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Denys l'Aréopagite
Les ouvrages du Pseudo-Denys
Denys  (S. ), dit l'Aréopagite, est un évêque et martyr auquel on a attribué des écrits apocryphes qui ont une un écho considérable dans l'histoire du christianisme. Après avoir rapporté le discours que Saint Paul prononça devant l'Aréopage d'Athènes sur le Dieu inconnu, et avoir constaté le peu de succès qu'il obtint, les Actes des apôtres (XVII, 34) disent qu'il y eut cependant quelques personnes qui se joignirent à lui et qui crurent, parmi lesquelles Denys, juge de l'Aréopage, une femme nommée Damaris, et d'autres avec eux. Il est vraisemblable qu'ils constituèrent une petite Eglise à Athènes et que Denys en fut établi évèque, avec les attributions que cet office comportait alors. Aristide, qui écrivait vers 133, donne à Denys le titre de martyr. Des ménologues grecs rapportent qu'il fut brûlé vif vers l'an 93.

Les ouvrages du Pseudo-Denys.
Sous le nom de Denys l'Aréopagite, ont été composés des écrits qui ont exercé une action considérable sur le développement non seulement de la théologie catholique, mais de la littérature, de la poésie et de l'art religieux, et une action plus considérable encore sur l'exaltation de la piété mystique. Cette oeuvre, dans laquelle le néoplatonisme se trouve très habilement et très puissamment combiné avec la doctrine chrétienne, comprend quatre traités et dix épîtres. Traités : 1° Sur la hiérarchie céleste (quinze chapitres) ; 2° Sur la hiérarchie ecclésiastique (sept chapitres) ; 3° Sur les noms de Dieu (treize chapitres) ; 4° Sur la théologie mystique (cinq chapitres). L'auteur adresse ces traités à un personnage qui porte le nom d'un des disciples de saint Paul Denys le Presbytre, à son co-presbytre, Timothée. Parmi les dix épîtres, cinq sont adressées à Gaius; une à Dorothée; une à Sosipatros; une à Policarpe,; une à Démophile; une à Tite, évêque de Crète; une à Jean, c.-à-d. à l'apôtre saint Jean lui-même relégué à Patmos. Une onzième épître, adressée à Apollophanes, ne se trouve que dans une traduction latine attribuée à Scot Erigène. Son authenticité est généralement contestée. De plus, en divers passages de ses traités, l'auteur se réfère à d'autres ouvrages composés par lui et dont il indique le titre. Ces ouvrages n'ont pas été retrouvés. 

Aucun des écrits de Denys l'Aréopagite n'est mentionné par Eusèbe, qui a pourtant dressé avec un grand soin la liste de tous les écrits chrétiens de quelque importance connus de son temps. Même omission chez saint Jérôme, qui a reproduit et complété le catalogue d'Eusèbe. La première mention certaine se trouve dans la relation d'une conférence tenue en 532, à Constantinople, où Justinien avait réuni, avec Hypatius d'Ephèse, des évêques orthodoxes et des représentants du parti monophysite des Sevériens. Ceux-ci, dans le cours des débats, invoquèrent l'autorité de Denys l'Aréopagite; mais Hypathius leur demanda comment il avait pu se faire que Cyrille et d'autres n'eussent eu aucune connaissance de ses écrits : Illa testimonia, quae vos Dyonisii Areopagitae dicitis, unde potestis ostendere vera esse? Si enim ejus erant, non potuissent latere beatum Cyrillum... (Mansi, Concilia, t. VIII, col. 821). 

A partir du moment où ces ouvrages firent leur apparition à Constantinople, on ne les perd plus de vue. Utilisés par les orthodoxes qui, sans plus s'inquiéter de leur paternité, s'empressèrent d'y relever tout ce qui pouvait servir leur cause, ils devinrent dans l'Eglise d'Orient l'objet d'une série ininterrompue de citations et de commentaires. En l'Eglise d'Occident, la référence la plus ancienne est faite par Grégoire le Grand (590-694) qui emprunta à Denys les trois triades de sa hiérarchie céleste, et dit : Fertur vero Dyonisius Areota, antiquus videlicet et venerabilis pater, dicere... copie des ouvrages de Denys fut envoyée, en 758, par le pape Etienne II à Pépin ; une autre par Adrien Ier (772, 795) à Fulcrade, abbé de Saint-Denis; une autre, en 827, par l'empereur Michel le Bègue à Louis le Débonnaire; elle fut déposée à Saint-Denis, où l'abbé Hilduin en fit une compilation et identifia l'auteur avec le saint de son monastère. Sous le règne de Charles le Chauve, Jean Scot Erigène traduisit ces écrits en latin, et y prit une grande partie de la substance de ses propres ouvrages, où la métaphysique religieuse confine au panthéisme

La seconde traduction ne fut entreprise que vers 1170, par Joannes Sarracenus, l'ami de Jean de Salisbury. Autres traducteurs : Robert Grosseteste, évêque de Lincoln (vers 1220) Thomas, abbé de Verceil (1400) ; Ambroise le Camaldule (1436); Ficinus (1492) ; Joachim Perionius (1555) Lanssel (1615); Cordierus (1634), reproduit dans la collection de l'abbé Migne (Paris, 1857). Parmi les traductions françaises, il nous paraît suffisant de citer celle de l'abbé Darboy, plus tard archevêque de Paris : Oeuvres de saint Denys l'Aréopagite, traduites du grec, avec introduction et notes (Paris, 1845, in-8). La première édition grecque fut imprimée à Florence, en 1516. Autres éditions : Rome (1516); Venise (1558, in-8); Paris (1562 et 1615, 2 vol. in-fol.); Anvers (1634, 2 vol. in-fol.) ; Paris (1644, 2 vol. in-fol.); Venise (1755, 2 vol. in-fol.).

On peut dire sans exagération que ces écrits ont exercé une action immense sur la religion catholique : en l'Eglise grecque d'abord, à cause de leur affinité avec les tendances des Orientaux, et par le moyen des scholies de Jean de Scythopolis et de Maxime le Confesseur, et des adaptations de Jean Damascène, le théologien classique de cette Église. On sait quelle fut et quelle est encore en l'Eglise latine l'autorité de saint Thomas d'Aquin, le Docteur universel, le Docteur angélique, l'Ange de l'école. Il s'était tellement pénétré de la doctrine de Denys, et il en a cité si fréquemment les ouvrages, que l'abbé Darboy a pu dire que, s'ils se perdaient, on en retrouverait tous les morceaux dans l'oeuvre de saint Thomas d'Aquin. Pierre Lombard le note comme la principale autorité pour les ordres des anges. Hugues de Saint Victor, l'évêque Grosseteste, Albert le Grand l'ont commenté. Au XVe siècle, Denys le Chartreux l'appelait theologorum principem. Cette admiration était partagée par Tauler, Savonarole et Pic de la Mirandole. Parmi les nombreux poètes que la Hiérarchie céleste a inspirés, Dante, Spenser, Milton et même Shakespeare

Après ceux qui avaient été exprimés par Hypathius d'Ephèse, en la conférence de Constantinople dont il a été parlé plus haut, les premiers doutes sur l'authenticité de l'oeuvre qui se recommande du nom de Denys l'Aréopagite, furent émis par Laurent Valla; Erasme les reproduisit; Daillé en développa les motifs (De Scriptis quae sub Dionysii Areopagitae et sancti Ignatii Antiocheni nominibus circumferuntur; Genève, 1666, in-4). La démonstration de l'inauthenticité semble complète aujourd'hui ; elle est fondée sur le silence d'Eusèbe et de saint Jérôme; sur la difficulté d'expliquer l'obscurité qui aurait enveloppé pendant près de quatre siècles une oeuvre qui se fit une place si brillante dès le moment où elle fut connue, et sur de nombreux indices internes. Néanmoins des écrivains catholiques fort respectables se sont longtemps refusé à l'admettre. En l'introduction de sa traduction, l'abbé Darboy s'efforce, avec plus de zèle que de succès, de la repousser. En effet, il est douloureux de reconnaître entachée de faux une oeuvre qui a joui pendant de longs siècles d'une autorité si grande en l'Eglise. 

Il est plus facile de démontrer que Denys l'Aréopagite n'est pas l'auteur des écrits qu'on lui attribue, que de découvrir cet auteur, ou même d'indiquer simplement le temps et le lieu où l'oeuvre fut composée. On a beaucoup écrit et probablement on écrira beaucoup encore sur ce sujet. Les conjectures qui nous paraissent les plus vraisemblables visent la fin du Ve siècle ou le commencement du VIe, Alexandrie ou Edesse. (E.-H. Vollet).

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