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Dolomieu

Dieudonné de Gratet de Dolomieu est un géologue et minéralogiste, né en 1750, au château de Dolomieu en Dauphiné, mort en 1801, membre de l'Institut, ingénieur et professeur à l'École des mines et au Muséum d'histoire naturelle, a enrichi la science par ses recherches sur les substances volcaniques et sur une foule de questions de géologie et de minéralogie. Il était entré jeune dans l'ordre de Malte, mais il le quitta après avoir tué en duel un des chevaliers et avoir subi pour ce fait une détention de 9 mois. Rendu à la liberté, il se consacra à l'étude des sciences. En 1777, on le voit parcourir le Portugal : l'année suivante, l'Espagne : en 1780 et en 1781, la Sicile et les îles Éoliennes; en 1782, la chaîne des Pyrénées, et en 1783, le midi de l'Italie, où l'avait attiré le mémorable tremblement de terre de la Calabre. En 1789 et 1790, Dolomieu visita le Mont-Blanc et le Mont-Rose, il examina les roches qui forment la vallée du Rhône, il franchit le Saint-Gothard et suivit la chaîne des Apennins, depuis le lac Majeur jusqu'aux rives du Garigliano; il foula les cratères éteints de la plaine latine, retrouva aux champs Phlégréens le pays des Lestrygons (allusion à un épisode de l'Odyssée), et revint en France en 1791, apportant de riches collections minéralogiques. Dans les années suivantes, il explora l'Auvergne et les Vosges. La part qu'il prit à l'expédition d'Égypte lui permit de visiter le Delta, la vallée du Nil et les sables mouvants de la Libye. Le 7 mars 1799, il se rembarqua à Alexandrie; rejeté par une tempête dans le golfe de Tarente, il fut fait prisonnier, endura pendant vingt et un mois, dans les cachots de l'Ordre de Malte, à Messine, les plus horribles privations et souffrances. Il eut encore la force d'y rédiger son Traité de philosophie minéralogique et son Mémoire, et de les écrire avec un morceau de bois noirci à la fumée de sa lampe, sur les pages d'une Bible, le seul livre qu'on lui eût laissé. Il mourut (le 15 mars 1801) peu de temps après sa mise en liberté. Les minéralogistes ont donné en son honneur le nom de dolomie à une espèce de pierre calcaire phosphorescente. Lacépède prononça en 1809 son Éloge à l'Institut.
Gratet de Dolomieu était devenu, comme Desmarets, partisan du vulcanisme par la direction de ses études.

Dolomieu faisait ses courses géologiques à pied, le sac sur le dos, le marteau à la main; elles développèrent en lui de grandes pensées sur les révolutions du globe, sur le soulèvement des montagnes, sur le siège de conflagrations des volcans, sur le trapp[1], sur l'origine du basalte, sur la nature d'un calcaire particulier qui a reçu le nom de dolomie.

La querelle des basaltes

L'origine du basalte, de cette roche d'un brun tirant sur le noir, sur le vert et le rouge foncés, et qui a pour principaux éléments la silice, l'alumine, la chaux et l'oxyde de fer, était alors, parmi les géologues, l'objet d'une vive controverse, sur laquelle il convient de nous arrêter un instant.Tous les géologues qui avaient visité l'Etna, le Vésuve, l'Auvergne, l'île de Ténériffe, l'île de Bourbon (Réunion), etc. et qui avaient observé des prismes massifs de basalte, caractéristiques des pays volcaniques, en étaient revenus avec la conviction que le basalte est d'origine plutonique ou ignée. Cette conviction s'était encore corroborée par la ressemblance des basaltes avec des laves compactes d'une origine volcanique évidente, ressemblance d'autant plus grande que plusieurs laves prennent un retrait prismatique rappelant la forme du basalte. Il y eut donc unanimité sur l'origine ignée du basalte. Bergmann, ayant analysé un basalte de l'île de Staffa, souleva le premier quelques doutes à cet égard. Ces doutes se propagèrent depuis que Dolomieu avait dit que "les basaltes des contrées de l'Éthiopie, employés par les Égyptiens pour leurs statues et leurs ornements, n'étaient point volcaniques; que les naturalistes et les sculpteurs italiens, accoutumés à regarder toutes les pierres noires comme volcaniques, leur avaient attribué cette origine, d'autant plus facilement qu'ils se servaient pour restaurer les statues de laves très compactes." Desmarets avait décrit les basaltes d'Auvergne sous le nom de gabbro, que les Italiens appliquaient à une pierre d'origine aqueuse. Enfin, Werner affirmait avoir vu dans les montagnes de Scheibenberg, en Saxe, que le wacke [2], alors généralement regardée comme de formation aqueuse, passait à l'état de basalte par des nuances insensibles, et il en concluait que cette roche s'était formée dans l'eau.

De cette discordance naquirent des discussions violentes. Les vulcaniens citaient, à l'appui de leur thèse, les expériences de Hall sur la fusion comparée du basalte et du diorites[3] . Hall avait montré que le basalte et le grünstein (diorite), dont l'origine ignée était incontestée, donnaient par la fusion un verre homogène semblable; que ce verre, fondu de nouveau et refroidi lentement, donnait une pierre à cassure terreuse, absolument identique. Les neptuniens opposaient à leurs antagonistes la forme prismatique, comme caractérisant la cristallisation aqueuse. Ils citaient à leur appui la montagne basaltique de Stolpen, à six lieues de Dresde, et les basaltes qui couronnent, en forme de dômes et chapiteaux, les sommets de la chaîne qui sépare la Saxe royale de la Bohème. Ils insistaient particulièrement sur ce que ces dômes ou cônes de basalte avaient pour assises des colonnes multipliées généralement très minces, interposées entre des couches d'autres substances d'une origine certainement aqueuse, telles que des grès, des pierres calcaires, etc. : ces substances sont quelquefois comme entrelacées avec ces couches et en suivent toutes les sinuosités, comme Fortis l'a observé en passant de Valdagne à Schio dans le Vicentin.

Mais comment expliquer la présence, à peu près constante, des basaltes dans des pays évidemment volcaniques? Les neptuniens ne firent qu'accroître les difficultés en disant que "le terrain basaltique est le seul propre à la formation des volcans, que ce terrain leur a donné naissance plutôt qu'il ne l'a reçue d'eux, que les laves basaltiques sont le produit de l'altération des basaltes, et que ces laves sont, avec les basaltes, les seules roches connues qui contiennent une aussi grande quantité de fer."


 
 
 

[1] le mot trapp ou treppe signifie escalier dans les langues germaniques. Il a été donné à une roche noire comme le basalte, et qui se brise en morceaux parallélipipédiques, ce qui fait que les montagnes qui en sont composées, comme en Suède,, offrent dans leurs pentes escarpées, des espèces de gradins.
 
 
 
 
 

[2] Le nom de wacke ou de graywacke s'applique à une roche d'un gris ou noir verdâtre, assez mal déterminée, et qui semble faire le passage des pierres argileuses aux basaltes.

[3] Le nom de diorite a été donné par Haüy à une roche qu'Alex. Brongniart appelait diabase. Composé de feldspath albite et d'amphibole hornblende, le divrite a reçu les noms de grünstein, trapp, cornéenne, ophite, aphanite, suivant qu'elle est verte ou noire, plus ou moins variée de taches comme la serpentine, dans laquelle elle peut se transformer. La protogine, roche talqueuse, granitoïde, l'accompagne.

Ces discussions, où l'on se payait, de part et d'autre, plus souvent de mots et d'hypothèses que d'observations exactes, aboutirent à une sorte d'opinion mixte. D'après cette opinion, professée par Dolomieu, da Rio, Fortis, Spallanzani, etc., les basaltes sont, les uns volcaniques, les autres d'origine aqueuse; les basaltes de Saxe et ceux d'Éthiopie, et probablement ceux d'Écosse et d'Irlande, appartiennent sûrement à cette seconde catégorie, tandis que les basaltes d'Italie et ceux d'Auvergne doivent être rangés, en partie, sinon en totalité, dans la première catégorie. D'après une dernière hypothèse, soutenue par patrin, les basaltes sont le produit d'une éruption boueuse de volcans sous-marins, et c'est à la nature de cette éruption qu'ils doivent leurs principaux caractères. Alex. Brongniart a présenté cette hypothèse comme la plus vraisemblable [4].

La question est aujourd'hui vidée. Sans s'être laissé égarer par quelques cas isolés, d'une anomalie apparente, où des veines de basalte ont pénétré, soit un lit de charbon de terre sans lui avoir enlevé une partie notable de son carbone, soit des couches de grès sans leur avoir donné un aspect de fritte ou de scorie, soit des couches de craie, sans que la craie ait été convertie en marbre granulaire, tous les géologues reconnaissent maintenant que le basalte est un produit de formation ignée, sorti du sein de la Terre à l'état fluide, par de longues fissures [5] ou par des cheminées étroites, plus ou moins cylindriques. (Hoefer).



Principaux ouvrages : Voyage aux îles de Lipari(Paris, 1783, in-8°), où il a consigné ses principaux travaux, suivi d'un Mémoire sur une espèce de volcan d'air, et d'un autre sur la température du climat de Malte, 1783, Sur le tremblement de terre de la Calabre, 1784; Sur les îles Ponces et les produits volcaniques de l'Etna, 1788; la Philosophie minéralogique, 1802, ouvrage qu'il écrivit à Naples dans sa prison. On lui doit aussi : Description de l'éruption de l'Etna (Paris, 1788, in-8°), et divers autresmémoires parus dans le Journal de Physique, le Journal des Mines et dans les Mémoires de l'Académie.
[4] Dictionnaire des sciences naturelles, article basalte (t. IV, p. 121; Paris 1816).

[5] C. Prévost, dans le Dictionnaire d'histoire universelle de Charles d'Orbigny, art. basalte (t. II, p. 483; Paris, 1842).
 
 

 

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