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Alexandre Davy
de la Pailleterie Dumas, dit Alexandre Dumas est un auteur
dramatique et romancier (ou fabricant de romans?),
fils du général Alexandre Dumas, né à Villers-Cotterets
(Aisne) le 5 thermidor an X (24 juillet 1802), mort à Puys, près de Dieppe,
le 5 décembre 1870. Les divers épisodes de la vie de Dumas ont été
tant de fois contés par lui-même ou par d'autres jusque dans leurs moindres
détails qu'il suffirait de résumer brièvement les principales circonstances
de cette existence si prodigieusement active, ainsi que les grandes oeuvres
qui en marquent les étapes, puis de grouper, dans l'ordre chronologique,
et par leur nature même, les autres écrits de Dumas, dont la paternité
lui a été contestée, ou ceux-là même qu'on pourrait, de son propre
aveu, retrancher de son avoir. La bibliographie placée à la suite de
cet article permettra d'ailleurs à ceux qui voudront approfondir cette
double étude de consulter les sources auxquelles il leur faudra puiser.
Restée veuve en 1806 et réduite aux modiques
ressources que lui concédait le titre de son mari, Mme Dumas ne put faire
donner au fils issu de cette union qu'une éducation extrêmement sommaire
et incomplète. L'enfant tenait, par contre, de son père, une constitution
athlétique, une aptitude naturelle à tous les exercices du corps et une
santé robuste. Les premiers chapitres de ses Mémoires renferment
de nombreuses preuves de ce triple privilège, dont Dumas se montre presque
aussi fier que de ses qualités intellectuelles et qui favorisèrent singulièrement
les frasques de son adolescence, longuement contées aux mêmes pages.
D'abord clerc d'avoué à Villers-Cotterets, puis à Crépy-sur-Oise (Crépy-en-Valois),
il vint en 1823 Ã Paris solliciter l'appui
des anciens compagnons d'armes de son père, ralliés, pour la plupart,
à la Restauration. Éconduit de divers côtés, il ne fut accueilli avec
bienveillance que par un membre de l'opposition, le général Foy
qui, aussi frappé de ses talents de calligraphe qu'affligé de son ignorance,
lui procura une place d'expéditionnaire dans les bureaux de la chancellerie
du duc d'Orléans.
Le jeune homme, qui se proposait bien un
jour de vivre de sa plume, se trouva néanmoins fort heureux de devoir
à son écriture un traitement de 4 200 F qui lui permettait de ne
plus être à la charge de sa mère et lui laissait assez de loisirs pour
apprendre tout ce qu'il ne savait pas et nommément l'histoire
de France. Bientôt il osa faire imprimer ses premiers essais : une Elégie
sur la mort du général Foy (1825, in-8); un dithyrambe en l'honneur
de Canaris (1826, in-12) et un petit volume de Nouvelles contemporaines
(1826, in-12). En même temps, il collaborait à deux vaudevilles,
la Chasse et l'Amour (Ambigu-Comique,
22 septembre 1825) et la Noce et l'Enterrement (Porte Saint-Martin,
24 novembre 1826), tous deux signés Davy et dont il partagea les minces
profits avec son camarade de jeunesse, Adolphe de Ribbing (de Leuven),
James Rousseau, Lassagne et Gustave Vulpian.
D'autres tentatives dramatiques, plus sérieuses,
tirées de la conjuration de Fiesque ou de l'épisode des Gracques, demeurèrent
alors inédites, tandis qu'un passage d'Anquetil
lui inspirait le drame d'où datent ses véritables débuts : Henri
III et sa cour (cinq actes, en prose), représenté sur le Théâtre-Français
le 11 février 1829, et demeuré depuis au répertoire, lui valut de véritables
ovations; le duc d'Orléans, bien que fort peu sympathique à son subordonné,
ne dédaigna pas de donner lui-même le signal des applaudissements et
le nomma bibliothécaire adjoint aux appointements annuels de 1500 F. Alexandre
Dumas avait écrit avant Henri III un autre drame reçu dès
le 30 avril 1828 par le comité du même théâtre et dont diverses circonstances
avaient fait ajourner la représentation : ce drame, c'était Christine
ou plutôt, pour lui donner le titre sous lequel il fut définitivement
joué à l'Odéon le 30 mars 1830, Stockholm, Fontainebleau et Rome,
trilogie en cinq actes et en vers, avec prologue et épilogue. Son succès
ne fut pas moins vif que celui de Henri III, et Dumas se vit dès
lors considéré comme l'émule de
Victor Hugo;
mais cette rivalité n'avait pas encore altéré leurs bons rapports personnels.
Convié par Hugo à une lecture de Marion Delorme, alors arrêtée
par la censure, il avoua hautement son admiration; de son côté, dit-on,
Victor Hugo aurait, aidé d'Alfred de Vigny, retouché
une centaine de vers de Christine, mal accueillis le soir de la
première représentation.
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Statue
d'Alexandre Dumas, à Villers-Cotterêts. © Photo
: Serge Jodra, 2010.
Dumas avait depuis quelques mois dit pour
toujours adieu à la vie administrative et travaillait à plusieurs drames
lorsque éclata la révolution de 1830. Il fit le coup de feu parmi les
insurgés et, sur l'ordre de La
Fayette, se rendit en hâte à Soissons où, avec le concours
de quelques habitants, il protégea une importante poudrière et en assura
la possession au parti vainqueur. Puis il partit pour la Vendée avec mission
d'y provoquer la formation d'une garde nationale chargée de défendre
le pays contre une nouvelle chouannerie que tout pouvait faire craindre.
Admis au retour à faire connaître au roi lui-même son impression sur
l'état des esprits, Dumas ne lui dissimula pas combien le remède lui
semblait dangereux et insista sur la nécessité d'ouvrir à travers le
Bocage et le Marais des voies de communication qui rendraient plus difficile
la guerre civile qu'on redoutait. Bien que le second de ses conseils ait
été suivi plus tard, le résultat de l'enquête ne raffermit point le
crédit de Dumas auprès de Louis-Philippe;
son élection de capitaine dans l'artillerie de la garde nationale parisienne,
devenue l'un des foyers de l'opposition à la monarchie
du 9 août, une visite intempestive aux Tuileries
avec l'uniforme de ce corps supprimé par décret la veille même, le refus
de prestation de serment exigé pour la remise du brevet et des insignes
de la croix de Juillet, la présence, de Dumas aux obsèques du général
Lamarque, prélude des journées des 5 et 6 juin 1832, tels sont les principaux
épisodes de cette période de politique militante à laquelle, par bonheur,
Dumas ne tarda pas à renoncer, mais qu'il fallait rappeler sommairement
ici.
Une violente passion conçue pour Mme Mélanie
Waldor (fille de Villenave), et à laquelle celle-ci, mariée à un officier,
ne pouvait répondre, inspira à Dumas ce drame où, sous le nom d'Antony ,
il s'est peint lui-même, a-t-il dit, « moins l'assassinat » et
où il a peint, sous le nom d'Adèle Hervey, la maîtresse adorée, «
moins la fuite », et qui, merveilleusement interprété par Bocage
et Mme Dorval (Porte-Saint
Martin, 3 mai 1831), obtint alors une centaine de représentations.
En 1831, il fut question de le transporter à la Comédie-Française, mais
un article du Constitutionnel le dénonça comme immoral; l'interdiction,
alors prononcée par le ministre de l'intérieur, fut levée seulement
à la fin du second Empire, et ensuite
Antony a repris sa place
dans la série des matinées classiques organisées par l'Odéon. De 1831
à 1843, et sans préjudice des autres oeuvres qui seront rappelées plus
loin, Dumas occupa les diverses scènes de Paris
avec les pièces suivantes : Napoléon Bonaparte ou Trente Ans de l'histoire
de France, drame en six actes (Odéon, 10 janvier 1831), écrit en
huit jours chez Harel qui retenait l'auteur en chartre privée; Charles
VII chez ses grands vassaux, tragédie en cinq actes (Odéon, 20 octobre
1831), mal accueillie du public, malgré des beautés de premier ordre;
Richard Darlington, drame en trois actes et en prose avec un prologue
(Porte-Saint-Martin, 10 décembre 1831), dû à la collaboration de Beudin
et de Gonbaux qui en avaient fourni à Dumas l'idée première, empruntée
aux Chroniques de la Canongate de Walter Scott,
et où Frédérick Lemaitre déploya un talent prodigieux; Térésa,
drame en cinq actes (Opéra-Comique, Théâtre-Ventadour, 6 février 1832)
dont le scénario primitif était d'Anicet-Bourgeois;
le Mari de la Veuve, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français,
4 avril 1832), avec la collaboration d'Anicet-Bourgeois et de Durrieu qui
ne furent point nommés sur le titre de la brochure; la Tour de Nesle ,
drame en cinq actes et neuf tableaux (29 mai 1832), l'un des succès les
plus retentissants et les plus prolongés du théâtre, mais qui souleva
entre Frédéric Gaillardet, auteur du texte primitif, Jules
Janin qui l'avait retouché et Dumas qui avait presque entièrement
récrit la pièce, une polémique terminée par un duel avec le premier
et par un procès; Catherine Howard, drame
en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 2 avril 1834), tiré par Dumas d'un
autre drame resté inédit et intitulé Edith aux longs cheveux;
Angèle, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 28 décembre 1833),
avec la collaboration d'Anicet-Bourgeois; Don Juan de Maraña ou la
Chute d'un ange, mystère en cinq actes, musique de Paccini (Porte-Saint-Martin,
30 avril 1836), imité en partie des Ames du Purgatoire de Prosper
Mérimée; Kean, comédie en cinq actes et en prose (Variétés,
31 août 1836), autre grand succès de Frédérick Lemaître qui se renouvela
plus tard à l'Ambigu et à la Porte-Saint-Martin; Piquillo, opéra-comique
en trois actes avec Gérard de Nerval, musique de Monpou (Opéra-Comique,
31 octobre 1837); Caligula, tragédie
en cinq actes et en vers avec prologue (Théâtre-Français, 26 décembre
1837), dont la chute rappela celle de Charles VII
et n'est pas mieux
justifiée; Paul Jones, drame en cinq actes (Panthéon, 8 octobre
1838), représenté contre le gré de l'auteur qui avait laissé le manuscrit
à l'agence dramatique Porcher en nantissement d'un prêt; Mademoiselle
de Belle-lsle, drame en cinq actes et en prose (Théâtre-Français,
2 avril 1839), resté au répertoire; l'Alchimiste, drame en cinq
actes en vers (Renaissance, 10 avril 1839), auquel, selon Quérard, Gérard
de Nerval et Cordellier-Delanoue auraient collaboré; Bathilde,
drame en trois actes et en prose (salle Ventadour, 14 janvier 1839), avec
Auguste Maquet (seul nommé sur l'affiche et sur la brochure) et Cordellier-Delanoue;
Un Mariage sous
Louis XV, comédie en cinq
actes, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 1er
juin 1841), restée aussi au répertoire; Lorenzino, drame en cinq
actes et en prose, avec les mêmes collaborateurs (ThéâtreFrançais,
24 février 1842); Halifax, comédie en trois actes en prose avec
prologue (Variétés, 2 décembre 1842); les Demoiselles de Saint-Cyr,
comédie en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Théâtre
-Français, 25 juillet 1843), qui provoqua entre le principal auteur et
Jules Janin une polémique violente et qui, mal
accueillie le soir de la première représentation, trouva un peu plus
tard et garda le succès dont elle était digne; Louise Bernard,
drame
en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Porte-Saint-Martin,
18 novembre 1843); le Laird de Dumbicky, comédie en cinq actes
et en prose, avec les mêmes (Odéon, 30 décembre 1843); le Garde forestier,
comédie en deux actes en prose avec les mêmes (Variétés, 15 mars 1845).
En dépit de sa longueur, cette liste ne renferme que les pièces signées
par Dumas, avouées par lui ou réimprimées dans les deux éditions collectives
de son Théâtre (1834-1836, 6 vol. in-8, on 1863-1874, 15 vol.
in-12), mais non celles qu'il tira de la plupart de ses romans.
Il nous faut maintenant revenir en arrière
et rappeler les titres des principaux récits qui ont tour à tour distrait,
ému ou charmé deux ou trois générations et qui se subdivisent en impressions
de voyages, en romans et en chroniques historiques.
Dumas a lui-même raconté comment, après
l'insurrection de juin 1832 et une atteinte de choléra, dont il se ressentit
d'ailleurs une partie de sa vie, les médecins et ses amis lui conseillèrent
de quitter Paris durant quelques mois. De cette
première excursion à travers la Bourgogne
et la Suisse
datent ces fameuses Impressions de voyage qui forment l'une des
parties les plus attrayantes de son oeuvre et qui ont si légitimement
contribué à sa popularité. Ce sont, dans l'ordre chronologique :
Impressions de voyage [en Suisse] (1833, 5 vol. in-8); Excursions
sur les bords du Rhin (1841, 3 vol. in-8); Une Année Ã
Florence
(1840, 2 vol. in-8) Nouvelles Impressions de voyage [Midi de la
France] (1841, 3 vol. in-8); le Speronare (1842, 4 vol. in-8), voyage
en Sicile avec le peintre Jadin et son bouledogue Mylord; le Corricolo
(1843, 4 vol. in-8); et
la Villa Palmieri (1843, 2 vol. in-8), relatifs
au même séjour dans le sud de l'Italie; De Paris à Cadix (1848,
5 vol. in-8);
le Véloce ou Tanger, Alger
et Tunis (1848, 4 vol. in-8) qui forme
la suite du précédent; le Caucase (1859, in-4); De Paris Ã
Astrakan (1860, 3 vol. in-12), réimpr. sous le titre collectif de
: En Russie. A cette série se rattachent, sans en faire cependant
partie : l'ouvrage intitulé Quinze Jours au Sinaï (1839, 2 vol.
in-8), rédigé sur les notes du peintre Dauzats, ainsi que l'Arabie
heureuse, pèlerinage d'Hadji-Abd-el-Hamid-Bey [Du Couret] (1855, 6
vol.in-8, ou 1860, 3 vol. in-8); les Baleiniers, journal d'un voyage
aux Antipodes par le Dr Félix Maynard (1861, 2 vol. in-12) et le Journal
de Mme Giovanni à Taïti, aux îles Marquises et en Californie (1855,
4 vol. in-8), présentés comme revus et mis en ordre par Alex. Dumas,
sans que sa collaboration soit parfaitement établie
C'est par de courtes nouvelles que débuta
le romancier qui devait entreprendre et mener à leur fin les plus longues
et les plus captivantes inventions de la littérature moderne. Le Cocher
de cabriolet, Blanche de Beaulieu (déjà publiée dans les Nouvelles
contemporaines), Cherubino et Celestini, Antonio, Maria, et le Bal
masqué, Jacques ler, et Jacques
Il ont été réimprimés sous le titre de Souvenirs d'Antony (1835,
in-8); Pauline et Pascal Bruno ont reçu le titre collectif de la
Salle d'armes (1838, 2 vol. in-8). Viennent ensuite des oeuvres
de plus longue haleine : le Capitaine Paul (1838, 2 vol. in-8),
dont, si l'on en juge par un ex-dono de Dumas, l'idée première
appartiendrait à Dauzats; Acté, suivi de Monseigneur Gaston
de Phebus (1839, 9 vol. in-8); Aventures de John Davy (1840,
4 vol. in-8); le Capitaine Pamphile (1840, 2 vol. in-8); Maître
Adam le Calabrais, 1840, in-8; Othon l'Archer (1840, in-8);
Aventures
de Lyderic, 1842, in-8); Praxède, suivi de Don Martin de
Freylas et de Pierre le Cruel (1841, in-8);
Georges (1843,
3 vol. in-8); dont, selon Mirecourt, Félicien Malefille aurait pu revendiquer
la paternité; Ascanio (1843, 5 vol. in-8), sur lequel, toujours
d'après le même pamphlétaire, Paul Meurice aurait pu faire valoir les
mêmes droits; le Chevalier d'Harmental (1843, 4 vol, in-8), d'où
date l'alliance intime, féconde et hautement avouée par la premier, de
Dumas et de Maquet à laquelle on a dû successivement : Sylvandire
(1844, 3 vol. in-8); les Trois Mousquetaires
(1844, 8 vol. in-8), le plus amusant et le plus célèbre des romans de
cape et d'épée et ses deux suites dignes de leur aîné : Vingt Ans
après (1845, 10 vol, in-8) et Dix Ans plus tard ou le Vicomte de
Braguelone (1848-1850, 26 vol. in-8); le Comte de Monte-Cristo
(1841-1845, 12 vol. in-8), dont Fiorentino réclamait une part formellement
niée par Dumas et restée inconnue à Maquet; Une Fille du Régent
(1845, 4 vol., in-8); la Reine Margot (1845, 6 vol. in-8);
la Guerre des femmes (1845-1846, 8 vol. in-8);
le Chevalier de Maison-Rouge
(1846, 6 vol. in-8); la Dame de Monsoreau (1846, 8 vol. in-8);
le Bâtard de Mauléon (1846, 9 vol in-8); Mémoire d'un médecin
(1846-1848, 19 vol. in-8) et ses deux suites : Ange Pitou (1853,
8 vol. in-8) et la Comtesse de Charny (1853-1855, 19 vol. in-8);
les Quarante-Cinq, suite et fin de la Dame de Monsoreau (1848,
10 vol. in-8).
Alex. Dumas, qui se flattait "d'avoir
des collaborateurs comme Napoléon a eu des généraux ", eut recours
encore à Hipp. Auger pour Fernande (1844, 3 vol in-8), à Paul
Meurice pour Amaury (1844, 4 vol. in-8), Ã Paul
Lacroix pour les Mille et un Fantômes (1849, 2 vol. in-8),
la Femme au collier de velours (1851, 2 vol. in-8), et pour Olympe
de Clèves (1852, 9 vol. in-8), etc. Parfois même il lui est arrivé
de mettre ou de laisser mettre son nom sur la couverture de livres qu'il
n'avait pas même lus, ainsi qu'il l'a reconnu plus tard pour les Deux
Diane de Paul Meurice (1846-1847, 10 vol. in-8), on pour le Chasseur
de Sauvagine de M. G. de Cherville (1859, 2, vol. in-8), où sa part
effective se réduisit, dit-il, à mettre un point sur l'i du dernier mot
du titre. En revanche, on ne lui a jamais disputé plusieurs autres romans
moins célèbres, il est vrai, que ceux dont les titres sont rappelés
plus haut : Gabriel Lambert (1844, 2 vol. in-8); le Château
d'Eppstein (1844, 3 vol. in-8); Cécile (1844; 2 vol. in-8);
les Frères Corses (1845, 2 vol. in-8), émouvant récit, dédié Ã
Prosper Mérimée.
Malgré cette production sans exemple et
qui dépassait tout ce que la cervelle et même la main humaine avaient
pu jusqu'alors concevoir et exécuter, en dépit des procès suscités,
et le plus souvent gagnés par les directeurs de journaux dont les traités
restaient en souffrance, Dumas trouvait encore le temps de surveiller la
construction de la villa de Monte-Cristo, près de Saint-Germain, et qui
engloutit une partie des sommes fabuleuses que lui rapportait sa plume,
de parcourir d'octobre 1846 à janvier 1847 l'Espagne et l'Algérie, en
compagnie de son fils, de Maquet, de Louis Boulanger, de Desbarolles et
d'Eugène Giraud, de prendre enfin la direction du Théâtre-Historique
dont le duc de Montpensier lui avait fait obtenir la concession et où
il se proposait "d'offrir chaque soir au peuple une page de notre histoire".
L'inauguration en eut lieu le 20 février 1847 avec la Reine Margot,
drame en cinq actes et treize tableaux, tiré du roman portant le même
titre, avec le concours d'Auguste Maquet qui, outre deux adaptations antérieures
des Mousquetaires (Ambigu, 27 octobre 1845), et de la Fille du
Régent (Théâtre-Français, 14 avril 1846), produisit dans les mêmes
conditions : le Chevalier de Maison-Rouge (Théâtre-Historique,
5 août 1847), dont le souvenir s'est perpétué par le fameux refrain
Mourir pour la patrie! devenu peu après le chant patriotique de
1848;
Monte-Cristo, drame en quatorze tableaux divisés en deux
« soirées », innovation assez malheureuse, suivie plus tard de
deux autres « soirées » : le Comte de Morcerf et Villefort (1851);Catilina,
drame en cinq actes (Théâtre-Historique, 14 octobre 1848); la Jeunesse
des Mousquetaires, drame en cinq actes et quatorze tableaux, avec prologue
et épilogue (Théâtre-Historique, 10 février 1849), l'un des grands
succès de Mélingue; la Guerre des femmes, drame en cinq actes
et dix tableaux (avril 1849); le Chevalier d'Harmental, drame en
cinq actes et dix tableaux (Théâtre-historique, 26 juillet 1849); Urbain
Grandier, drame en cinq actes, avec prologue (Théâtre-Historique,
30 mars 1850). C'est sur la même scène que furent encore représentés
le
Comte Hermann, drame en cinq actes (22 novembre 1849), interprété
par Mélingue, Laferrière et Rouvière, et une adaptation d'Hamlet ,
en cinq actes et en vers, qu'il a signée avec Paul Meurice et qui figurera
ensuite au répertoire de la Comédie-Française (15 décembre 1847).
La révolution de février 1848 ne fut
pour Dumas qu'une suite de déceptions et le signal du déclin de son extraordinaire
fortune. Collaborateur d'une feuille quotidienne éphémère, la Liberté
(mars-juin 1848), et fondateur d'une revue politique intitulée le Mois
(15 avril), qui n'eut pas une destinée beaucoup plus brillante, candidat
malheureux dans Seine-et-Oise et dans l'Yonne, bientôt menacé dans la
source principale de ses revenus par l'amendement Riancey qui assujettissait
à un droit fiscal le roman-feuilleton, traqué par ses créanciers personnels
et par ceux du Théâtre-Historique, dont la crise que l'on traversait
avait entraîné la fermeture, il quitta
Paris
vers la fin de 1851 et vint se fixer à Bruxelles où il demeura jusqu'en
1854. C'est là qu'il écrivit: Un Gil Blas en Californie
(1852, 2 vol. in-8); Mes Mémoires (18521854, 22 vol. in-8);
Isaac
Laquedem (1852, 2 vol. in-8), sorte de contre-partie du Juif Errant
d'Eugène Suë, annoncée comme devant former trente volumes, mais
qui fut arrêtée par la censure impériale;
le Pasteur d'Ashbourn (1853,
8 vol. in-8); El Saltéador (1853, 3 vol, in-8); Conscience l'Innocent
(1853, 5 vol. in-8);
Catherine Blum (1854, 2 vol. in-8); Ingénue
(1854, 7 vol. in-8), dont la publication dans le Siècle fut interrompue
sur la réclamation d'un descendant de Restif de la Bretonne; les Mohicans
de Paris (1854-1858,19 vol. in-8), dont Paul Bocage fut le collaborateur,
ainsi que pour Salvator (1855-1859, 4 vol. in-8), qui en forme la
suite.
Grâce au dévouement de Noël Parfait,
ancien représentant du peuple, exilé par le coup d'État et qui avait
remis quelque ordre dans les finances de Dumas, celui-ci put, Ã son retour
en France, retrouver une tranquillité relative. De 1854 à 1860, il fonda
et dirigea le Mousquetaire, devenu, en 1857, le Monte-Cristo,
"rédigé par M. Dumas seul", fit représenter Romulus, comédie
en un acte et en prose (Théâtre Français, 15 janvier 1854), dont
O. Feuillet et Paul Bocage furent les collaborateurs;
la Jeunesse de
Louis XIV, comédie en cinq actes et en
prose, reçue mais non jouée au Théâtre-Français, représentée au
Vaudeville à Bruxelles le 20 janvier 1864 et reprise en 1874 à l'Odéon;
la Conscience, drame en cinq actes (Odéon, 7 novembre 1854); l'Orestie,
tragédie en trois actes et en vers (Porte-Saint-Martin, 5 janvier 1856);
le Verrou de la reine, comédie eu trois actes (Gymnase, 5 décembre
1856), intitulée d'abord la Jeunesse de Louis XV et remaniée après
son interdiction par la censure; l'Invitalion à la valse, comédie en
un acte (ibid., 3 août 1857); l'Honneur est satisfait, comédie
en un acte (ibid., 19 juin 1858); les Gardes forestiers, drame en
cinq actes (Grand-Théâtre de Marseille, 23 mars 1858), tiré de Catherine
Blum, roman cité plus haut; la Dame de Monsoreau, drame en
cinq actes avec prologue (Ambigu, 10 novembre 1860), le dernier et l'un
des meilleurs que Maquet ait signés avec lui; enfin, il écrivit deux
de ses meilleurs romans, les Compagnons de Jéhu
(1857, 7 vol. in-8}, et les Louves de Machecoul (1859, 10 vol. in-8).
Le voyage de Dumas en Italie (1860), la
part plus ou moins effective qu'il prit à l'expédition de
Garibaldi
en Sicile, son séjour Ã
Naples de 1860 Ã
1864 inaugurent le début de la dernière période de sa vie. Les oeuvres
s'y succèdent encore, de plus en plus hâtives et improvisées, et sans
qu'à de rares exceptions près, on y sente percer, comme jadis, l'ongle
du lion. Il suffira de citer : Madame de Chamblay (1863, 2 vol.
in-12), dont l'auteur tira un drame en 1868 (Porte-Saint-Martin); les
Mohicans de Paris, drame en cinq actes (Gaîté, 20 août 1864), interdit
par la censure et autorisé par Napoléon
III à qui Dumas avait adressé une curieuse supplique; la
San Felice (1864-1865, 9 vol. in-18); les Blancs et les Bleus
(1867-1868, 3 vol. in-12), épisode des guerres de Vendée, qui fournit
aussi le sujet d'un drame joué sous le même titre au Châtelet en 1869.
Si longue que soit l'énumération qui
précède, elle resterait notablement incomplète si l'on n'y faisait pas
figurer trois séries d'écrits où Dumas, tout en donnant carrière Ã
son imagination, a entendu raconter sa propre existence, celle de plusieurs
de ses contemporains et de ses amis, enfin quelques-uns des principaux
épisodes de l'histoire de Francs. Outre ses Mémoires déjà cités,
on trouvera beaucoup de particularités curieuses, mais le plus souvent
sujettes à contestations, dans un fragment placé en tête de la première
édition de son Théâtre : Comment je devins auteur dramatique,
dans ses Souvenirs de 1830 Ã 1842 (1854, 2 vol. in-8); dans ses
Causeries (1860, 2 vol. in-18); dans Bric-Ã -Brac (1861,
2 vol. in-18), enfin dans l'Histoire de mes bêtes (1868, in-18).
Le second groupe est formé par Un Alchimiste au XIXe siècle
(le comte de Ruolz), premier chapitre de la Villa Palmieri, tiré
à part;
le Maître d'armes (1844, 3 vol. in-8), mémoires de Grisier;
Une Vie artiste (1854, 2 vol. in-8), histoire de la jeunesse et
des débuts de Mélingue; la Dernière Année de Marie Dorval (1854,
in-18), touchant appel à la charité publique pour parvenir à lui ériger
un tombeau; les Mémoires de Garibaldi
(1860), soi-disant traduits sur le manuscrit original; les Morts vont
vite (1861, 2 vol. in-18), intéressantes réminiscences sur Béranger,
Musset, Achille Devéria, Eugène Suë, Chateaubriand,
le duc et la duchesse d'Orléans, etc.
En 1833, une première étude historique
: Gaule et France, était présentée comme devant former la tête
d'une série de Chroniques qui ne fut pas continuée après la seconde
: Isabelle de Bavière (règne de Charles VI) (1836, 2 vol. in-8),
car on ne peut donner ce nom aux compilations que Dumas a signées depuis
et qu'il suffit de rappeler pour mémoire : Louis
XIV et son siècle (1845-1846); Michel-Ange
et Raphaël (1846); Louis
XV (1849); la Régence (1849); Louis
XVI (1850); le Drame de Quatre-vingt-treize (1851); Histoire
de deux siècles (1852); Histoire de la vie politique et privée
de Louis Philippe (1852); les Grands
Hommes en robe de chambre (César, Richelieu)
(1857). Mettons à part la Route de Varennes (1860, in-48), amusant
récit d'une excursion en Champagne, d'après l'itinéraire même de la
famille royale, mais où une inexactitude lui valut un long procès définitivement
jugé en sa faveur. A ces spéculations de librairie, on préférera toujours
les deux ou trois contes écrits pour les enfants et restés des modèles
du genre : Histoire d'un casse-noisette (1843, 2 vol. in-12, ill.
par Bertall); la Bouillie de la comtesse Berthe (1845, in-12, ill.
par le même) et le Père Gigogne(1860, 2 vol. in-12).
Les toutes dernières et si tristes années
de la vieillesse de Dumas furent adoucies par le dévouement de sa fille,
Mme Petel, et par la sollicitude de son fils, qui finit par pourvoir Ã
tous les besoins de sa vie matérielle; ce fut dans la villa de Puys, près
Dieppe, qu'il s'éteignit le 5 décembre 1870, sans avoir conscience des
désastres infligés par la guerre, et sa mort passa forcément alors inaperçue.
Au mois d'avril 1872, sa dépouille fut exhumée de la tombe provisoire
où elle était déposée et transportée, selon un voeu souvent exprimé
par lui, au cimetière de Villers-Cotterets,
en présence de la plupart de ses amis, collaborateurs ou interprètes
encore survivants. Le 4 novembre 1883, fut inauguré sur la place Malesherbes,
à Paris, le monument dû à Gustave Doré,
qui n'avait pu en voir l'achèvement et où il avait placé au pied de
la statue assise du fécond romancier le personnage le plus populaire de
son oeuvre (d'Artagnan), encadré par deux groupes
symbolisant les diverses classes de lecteurs que charmeront toujours ses
légendaires exploits.
Les indications bibliographiques des oeuvres
citées au cours de cet article se réfèrent toutes à leurs éditions
originales, mais les divers écrits de Dumas (à l'exception de ses poésies
qui n'ont jamais été réunies) ont été l'objet de deux réimpressions
générales en quelque sorte permanentes, l'une en livraisons in-4 illustrées,
l'autre dans le format in-18 et comprenant beaucoup de romans (authentiques
ou apocryphes) parus antérieurement sous d'autres titres; cette partie
de la bibliographie de Dumas n'a pas été traitée par Parran et
Glinel dont les travaux (V. ci-dessous) n'en sont pas moins fort intéressants
et fort utiles. (Maurice Tourneux).
 |
Raphaël
Lahlou, Alexandre Dumas, ou le don de l'enthousiasme, Bernard
Giovanangeli, 2006.
- Alexandre
Dumas! Sa vie surpasse l'éclat de ses romans. Né en 1802, il grandit
dans le souvenir d'un père tôt perdu, mulâtre et héroïque. Promis
au séminaire, Alexandre choisit de séduire Paris, les femmes et les théâtres.
Et bientôt il donne le ton à son siècle. Dumas a le don de l'enthousiasme
pour lui ou ses amis Vigny, Nerval
ou Delacroix.
C'est
le colosse du romantisme! Hilare et mélancolique,
"force qui va", Alexandre est le maître du roman-feuilleton. À coups
de pistolet, il devient un mousquetaire ardent des révolutions de 1830
et de 1848 et participe à l'épopée de Garibaldi,
en 1860!
Toujours
entre cinq romans, deux voyages et un duel au petit matin, rescapé du
choléra ou des caprices féminins, il fait de sa vie un spectacle permanent!
En 1870, il meurt plein de doutes sur son oeuvre. Pour ses aficionados
actuels, il possède un don unique : le panache de la jeunesse! (couv).
On
ne signalera ici que les éditions des oeuvres de Dumas publiées chez
Gallimard dans la Pléiade (Le comte de Monte Cristo. - Les Trois
mousquetaires) et chez Robert Laffont dans la collection Bouquins :
Les Quarante-cinq. - Le vicomte de Bragelonne. - La reine
Margot / La Dame de Monsoreau. - Le comte de Monte Cristo. -
Les Trois mousquetaires / 20 ans après. - Joseph Balsamo. - La comtesse
de Charny / Le Chevalier de Maison-Rouge. -
Mes mémoires (2
vol.).
Youjun
Peng, La nation chez Alexandre Dumas, L'Harmattan, 2003. - Michel
Arrous, Dumas, une lecture de l'histoire, Maisonneuve et Larose,
2003. - Grillet, Alexandre Dumas, BNF, 2002. - Claude Ribbe,
Le général Alexandre Dumas, Dragon de la reine, Le Rocher, 2002.
- Claude Schopp, Alexandre Dumas en bras de chemise, Maisonneuve
et Larose, 2002. - Du même, Le château de Monte Cristo, Michel
Lafon, 2002. Du même, Alexandre Dumas, Fayard, 2002. - Bernard
Fillaire, Alexandre Dumas et associés, Bartillat, 2002. - Daniel
Zimmermann, Alexandre Dumas le Grand, Phébus, 2002. - Collectif,
Alexandre Dumas ou les aventures d'un romancier, Gallimard, 1986.
- Collectif, Alexandre Dumas et Alexandre Dumas fils, Champflour,
1986. - Iconographie d'Alexandre Dumas père, Champflour, 1991.
Pour
les plus jeunes : Daniel Zimmermann, La vie galopante d'Alexandre Dumas,
Hachette, 2002.
En
bibliothèque - A. Dumas, Mes Mémoires,
Souvenirs dramatiques, Causeries, les Morts vont vite, Bric-Ã -Brac, Histoire
de mes bêtes (V. ci-dessus). - L. de Loménie, Un Homme de rien
(Galerie des contemporains illustres), 1842, t. V, - Ch. Chincholle,
Alexandre Dumas aujourd'hui, 1869, gr. in-8, photographies (trois
livraisons seulement ont paru). - A. De Boissieu, Lettres d'un passant,
Figures contemporaines, 1869, in-18.- Jules Janin, Alexandre Dumas
(mars 1871), 1871, in-12, portrait à l'eau-forte par Flameng -
A. Dumas, Quatre Célébrités, 1874, in-18. - Ch. Hugo, les
Hommes de l'exil, 1875, in-18. - Th. de Banville,
Mes Souvenirs, 1882, in-18. - Le Monument d'Alexandre Dumas,
discours prononcés à cette occasion, 1881, gr. in-8, pl. - B. Pifteau,
Alexandre Dumas en manches de chemise, 1884, in-18. - Ch. Glinel, Alexandre
Dumas et son oeuvre, Notes biographiques et bibliographiques; Reims,
1884, in-8. - H. Blaze de Bury, Alexandre Dumas, sa vie, son temps,
son oeuvre, 1885, in-18. - Alex. Michaux, Souvenirs personnels sur
Alexandre Dumas, 1885, in-16 (anonyme). - A. Davroux, Douze Célébrités
du département de l'Aisne; Saint-Quentin, 1885, in-12. - Eug. Courmeaux,
ancien député de Reims, Alexandre Dumas; Châlons, 1886 45 p.
in-5. - Gabriel Ferry, les Dernières Années d'Alexandre Dumas
(1864-1870), 1883, in-12. - Ph. Audebrand, Alexandre Dumas à la Maison
d'or
(Souvenir de la rédaction du Mousquetaire), 1888, in-12.
- Notices diverses, par H. Romand (Revue des Deux Mondes,
15 janvier 1834). - Louis Huart, Galerie de la presse. - Lhéritier
de l'Ain, Plutarque drolatique, 1843, - Granier de Chassaignac,
Articles dans le Journal des Débats, 1er et 6 novembre 1833, 30
juillet 1831. (Sur ces articles qui brouillèrent Dumas et Victor Hugo,
Edm. Biré, Victor Hugo après 1830.) - Le critique Jules Janin
et le dramaturge Alexandre Dumas à propos des "Demoiselles de Saint-Cyr",
extraits du Journal des Débats et de la Presse, 1843, 44 p. in-12.
Harel, le Succès, comédie en deux actes et en prose (Odéon, 9
mars 1843), 1843, in-8. - Ed. Bergounioux,Buloz
et A. Dumas. "Lettre à M. Delaunay directeur du Journal des artistes,
s. d.(1844), in-8. - Vérité ! sur les lettres de M. A. Dumas concernant
M. Buloz, la Comédie-Française et l'art en général, 1845, in-8.
- Eug. de Mirecourt, Fabrique de romans, Maison Alex. Dumas et compagnie,
1845, 64 p. in-8 (beaucoup de déclamations, d'injures et de calomnies,
mais très peu de faits). - Pierre Ledru, baron de Blaguenpuff, Réponse
à l'auteur du pamphlet intitulé "Maison A. Dumas et Cie", 1845, in-8,
16 p. (autre pamphlet, plus spirituel que le précédent). - Michel-Ange
Titmarch (W. M. Thackeray), Lettre à M.
Alex. Dumas (Revue britannique, janv. 1887). L. Jousserandot,
les Collaborateurs, comédie en un acte et en vers (Vaudeville,
6 mars 1847). - Alexandre Dumas dévoilé par le marquis de La Pailleterie,
1847, 36 p. in-18. - Mme Clémence Badère, le Soleil Alexandre Dumas,
1855, 84 p. in-8. (Plaintes d'une femme de lettres dont une nouvelle avait
été refusée au Mousquetaire.) - Alexandre Dumas, roi de Naples,
1860, 32 p. in-8. - J.-M. Quérard, les Supercheries littéraires
dévoilées, etc., 1816-1854, 5 vol. in-8; 2- éd.1669, 3 vol. in-8.
(Article en grande partie emprunté aux pamphlets énumérés plus haut,
mais très pauvre en indications bibliographiques précises.) - Ad. Crémieux,
Plaidoirie pour MM.Michel Lévy frères,
1857, 68 p. in-4. (Important
document pour la genèse des oeuvres de Dumas.) - A. Parran, Romantiques,
Editions originales, etc., Pétrus Borel, Alexandre Dumas; Alais,1884,
in-8. |
 |
Dans
les musées, etc. - Les portraits
originaux de Dumas ne sont pas aussi nombreux que pourrait le faire supposer
sa très réelle célébrité. On ne peut guère citer, parmi les documents
les plus importants, que deux lithographies d'Achille Devéria, l'une en
pied (sur un canapé), l'autre en buste et toutes deux fort belles; un
médaillon en bronze de David d'Angers;
une autre lithographie par Lelièvre (1833); un pastel par Eugène Giraud
(1845); un portrait en costume de Circassien par Louis Boulanger (Salon
de 1859), appartenant au fils du modèle; une statue par Carrier-Belleuse,
à Villers-Cotterets; de très nombreuses caricatures et un certain nombre
de photographies; l'une d'elles, représentant Dumas en manches de chemise
et tenant dans ses bras une célèbre écuyère américaine, miss Adah
Menken, fut retirée du commerce sur la plainte de la famille. |
|
|
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Alexandre Dumas
fils est un auteur dramatique
et romancier, fils d'Alexandre
Dumas (ci-dessus), né à Paris le 27 juillet 1824, mort en 1895. Placé
de très bonne heure dans l'institution dirigée par Goubaux, l'un des
collaborateurs de son père, il suivit les cours du collège Bourbon (aujourd'hui
lycée Condorcet) et y remporta quelques succès. Il avait à peine dix-huit
ans quand la Chronique, revue mensuelle (1842), inséra ses premiers
vers, réimprimés depuis dans un recueil de poésies, intitulé d'abord
Préface de la vie, puis Péchés de,jeunesse (1847, in-8).
Vers la même époque, il écrivit un roman, présenté sous le titre de
Fabien par son père à divers journaux qui le refusèrent, et publié
sous celui d'Aventures de quatre femmes et d'un perroquet (1847,
6 vol. in-8). Il fut bientôt suivi de : Césarine (1848, in-8);
le Docteur Servan (1849, 2 vol. in-8); Antonine (1849, 2 vol.
in-8); Trois Hommes forts (1850, 4 vol. in-8); le Régent Mustel
(1852, 2 vol in-8), sans parler d'un recueil de Contes et Nouvelles
(1853, in-18), d'Un Cas de rupture (1854, in-32), et d'une série
de romans historiques publiés en feuilletons dans la Gazette de France
sous ce titre collectif : les Quatre Restaurations, et comprenant
: Tristan le Roux (1849), Henri de Navarre (1850), les
Deux Frondes (1851); Tristan le Roux a seul été réimprimé
en volume; le quatrième épisode n'a jamais paru.
-
Alexandre
Dumas, fils.
Malgré les qualités que trahissaient
ces oeuvres de début, la véritable personnalité de l'auteur ne se fit
jour que lorsqu'il aborda l'étude de la société moderne, où la mort
de Balzac lui laissait le champ libre. La Dame
aux camélias
(1848, 2 vol. in-8) est restée le type le plus célèbre de cette galerie,
où vinrent presque aussitôt prendre place
Diane de lys (1851,
3 vol. in-8), et la Dame aux perles (1854, 3 vol. in-8), qui initiaient
le publie aux moeurs et aux mystères de ce que l'auteur lui-même avait
appelé le demi-monde. Après de longues luttes contre la censure et contre
Léon Faucher, ministre de l'intérieur, Dumas fils put enfin, grâce Ã
la protection de M. de Morny, faire représenter
au Vaudeville la Dame aux camélias (2 février 1852), où l'amour,
l'agonie et la mort de Marie Duplessis obtinrent un succès prolongé,
que retrouvèrent Diane de Lys (Gymnase, 15 novembre 1853), autre
comédie arrêtée huit mois par la censure, et le Demi-Monde
(Gymnase, 20 mars 1855). La Question d'argent
(Gymnase, 31 janvier 1857) s'attaquait à une des plaies du jour avec non
moins de vigueur et provoqua même les réclamations du fameux Jules Mirès
qui crut se reconnaître dans le personnage de Jean Giraud, imputation
contre laquelle M. Dumas a toujours protesté.
C'est encore sur la scène du Gymnase que
furent représentées les comédies suivantes, où se traitaient coram
populo les problèmes les plus scabreux de la recherche de la paternité,
du divorce, de la séduction, du concubinage, du proxénétisme et de l'adultère
: le
Fils naturel (16 janvier 1858); Un Père prodigue (30
novembre 1859), l'Ami des femmes (5 mars 1864); les Idées de
Mme Aubray (16 mars 1867); Une Visite de noces (16 octobre 1871);
la Princesse Georges (2 décembre 1871); la Femme de Claude
(16 janvier 1873); Monsieur Alphonse (26 novembre 1873), dont les
principaux rôles eurent pour créateurs Mmes Rose Chéri, Berton, Ad.
Dupuis, et, en dernier lieu, Aimée Desclée, et qui toutes suscitèrent
d'ardentes discussions que l'auteur a reprises à son tour et résumées
dans les préfaces d'une première édition collective de son Théâtre
(1868-1879, 6 vol. in-18). Dumas fils a donné ensuite, au Théâtre-Français,
l'Etrangère, comédie en quatre actes (14 février 1876), qui,
mal accueillie du public le premier soir, en dépit d'une interprétation
hors ligne, s'est longtemps maintenue sur l'affiche, de même que la Princesse
de Bagdad
(février 1881), pièce en trois actes, spécialement écrite pour Mlle
Croizette; Denise, pièce en quatre actes (19 janvier 1885), et Francillon
(17 janvier 1887), pièce en trois actes, dont le talent de l'auteur et
celui des artistes appelés à le seconder ont fait accepter, non parfois
sans résistance, les invraisemblances et les audaces.
--
La salade
japonaise
«
Un
salon à l'heure du thé. Pendant qu'Annette passe dans les groupes, Francine
se met au piano et joue du Wagner.
ANNETTE, à Thérèse
avec une tasse de thé à la main.
Une tasse de thé,
chère madame?
THÉRÈSE
Volontiers, ma chère
enfant.
ANNETTE
Crème ou cognac?
THÉRÈSE
Crème.
ANNETTE, présentant
une tasse à Stanislas.
Et vous, monsieur
de Graudredon?
STANISLAS
Volontiers aussi,
mademoiselle.
ANNETTE
Crème ou cognac?
STANISLAS
Cognac.
ANNETTE
Combien de morceaux
de sucre?
STANISLAS
Cela dépend : deux,
si vous les donnez avec une pince; tant que vous voudrez, si vous les donnez
avec vos jolis doigts.
ANNETTE
On n'est pas plus
galant.
(Elle le sert
avec une pince.)
STANISLAS
Vous êtes cruelle.
ANNETTE, Ã Henri.
Et vous, monsieur
de Symeux?
HENRI
Moi, mademoiselle,
je vous demanderai la recette de la salade que nous avons mangée ce soir
ici. Il paraît qu'elle est de votre composition.
ANNETTE
La salade japonaise.
HENRI
Elle est japonaise?
ANNETTE
Je l'appelle ainsi.
HENRI
Pourquoi?
ANNETTE
Pour qu'elle ait
un nom : tout est japonais, maintenant.
HENRI
C'est vous qui l'avez
inventée?
ANNETTE
Parfaitement. J'aime
beaucoup m'occuper de cuisine.
HENRI
Vous avez pris des
leçons?
ANNETTE
Il y a maintenant
des cours pour les jeunes filles : on étudie bien les éternels principes,
et puis chacune compose selon son plus ou moins d'imagination. Il y a même
des concours.
STANISLAS
Et dans quel but
avez-vous appris à faire la cuisine, mademoiselle? Car ce n'est pas avec
l'idée d'en faire votre profession?
ANNETTE
J'ai appris à faire
la cuisine comme j'ai appris à lire, à écrire, à dessiner, à jouer
du piano, Ã parler l'anglais et l'allemand, Ã chanter en italien, Ã
monter à cheval, à patiner, à chasser, à conduire, comme j'ai appris
la valse à deux et à trois temps, la polka et toutes les figures du cotillon,
dans le but de trouver un mari. Tout ce que font les jeunes filles, n'est-ce
pas, messieurs, dans le but de vous plaire? Et ne doivent-elles pas s'efforcer
d'être aussi parfaites que possible pour mériter l'honneur et la joie
d'associer toute leur existence à quelques moments de la vôtre? (A
Lucien.) Et toi, monsieur mon frère, veux-tu du thé?
LUCIEN, qui lit
le journal.
Rien du tout! merci!...
ANNETTE
Alors, monsieur
de Symeux, si vous voulez prendre une plume et de l'encre, je vais vous
dicter ma recette sur l'air que joue Francine. Mais vous m'assurez que
cette communication ne sera faite qu'Ã des personnes dignes de la comprendre
et de l'apprécier.
HENRI
C'est pour maman.
Excusez-moi de dire encore maman à mon âge; mais, comme je vis avec elle,
j'ai gardé cette habitude d'enfance.
ANNETTE
Je ne vous excuse
pas, monsieur, je vous félicite; et moi qui n'ai plus ma mère, je vous
envie.
HENRI, Ã Lucien.
Elle a des façons
de dire à elle. (Haut.) Je suis à vos ordres, mademoiselle.
ANNETTE
Vous faites cuire
des pommes de terre dans du bouillon, vous les coupez en tranches comme
pour une salade ordinaire, et, pendant qu'elles sont encore tièdes, vous
les assaisonnez de sel, poivre, très bonne huile d'olives à goût de
fruit, vinaigre...
HENRI
A l'estragon?
ANNETTE
L'orléans vaut
mieux : mais c'est sans grande importance; l'important, c'est un demi-verre
de vin blanc, Château-Yquem, si c'est possible. Beaucoup de fines herbes,
hachées menu, menu. Faites cuire en même temps, au court-bouillon, de
très grosses moules avec une branche de céleri, faites-les bien égoutter
et ajoutez-les aux pommes de terre déjà assaisonnées. Retournez le tout
légèrement.
THÉRÈSE
Moins de moules
que de pommes de terre?
ANNETTE
Un tiers de moins.
Il faut qu'on sente peu à peu la moule; il ne faut ni qu'on la prévoie
ni qu'elle s'impose.
STANISLAS
Très bien dit.
ANNETTE
Merci, monsieur.
- Quand la salade est terminée, remuée...
HENRI
Légèrement...
ANNETTE
Vous la couvrez
de rondelles de truffes, une vraie calotte de savant.
HENRI
Et cuites au vin
de Champagne.
ANNETTE
Cela va sans dire.
Tout cela deux heures avant le dîner, pour que cette salade soit froide
quand on la servira.
HENRI
On pourrait entourer
le saladier de glace.
ANNETTE
Non, non, non. Il
ne faut pas la brusquer; elle est très délicate et tous ses arômes ont
besoin de se combiner tranquillement. - Celle que vous avez mangée aujourd'hui
était-elle bonne?
HENRI
Un délice!
ANNETTE
Eh bien, faites
comme il est dit et vous aurez le même agrément.
HENRI
Merci, mademoiselle.
Ma pauvre maman, qui ne sort guère et qui est un peu gourmande, vous sera
extrêmement reconnaissante.
ANNETTE
A votre service.
J'ai encore bien d'autres régalades de ma composition; si elles peuvent
être agréables à madame votre mère, je lui en porterai moi-même les
recettes, et j'en surveillerai l'exécution, la première fois, à moins
que votre chef n'ait un trop mauvais caractère...
HENRI
C'est une cuisinière.
ANNETTE
Nous nous entendrons
alors comme il convient entre femmes. Quand vous voudrez. Maintenant, messieurs,
il ne me reste plus qu'à vous faire ma plus belle révérence.
STANISLAS
Vous nous abandonnez?
ANNETTE
Il faut que j'aille
voir si mon fils dort bien.
HENRI
Votre fils?
ANNETTE
Le jeune vicomte
Gaston de Riverolles ayant été sevré, c'est moi qui, pour laisser reposer
sa mère, m'exerce à la maternité, toujours dans le but de trouver un
mari. Il couche, pour la première fois, cette nuit, dans ma chambre.
HENRI
Restez avec nous,
mademoiselle. A cette heure, monsieur le vicomte dort, les poings fermés,
et, d'ailleurs, il a sa nourrice platonique, sa nourrice à rubans, pour
le porter et le veiller.
ANNETTE
Naturellement; mais
la vérité, messieurs, c'est que je ne suis venue que pour servir le thé.
Le salon m'est interdit après.
STANISLAS
Parce que?...
ANNETTE
Parce qu'il parait
que vous dites des choses tellement inconvenantes qu'une jeune fille ne
doit pas les entendre.
HENRI
Nous ne dirons que
les choses les plus convenables.
ANNETTE
Mais c'est qu'il
paraît aussi que, quand vous n'êtes pas inconvenants, vous êtes ennuyeux.
STANISLAS
Qui a dit cela?
FRANCINE, tout
en jouant du piano.
C'est moi. Retire-toi,
ma chérie.
ANNETTE, faisant
la révérence.
Vous pouvez dire
maintenant tout ce que vous voudrez, messieurs, je ne suis plus là et
je n'écoute pas aux portes.
(Elle sort.)
»
(A.
Dumas Fils, extrait de Francillon).
|
Plus heureux que son père, Dumas fils
n'a jamais vu mettre en doute sa puissante originalité et nul ne s'est
avisé de lui prêter des collaborateurs réels ou imaginaires. Par contre,
il lui est arrivé plusieurs fois de mettre sa plume au service d'autrui,
notamment pour le Marquis de Villemer, de George
Sand (Odéon, février 1864), le Supplice d'une femme (Théâtre-Français,
29 avril 1865), comédie refaite sur un scénario d'Emile de Girardin,
et Héloïse Paranquet (Gymnase, 20 janvier 1866), entièrement
différente du canevas primitif de Durantin. Les démêlés retentissants
qui suivirent ces deux dernières transformations avaient, disait-on, Ã
jamais dégoûté Dumas de la collaboration; néanmoins, on peut
encore porter à son avoir littéraire le Filleul de Pompignac,
comédie en quatre actes (Gymnase, 1869) que H. Lefrançois lui avait soumise
et qui fut signée sur l'affiche Gustave de Jalin; les Danicheff,
drame en cinq actes (Odéon, février 1876), signé Pierre Newski, et dont
la donnée première appartenait à un littérateur russe, Pierre Corvin,
ainsi que la Comtesse Romani, comédie en trois actes (Gymnase,
novembre 1876), signée aussi Gustave de Jalin, pseudonyme collectif de
Dumas et de G. Fould. Il a enfin rendu le même service à son père lors
de la reprise à l'Odéon de la Jeunesse de Louis XIV (1874), et
pour Joseph Balsamo, drame inédit en cinq actes, remanié sur le
manuscrit original (Odéon, mars 1878). Des indiscrétions, inévitables
en pareil cas, ou la reconnaissance même de ses obligés permettent d'assurer
qu'il a tout au moins relu un certain nombre d'antres pièces, telles
que : Comment la trouves-tu? comédie-vaudeville par L. Pagès et H.
de Chambrait (1857);
Un Mariage dans un chapeau, comédie en un
acte par Vivier (1859). Comme elles sont toutes, comédie par Ch.
Narrey (1868);
Albertine de Merris, comédie par Amédée
Achard (1868); Mademoiselle Duparc, comédie par M. L. Denavrouze
(1875), etc.
Ce n'est pas seulement sur la scène que
Dumas a poursuivi le triomphe des thèses sociales qu'il n'a cessé de
soutenir : un roman présenté sous forme de factum judiciaire, l'Affaire
Clémenceau, Mémoire de l'accusé (1866, in-8), était un plaidoyer
en faveur du châtiment de l'adultère par la main même de l'époux outragé.
En 1869, dans une brochure destinée à faire connaître l'établissement
des Madeleines repenties situé à Clichy-la-Garenne,
il réclamait la réhabilitation de la femme déchue par l'expiation. Après
une incursion sur le terrain politique dans sa fameuse Lettre sur les
choses du jour (1871, in-18), il reprit, dans une brochure à titre
bizarre, l'Homme-Femme (1872, in-18), la théorie dont la Femme
de Claude fut la démonstration; il a de plus pris une part brillante
aux discussions soulevées par la Question du divorce (1880, in-8),
et par la Recherche de la paternité (1883, in-18), questions qu'il
a examinées sous toutes leurs faces, dans un certain nombre de préfaces
ou de lettres plus ou moins destinées à la publicité.
-
La médiocrité
« Figurez-vous un
petit homme de dix ans, déjà officiel dans toute sa petite personne.
Coiffé à l'oiseau royal, avec deux larges mèches collées sur les tempes,
il affectait des airs sérieux qu'il imitait évidemment de monsieur son
père, dont il était une réduction des plus ridicules et des plus comiques.
Ce jeune noble répandait autour de lui l'odeur de sa noblesse toute neuve.
On la voyait positivement reluire au soleil. Très soigné dans sa mise,
serré dans son col comme un préfet en tournée, la tête droite, il poussait
la solennité jusqu'à la sentence, et la morgue jusqu'au mépris. En le
voyant, on recomposait aisément toute sa famille; on devinait de quel
sot personnage il avait eu l'honneur de sortir et on ne doutait plus de
la carrière qu'il embrasserait : la haute administration.
C'était une des
mille nullités en herbe sur lesquelles la Restauration comptait pour l'avenir.
Je l'ai rencontré depuis cette époque. Il servait le gouvernement de
juillet, auquel il s'était rallié, ainsi que monsieur le comte son père,
et je lui ai retrouvé
le visage, la voix
et le maintien que je lui avais connus à l'âge de dix ans.
Une fois posées
sur une cravate, ces têtes-là ne bougent plus. La cravate est invariablement
noire ou blanche, la tête reste la même. La coiffure a pris un certain
pli, l'oeil un certain regard, la bouche une certaine ligne. En voilÃ
pour quatre-vingts ans. La barbe est rasée de si près et si souvent qu'elle
finit par ne plus oser pousser. Ces hommes-là en arrivent tout de suite
à convaincre la société qu'ils lui sont indispensables. Il y a d'honnêtes
mères qui élèvent saintement leurs filles pour la faveur de leur couche,
comme dirait Arnolphe. Ils ont ordinairement deux enfants à la suite de
leur mariage, un garçon et une fille. Ils sont devenus pères sans oublier
le décorum, sans ôter leur croix de la Légion d'honneur, qui leur tombe
à la boutonnière vers vingt-cinq ou trente ans, et dont le ruban ne bronche
plus jusqu'Ã ce qu'ils changent de grade. Ils passent par les trois premiers
degrés de l'ordre et meurent commandeurs. On célèbre alors leurs vertus,
leurs services, leurs talents, devant un mausolée de famille, et ils disparaissent
après avoir touché à tout, sans rien laisser derrière eux, ni une oeuvre,
ni une idée, ni un mot. On se demande comment ils ont pu tenir tant de
place, et si longtemps, dans une civilisation qui a besoin de mouvement,
d'initiative et de progrès, et, au moment où l'on s'en étonne le plus,
on aperçoit messieurs leurs fils qui les recommencent et les continuent.
Ces individus composent
cette force imposante contre laquelle le génie lutte en vain depuis la
constitution de la première société et qu'on retrouve honorée et triomphante
dans toutes les classes, dans la noblesse, dans la bourgeoisie, dans la
science, dans les arts, dans l'armée; association invincible et indissoluble,
qui reconnaît et glorifie les siens partout, sans distinction de rangs
ni de castes; communauté formidable qui se lègue de famille en famille
et de génération en génération, comme des cartes perpétuelles de circulation
à travers l'ignorance humaine, une morale, des idées et des phrases toutes
faites appropriées à tous les sujets; qui veille pompeusement et dogmatiquement
sur l'arche sainte de la routine, et qu'on nomme enfin : la Médiocrité.
»
(A.
Dumas Fils, extrait de l'Affaire Clémenceau).
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Candidat au fauteuil laissé vacant par
Pierre Lebrun, Dumas fut élu par 22 voix contre 11 au premier tour
de scrutin le 30 janvier 1874, et vint prendre séance le 11 février 1875.
Au discours où il évoquait la gloire paternelle comme son meilleur titre
à la bienveillance de l'Académie, lui rappelant ainsi l'une de ses plus
criantes injustices, d'Haussonville répondit par une spirituelle critique
du monde spécial où l'auteur avait le plus volontiers pris ses modèles
et de ses théories morales et religieuses. Depuis,
Dumas a été chargé comme directeur en 1877 du rapport sur les prix de
vertu, et en 1887 de la réponse Ã
Leconte
de Lisle, successeur de Victor Hugo. (Maurice
Tourneux).
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En
bibliothèque - Ainsi qu'il a été
dit plus haut, les diverses pièces de Dumas fils, jusques et y compris
l'Etrangère, ont été réunies sous le titre de Théâtre complet
avec préfaces inédites (18681879, 6 vol. in-18). L'auteur en a donné
une nouvelle édition, dite desComédiens, parce qu'elle était
exclusivement destinée aux premiers interprètes de ses oeuvres, tirée
à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires et augmentée de notes nouvelles souvent
très importantes (1882-1886, 6 vol. gr. in-8). A ces deux collections
manque Atala, scène lyrique, musique de Varney, représentée sur
le Théâtre-Historique en 1848, mais on y retrouve une autre bluette en
un acte et en vers, le Verrou de la reine, jouée en 1845 sur le
petit théâtre de l'hôtel Castellane, et reprise au Gymnase en 1873.
Une Histoire de la loterie du lingot d'or (1851, in-8), que les
entrepreneurs de cette spéculation avaient demandée à Dumas, et d'autres
écrits de jeunesse, joints à des pages plus récentes et plus graves,
ont été rassemblés sous le titre d'Entr'actes (1878.1879, 3 vol.
in-18); un recueil de nouvelles de la même période, Thérèse
(1875, in-18), a été dédié par l'auteur à Spoëlberch, le savant bibliophile
qui les avait exhumées. Le roman de la Dame aux camélias a été
l'objet, entre autres réimpressions multiples, de trois éditions illustrées
par Gavarni (1858, in-8), par A. de Neuville
(1875, in-8), et par Albert Lynch (1886, gr. in-8).
Dumas fils, Préfaces diverses du Théâtre complet. - Jules
Claretie, A. Dumas fils, 1883, in-12. - Paul
Bourget, Nouveaux Essais de psychologie contemporaine,1885,
in-18.
En
librairie - Alexandre Dumas fils,
La
dame aux camélias, Pocket, 1998. - Collectif, Alexandre Dumas et
Alexandre Dumas fils, Champflour, 1986. |
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Dans
les musées, etc. - Possesseur d'une
très riche collection de tableaux et d'objets d'art qu'il a plusieurs
fois épurée par des ventes publiques, Dumas a été personnellement lié
avec la plupart des grands artistes de son temps. Parmi ses nombreux portraits,
il faut citer son buste par Carpeaux (placé à la Comédie-Française),
un petit panneau (en pied) de Meissonier, et un buste (grandeur naturelle)
par Bonnat, remarquablement gravé sur bois par Baude. |
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