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L'influence
chinoise.
Toute la région orientale
de la Péninsule indochinoise
qui constitue aujourd'hui le Vietnam a été peuplée
dès le Néolithique par des populations d'origine indonésienne
et malaise, ancêtres des populations montagnardes moï;
à l'âge de bronze, sont arrivées du Nord des populations
chinoises qui se sont fondues avec celles qui étaient déjà
sur place pour constituer le peuple viêt, dont on connaît
l'existence d'un premier royaume, le Van lang, dès le IIIe
millénaire (?) ou dès le début du millénaire
suivant, dans la région du Fleuve Rouge, sous la dynastie des Hung
(ou dynastie Hông hàngthi). Le nom de Viêt est, lui-même,
d'origine chinoise. Il dérive du mot Yue, qui signifie Etranger.
Le nom de Viêt-nam (ou plutôt, à l'origine, de Nam-viêt)
donné à l'antique royaume qui se forme dans la vallée
du Song-Koï (Fleuve rouge), signifiant [Pays des] Etrangers du
Sud. Mais l'influence qu'a eue la Chine
sur ce pays va bien au-delà de son nom. Elle a été
particulièrement importante pendant les périodes au cours
desquelles celui-ci a été réduit en province chinoise.
La première remonte à la dynastie des Han
antérieurs et a duré entre 111 av. J.-C. et 39 ap. J.-C.
C'est de cette époque que date la division du Vietnam en trois ky
(provinces) : le Tonkin
(Tong-king), au Nord, l'Annam au centre, la Cochinchine
au Sud (les Européens étendront longtemps le nom de Cochinchine
à l'Annam, la Cochinchine étant appelée Basse-Cochinchine
ou Cochinchine française, à l'époque coloniale).
Une deuxième
occupation chinoise a lieu entre 42 et 186 de notre ère, sous les
Han orientaux. Les Chinois établissent une
nouvelle administration, introduisent les cinq livres canoniques et les
quatre livres classiques de Confucius et de
ses disciples. Le Confucianisme, ainsi apporté par les administrateurs
chinois et les lettrés (mandarins), se superpose à la religion
traditionnelle vietnamienne, qui s'organise autour d'un culte des ancêtres
(le Bouddhisme ,
introduit un peu plus tard, touchera plutôt les couches populaires,
mais connaîtra le même effet de superposition avec l'ancienne
religion). On construit des écoles dans lesquelles on enseigne les
caractères chinois. La littérature
chinoise est également introduite dans l'Annam.
Le pays passera encore
sous domination chinoise de 226 à 540, pendant une période
de trois cent quatorze années; puis une, quatrième fois,
pendant trois cent trente-six ans, de 603 à 939. Et, enfin, la Chine
des Ming s'emparera une dernière fois de
l'Annam en 1407, et cette occupation durera une vingtaine d'années.
Occupation brève d'un Etat qui a déjà,
depuis le Xe siècle, une structure
solide, mais qui laissera aussi son empreinte. Les Chinois imposèrent
aux vaincus un grand nombre de leurs coutumes : le tatouage ,
en usage dans l'Annam, fut défendu; les femmes furent obligées
de porter des vêtements courts à manches larges et les hommes
de porter les cheveux longs. (On n'ignore pas que l'usage de se raser le
haut de la tête et de réunir les cheveux en une longue tresse
qui tombe dans le dos ne date, chez les Chinois, que de la conquête
mongole au milieu du XVIIe siècle).
Tout au long de ces
périodes, les différentes dynasties chinoises ont accordé
aux princes annamites, pendant plusieurs siècles, une investiture
qui n'a d'ailleurs jamais eu un effet pratique sérieux, car elle
n'impliquait pas de concessions mutuelles, d'alliance offensive ou défensive,
mais simplement la remise d'un sceau au chef de la dynastie, - sceau
dont le souverain de l'Annam ne faisait usage que dans sa correspondance
avec le Fils du Ciel, - l'envoi d'ambassades, et le paiement d'un
tribut de médiocre importance. Cette investiture et ce tribut laissaient
subsister entièrement la souveraineté de l'Annam.
Le
Vietnam du Xe s. au
XIXe siècle.
Ngô, Dinh,
Lê, Ly, Tran : les dynasties fondatrices.
La première
émancipation véritable du Vietnam date de 939, après
que le pays se fût libéré de la domination chinoise
sous la conduite de Ngô-Quyên. Mais ce n'est qu'avec Dinh tiên-hoang,
fondateur de la dynastie des Dinh (968 ap. J.-C.) que commence le véritable
essor du pays. Les uns disent que ce Dinh était un chef de voleurs
(P. Tissanier), d'autres qu'il était berger (Reydelet), ou plutôt
que c'était le chef d'une famille puissante (Gaubil);
la tradition historique vietnamienne précise et dit que Dinh était
fils adoptif de Din Chông-tru', gouverneur de Hoangcbâu. Toujours
est-il qu'il s'empara du trône et changea le nom de son royaume en
celui de Dai cù viêt (Dai Viêt). Dinh fut assassiné
par un déséquilibré et fut remplacé par son
fils qui fut supplanté par un général heureux, Lê
hoàn, qui prit le nom de Lê Dai-danh, en montant sur le trône.
A la mort de Lê Ngoa-trien en 1009, Ly'Thai-to s'empara du trône
et fonda la dynastie des Ly, dont la capitale fut installée à
Than-long (site de Hanoï ).
Ce fut par le mariage de Ly Chieu-hoang, dernière reine de cette
dynastie, avec Trân-canh, le neveu du maréchal Tran Thudô,
que le trône passa aux Trân (1225).
Les Lê postérieurs;
l'apogée du Vietnam.
Les derniers princes Trân ayant
été massacrés, les Chinois envahirent l'Annam. Une
lutte pour l'indépendance du pays fut soutenue par Le
lo'i qui finalement monta en 1428 sur le trône sous le nom de Lê
Thaito, fondant ainsi la dynastie des Lê postérieurs. C'est
ce Le lo'i qui changea le nom de Dông dû (Hanoï )
en Dông-king (Tonkin ).
Sous cette dynastie eut lieu la grande révolte des Mac ou des Mou
dont le chef Mac Dang-dong (Mou Ten-yong), vrai faiseur de rois, tient
pendant des années le pouvoir royal en échec. (Les Mac formeront
la première des dynasties dites « usurpatrices »; les
suivantes seront les Nguyên, les Trinh et les Tay so'n). A la suite
d'un arrangement les Mac et les Lê conservèrent leurs possessions
respectives (1541); de là deux dynasties parallèles; les
Mac ont eu pour rois : Mac Dang-dong (1527-1530), Mac Dang-dinh (1531-1540),
Mac Phu'o'c-hai (1540-1546), Mac Phu'o'c-nguyen (1546-1548), Mac Mâu-hiep.
Ce dernier fut enfin battu et mis à mort. La lutte dura longtemps
encore contre les Mac qui s'étaient retranchés dans la région
montagneuse de Cao bang (Kaoping). Les services rendus aux Lê par
Nguyen Câm donnent à ce général et à
ses descendants une position prépondérante et nous voyons
le pouvoir entre les mains de guerriers heureux, les Trinh au Tonkin, les
Nguyên, en Annam et en Cochinchine
avec le titre de Chua, avec un roi Lê ayant le titre de Bua sans
avoir l'autorité. Il y a entre le Chua et le Bua la même relation
qu'entre le maire du palais et le roi fainéant sous les Mérovingiens
ou qu'entre le mikado et le tai'coun avant la Révolution
japonaise (ère Meiji) ( L'Histoire
du Japon ).
-
La
formation territoriale du Vietnam. En rouge, l'antique
royaume
Van Long. En marron, le Daï-Viêt (empire d'Annam) et
son
expansion (marron clair) au détriment du Champa (XVIIe siècle).
Le premier Chua mourut
en 1545 et Trinh Kiem qui avait épousé sa fille usurpa le
titre. La puissance des Chua augmenta d'année en année et
atteignit son apogée sous Gialong (1673). Ils devinrent même
assez forts, pour que l'un des Bua, Vinh Thanh, fils adoptif de Du tông,
fils et successeur de Hi-tông (1705-1729) fût mis à
mort par ordre du Chua (1732) à cause de sa mauvaise conduite. C'est
sous le règne du vingt-sixième roi de la dynastie des Lê,
Lê Hién-tông (Lê Duy-duo, 1740-1786) et sous le
gouvernement de Duê-tông (Dinh-vu'o'ng, ou Huê-vu'o'ng-Nguyên
Phu'o'c-thuân ou Duê-tong hieu-dinh-hoang-dè, 1765-1778),
qu'éclata la terrible révolte dite des Tay sô'n, du
nom des montagnes où s'étaient réfugiés les
premiers rebelles.
La faiblesse des
Nguyên et l'impopularité de leur gouvernement facilitèrent
une révolte qui, après avoir failli anéantir les destinées
de cette dynastie, fut la cause principale de l'établissement de
l'unité de l'empire d'Annam. Une famille tonkinoise du Nghé-an,
prisonnière de guerre, était établie depuis le règne
de Lê Thûn-tong, à Qui-nho'n. L'un de ses membres, Nguyen
Yan-nhac, employé des douanes à Van-dôn, puisa dans
sa caisse pour payer ses dettes de jeu, puis, craignant d'être découvert,
il s'enfuit dans les montagnes Tay so'n, y organisa une bande, grâce
à laquelle, après quelques succès contre les douaniers,
il s'empara de Qui-nho'n par stratagème. Le souverain du Tonkin
profita des troubles pour s'emparer de Huê
(1774) et le Chua de la Cochinchine (Annam), Duê-tông, se réfugia
en Basse-Cochinchine
où, fait prisonnier avec son fils, il fut mis à mort par
les Tay so'n. Cependant le rebelle Nhac, placé entre les Tonkinois
d'une part et les troupes de Dué-tong d'une autre, était
passé aux premiers en qualité de général, puis
il s'était proclamé roi (1777).
Le neveu de Duê-tông,
Nguyên Anh, connu plus tard sous le nom de Gia-long, qui avait accompagné
son oncle dans sa fuite, était désormais l'héritier
de la couronne. Il réussit à reprendre Saïgon
(1776), puis au commencement de 1777, proclamé général
en chef et régent, il continuait la conquête de la Cochinchine .
Cependant les Tay so'n ne restaient pas inactifs; se tournant du côté
des Tonkinois, Huê, frère de Nhac, s'empara de la ville de
Huê ,
puis remontant vers le Nord, à la suite d'une rapide campagne, il
pénétra à Hanoï .
Nhac toutefois laissa le Tonkin
à son roi et répartit la l'Annam et la Cochinchine entre
ses deux frères et lui. Nhac eut le pays depuis Da Nang (Tourane)
jusqu'au Sud de Binh-dinh, Huê, de Dan Nang au Tonkin, Lu', le dernier
frère, une portion du Binh-thuan et la Cochinchine disputée
par Nguyên Anh. Cependant Huê, fort ambitieux, marcha de nouveau
sur le Tonkin dont il se proclama roi. Dans le Sud, Nguyên Anh, après
quelques succès, était de nouveau battu, obligé de
quitter la Cochinchine, et de se réfugier chez le roi de Siam. C'est
alors que Mgr Pigneau de Behaine, l'évêque d'Adran, apportant
l'aide de troupes fournies par le Siam
et d'officiers français, aida Nguyên Anh, à reprendre
l'offensive; la mort de Huê, roi à Huê et à Hanoï
(1791), devait lui être favorable. Après avoir refoulé
les Tay so'n de la Cochinchine, il s'empara de Qui-nho'n.
Les Nguyên.
La division qui s'était mise parmi
les Tay so'n facilita sa tâche; en 1801, Nguyên Anh avait reconquis
l'Annam et la Cochinchine ,
et les derniers Tay so'n s'enfuyaient vers le Laos. La conquête du
Tonkin
terminée en peu de temps, la fuite du dernier roi Lê, en Chine ,
plaça sous un même sceptre tous les pays de la côte
orientale de l'Indochine. Ce pays, que l'on continuera en Occident d'appeler
l'empire d'Annam, retrouve cependant à cette époque son vieux
nom de Viet-nâm.
Gia
Long.
Nguyên Anh
prit le nom de Gia-long (1802). Gia-long, qui allait imposer à
son pays un retours aux moeurs et aux modes d'administration chinois, envoya
une ambassade en Chine ,
où il se fit reconnaître comme empereur du Vietnam. Quelques
difficultés avec le Siam
au sujet du protectorat du Cambodge ,
terminées sans guerre par un traité (1813) qui reconnaissait
les droits de l'Annam, troublèrent seules les dernières années
de Gia-long qui passa son temps à réorganiser son pays fatigué
d'une guerre de 30 ans. Gia-long mourut le 25 janvier 1820, laissant huit
filles et neuf garçons dont l'un, fils naturel, Dam, lui succéda
sous le nom de Minh-Mang.
Min
Bahn et Thieu Tri.
Le règne de Minh-Mang
fut signalé par les persécutions contre les chrétiens,
l'assassinat de ses neveux, et une révolte de la Cochinchine
étouffée dans le sang, Minh-Mang mourut d'une chute de cheval
le 21 janvier 1841, laissant soixante-onze enfants dont quarante-neuf fils
parmi lesquels Nguyên Phû o'c-thi, le remplaça sous
le nom de Thiêu-tri. Une lutte avec le Siam
au sujet du Cambodge
qui dura sept ans, des édits contre les Européens
marquèrent le règne de Thiêu-tri qui ne dura que six
ans. Il mourut en 1847 laissant vingt-six enfants dont 14 garçons
parmi lesquels Hoâng-nhâm lui succéda sous le nom de
Tu-Duc.
Tu-Duc.
Une révolte de son frère
Hoàng-bâo signale le commencement du règne de Tu Duc
qui ne tarda pas à être troublé
par la guerre avec la France ,
qui prit pour prétexte par un massacre de missionnaires. Dès
1847, le commandant Lapierre avait bombardé Tourane (Da nang). Dix
ans plus tard, à la suite de vexations faites à Montigny,
envoyé en mission auprès de Tu-Duc par le gouvernement français,
les Français recommencèrent ces démonstrations hostiles.
Le meurtre de Mgr Diaz, évêque espagnol, vint combler la mesure.
Le gouvernement impérial se décida à agir vigoureusement.
L'expédition française fut renforcée d'un contingent
fourni par l'Espagne ,
et l'amiral Rigault de Genouilly attaqua Da Nang, qu'il détruisit.
Il se porta ensuite sur Saïgon ,
où il s'établit en 1859. La campagne de Chine
l'obligea à suspendre les opérations, qui furent reprises
plus tard et se terminèrent par la conquête de la Cochinchine .
Un traité signé à Saïgon le 5 juin 1862 assura
à la France la possession des trois provinces méridionales
de Giâ-Dinh, de Dinh-Tuong, de Bien-l-loa et de l'île de Poulo-Condor
(Con Son).
Libre de ce côté,
Tu-Duc put tourner ses armes contre Lê-Phung, prétendant de
la famille des Lê, en faveur duquel le Tonkin
s'était soulevé.
La fin du règne
de Tu-Duc fut troublée, au Tonkin ,
par de graves désordres. Des bandes chinoises, composées
d'anciens partisans des Taï-Pings, vaincus par les mandarins mandchous,
se réfugièrent, en 1865, dans les montagnes septentrionales
du Tonkin, sous le commandement d'un certain Ouâ-Tsong. Elles furent
bientôt grossies par l'adjonction de malfaiteurs annamites qui, profitant
de l'effroi produit par l'invasion, se donnèrent, eux aussi, pour
des rebelles chinois. Tu-Duc fit appel au vice-roi des deux Kouang. Une
armée de Chinois s'abattit alors sur le Tonkin : loin de combattre
les pillards, elle fit cause commune avec eux, et Tu-Duc dut prier le vice-roi
de rappeler les périlleux auxiliaires qu'il lui avait envoyés.
Mais, peu de temps après, revenant à sa première idée
et trouvant sans doute avantageuse à sa dynastie la ruine des Tonkinois,
il demanda une seconde fois des secours à la Chine .
Les rebelles, devant cette nouvelle intervention du gouvernerent
chinois, ne purent s'entendre sur les mesures à prendre pour y résister,
et ils se scindèrent en deux groupes, les Pavillons-Noirs
et les Pavillons-Jaunes.
-
Monument
funéraire de Tu-Duc, près de Hué. Photo
: © Angel Latorre, 2008.
Les Pavillons-Jaunes devinrent plus
tard les auxiliaires des Français
au Tonkin .
Mais les Pavillons-Noirs, plus nombreux, bien armés, furent de redoutables
adversaires quand la France
entreprit la conquête Tonkin (1873).
La
guerre du Tonkin.
La Cochinchine
conquise, les Français songèrent à
lui créer des débouchés. Un négociant français,
Jean Dupuis, en fournit l'occasion. Il avait remonté le fleuve Rouge
jusqu'à Man-Hao et était revenu à Hanoï
en 1873; devant l'hostilité des mandarins, il occupa un quartier
de la ville. La cour de Huê
protesta et Jean Dupuis dut abandonner Hanoï. Cependant, un règlement
s'imposait et le lieutenant de vaisseau Francis Garnier fut chargé
de tenter des négociations. Le vice-roi du Tonkin ,
Nguyên, prit une attitude hostile et se fortifia dans la citadelle
de Hanoï. Après un ultimatum resté sans réponse,
Garnier s'empara de la citadelle (20 novembre); ce fut le signal de la
conquête de tout le delta. Mais, le 21 décembre, Garnier allait
traiter avec les Annamites, quand il trouva la mort dans une embuscade
de Pavillons-Noirs.
On suivit, après
sa mort, une politique d'abandon. Le lieutenant de vaisseau Philastre signa,
le 5 janvier 1874, un traité par lequel la France ,
tout en obtenant l'ouverture du fleuve Rouge au commerce, reconnaissait
la souveraineté de l'Annam sur le Tonkin
et s'engageait à évacuer le delta. La France promettait son
appui au roi d'Annam Tu-Duc, mais sans établir de protectorat formel.
Tu-Duc se rapprocha
de la Chine ,
et des hordes de Pavillons-Noirs, soutenus en réalité par
elle, envahirent le Tonkin .
Le gouverneur de la Cochinchine ,
Le Myre de Vilers, envoya à Hanoï
le commandant Rivière, qui, le 26 avril 1882, enleva pour la seconde
fois la citadelle de Hanoï. Mais les Pavillons-Noirs opérèrent
un retour offensif et, au cours d'une reconnaissance, Rivière tomba
dans une embuscade et fut tué le 19 mai 1883.
Des crédits
furent alors votés et le général Bouët fut nommé
au commandement d'un corps expéditionnaire. Haï Phong ,
Hanoï
et Nam-Dinh furent dégagés. Après l'arrivée
de Harmand, commissaire général civil, on décida une
expédition sur Huê ,
qui fut vigoureusement menée par l'amiral Courbet (août 1883).
La cour de Huê sollicita un armistice et, par le traité du
25 août, elle reconnut le protectorat de la France
sur l'Annam et le Tonkin .
Dès qu'il
eut reçu des renforts, l'amiral Courbet reprit les opérations
contre les places fortes occupées par les Chinois et les Pavillons-Noirs;
la citadelle de Son-Tay fut enlevée. Appelé au commandement
de l'escadre d'extrêrne Orient, l'amiral Courbet fut remplacé
par le général Millot, avec les généraux de
Négrier et Brière de l'Isle sous ses ordres. De mars à
juin 1884, les places de Bac-Ninh, Hong-Hoa, Tuyen-Quan furent successivement
occupées. Après des pourparlers engagés par le capitaine
de frégate Fournier avec le vice-roi du Petchili, Li-HongTchang,
une convention fut signée à Tien-Tsin avec la Chine ,
le 11 mai 1884. Ce traité eut pour corollaire celui du 6 juin, négocié
avec l'Annam par Patenôtre, qui fixa le régime du protectorat
de l'Annam et du Tonkin .
Sur la foi du traité
de Tien-Tsin, le général Millot envoya des troupes occuper
Lang-Son, mais elles se heurtèrent à Bac-Lé contre
des réguliers chinois. La guerre fut reprise. L'amiral Courbet pénétra
hardiment dans la rivière Min et détruisit l'arsenal de Fou-Tchéou
le 24 août, puis il fit le blocus de Formose (Taiwan). Le 13 janvier
1885, il coula plusieurs navires chinois et, du 25 au 31 mars, il s'empara
de l'archipel des Pescadores.
En même temps,
au Tonkin ,
où commandait le général Brière de l'Isle,
la prise des positions de Kep et de Chu (octobre 1884) arrêta l'armée
du Kouang-Si; elle fut rejetée au delà de la frontière
après une série de combats qui, commencée le 3 février
1885, se termina le 13 par la prise de Lang-Son. L'armée du Yun-Nan
avait été arrêtée par l'héroïque
résistance de Tuyen-Quan, défendue par le commandant Dominé;
le général Brière de l'Isle vint débloquer
la place le 3 mars. Cependant, après un retour offensif de l'armée
du Kouang-Si, le général de Négrier dut se replier
devant des forces considérables; blessé, il passa le commandement
au colonel Herbinger, qui ordonna la retraite et l'évacuation de
Lang-Son. L'ennemi, redoutant un piège, ne poursuivit pas la colonne
française, et une partie des positions abandonnées put être
bientôt reprise. Les préliminaires de paix, signés
le 4 avril, arrêtèrent les opérations militaires. Le
9 juin 1885, la paix avec la Chine
fut signée à Tien-Tsin; le traité consacrait aussi
la reconnaissance du protectorat de la France
sur l'empire d'Annam.
L'époque
coloniale
Le Vietnam dans
l'Union indochinoise.
Après la signature de la paix
avec la Chine ,
le général de Courcy fut désigné pour remplacer
le général Brière de l'Isle. Ce déploiement
de forces réveilla les méfiances de la cour de Huê .
Dans la nuit du 4 au 5 juillet, les troupes françaises furent subitement
attaquées par les soldats annamites que la cour avait rassemblés
en grand nombre, sous prétexte de rendre des honneurs extraordinaires
au chef du corps expéditionnaire. Après une lutte acharnée,
qui se prolongea jusqu'à sept heures du matin, les Français
restèrent vainqueurs. Le régent Thuyet, l'âme du complot,
s'enfuit dans la forteresse de Cam-Lô, enlevant avec lui le jeune
roi Ham-Nghi, qui fut remplacé par un enfant de sept ans, Donc-Khanh,
un des neveux de Tu-Duc.
Pendant plusieurs
mois, la plus vive effervescence régna dans le Binh-Dinh, le Phuyen,
le Kouang-Binh. Quand, au commencement de 1886, le gouvernement français
se décida à rappeler le général de Courcy et
nomma Paul Bert au poste de résident général,
l'Annam entier était encore en proie à l'anarchie et à
l'insurrection. Paul Bert succomba à Hanoï ,
le 11 novembre 1886. La politique qu'il avait inaugurée consistait
à rendre confiance à la cour de Huê
et à la partie paisible de la population par l'application loyale
des conventions passées entre la France
et l'Annam, à respecter les moeurs et l'organisation annamites,
à éviter les expéditions militaires et le cortège
de vexations, de réquisitions et de corvées qui les accompagnait
trop souvent. Ce programme, tracé par Paul Bert, fut, avec des à-coups
et des périodes plus répressives, celui de Bihourt, Constans,
Richaud, Piquet, de Lanessan, Rousseau, Paul Doumer, qui, après
1887, se succédèrent à la tête, soit de la résidence
générale, soit du gouvernement général de l'Indochine.
Le roi Dong-Khanh,
mort subitement au commencement de 1889, fut remplacé par un jeune
prince de la famille de Tu-Duc, Bun-Lan, proclamé le 31 janvier
de cette même année, sous le nom de Than-Thaï.
Établis dans
les deltas et le long de la côte orientale, les Français cherchèrent
à pénétrer à l'intérieur du pays de
façon à toucher le Mékong sur tout son cours. La question
du protectorat des pays laotiens entraîna un conflit franco-siamois.
En 1893, une escadre française se présenta devant Bangkok ;
la paix, rapidement signée (traité du 1er
octobre 1893 ), fut complétée en 1903 par une convention
franco-siamoise. Les provinces de Battambang et de Siem-Reap firent retour
au Cambodge ,
qui se trouva reconstitué et remis en possession des magnifiques
monuments d'Angkor .
Le passage du royaume de Louang-Prabang sous le protectorat français
permettait à la France
d'enserrer au nord comme au sud le plateau du Laos.
Depuis 1896, les
Français et les Anglais, après avoir fixé les frontières
de la Haute-Birmanie
et des possessions françaises, avaient décidé que
toute la partie méridionale du Siam
serait placée sous l'influence anglaise, et la rive droite du Mékong,
sous l'influence française, la France
et l'Angleterre
s'engageant à respecter le seul bassin de la Ménam. Cependant,
par un traité signé en 1925, la France renonça aux
servitudes qui grevaient à son profit le territoire du Laos siamois,
et décida d'accepter la création d'une commission mixte (franco-siamoise)
du Mékong.
L'Union indochinoise
formait alors une sorte d'État dirigé par un gouverneur général
français et composé de pays (Tonkin ,
Annam, Laos, Cambodge ,
Cochinchine )
administrés selon des régimes différents. L'Indochine
est alors considérée comme une colonie d'exploitation, et
non de peuplement, contrairement, par exemple, à l'Algérie .
Le Vietnam comptait seulement 30 000 Européens, principalement des
militaires, des fonctionnaires et les administrateurs des grandes plantations.
Des efforts sont fait, en partie grâce à la Banque d'Indochine,
pour développer les infrastructures afin de rentabiliser le pays.
Un chemin de fer allant au Yun-nan (Hanoï ,
Lao-Kay, Yun-nan fou), confèrait au commerce franco-annamite dans
cette riche province une situation privilégiée. Des routes
furent construites, de grands travaux sont lancés en vue d'améliorer
la production minière (houillères du Tonkin) et surtout agricole
(rizières en Cochinchine, plantations d'hévéas sur
les terres rouges).
Exploitation
et résistance.
Cependant rien de
tout cela ne bénéficie à la population locale, dont
la situation déjà mauvaise s'aggrave encore. L'économie
monétaire fait place à l'économie villageoise traditionnelle,
au bénéfice de la croissance démesurée de grandes
plantations, et au détriment des cultures vivrières : comme
on ne peut plus vivre de la culture de sa terre, on la vend aux grand propriétaires,
et l'on va travailler pour eux. Le traitement est misérable, la
mortalité très élevée. Ainsi, dès le
début de cette période, une résistance à l'occupation
française s'organise; en particulier chez les lettrés, qui
servent encore de relais dans l'administration. Les changements rapides
des gouverneurs généraux sont d'ailleurs là pour montrer
les hésitations de la France
devant l'opposition rencontrée. Tantôt on opte pour la répression
brutale, tantôt pour une politique plus fine. On s'attache en particulier
à faire émerger dans la population locale une nouvelle classe
formée à l'européenne, destinée à prendre
la place de l'ancienne bureaucratie mandarinale. C'est ainsi que sont créées
des écoles, l'université de Hanoï ,
l'École française d'Extrême-orient, etc. Tout est fait
aussi pour « désiniser » le pays : la langue vietnamienne,
écrite en transcription européenne, se dégage, et
avec elle la littérature, de l'influence qu'avait exercée
sur elle la langue chinoise. De même,
le droit annamite se libère peu à peu des principes du droit
chinois introduit dans les codes compilés par les anciens souverains,
et directement inspirés par la législation de la dynastie
T'ang.
Cette politique n'a
pas empêché la résistance de s'amplifier. La nouvelle
classe éduquée à la française devient d'ailleurs
la plus à même de constater les injustices et prend le relais
de la guérilla qui existait depuis le début de la conquête,
ainsi que de l'opposition des mandarins. De nouvelles revendications voient
le jour dès le lendemain de la Première
Guerre mondiale. Des réformes sont demandées, aussitôt
oubliées par le pouvoir colonial. Divers groupes clandestins fomentant
la révolte contre l'occupant voient alors le jour, et parmi eux
un parti communiste fondé en 1925 par Nguyên Ai Quoc, que
lon connaîtra bientôt sous le nom de Hô Chi Minh. L'effervescence
monte dans les années 1930-1931; les incidents et les émeutes
sont vigoureusement réprimés par l'armée, mais la
France
est contrainte à envisager quelques concessions, en soutenant le
gouvernement du nouvel empereur Bao-Daï (1913-1997), monté
sur le trône en 1932, et les réformes prônées
par le mandarin catholique Ngô Dinh Diem.
En 1940, après
que la France
eût été défaite par l'Allemagne ,
les troupes japonaises
viennent occuper l'Indochine, laissant en place le représentant
de Vichy ,
l'amiral Decoux. La résistance vietnamienne aux occupants s'amplifie,
en même temps que s'organisent des mouvement nationalistes. Certains
de ces derniers serviront peu à peu de point d'appui aux Japonais,
qui, en 1945, finissent par renverser l'autorité française
(9 mars ) et faire proclamer une indépendance de façade à
l'empereur Bao Daï et au roi du Cambodge .
Parallèlement, d'autres mouvements nationalistes et de résistance
de toutes tendances ont commencé à se regrouper dès
septembre 1941, à l'initiative de Hô Chi Minh, pour former
le Viêt-minh ou Ligue pour l'indépendance du Vietnam. Organisation,
dans laquelle le parti communiste jouera rapidement le premier rôle.
Dès la défaite du Japon et l'abdication de Bao Daï,
le Viêt-minh proclamera, le 29 août 1945, la République
démocratique du Vietnam, comprenant les trois ky (Tonkin ,
Annam et Cochinchine ),
avec comme capitale Hanoï ,
et à sa tête un gouvernement provisoire dirigé par
Hô Chi Minh.
Vers l'indépendance.
Aussitôt après la déclaration
d'indépendance, la France
entreprend de rétablir sa souveraineté sur le Vietnam. Des
combats ont lieu, qui permettent notamment au Français
de reprendre pied à Saïgon .
Le 6 mars 1946, des accords sont signés entre le représentant
du haut-commissaire en Indochine et Hô Chi Minh. La France reconnaît
la République démocratique du Vietnam, formée des
anciens protectorats du Tonkin
et de l'Annam, comme un État libre dans le cadre de la Fédération
indochinoise, accord par lequel la France reconnait la nouvelle République
comme un État libre, mais elle refuse de lâcher la Cochinchine ,
qui conserve son statut de colonie. C'est un accord qui laisse insatisfait
le Viet-minh, qui revendique toujours la Cochinchine. Une conférence,
qui se tient à Fontainebleau,
de juillet à septembre 1946, entre Hô Chi Minh et les autorités
françaises (Georges Bidault), consacre la rupture. Les deux parties
se préparent à la guerre.
La
Guerre d'Indochine.
Un corps expéditionnaire
français, bien armé est envoyé en Indochine et se
trouve confronté à des troupes, dans un premier temps mal
armées, mais qui peuvent s'appuyer sur le soutien de la population,
et même la bienveillance des États-Unis ,
qui affichent leur hostilité au colonialisme. Les hostilités
sont déclenchées le 23 novembre 1946, par le bombardement
français de Haï Phong .
Il est suivi, le 19 décembre d'une réplique du Viet-minh,
qui attaque Hanoï .
En 1948, après la victoire des communistes en Chine ,
le conflit entre dans une nouvelle phase. Le Viet-minh bénéficie
désormais du soutien des Chinois, tandis que les États-Unis,
qui placent désormais cette guerre dans le contexte du conflit Est-Ouest,
font pression sur la France
pour qu'elle accorde l'indépendance au pays, en l'abandonnant à
l'ex-empereur Dao Baï. Ce sera finalement la bataille décisive
de Diên Biên Phu (du 13 mars au 7 mai 1954), où 15 000
soldats français, encerclés dans une cuvette indéfendable
par les 72 000 hommes du général Giap, qui allait conduire
à la signature, à Genève
(21 juillet 1954), d'un accord de cessez-le-feu. La conférence de
Genève réunit Pham Van Dong, représentant du Viet
Minh, et Pierre Mendès-France, président du conseil, en présence
de Anthony Eden, premier ministre britannique. Au total, après huit
ans de guerre, les Français auront engagé 570 000 hommes
(dont 225 000 vietnamiens), et perdu 70 000 hommes. Dans le camp adverse,
la guerre aura coûté 500 000 vies.
Le
Vietnam depuis 1954
La conférence de Genève
avait prévu une partition provisoire du pays. La partie du Vietnam
située au Nord du 17e parallèle
passait immédiatement sous le contrôle du Viet-minh et adoptait
Hanoï
pour capitale. La partie au Sud de cette ligne, avec
Saïgon
pour capitale, restait sous le contrôle de la France
jusqu'à la tenue d'élections générales, prévues
au plus tard en mai 1956 et qui devaient déboucher sur la réunification
du pays. L'Inde ,
la Pologne
et le Canada
avaient même mandatés pour s'assurer de l'application de la
convention, mais ce programme n'allait pas se dérouler comme
prévu.
Le Nord et le
Sud.
La situation du Vietnam
ressemble désormais trop à celle de la Corée ,
elle aussi divisée en deux depuis 1953, pour ne pas devenir un nouveau
point de fixation de la Guerre froide. Le Vietnam du Nord, devenu la République
démocratique du Vietnam, se range du côté des puissances
communistes, tandis que le République du Sud Viet-nam, duquel se
retirent rapidement les Français, passe (en même temps que
le Cambodge )
sous la protection des États-Unis .
La
République démocratique du Vietnam.
Dans un premier
temps, le Vietnam du Nord, dont le président est Hô
Chi Minh, le premier ministre, Pham Van Dong et le ministre de la défense
le général Vô Nguyên Giap, avait adopté
une constitution rappelant celle des pays occidentaux (1946). Mais bientôt
une nouvelle constitution d'inspiration marxiste, a été élaborée
et sera mise en application le 1er janvier
1960. Elle donne le pouvoir au parti communiste vietnamien, appelé
Parti de travailleurs (Lao Dong), et que dirigea d'abord Dang Xuan Khu,
et à la tête duquel se trouve Hô Chi Minh, depuis 1956
et jusqu'à sa mort en 1969 .
Les réformes
économiques, sociale et culturelles, esquissées pendant la
guerre prennent de l'ampleur, grâce au soutien de la Chine
et de l'Union soviétique .
On s'attache à combattre l'analphabétisme, en même
temps que les biens de production sont collectivisés. Une réforme
agraire a lieu, qui place notamment sous le contrôle de fermes d'État
les plantations de produits agricoles industriels, tels que le caoutchouc,
le thé, le café et le tabac; et de façon générale
une grande partie du secteur agricole relève de fermes collectives
ou se trouve « communautarisé » (ce qui peut être
vu comme un retour au structures traditionnelles du monde rural dans le
pays); devant la famine qui menace (le Nord est surpeuplé et les
rizières sont surtout au Sud), de nouvelles méthodes de riziculture
sont expérimentées. Un début d'industrialisation,
qui peut s'appuyer sur de notables richesses minières, est également
amorcé selon les principes de l'économie socialiste : industries,
banques, transports et organes d'information sont nationalisés.
La
République du Vietnam.
La situation économique
du Sud-Vietnam contraste avec celle de son voisin du Nord. L'économie,
ici, reste celle de type occidental, héritée de la période
coloniale; de plus les rôles de l'industrie et de l'agriculture sont
inversés. Le démarrage d'une industrie pâtit du manque
de matières premières, tandis que les riches deltas
favorisent la production agricole. Du point de vue culturel, la France
fermement poussée vers la sortie, ne garde qu'une petite influence,
et ce sont surtout les États-Unis
qui s'imposent, notamment par l'octroi de bourses, qui permettent à
des jeunes Vietnamiens d'aller faire leurs études dans les universités
américaines.
Cependant la principale
différence tient à l'instabilité politique du Sud.
Au moment des accords de Genève, le
Vietnam, malgré l'abdication de Bao Daï était encore
sur le papier un empire. En pratique, un nouveau régime, s'était
mis en place dans la région de Saïgon ,
sous la conduite Ngô Dinh Diem, l'ancien promoteur d'une tentative
de parlementarisation du régime impérial. Le 26 octobre,
la République du Vietnam, qui se définit comme anti-communiste
et nationaliste, est officiellement proclamée. Le pays reste entre
les mains de Diem et de son proche entourage, dont le pouvoir autoritaire
peut compter sur le soutien, à l'intérieur, des catholiques
et, à l'extérieur, des États-Unis
(aide financière et militaire).
Diem s'emploie à
éliminer méthodiquement toutes les oppositions, à
commencer par les sectes Cao Dai, Hoa Hao et Binh Xuyen. En 1963,Ngô
Dinh Diem est assassiné. Un gouvernement , dirigé par
le bouddhiste Nguyên Ngoc Tho est alors
mis en place. Mais, dès janvier 1964, il est renversé par
les militaires, qui désignent pour président le général
Nguyên Van Thieu (vice-président le général
Nguyên Cao Ky) et pour premier ministre Tran Van Huong. Bien que
divisés entre neutralistes (Thich Tri Quang) et anticommunistes
pro-américains (Thich Tam Chau), les bouddhistes deviennent dès
lors une composante importante de la résistance au régime
militaire, comme le montrent les violentes manifestations des mois suivants,
et qui sont écrasées dans le sang.
L'autre composante
importante de l'opposition est constituée par le Front national
de libération (F.N.L.), un mouvement armé fondé en
décembre 1960, avec le soutien du Nord-Vietnam, et issu du comité
de Saïgon-Cholon pour la paix, qui avait été fondé
en 1954 par Nguyên Huu Tho, et ne revendiquait, au départ,
que l'application des accords de Genèveet
l'organisation d'élections. Le F.N.L, plus connu sous le nom de
Viêt-cong, bénéficiant des abus du régime, de
son inefficacité en matière économique, de la corruption
qui règne parmi les dirigeants, et aussi d'une propagande active,
a su vite se rallier une partie de la population des campagnes. Cette montée
en force d'une guérilla communiste inquiète autant la junte
au pouvoir que les Américains qui envoie sur place, dès 1961,
un premier corps expéditionnaire. C'est le début d'une escalade,
initiée sous la présidence d'Eisenhower, poursuivie par Kennedy,
puis par Johnson, et qui aboutira en 1965 au déclenchement d'une
guerre ouverte.
La
Guerre du Vietnam.
Dès 1961,
15 000 conseillers militaires américains sont venus encadrer l'armée
sud-vietnamienne, et des bases militaires sont bientôt construites
par les États-Unis ,
qui se montrent pourtant impuissants à contrer les attaques du Viêt-cong,
soutenu par son équivalent laotien, le Pathet Lao. En 1964, avec
l'arrivée à Saïgon
de l'ambassadeur Cabot Lodge et du général Westmoreland,
et la montée des renforts militaires, c'est une politique américaine
plus dure qui s'exprime, et permet à l'armée sud-vietnamienne
de se montrer plus offensive. Sous un prétexte fabriqué,
les États-Unis bombardent une première fois le Vietnam du
Nord le 5 août 1964. Les bombardements se font sytématiques
au début de 1965. 200 000 soldats américains sont dépêchés
au Sud-Vietnam (débarquement des marines, le 8 mars 1965);
ils seront le double l'année suivante, et atteindront un effectif
de plus de 500 000 fin 1967.
Début 1968,
le Viêt-cong, secondé par des troupes infiltrées venues
du Nord, lance une grande opération contre les villes du Sud, connue
sous le nom d'offensive du Têt (du nom du nouvel an vietnamien).
Elle échoue militairement, mais c'est un succès politique,
qui rend de plus en plus intenable la position des États-Unis .
Le massacre de My Lai, perpétré par les troupes américaines
et où 500 civils sont tués, fait partie des événements
qui, avec la conscription et le nombre croissant de victimes américaines,
font monter le mouvement pacifiste en Amérique. Les États-Unis
acceptent finalement des négociations, qui se tiennent à
Paris en mai 1968. Elles seront poursuivies
sous l'administration du président Nixon, et après la mort
d'Hô Chi min, en 1969, qui, envisage une « vietnamisation-»
du conflit : ce qui signifie, à la fois un désengagement
militaire américain et un renforcement de l'aide des États-Unis
à l'armée sud-vietnamienne, qui passera bientôt à
1 million d'hommes. En 1970, Henry Kissinger, alors conseiller américain
à la sécurité nationale, et Lê Duc Tho, le représentant
du Vietnam du Nord, se rencontrent à Paris pour engager de nouveaux
pourparlers. Ils aboutissent, en janvier 1973, a des accords suivis d'une
trêve. Les troupes américaines quittent le Vietnam dès
le mois de mars suivant. Mais la guerre reprend bientôt entre
Nord et le Sud. En 1975, les troupes nord-vietnamiennes lancent une grande
offensive qui leur donne le contrôle de tout le Vietnam du Sud, dont
le président Duong Van Minh signe la reddition.
La Guerre du Vietnam
se termine avec un bilan effroyable. Deux à trois millions de morts,
autant de blessés; près de trois millions d'hectares de forêts
détruites par l'usage de défoliants (« agent orange
») largués par les avions américains, et plus de bombes
lâchées par ces mêmes avions que pendant toute la Seconde
Guerre mondiale en Europe .
Et on estime qu'à ce jour (2007) environ cinquante mille personnes
ont été tuées depuis la guerre par des mines antipersonnel
disposées lors du conflit, ou par des munitions qui n'avaient pas
explosé à l'époque.
La reconstruction.
Le Sud-Vietnam, d'abord occupé
militairement par les troupes du Nord se trouve intégré officiellement
au sein de la République socialiste du Vietnam, proclamée
le 2 juillet 1976. Saïgon
est renommée Hô Chi Minh Ville. L' intégration est
brutale : les partis politiques sont interdits, des centaines de milliers
de personnes plus ou moins indirectement impliqués dans le régime
précédent sont envoyés dans des camps de rééducation,
l'économie exsangue est collectivisée. Même les campagnes,
qui naguère avaient soutenu le Viêt cong, se sentent désormais
victimes du nouveau régime et tentent de résister. La conséquence
de tout cela est un désastre humanitaire de grande ampleur. Près
d'un million et demi d'habitants fuient le Vietnam; la moitié environ
par la mer sur des embarcations de fortune - ce seront les boat people.
En décembre
1978, le Vietnam, qui dans les dissensions qui opposent alors la Chine
et l'URSS
s'est rangé dans le camp de cette dernière, envahit le Cambodge ,
où le régime des Khmers rouges de Pol Pot, en place depuis
1975, est soutenu par la Chine. Le renversement des Khmers rouges suscite
une réplique de Pékin qui, en
février 1979, lance ses troupes sur la frontière nord du
Vietnam. L'affaire n'ira pas plus loin, mais ce nouveau conflit ajouté
à une gestion économique catastrophique, débouche
sur une grave crise alimentaire en 1979-1980. La dépendance économique
et militaire du pays envers l'Union soviétique devient ainsi de
plus en plus grande.
Quand les évolutions,
qui s'amorcent à Moscou, à partir
de 1986 (Perestroïka = restructuration), conduisent au tarissement
progressif de son aide, les autorités vietnamiennes - malgré
les résistances de la vieille garde communiste - ne peuvent qu'envisager
une évolution de leurs structures économiques, en même
temps qu'un assouplissement de leurs relations avec les pays occidentaux.
Sous l'autorité de Nguyên Van Linh, nouveau leader du parti
communiste qui reste tout-puissant, une politique dans une certaine mesure
parallèle à celle qui est engagée en URSS
et qui prend ici le nom de Doi Moi (= rénovation). Un maillage
serré de milliers d'entreprises d'État persistera, mais on
décollectivise l'essentiel de l'agriculture et restaure les anciennes
exploitations familiales, on ouvre l'économie aux capitaux étrangers
(en provenance du Japon ,
de Taiwan et de la Corée
du Sud principalement).
Le Cambodge a été
évacué en septembre 1989 et les relations avec la Chine
rétablies en 1991. La constitution adoptée en 1992 consacre
cette évolution en instituant une certaine liberté économique
tout en réaffirmant le rôle directeur du Parti communiste.
Ainsi, c'est à un modèle politique et économique «
à la chinoise » que l'on songe désormais. Toutes
proportions gardées les résultats seront similaires (la croissance
annuelle du PIB en 2006 a été de 7,8%). Les États-Unis
lèvent leur embargo en 1994 et des relations diplomatiques sont
rétablies l'année suivante. Le président américain
Bill Clinton visite même le pays en 2000. Une normalisation complète
des relations entre les États-Unis et le Vietnam (accords commerciaux
(2001), ouverture de liaisons aériennes régulières
(2004), financement d'études sur les effets de l'utilisation de
l'agent orange (2007), etc.) a eu lieu dans les années suivantes.
En janvier 2007, le Vietnam, après douze ans de négociations,
est devenu membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). (H.
Cordier).
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