. de Morny, faire représenter au Vaudeville la Dame aux camélias (2 février 1852), où l'amour, l'agonie et la mort de Marie Duplessis obtinrent un succès prolongé, que retrouvèrent Diane de Lys (Gymnase, 15 novembre 1853), autre comédie arrêtée huit mois par la censure, et le Demi-Monde (Gymnase, 20 mars 1855). La Question d'argent (Gymnase, 31 janvier 1857) s'attaquait à une des plaies du jour avec non moins de vigueur et provoqua même les réclamations du fameux Jules Mirès qui crut se reconnaître dans le personnage de Jean Giraud, imputation contre laquelle M. Dumas a toujours protesté. 

C'est encore sur la scène du Gymnase que furent représentées les comédies suivantes, où se traitaient coram populo les problèmes les plus scabreux de la recherche de la paternité, du divorce, de la séduction, du concubinage, du proxénétisme et de l'adultère : le Fils naturel (16 janvier 1858); Un Père prodigue (30 novembre 1859), l'Ami des femmes (5 mars 1864); les Idées de Mme Aubray (16 mars 1867); Une Visite de noces (16 octobre 1871); la Princesse Georges (2 décembre 1871); la Femme de Claude (16 janvier 1873); Monsieur Alphonse (26 novembre 1873), dont les principaux rôles eurent pour créateurs Mmes Rose Chéri, Berton, Ad. Dupuis, et, en dernier lieu, Aimée Desclée, et qui toutes suscitèrent d'ardentes discussions que l'auteur a reprises à son tour et résumées dans les préfaces d'une première édition collective de son Théâtre (1868-1879, 6 vol. in-18). Dumas fils a donné ensuite, au Théâtre-Français, l'Etrangère, comédie en quatre actes (14 février 1876), qui, mal accueillie du public le premier soir, en dépit d'une interprétation hors ligne, s'est longtemps maintenue sur l'affiche, de même que la Princesse de Bagdad (février 1881), pièce en trois actes, spécialement écrite pour Mlle Croizette; Denise, pièce en quatre actes (19 janvier 1885), et Francillon (17 janvier 1887), pièce en trois actes, dont le talent de l'auteur et celui des artistes appelés à le seconder ont fait accepter, non parfois sans résistance, les invraisemblances et les audaces.
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La salade japonaise

« Un salon à l'heure du thé. Pendant qu'Annette passe dans les groupes, Francine se met au piano et joue du Wagner.

ANNETTE, à Thérèse avec une tasse de thé à la main.
Une tasse de thé, chère madame?

THÉRÈSE
Volontiers, ma chère enfant.

ANNETTE
Crème ou cognac?

THÉRÈSE
Crème.

ANNETTE, présentant une tasse à Stanislas.
Et vous, monsieur de Graudredon?

STANISLAS
Volontiers aussi, mademoiselle.

ANNETTE
Crème ou cognac?

STANISLAS
Cognac.

ANNETTE
Combien de morceaux de sucre?

STANISLAS
Cela dépend : deux, si vous les donnez avec une pince; tant que vous voudrez, si vous les donnez avec vos jolis doigts.

ANNETTE
On n'est pas plus galant.
(Elle le sert avec une pince.)

STANISLAS
Vous êtes cruelle.

ANNETTE, à Henri.
Et vous, monsieur de Symeux?

HENRI
Moi, mademoiselle, je vous demanderai la recette de la salade que nous avons mangée ce soir ici. Il paraît qu'elle est de votre composition.

ANNETTE
La salade japonaise.

HENRI
Elle est japonaise?

ANNETTE
Je l'appelle ainsi.

HENRI
Pourquoi?

ANNETTE
Pour qu'elle ait un nom : tout est japonais, maintenant.

HENRI
C'est vous qui l'avez inventée?

ANNETTE
Parfaitement. J'aime beaucoup m'occuper de cuisine.

HENRI
Vous avez pris des leçons?

ANNETTE
Il y a maintenant des cours pour les jeunes filles : on étudie bien les éternels principes, et puis chacune compose selon son plus ou moins d'imagination. Il y a même des concours.

STANISLAS
Et dans quel but avez-vous appris à faire la cuisine, mademoiselle? Car ce n'est pas avec l'idée d'en faire votre profession?

ANNETTE
J'ai appris à faire la cuisine comme j'ai appris à lire, à écrire, à dessiner, à jouer du piano, à parler l'anglais et l'allemand, à chanter en italien, à monter à cheval, à patiner, à chasser, à conduire, comme j'ai appris la valse à deux et à trois temps, la polka et toutes les figures du cotillon, dans le but de trouver un mari. Tout ce que font les jeunes filles, n'est-ce pas, messieurs, dans le but de vous plaire? Et ne doivent-elles pas s'efforcer d'être aussi parfaites que possible pour mériter l'honneur et la joie d'associer toute leur existence à quelques moments de la vôtre? (A Lucien.) Et toi, monsieur mon frère, veux-tu du thé?

LUCIEN, qui lit le journal.
Rien du tout! merci!...

ANNETTE
Alors, monsieur de Symeux, si vous voulez prendre une plume et de l'encre, je vais vous dicter ma recette sur l'air que joue Francine. Mais vous m'assurez que cette communication ne sera faite qu'à des personnes dignes de la comprendre et de l'apprécier.

HENRI
C'est pour maman. Excusez-moi de dire encore maman à mon âge; mais, comme je vis avec elle, j'ai gardé cette habitude d'enfance.

ANNETTE
Je ne vous excuse pas, monsieur, je vous félicite; et moi qui n'ai plus ma mère, je vous envie.

HENRI, à Lucien.
Elle a des façons de dire à elle. (Haut.) Je suis à vos ordres, mademoiselle.

ANNETTE
Vous faites cuire des pommes de terre dans du bouillon, vous les coupez en tranches comme pour une salade ordinaire, et, pendant qu'elles sont encore tièdes, vous les assaisonnez de sel, poivre, très bonne huile d'olives à goût de fruit, vinaigre...

HENRI
A l'estragon?

ANNETTE
L'orléans vaut mieux : mais c'est sans grande importance; l'important, c'est un demi-verre de vin blanc, Château-Yquem, si c'est possible. Beaucoup de fines herbes, hachées menu, menu. Faites cuire en même temps, au court-bouillon, de très grosses moules avec une branche de céleri, faites-les bien égoutter et ajoutez-les aux pommes de terre déjà assaisonnées. Retournez le tout légèrement.

THÉRÈSE
Moins de moules que de pommes de terre?

ANNETTE
Un tiers de moins. Il faut qu'on sente peu à peu la moule; il ne faut ni qu'on la prévoie ni qu'elle s'impose.

STANISLAS
Très bien dit.

ANNETTE
Merci, monsieur. - Quand la salade est terminée, remuée...

HENRI
Légèrement...

ANNETTE
Vous la couvrez de rondelles de truffes, une vraie calotte de savant.

HENRI
Et cuites au vin de Champagne.

ANNETTE
Cela va sans dire. Tout cela deux heures avant le dîner, pour que cette salade soit froide quand on la servira.

HENRI
On pourrait entourer le saladier de glace.

ANNETTE
Non, non, non. Il ne faut pas la brusquer; elle est très délicate et tous ses arômes ont besoin de se combiner tranquillement. - Celle que vous avez mangée aujourd'hui était-elle bonne?

HENRI
Un délice!

ANNETTE
Eh bien, faites comme il est dit et vous aurez le même agrément.

HENRI
Merci, mademoiselle. Ma pauvre maman, qui ne sort guère et qui est un peu gourmande, vous sera extrêmement reconnaissante.

ANNETTE
A votre service. J'ai encore bien d'autres régalades de ma composition; si elles peuvent être agréables à madame votre mère, je lui en porterai moi-même les recettes, et j'en surveillerai l'exécution, la première fois, à moins que votre chef n'ait un trop mauvais caractère...

HENRI
C'est une cuisinière.

ANNETTE
Nous nous entendrons alors comme il convient entre femmes. Quand vous voudrez. Maintenant, messieurs, il ne me reste plus qu'à vous faire ma plus belle révérence.

STANISLAS
Vous nous abandonnez?

ANNETTE
Il faut que j'aille voir si mon fils dort bien.

HENRI
Votre fils?

ANNETTE
Le jeune vicomte Gaston de Riverolles ayant été sevré, c'est moi qui, pour laisser reposer sa mère, m'exerce à la maternité, toujours dans le but de trouver un mari. Il couche, pour la première fois, cette nuit, dans ma chambre.

HENRI
Restez avec nous, mademoiselle. A cette heure, monsieur le vicomte dort, les poings fermés, et, d'ailleurs, il a sa nourrice platonique, sa nourrice à rubans, pour le porter et le veiller.

ANNETTE
Naturellement; mais la vérité, messieurs, c'est que je ne suis venue que pour servir le thé. Le salon m'est interdit après.

STANISLAS
Parce que?...

ANNETTE
Parce qu'il parait que vous dites des choses tellement inconvenantes qu'une jeune fille ne doit pas les entendre.

HENRI
Nous ne dirons que les choses les plus convenables.

ANNETTE
Mais c'est qu'il paraît aussi que, quand vous n'êtes pas inconvenants, vous êtes ennuyeux.

STANISLAS
Qui a dit cela?

FRANCINE, tout en jouant du piano.
C'est moi. Retire-toi, ma chérie.

ANNETTE, faisant la révérence.
Vous pouvez dire maintenant tout ce que vous voudrez, messieurs, je ne suis plus là et je n'écoute pas aux portes.
(Elle sort.) »
 

(A. Dumas Fils, extrait de Francillon).

Plus heureux que son père, Dumas fils n'a jamais vu mettre en doute sa puissante originalité et nul ne s'est avisé de lui prêter des collaborateurs réels ou imaginaires. Par contre, il lui est arrivé plusieurs fois de mettre sa plume au service d'autrui, notamment pour le Marquis de Villemer, de George Sand (Odéon, février 1864), le Supplice d'une femme (Théâtre-Français, 29 avril 1865), comédie refaite sur un scénario d'Emile de Girardin, et Héloïse Paranquet (Gymnase, 20 janvier 1866), entièrement différente du canevas primitif de Durantin. Les démêlés retentissants qui suivirent ces deux dernières transformations avaient, disait-on, à jamais dégoûté  Dumas de la collaboration; néanmoins, on peut encore porter à son avoir littéraire le Filleul de Pompignac, comédie en quatre actes (Gymnase, 1869) que H. Lefrançois lui avait soumise et qui fut signée sur l'affiche Gustave de Jalin; les Danicheff, drame en cinq actes (Odéon, février 1876), signé Pierre Newski, et dont la donnée première appartenait à un littérateur russe, Pierre Corvin, ainsi que la Comtesse Romani, comédie en trois actes (Gymnase, novembre 1876), signée aussi Gustave de Jalin, pseudonyme collectif de  Dumas et de G. Fould. Il a enfin rendu le même service à son père lors de la reprise à l'Odéon de la Jeunesse de Louis XIV (1874), et pour Joseph Balsamo, drame inédit en cinq actes, remanié sur le manuscrit original (Odéon, mars 1878). Des indiscrétions, inévitables en pareil cas, ou la reconnaissance même de ses obligés permettent d'assurer qu'il a tout au moins relu un certain nombre d'antres pièces, telles que : Comment la trouves-tu? comédie-vaudeville par L. Pagès et H. de Chambrait (1857); Un Mariage dans un chapeau, comédie en un acte par Vivier (1859). Comme elles sont toutes, comédie par Ch. Narrey (1868); Albertine de Merris, comédie par Amédée Achard (1868); Mademoiselle Duparc, comédie par M. L. Denavrouze (1875), etc.

Ce n'est pas seulement sur la scène que Dumas a poursuivi le triomphe des thèses sociales qu'il n'a cessé de soutenir : un roman présenté sous forme de factum judiciaire, l'Affaire Clémenceau, Mémoire de l'accusé (1866, in-8), était un plaidoyer en faveur du châtiment de l'adultère par la main même de l'époux outragé. En 1869, dans une brochure destinée à faire connaître l'établissement des Madeleines repenties situé à Clichy-la-Garenne, il réclamait la réhabilitation de la femme déchue par l'expiation. Après une incursion sur le terrain politique dans sa fameuse Lettre sur les choses du jour (1871, in-18), il reprit, dans une brochure à titre bizarre, l'Homme-Femme (1872, in-18), la théorie dont la Femme de Claude fut la démonstration; il a de plus pris une part brillante aux discussions soulevées par la Question du divorce (1880, in-8), et par la Recherche de la paternité (1883, in-18), questions qu'il a examinées sous toutes leurs faces, dans un certain nombre de préfaces ou de lettres plus ou moins destinées à la publicité.
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La médiocrité

« Figurez-vous un petit homme de dix ans, déjà officiel dans toute sa petite personne. Coiffé à l'oiseau royal, avec deux larges mèches collées sur les tempes, il affectait des airs sérieux qu'il imitait évidemment de monsieur son père, dont il était une réduction des plus ridicules et des plus comiques. Ce jeune noble répandait autour de lui l'odeur de sa noblesse toute neuve. On la voyait positivement reluire au soleil. Très soigné dans sa mise, serré dans son col comme un préfet en tournée, la tête droite, il poussait la solennité jusqu'à la sentence, et la morgue jusqu'au mépris. En le voyant, on recomposait aisément toute sa famille; on devinait de quel sot personnage il avait eu l'honneur de sortir et on ne doutait plus de la carrière qu'il embrasserait : la haute administration.

C'était une des mille nullités en herbe sur lesquelles la Restauration comptait pour l'avenir. Je l'ai rencontré depuis cette époque. Il servait le gouvernement de juillet, auquel il s'était rallié, ainsi que monsieur le comte son père, et je lui ai retrouvé
le visage, la voix et le maintien que je lui avais connus à l'âge de dix ans.

Une fois posées sur une cravate, ces têtes-là ne bougent plus. La cravate est invariablement noire ou blanche, la tête reste la même. La coiffure a pris un certain pli, l'oeil un certain regard, la bouche une certaine ligne. En voilà pour quatre-vingts ans. La barbe est rasée de si près et si souvent qu'elle finit par ne plus oser pousser. Ces hommes-là en arrivent tout de suite à convaincre la société qu'ils lui sont indispensables. Il y a d'honnêtes mères qui élèvent saintement leurs filles pour la faveur de leur couche, comme dirait Arnolphe. Ils ont ordinairement deux enfants à la suite de leur mariage, un garçon et une fille. Ils sont devenus pères sans oublier le décorum, sans ôter leur croix de la Légion d'honneur, qui leur tombe à la boutonnière vers vingt-cinq ou trente ans, et dont le ruban ne bronche plus jusqu'à ce qu'ils changent de grade. Ils passent par les trois premiers degrés de l'ordre et meurent commandeurs. On célèbre alors leurs vertus, leurs services, leurs talents, devant un mausolée de famille, et ils disparaissent après avoir touché à tout, sans rien laisser derrière eux, ni une oeuvre, ni une idée, ni un mot. On se demande comment ils ont pu tenir tant de place, et si longtemps, dans une civilisation qui a besoin de mouvement, d'initiative et de progrès, et, au moment où l'on s'en étonne le plus, on aperçoit messieurs leurs fils qui les recommencent et les continuent.

Ces individus composent cette force imposante contre laquelle le génie lutte en vain depuis la constitution de la première société et qu'on retrouve honorée et triomphante dans toutes les classes, dans la noblesse, dans la bourgeoisie, dans la science, dans les arts, dans l'armée; association invincible et indissoluble, qui reconnaît et glorifie les siens partout, sans distinction de rangs ni de castes; communauté formidable qui se lègue de famille en famille et de génération en génération, comme des cartes perpétuelles de circulation à travers l'ignorance humaine, une morale, des idées et des phrases toutes faites appropriées à tous les sujets; qui veille pompeusement et dogmatiquement sur l'arche sainte de la routine, et qu'on nomme enfin : la Médiocrité. »
 
 

(A. Dumas Fils, extrait de l'Affaire Clémenceau).

Candidat au fauteuil laissé vacant par Pierre Lebrun,  Dumas fut élu par 22 voix contre 11 au premier tour de scrutin le 30 janvier 1874, et vint prendre séance le 11 février 1875. Au discours où il évoquait la gloire paternelle comme son meilleur titre à la bienveillance de l'Académie, lui rappelant ainsi l'une de ses plus criantes injustices, d'Haussonville répondit par une spirituelle critique du monde spécial où l'auteur avait le plus volontiers pris ses modèles et de ses théories morales et religieuses. Depuis, Dumas a été chargé comme directeur en 1877 du rapport sur les prix de vertu, et en 1887 de la réponse à Leconte de Lisle, successeur de Victor Hugo. (Maurice Tourneux).



En bibliothèque - Ainsi qu'il a été dit plus haut, les diverses pièces de Dumas fils, jusques et y compris l'Etrangère, ont été réunies sous le titre de Théâtre complet avec préfaces inédites (18681879, 6 vol. in-18). L'auteur en a donné une nouvelle édition, dite desComédiens, parce qu'elle était exclusivement destinée aux premiers interprètes de ses oeuvres, tirée à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires et augmentée de notes nouvelles souvent très importantes (1882-1886, 6 vol. gr. in-8). A ces deux collections manque Atala, scène lyrique, musique de Varney, représentée sur le Théâtre-Historique en 1848, mais on y retrouve une autre bluette en un acte et en vers, le Verrou de la reine, jouée en 1845 sur le petit théâtre de l'hôtel Castellane, et reprise au Gymnase en 1873. Une Histoire de la loterie du lingot d'or (1851, in-8), que les entrepreneurs de cette spéculation avaient demandée à Dumas, et d'autres écrits de jeunesse, joints à des pages plus récentes et plus graves, ont été rassemblés sous le titre d'Entr'actes (1878.1879, 3 vol. in-18); un recueil de nouvelles de la même période, Thérèse (1875, in-18), a été dédié par l'auteur à Spoëlberch, le savant bibliophile qui les avait exhumées. Le roman de la Dame aux camélias a été l'objet, entre autres réimpressions multiples, de trois éditions illustrées par Gavarni (1858, in-8), par A. de Neuville (1875, in-8), et par Albert Lynch (1886, gr. in-8). 

Dumas fils, Préfaces diverses du Théâtre complet. - Jules Claretie, A. Dumas fils, 1883, in-12. - Paul Bourget, Nouveaux Essais de psychologie contemporaine,1885, in-18.

En librairie - Alexandre Dumas fils, La dame aux camélias, Pocket, 1998. - Collectif, Alexandre Dumas et Alexandre Dumas fils, Champflour, 1986.


Dans les musées, etc. - Possesseur d'une très riche collection de tableaux et d'objets d'art qu'il a plusieurs fois épurée par des ventes publiques, Dumas a été personnellement lié avec la plupart des grands artistes de son temps. Parmi ses nombreux portraits, il faut citer son buste par Carpeaux (placé à la Comédie-Française), un petit panneau (en pied) de Meissonier, et un buste (grandeur naturelle) par  Bonnat, remarquablement gravé sur bois par Baude. 
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Dictionnaire biographique
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